Carib Islander
La partie de moi qui avait été
élevée dans la droiture et l'honnêteté accueillit le verdict et la condamnation
qui lui correspondait, la prison à perpétuité, comme une juste pénitence pour
mes péchés. L'autre partie devint rouge de rage. Et croyez-moi quand je vous le
dis, la couleur de la rage est le rouge. Tout vif et luisant, comme un sang
fraîchement versé.
Et si le rouge est la couleur de la fureur, la couleur du désespoir est le
gris. Un gris industriel, comme dans la peinture écaillée qui orne l'intérieur
de ma nouvelle demeure, la prison d'Azkaban. C'est la couleur des espoirs
perdus et des rêves anéantis. C'est la teinte mate et monochrome de la perte de
l'innocence.
Comment j'en suis arrivée là ? Bonne question à laquelle je vais vous répondre. Je n'avais que 15 ans lorsque l'irréparable s'est produit. Ma mère, descendante d'une longue lignée de sorciers était une source de chaleur et de gentillesse intarissable que moi et mon frère adorions. Kyle était mon frère aîné, âgé d'une dizaine d'années de plus que moi, il avait hérité du caractère conciliant et chaleureux de notre mère. Quant à notre père… il était la source de tous nos ennuis. Je n'ai découvert qu'assez tard qu'il était un mangemort redoutable par son manque de sang froid, sa cruauté et sa violence sans pareille. Tout s'est passé si vite ce soir là qu'il me serait impossible de tout raconter dans les détails. Mon père avait demandé à s'entretenir avec Kyle d'une affaire importante. Rapidement, des cris de colère et d'injures ont pris place dans la petite pièce et lorsque ma mère ouvrit la porte dans l'espoir de les calmer, tout ce que nous vîmes ne fut qu'un éclair vert, et le corps de Kyle étendu sur le sol, les yeux dans le vague. Je me souviens encore parfaitement du hurlement de ma mère devant le spectacle, de ses larmes qui coulaient abondamment entre deux sanglots et la rage avec laquelle elle se jeta sur mon père dans l'espoir de le blesser. Non, de le tuer. Je me souviens parfaitement aussi de la violence avec laquelle il l'avait rejeté au sol, la ruant de coups et d'injures. Je me souviens de ses paroles qui répétaient sans cesse que nous n'étions qu'un poids pour lui, une écharde dans sa main qui l'empêchait d'agir comme il le voulait. Et je me souviens du regard implorant de ma mère dans ma direction alors que la vie s'échappait doucement d'elle. La suite n'est qu'une succession d'évènements brouillés et ceux qui m'ont examiné m'ont dit être atteinte d'amnésie. Tout ce que je sais, c'est que ce soir là, ma vie bascula complètement, du tout au tout.
Les juges ne trouvant que moi sur les lieux du carnage, sans aucune égratignure et totalement perdue leur suffirent à tirer leurs propres conclusions de l'histoire. Je fut déclarée coupable du meurtre de deux membres de ma famille par un sortilège impardonnable, ce qui me valut la prison à perpétuité. Il y a encore beaucoup de chose qui m'échappent à ce jour, et cette nuit où mon existence a basculé, il s'y est produit quelque chose dont je ne connaîtrais probablement jamais la nature. C'est bien là mon seul regret.
Durant les huit premières années
après que j'ai passé les portes en acier cabossées pour entrer ici, le gris est
devenu plus une bénédiction qu'une malédiction, mais lorsque j'ai posé les yeux
sur cette couleur pour la première fois, j'ai éprouvé cette étrange sensation
d'un souffle de vent puissant et violent, qui se serait dressé et aurait foncé
sur moi, m'emportant avec lui pour se perdre dans une contrée inconnue. D'une
étrange façon, cette sensation m'était presque familière, comme si cela m'était
arrivé auparavant dans une vie antérieure inconnue.
Bon, normalement, je ne suis pas le genre de personne qui croit au karma et aux
vies antérieures ou à la projection astrale, mais si, du plus profond de mon
subconscient je peux retirer du bien-être dans ce naufrage, je suis plus
qu'heureuse de faire avec. Cette sensation m'a permis de rester saine d'esprit
au cours des premiers mois de ma nouvelle incarcération. Puis les mois se sont
transformés en années, et les années en rayures que je marquais sur les murs de
ma cellule afin de garder une notion du temps correcte. Et puis il faut dire ce
qu'il est : ça m'occupait.
Quoi qu'il en soit, je ne sais toujours pas par quel miracle j'ai pu tenir 8 ans dans cet enfer de lamentations, de folie et de morosité. Je ne sais pas non plus comment ce miracle est arrivé… mais il est arrivé un jour par le biais d'une simple lettre. Une simple lettre avait de nouveau fait basculer ma vie, pour la seconde fois. Le directeur de la prison m'en fit part immédiatement et sans plus comprendre le charabia ministériel de la lettre j'étais mise à la porte de la prison. Tout ce que j'avais pu comprendre dans le flot abondant de paroles du petit homme chauve qui dirigeait la prison, c'était qu'un certain Dumbledore avait intercédé en ma faveur et pu prouver au moyen d'aides extérieures mon innocence sur l'hécatombe qui s'était abattue sur ma famille quelques années auparavant.
J'avais la désagréable impression d'être un vulgaire objet soufflé au gré du vent sur des sentiers inconnus. Ce n'était pas que cela me déplut de franchir les lourdes portes de la prison d'Azkaban et de sentir le soleil sur mon visage pour la première fois en huit longues années, mais je ne comprenais décidément plus rien à ce qu'il m'arrivait. Je fermais les yeux, appréciant cette brise légère qui venait balayer mon visage. Je ne sais pas combien de temps je restais là, les yeux fermés devant la triste bâtisse qui m'avait ouvert ses portes autrefois et je m'en fichais pas mal. Ce ne fut qu'un toussotement qui me fit prendre conscience que je n'étais pas toute seule comme je l'avais cru l'espace d'un instant.
Je tournais la tête, les yeux de nouveaux ouverts sur le monde et sa réalité. Devant moi se tenait un homme d'âge mûr, une longue barbe blanche tombant sur sa grande robe bleue nuit et son regard pétillant visible derrière ses lunettes en demi-lune. Je restais presque muette devant la prestance que l'homme dégageait.
« Tu as bien changé depuis tout ce temps, Mary. » Dit-il finalement au bout de quelques minutes de contemplation.
« Je… Qui êtes-vous ? »
Un sourire triste pointa sur son visage et il s'approcha calmement vers moi.
« Ainsi les rumeurs étaient vraies, tu as perdu la mémoire… Je suis Albus Dumbledore, directeur de Poudlard, l'école de magie dans laquelle tu as fait tes études autrefois. »
« Poudlard… » Le mot me disait vaguement quelque chose en effet. Je l'avais connu, oui mais impossible de mettre une image ou un nom sur quoi que ce soit de cette période de ma vie. Mes souvenirs ne se résumaient qu'à cette soirée d'automne tragique où j'avais tout perdu.
« Viens, je t'emmène dans un endroit où nous pourrons discuter devant une bonne tasse de thé. L'endroit ici n'est guère propice à une discussion. » Sa voix était douce et calme, poussant mon esprit à lui faire confiance.
J'acquiesçais doucement et il me sourit, posant sa main sur mon épaule.
Tout se passa très vite, et lorsque je rouvris les yeux, j'étais dans une pièce assez vaste, encombrée d'objets tous plus insolites les uns que les autres. C'était assez fascinant pour moi qui n'avais rien connu d'autre que les murs gris de ma cellule durant huit années. Le vieil homme se plaça derrière le large bureau qui ornait la pièce et fit apparaître d'un coup de baguette un plateau de thé fumant, indiquant d'un petit signe de la main que je pouvais me servir ce que je fit.
« As-tu un endroit où aller maintenant que tu es libre Mary ? »
Je levais les yeux de ma tasse au goût de framboise.
« Non… » Et c'était la vérité, j'étais complètement larguée et il était tout simplement hors de question que je retourne dans ce qui avait été par le passé mon ancienne demeure familiale.
« Je vois, je m'y attendais. »
« Pourquoi m'avez-vous sortie d'Azkaban ? Excusez-moi mais pour être franche je ne comprends rien à ce qu'il se passe. »
« Cela fait huit ans que j'essaye de t'en sortir. Je sais que tu n'es pas responsable de ce qu'il s'est passé ce jour là. J'ai plusieurs relations qui ont confirmé ce que je savais déjà : Tu étais incapable de tuer qui que ce soit. Il ne me restait plus qu'à avancer des preuves pour te sortir de là et je suis navré que cela ai mit autant de temps. »
« Je vous dois ma liberté, merci. » La réponse sincère m'émut plus que je ne m'y attendais. C'était tout de même étrange de savoir que quelqu'un avait crut en moi pendant tout ce temps.
Je bus une autre gorgée de mon thé, laissant mon regard vagabonder de nouveau sur la pièce. Mon attention se posa sur un vieux chapeau et attisa ma curiosité ce qui n'échappa pas au regard amusé de Dumbledore.
« C'est le choixpeau, son rôle est de répartir les élèves de première année dans les quatre maisons de Poudlard. »
« Oh… et quelles sont-elles ? »
« Gryffondor, Serpentard, Poufsouffle et Serdaigle. »
Oui, ces noms me revenaient à l'esprit doucement, mêlant nostalgie et fascination sur ce passé qui m'échappait encore.
« Et j'étais dans quelle maison ? » osai-je demander.
« Vous étiez à Serpentard »
Le vieil homme se leva dans ma direction, un sourire doux et confiant.
« Viens, je vais te montrer où tu vas loger pendant quelque temps. Je ne peux pas te garder ici pour le moment et il serait mieux pour toi de te reposer un peu pour le moment. Il faut que tu réapprennes à utiliser la magie et il saura parfaitement s'occuper de toi. »
« Qui ça ? »
« Celui qui a pu avancer les preuves nécessaires à ta libération, ton ancien directeur de maison, Severus Rogue. »
Severus Rogue, un nom bien familier à mes souvenirs. J'ignorais encore pourquoi mais il ne m'inspirait pas franchement la quiétude que dégageait Dumbledore. Sans un mot de plus, je me levais, prête à partir encore une fois et je regardais la pièce une dernière fois. Le cœur serré, j'avancais vers le directeur qui reposa sa main sur mon épaule. Cette fois ci, je tentais de garder les yeux ouverts et cela me parut étrange, j'avais l'impression de glisser dans une lumière blanche.
Lorsque je sentis de nouveau la terre ferme sous mes pieds je fut surprise de nous retrouver dans un endroit très… rustique. C'était réellement un paysage de toute beauté qui suspectait en même temps quelque chose de mystérieux. De grandes plaines s'étendaient tout autour de nous et je pouvais voir au loin la mer et le bruit fracassant des vagues sur les rochers sonnait à mes oreilles comme un grondement subtil et tranquille. Nous étions sur un petit chemin en terre, au bout duquel se trouvait une maison aux murs de pierre. C'était assez irréel quand j'y repense… Dumbledore me regarda en souriant.
« Bienvenue en Irlande Mary. »
Comme si les mots sortaient tout seuls de ma gorge, je ne pu m'empêcher de murmurer, comme pour ne pas troubler la quiétude des lieux « C'est magnifique… »
« Oui, je comprends qu'il aime cet endroit. Allons, viens avant d'attraper froid. »
Je le suivis sur le petit sentier, nos pas fendant la légère brume qui recouvrait le sol, rythmés par le rugissement lointain des vagues. Arrivés devant la maison qui était plus grande qu'il ne m'avait semblé lorsque je l'avais vue au loin, Dumbledore frappa deux coups sur la porte et me fit un léger clin d'œil.
« Surtout, ne te fie pas aux apparence Mary, il est un peu ronchon mais pas méchant du tout. »
La remarque si elle était faite pour me rassurer n'eut pas le but escompté. Ma première impression de ce moment fut assez catastrophique en fait. La porte s'ouvrit un peu brusquement, laissant apparaître un homme assez grand, aux cheveux noirs et au teint blême. Il parut tout d'abord surprit de la visite de Dumbledore et lorsque son regard se posa sur moi… Comment décrire ce regard ? Stupéfaction, incrédulité, panique, dégoût ou colère ? Je n'arrivais pas à dire ce qu'il pouvait ressentir à ce moment là si ce n'est que ma venue ne l'enchantait pas vraiment. Son regard se posa sur Dumbledore, puis moi, puis encore Dumbledore. Il ne comprenait pas plus que moi la situation je crois.
« Bonjour Severus. Nous permettez-vous d'entrer ? »
Dans un geste de la main et sans cesser de me dévisager, il nous fit entrer. L'endroit était assez spacieux, et bien que peu meublé, il se dégageait des lieux une harmonie pas désagréable. J'entendis la porte se refermer un peu brusquement derrière moi et je sursautais, trop nerveuse pour contrôler mes gestes. Dumbledore s'était avancé dans la pièce et se retourna vers moi, un regard confiant. Notre hôte lui, était nettement moins détendu et attendait visiblement des explications, les bras croisés.
« Severus, voici Mary Quant. Mary Quant, voici Severus Rogue. »
« Qu'est-ce que ça signifie ? Je croyais qu'une fois sortie VOUS vous occuperiez d'elle. A Poudlard ! » ne manqua t-il pas de préciser à l'attention de Dumbledore qui ne paraissait pas plus embêté que ça de la situation.
« Severus, vous savez très bien que dans l'état actuel des choses je ne peux pas m'occuper d'elle à Poudlard. De plus vous êtes son directeur de maison et de ce fait, la seule personne en qui elle puisse réellement compter pour le moment. »
« Et qu'attendez-vous de moi au juste ? »
« Que vous la logiez quelques temps, elle n'a nulle part où aller et ses pouvoirs ont été affaiblis pendant huit années Severus, elle a besoin de retrouver ses acquis. »
« Combien de temps ? » demanda Rogue, le regard perdu dans l'absurdité des évènements qui nous tombaient dessus à tous les deux.
« Deux mois tout au plus. C'est important Severus, je vous en prie… »
Mon ancien directeur de maison n'avait pas l'air plus enchanté que moi devant la perspective de deux mois à passer ensembles sous le même toit. Il se tourna vers moi, le regard indéfinissable.
« Très bien. »
Un sourire triomphant apparut alors sur le visage de Dumbledore ce qui devait faire un contraste assez saisissant devant les mines peu enthousiastes de mon hôte et moi.
« Mary, si tu as des questions ou le moindre problème, n'hésite pas à m'envoyer un hibou. Même loin je reste à ta disposition. »
Je hochais timidement de la tête. Le regard inquisiteur de Rogue me transperçant de part en part, inutile de préciser que j'étais complètement perdue et que l'inquiétude me rongeait les os comme jamais. Dumbledore jeta un regard à Rogue qui détourna enfin son attention de moi.
« Merci Severus, prenez soin d'elle. »
Il ne prit même pas la peine de lui répondre, comme si un simple regard entre les deux hommes suffisait à se comprendre mutuellement. Sans un mot de plus, le vieux directeur disparut dans un bruit sourd et nous restâmes là, perdus dans nos pensées.
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Je sais que c'est pas bien de commencer une fic alors qu'une autre n'attend que d'être continuée mais une fois de plus je n'ai pas pu résister à la tentation T_T Promis je ne laisse pas tomber « Loin du Monde » et je m'y attèle dès mon départ en vacances où j'aurais tout le loisir de m'y consacrer. J'espère néanmoins que cette fic là vous plaira (elle me paraît assez spéciale du fait que la narration se fait à la première personne) et je vous laisse le premier chapitre en lecture. N'hésitez pas à me faire part de vos remarques. Je m'absente deux semaines et j'espère revenir avec quelques chapitres sous le bras ^_^ See ya !
