UN AMOUR INOUBLIABLE
Par Mallory Quinn
Chapitre 1
"Deux navires perdus dans le brouillard"
Le soleil brillait à Londres mais ne chauffait pas du tout l'atmosphère. C'est la fin du mois de décembre, le dernier jour en fait, le 31, la période des fêtes et Candice Neige André resserrait l'écharpe autour de son cou. Elle était en Europe en vacances, du moins en quelque sorte. Elle devait participer à des conférences sur la médecine. Comme elle était infirmière, elle se demandait si elle devait faire le pas suivant et devenir docteur. Albert l'avait envoyé en Europe à ces conférences pour qu'elle se fasse une idée et qu'elle prenne la bonne décision. Elle en avait profité pour faire du tourisme et visiter tous les sites historiques. Albert, elle pensait à lui avec beaucoup d'affection. C'était tout de même son bienfaiteur, il l'avait adopté, envoyé au Collège, l'avait supporté quand elle décida d'aller à l'école d'infirmière, d'habiter seule et maintenant dans son désir de devenir peut être médecin. Il était devenu plus qu'un ami, au cours des années, ils étaient devenus très proches. Et quand Albert la demanda en mariage, elle avait d'abord refusé, après des années de persévérance de sa part, elle avait finalement accepté. Il aurait voulu l'accompagner dans son voyage mais il avait des affaires plus pressantes à régler, une fusion qui allait rendre les André une des familles les plus riches de l'Amérique. Candy faisait les dernières courses avant d'embarquer sur un paquebot en partance pour l'Amérique. Elle avait hâte de revoir ses amis : Archie, Annie, Patty; ses deux mamans Mlle Pony et Sœur Maria, les enfants de la maison Pony et surtout Albert. Elle avait hâte aussi de reprendre son travail, bien qu'Albert lui répétait toujours qu'elle n'avait pas besoin de travailler, mais travailler comme infirmière et aider les autres, était une des raisons pour lesquelles elle se réveillait tous les matins. Elle retourna à son hôtel pour faire ses valises. Annie, son amie d'enfance qui était mariée à Archibald, avait insisté pour qu'elle s'achète une toilette digne d'une lady. Elle avait donc toute une garde-robe complète pour ce voyage. Candy n'avait jamais été intéressée par l'argent. Albert était immensément riche, mais pour Candy le plus important était d'avoir une famille, quelqu'un qui l'aime et qui s'occupe d'elle. Elle ne savait pas pourquoi elle avait refusé de l'épouser toutes les autres fois, mais elle avait l'impression que quelque chose manquait. Elle songea à Anthony, son amour d'enfance, comme il lui manquait ! Les années avaient passées et la douleur était restée mais elle s'était habituée à vivre avec la perte d'Anthony. La perte d'Alistair à la guerre était aussi douloureuse. Annie et Patty avaient essayé de la mettre en ménage avec tous les jeunes célibataires de la région, mais sans succès. Même Daniel Legrand avait essayé de la conquérir par la douceur, après le fiasco qui avait faillit la lier à vie à son pire ennemi, il avait décidé de devenir un meilleur homme et espérait que Candy allait finir par tomber amoureuse de lui. Candy était très touchée par le geste et impressionnée par le changement de Daniel, mais elle ne pouvait pas tomber amoureuse de lui. Ce genre de choses, ne se commandaient pas. Daniel ne lui avait jamais pardonné. Son changement en homme meilleur avait été bref. Peut être serait-il rester bon si Candy l'avait aimé, mais… Un des mystères de l'univers; le cœur, le muscle involontaire au sens propre et figuré. Il s'arrêtait de battre quand il le voulait et il tombait amoureux quand il le désirait. Dame Nature faisait bien les choses ! Elle avait finalement fini de faire ses bagages et était prête à partir. Les porteurs de l'hôtel vinrent chercher ses bagages pour les mettre dans le taxi qui devait l'amener à Southampton. Pas très loin de là, dans un autre hôtel, un jeune acteur du théâtre se préparait aussi à rentrer en Amérique. Après une tournée de plusieurs mois en Europe, il allait finalement retourner chez lui. Le succès de sa tournée européenne le rendait heureux. Il pouvait maintenant prendre quelques semaines de congé et se reposer enfin avec sa fiancée. On frappa à sa porte. - Entrez ! Cria le jeune acteur. Deux jeunes porteurs entrèrent pour prendre ses bagages. - Ça sera tout M. Grandchester ? demanda l'un d'eux
- Oui merci, répondit-il, en les suivant vers la porte.
La porte se ferma derrière lui. Terrence G. Grandchester, acteur talentueux et fiancée à Susanna Marlowe. La vie était parfaite pour lui, une belle carrière, une belle fiancée, une vie aisée, mais pourquoi lui semblait-il que quelque chose lui manquait ? Il voyagerait seul, sa troupe de théâtre étant partie trois jours plus tôt. Il serait donc seul sans personne pour l'ennuyer, il en profiterait pour faire le vide dans ses pensées, avant d'arriver chez lui et affronter Susanna. Ils devaient fixer une date de mariage. Il l'avait finalement demandé en mariage après plusieurs années cédant à la pression de son entourage, mais n'arrivait pas à fixer une date. L'univers semblait lui dire qu'il y avait quelque chose qui manquait à sa vie; plus qu'une belle carrière et une vie aisée. Le mariage ? Pourquoi pas, c'était la suite logique des choses; après avoir percé comme acteur, alors qu'il n'était qu'un adolescent, il avait construit sa carrière et il devait maintenant s'établir et fonder une famille. Mais l'impression que quelque chose manquait dans ses projets était trop forte. Pendant son voyage de retour, il espérait trouver la réponse. Il ne savait pas comment, mais il était sûr que l'univers s'arrangerait pour le lui faire comprendre.
Le mouvement régulier de l'eau sur le paquebot qui la ramenait chez elle était presque berçant. Candy ferma les yeux. Elle était dehors appuyée sur le bastingage du paquebot et imaginait être une sirène à l'avant des anciens navires qui semblait les diriger, en chassant les sirènes mythiques qui amenaient les navires à leur destruction. Ses longs cheveux blonds bouclés bougeaient et suivait la direction du vent. Elle portait une robe blanche en mousseline sous son manteau beige et elle ressemblait à un ange. Elle ne savait pas qu'une paire de yeux bleus la regardait et croyait avoir une vision.
Terrence G. Granchester était dans cabine et regardait par le hublot, c'était la plus belle femme qu'il n'avait jamais vue. On frappa à sa porte, il n'entendit pas la première fois, tellement il était subjugué par la vue de la jeune femme. On frappa encore à sa porte, plus fort, cette fois, ce qui le tira à regret de sa transe. Il alla ouvrir la porte, c'était le directeur de croisière qui l'invitait à dîner à la table du capitaine. Il le remercia et retourna vite au hublot, mais la jeune femme avait disparue. Etait-ce une illusion, une vision? Tout ce qu'il savait c'est qu'il avait vu un ange aux cheveux blonds, il y avait un instant et qu'elle était la plus belle chose qu'il n'ait jamais vue. Il décida de chercher la jeune femme pour s'assurer qu'elle était bien réelle.
Candy était retournée dans sa cabine et décida de se reposer en faisant une petite sieste. Les derniers achats, ce matin-là, l'avaient épuisée et elle devait dîner à la table du capitaine. Le directeur de croisière l'avait invité lorsqu'elle sortait de sa cabine. Elle voulait être en forme.
Le temps passa et Candy se réveilla en sursaut. Quelle heure était-il ? Elle avait raté le dîner avec le capitaine ! Elle voulait commander quelque chose pour manger dans sa cabine, mais elle changea d'avis. Elle irait au restaurant quand même, tant pis si l'heure du dîner était passé, elle trouverait bien quelque chose à manger. Elle s'apprêta donc et mit une robe verte qui s'harmonisait avec la couleur de ses yeux, elle prit aussi son manteau beige. Elle sortit de sa cabine, et se dirigea vers la salle à manger.
Pendant ce temps, à la table du capitaine, le dîner était presque fini et le jeune acteur était déçu de ne pas avoir aperçu son "ange aux cheveux blonds". Le monde autour de lui était en train de parler, il participait en se concentrant à peine. Ses yeux cherchaient la jeune femme aux cheveux blonds sans succès. Finalement, convaincu qu'elle n'était que le fruit de son imagination, causée certainement par le stress et la fatigue, il alla faire un tour dehors.
Candy arriva à la salle à manger et s'installa à la table du capitaine. Malgré son arrivée tardive, les serveurs lui apportèrent à manger. Il n'y avait presque plus personne à la table, elle mangea donc son dîner seule et en silence. Quand elle eut fini, elle se leva pour partir et elle remarqua un étui à cigarettes en or à coté de son sac. Elle le pris donc en espérant trouver son propriétaire. Elle regarda autour de la salle, les serveurs semblaient avoir disparus ou étaient occupés avec d'autres passagers. Elle sortit de la salle à manger et marchait calmement dehors avec l'étui en main.
Terrence G. Granchester prenait l'air. Il eut envie d'une cigarette. Il chercha son étui dans ses poches et se rendit compte qu'il l'avait certainement oublié à la table du capitaine pendant le dîner.
Au même moment, il leva les yeux et aperçu Candy qui passait devant lui, il n'en croyait pas ses yeux ! Elle était bien réelle ! Elle était encore plus belle que dans son souvenir, ses longs cheveux blonds bouclés en cascade et sa belle robe verte sous son manteau beige, il faillit se pincer pour être sûr qu'il ne rêvait pas. Il devait lui parler, l'aborder, avant qu'elle ne disparaisse encore. Tout à coup il vit quelque chose qui brillait dans sa main gauche et il reconnu son étui à cigarettes.
« Voilà ta porte d'entrée mon cher! Se dit-il. »
- Excusez-moi, mademoiselle ! Mademoiselle ! Appela-t-il quand Candy était déjà passé.
Candy se retourna et vit un jeune homme aux longs cheveux bruns au regard bleu profond. Il était très séduisant et elle avait l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Mais où donc ? Elle revint sur ses pas.
- C'est à moi ce que vous avez-là, dit-il en montrant l'étui qui était dans sa main gauche.
- Ah oui ? Demanda Candy avec un beau sourire qui fit fondre notre jeune acteur. Qu'est-ce qui me dit que c'est vous le propriétaire ?
Leurs regards se rencontrèrent, et pour tous les deux, il y eut un coup de tonnerre. Ils eurent l'impression que l'univers avait un sens, tout à coup.
Après un moment de silence, qui semblait avoir duré une éternité, le jeune acteur pris finalement la parole.
- Il y a une inscription gravée à l'intérieur, dit-il, ça devrait dire « A Terry avec amour, Susanna. »
Il n'arrivait pas à lâcher le regard de Candy. Elle dût baisser les yeux, pour ouvrir l'étui et lire l'inscription.
- Comme c'est mignon ! Dit-elle ironiquement, d'accord , mais vous savez que ce n'est pas bon de fumer ? C'est très mauvais pour la santé ! Je me demande si je dois vous rendre votre étui ou en jeter le contenu dans l'océan.
- Vraiment, et vous savez sans l'ombre d'un doute que la cigarette est mauvaise ? Demanda-t-il feignant d'être indigné.
- Bien sûr, je vois les dégâts que fait la cigarette tous les jours dans mon métier.
- Et quel est votre métier, si ne suis pas trop curieux. ?
- Je suis infirmière.
- Oh ! Alors j'ai à faire à une experte ! Mais dites-moi Mademoiselle l'infirmière aux taches de son, avec quoi vais-je remplacer mon envie de fumer ?
Candy s'étonna de l'audace de cet homme, comment osait-il la surnommer ? Mais elle ne semblait pas être offensée. Elle éprouvait au contraire une joie qui lui venait d'on ne sait où.
- Laissez-moi réfléchir et je vais vous trouver une solution. En attendant, dit-elle en lui rendant son étui, essayez d'éviter de fumer.
- Oui, mademoiselle l'infirmière aux taches de son ! dit-il en la saluant comme un militaire. Je m'appelle Terrence Grandchester, mes amis m'appelle Terry, ajouta-t-il en lui tendant la main droite.
- Enchantée. Candice Neige André, M. Grandchester, mes amis m'appelle Candy, fit-elle avec son plus beau sourire.
- Enchanté, Mademoiselle André, dit-il du tac au tac.
« M. Granchester, Mlle André », ils continuaient les formalités avec un ton moqueur.
Candy ne s'était jamais sentie aussi à l'aise avec un inconnu qu'elle venait de rencontrer. Elle avait l'impression de le connaître depuis toujours. Terry avait aussi la même impression, celle de la connaître depuis toujours.
« Terrence Granchester, pourquoi ce nom me semble-t-il familier ? se demanda-t-elle. Enfin, tant pis, on verra ça plus tard. Pour le moment je profite de sa compagnie. Je commençais à m'ennuyer un peu. »
- Vous voyagez seule ? Demanda-t-il la tirant de son monologue mental.
- Toute seule, comme une grande, plaisanta-t-elle.
- Votre fiancé vous laisse voyager seule ? dit-il un peu déçu en apercevant la bague de fiançailles que portait Candy à son annulaire.
Déçu pourquoi ? N'était-il pas lui même fiancé ? Que lui arrivait-il ?
- Il voulait venir, mais il avait une réunion importante, qu'il ne pouvait pas manquer. Et vous M. Grandchester, vous voyagez aussi seul ? Attendez un peu, Grandchester…, Grandchester répéta-t-elle, vous êtes l'acteur ! Il me semblait bien que votre nom m'était familier ! Vous êtes fiancée vous aussi avec une certaine Sianna, Serena, non, Susanna Marlowe ! Que je suis bête, c'est le nom dans l'étui à cigarette …
- C'est bien moi. Je ne sais pas si je dois me sentir offensé ou amusé
- Pourquoi ? Parce que je ne vous ai pas reconnu ou parce que je vous ai reconnu une heure après ?
- Les deux …
- Vous êtes d'une arrogance …fit-elle en riant, Votre fiancée est avec vous ?
- Je voyage aussi seul. Mais si j'avais une fiancée aussi belle que vous, je ne la laisserai pas voyager seule sur un paquebot.
Candy rougit sous le compliment. Mais se reprit.
- Pourquoi ? Dit-elle en feignant d'être offensée, vous n'auriez pas confiance en moi ?
- Ce n'est pas ce que je voulais dire, je n'aurait pas confiance dans les autres prédateurs.
- Comme vous ?
- Oui…non !
- Lequel est-ce ? Oui ou non ? demanda-t-elle avec le sourire.
Terry se sentit fondre au sourire de Candy.
- Je ne suis pas un prédateur…Mlle André
- Quel dommage….Mr Grandchester, je me serai faite une joie de vous rabrouer.
- Vous êtes tellement sûre que vous m'auriez rabroué ?
- Quoi, vous vous croyez irrésistible ? Mon Dieu M. Grandchester, vous parlez d'une arrogance…. !
En temps normal cette conversation l'aurait choquée, mais étrangement, flirter avec ce jeune homme c'est comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Ce qui la troubla un peu. Que lui arrivait-il ? Elle décida de prendre congé.
- Il est tard, M. Grandchester, je vais regagner ma cabine, dit-elle en essayant de cacher son trouble.
Elle sentit une bouffée de chaleur l'envahir.
- Un gentleman accompagne toujours une dame à la porte de sa cabine. Après tout, c'est la moindre des choses pour vous remercier d'avoir trouver mon étui, dit-il en lui prenant le bras.
Il l'accompagna jusqu'à sa cabine. Elle ouvrit la porte, entra et le remercia pour sa gentillesse.
- Je suis arrivée. Merci et bonne nuit M. Grandchester…, Bonne Année.
- Bonne nuit Mlle André, et Bonne Année. Il y a un bal masqué demain soir à l'occasion du Jour de l'An, vous y serez ?
- Bien sûr, il faut toujours célébrer le Jour de l'An ! A demain, dit-elle ouvrant la porte de sa cabine et entrant. Elle tenait la poignée de l'intérieur de sa cabine pour la fermer.
- A demain, renchérit-il en tenant lui aussi la poignée de la cabine de l'extérieur, si bien que leur visage étaient très proches.
Ils se regardèrent pendant quelques secondes qui semblaient durer une éternité, comme s'ils voulaient se dire quelque chose… Mais Candy ferma la porte de sa cabine, incapable de supporter l'attirance qui était présente entre eux. Que lui arrivait-il ? Pourquoi se sentait-elle comme ça ? Il y avait 30 minutes elle ne connaissait pas Terry et maintenant c'était comme si elle l'avait toujours connu. C'est comme si on l'avait jeté dans un abîme sans fin et qu'elle ne savait pas quand elle allait attendre le fond. Tout ce qu'elle éprouvait ne faisait que créer la confusion dans son esprit. A chaque fois qu'elle y pensait, son cœur faisait un bond. Terrence Grandchester…Terry….ce nom continuait à résonner dans sa tête, pendant le reste de la soirée et toute la nuit dans ses rêves.
Terry retourna dans sa cabine, le cœur content. Son « ange aux cheveux blonds » existait. Ce n'était pas le fruit de son imagination. Ces yeux couleur émeraude comme la robe qu'elle portait et son sourire ensorceleur… Il ne pouvait pas s'arrêter de penser à elle. Candice Neige André… Candy…c'était pour lui le plus beau nom au monde. Sa vie avait maintenant un sens, l'univers lui donnait finalement la pièce manquante de sa vie, la pièce principale. Il se rendit compte qu'en l'espace de quelques heures, depuis qu'il l'avait vu par la fenêtre de son hublot, sa vie avait un sens, une signification. Il n'avait jamais cru au coup de foudre auparavant, mais maintenant il pouvait dire à qui voulait l'entendre que le coup de foudre existe. Il en avait l'expérience. Il voulut fumer une cigarette, mais les paroles de Candy lui revinrent en tête.
Il ne fuma pas ce soir là.
