Il était uniquement concentré sur la régularité de ses enjambées, comme envoûté par le bruit sourd des chaussures sur le goudron. Ses cheveux attachés en une queue de cheval flottaient dans son dos au rythme de sa course.
Il se sentait léger, tout lui semblait facile et malgré le manque d'entraînement, il doublait les joggeurs plus expérimentés.
La ville lui semblait avoir changée. Sous le soleil qui lui paraissait plus éclatant qu'il ne l'avait jamais été, les murs avait l'air d'être d'un blanc lumineux. C'était comme si toute la ville lui souriait. Ce petit parc, les rues animées... tout cela était merveilleux et différent de l'ordinaire. Merveilleusement différent depuis que Hyoga y habitait.
Peu lui importait quel métier il allait faire, ce que lui réservait l'avenir. Il avait un but désormais, devenir le plus proche possible de Hyoga. Il voulait plaire, entretenir son corps. Il voulait lui aussi devenir sportif, connaître les mêmes sensations que lui, partager le même effort. Chacun de ses pas le rapprocherait de lui.
Il se sentait des ailes, il se sentait vivant. Il inspira à pleins poumons comme si sa vie commençait.
Shun réprima un petit sourire quand son regard se posa sur Hyoga qui l'attendait comme convenu à la terrasse du café.
Il était vêtu très élégamment d'un pantalon de toile beige et d'une chemise bleu-claire mais ce qui amusa surtout Shun, ce fut les lunettes de soleil au look assez design que portait le jeune Russe.
Certes, le soleil était également au rendez-vous mais pas au point d'en être aveuglant. Mais peut-être qu'en raison de ses yeux clairs, Hyoga était particulièrement sensible au rayonnement solaire... En tout cas, cela lui donnait la parfaite allure du jeune homme frimeur et flambeur que l'on décrivait dans les autres magazines.
Avant même de le saluer, Hyoga à qui le petit sourire de Shun n'avait pas échappé, demanda :
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
Shun ne savait pas mentir. Il avait l'habitude de dire ce qu'il pensait, en prenant soin de ne pas vexer les autres mais ses amis l'appréciaient généralement pour sa franchise. Et quand les grands yeux clairs le dévisagèrent, il ne put que dire ce qui lui était passé par l'esprit :
« Les lunettes.... Ca fait un peu star... »
Hyoga eut une moue agacée et les rangea immédiatement dans la poche de sa veste. Il retrouva presque aussitôt son sourire.
« Tu veux boire quelque chose ? »
Il appela le serveur pour Shun qui, intimidé, ne savait quoi raconter. Il avait pourtant imaginé maintes fois leur conversation, attendu ce moment mais son cerveau lui semblait à présent comme paralysé.
Un peu embarrassé, ne sachant que faire de ses mains, il les plongea dans ses poches. Ses doigts rencontrèrent quelque chose de métallique qu'il sortit de sa poche sans réfléchir.
Le jeune homme Russe, le voyant sortir son stylo leva un sourcil :
« Tu veux faire une interview ? Je croyais que... » Hyoga se sentit un peu déçu mais il se reprit : « Ok ! Quel sujet tu veux aborder ? »
Shun se sentait plus à l'aise dans son rôle de journaliste face à Hyoga. Machinalement, il sortit le petit calepin
« J'ai lu que tu avais obtenu une bourse d'étude pour venir au Japon. Qu'est-ce que tu étudies ? »
Le jeune homme lui adressa un regard consterné : « Je suis à la fac de sport.... Je n'aime pas trop les études. »
Le Japonais se sentit rougir. Qu'il était idiot ! C'était évident ! Il n'allait pas étudier la philosophie, non plus !
Il se hâta de trouver un nouveau sujet pour masquer son trouble :
« Tu t'entends bien avec tes coéquipiers ? Quels sont tes amis les plus proches ? »
« Qu'est-ce que je dois répondre ? Que je pense que se sont tous des abrutis ? Comme cela va être retranscrit, cela serait peut-être mieux que je dise qu'ils sont tous formidables et que je les adore, j'imagine.... »
Le masque était en train de tomber.... Il avait réussi à faire illusion lors de leurs précédentes rencontres mais Shun finirait bien par savoir qui il était réellement. Son humeur s'en ressentit immédiatement et il arbora une mine sombre. Cette journée ensoleillée avait pourtant bien commencée... Mais il se sentait un peu à présent comme la femme qui vient d'être surpris par l'homme qu'elle aime, décoiffée et sans maquillage.
« Vraiment ? Tu ne t'entends avec personne ? » demanda le jeune journaliste, étonné.
« Non. Mais je m'en fiche.... »
Cela faisait un moment que Shun voulait savoir, qu'il voulait lui poser la question, mais il ne savait comment amener ça.... Il jugea que le moment était opportun.
« Et tu as un petit ami... une petite amie ! » se corrigea-t-il immédiatement, devenant écarlate à son lapsus révélateur.
Hyoga rit franchement en rejetant la tête en arrière :
« J'ai des amis qui ne sont pas très grands, oui. C'était bien ça que tu voulais dire, non. ? » demanda-t-il avec un air malicieux, son charmant accent russe ressortant encore davantage dans sa phrase. « Mais sinon, je n'ai pas de fiancée officielle. Désolé mais cette interview m'ennuie ! On ne pourrait pas aller se promener, à la place? »
« Si tu veux. » accepta Shun, encore confus.
Le jeune Russe se sentit soulagé lorsque son compagnon aux cheveux châtain se leva pour le suivre.
Tout n'était peut-être pas perdu.... Tant que Shun restait avec lui, il s'efforcerait de lui montrer le meilleur de lui-même.
« Où allons-nous ? » questionna le jeune Japonais, s'efforçant de marcher aussi vite que l'athlétique jeune homme qui avançait à grandes enjambées.
« Qu'est-ce que tu veux faire ? »
« Je ne sais pas... » avoua-t-il, indécis.
Il n'avait pas l'habitude de décider ni même tellement de donner son avis et Hyoga allait certainement le trouver ennuyeux mais celui-ci trancha rapidement concernant leur destination, à son grand soulagement.
« Je ne connais pas encore très bien la ville » dit-il avec son accent prononcé que le Japonais trouvait toujours aussi charmant « Mais il y a un petit parc pas loin d'ici. Nous y respirerons du meilleur air... »
« Bonne idée ! » s'enthousiasma Shun qui devait à présent presque courir pour rester à sa hauteur.
Ils avaient tous les deux attendu impatiemment ce moment où ils se retrouveraient mais à présent qu'il était venu, ils se sentaient embarrassés, ne sachant quoi se dire. Ils ne se connaissaient finalement qu'à peine...
Pourtant, la veille, en préparant la tenue qu'il allait porter le lendemain, Shun avait pensé qu'il n'aurait jamais assez de quelques heures pour dire à Hyoga toutes les choses qu'il voulait lui confier.
Et maintenant qu'il y repensait, il trouvait tous ces sujets de conversations dérisoires, inintéressant.
Il savoura simplement en silence la présence du jeune homme blond, espérant que malgré son mutisme, celui-ci ne se lasse pas de sa compagnie.
« Il fait bon, hein ? » fit remarquer Hyoga, essayant de rompre ce silence pesant.
« Oui... c'est toujours comme ça au printemps, ici... »
Shun trouva immédiatement sa réponse des plus minables et se maudit tout bas.
Il tenta de faire fonctionner son cerveau pour trouver quelque chose à dire, se désolant qu'ils n'aient pas de chose plus profondes à échanger que de disserter sur la météo....
Mais son cerveau lui donnait l'impression d'être engourdi.
Lui qui avait cru voir comme un lien invisible qui le ramenait irrésistiblement vers le hockeyeur russe... il s'était peut-être trompé... Ils étaient si différents, après tout... qu'avaient-ils vraiment en commun ?
Il sentit une certaine déception l'envahir et fixa le bout de ses chaussures, se concentrant sur sa démarche qu'il devait forcer pour suivre le rythme imposé par Hyoga qui le dominait de dix bons centimètres.
« C'est le premier printemps que je passe ici. » reprit le Russe « Je découvre tout. La végétation, les fêtes traditionnelles.... »
« Ah... » répondit Shun.
Il avait tellement peur de dire des stupidités ou de se trahir qu'il en devenait réellement bête !
Tout en se sermonnant intérieurement, il manqua de trébucher sur le trottoir.
Frémissant d'une peur rétrospective, il s'imagina étalé au milieu de la chaussée. Ca aurait été du plus mauvais effet sur son image. Si en plus d'être idiot, il se montrait maladroit... il mettait toutes les chances de son côté afin que Hyoga ait envie de le revoir !
Celui-ci ne sembla rien remarquer. Mais la poussée d'adrénaline consécutive à sa chute évitée de peu, déclencha chez lui un sursaut d'orgueil.
Il n'était pas question qu'il donne au Russe l'image d'un garçon empoté et crétin !
« Tu... tu as dû laisser ta famille, j'imagine, pour venir au Japon... » compatit Shun « Ca doit te manquer, parfois... »
Hyoga haussa les épaules et prit un air faussement indifférent :
« Mon père nous a abandonné ma mère et moi juste après ma naissance. J'ai grandi presque tout seul. Ma mère a dû trouver un travail pour me nourrir et elle est devenue hôtesse sur un navire. Je ne l'ai donc vue que très rarement... »
Shun se sentit touché par cette confidence. Un point commun de plus qu'il avait avec le beau blond, lui qui n'avait jamais connu son père...
Hyoga ne put s'empêcher de sourire, près à s'excuser de peiner par le récit de son enfance, les grands yeux verts rivés sur lui qui le fixaient avec compréhension et bienveillance, l'encourageant à continuer.
« Ne t'en fais pas pour moi. Je n'ai pas été malheureux ! Je me suis trouvé une famille avec le hockey. Et mon entraîneur de chez les cadets, est devenu comme un père pour moi. Lui, m'a suivi ici. Je ne suis pas seul au monde ! »
Shun lui rendit son sourire, rassuré. Il savoura ce bref instant où était née une complicité nouvelle entre eux.
« Et toi, Shun ? Tu as grandi dans cette ville ? »
« Moi ? » demanda le jeune Japonais, un peu étonné de trouver quelqu'un qui s'intéresse à lui « Et bien... » commença-t-il avant d'enchaîner sur son enfance à Tokyo si heureuse grâce à la présence de son frère qui l'avait quasiment élevé.
Ses pas lui semblèrent plus légers comme il s'exprimait à présent avec aisance, mis en confiance. Son regard restait aimanté aux yeux azur du jeune slave. Il avait envie de parler. Il se sentait soudain libre et s'étonna de déballer sa vie, se disant qu'il se livrait trop, lui si pudique et réservé d'habitude, mais ne pouvant s'en empêcher.
Comme la première fois où il l'avait rencontré, à la patinoire, il avait l'impression d'être avec un vieil ami, quelqu'un qu'il connaissait depuis toujours. Il se sentait juste bien.
Il n'aurait même pas osé rêver passer autant de temps en sa compagnie. Pourtant, l'après-midi avait pris fin si vite !
Il avait été enchanté lorsque Hyoga avait proposé qu'ils dînent ensemble mais le repas lui avait semblé ne durer qu'une minute.
Il se plaisait en sa compagnie et cela devait être au moins un petit peu réciproque car il avait l'impression que le jeune Russe avait tout son temps à lui consacrer.
Pourtant, l'emploi du temps d'un sportif de haut niveau devait être chargé...
Il se sentait des ailes. Il était même un peu surpris qu'ils s'entendent si bien. Hyoga semblait comprendre tout ce qu'il ressentait, il avait l'impression qu'ils leur arrivaient même de penser la même chose au même moment. Une harmonie parfaite entre eux, de celles qui unissent de très vieux amis avec ce parfum grisant de nouveauté et... ce petit jeu si plaisant de séduction entre eux.
Même s'il se rappelait intérieurement à l'ordre par moment, se disant qu'il voyait des attitudes ambiguës là où seul le charme naturel du Russe opérait certainement, certaines petites choses l'avaient plus que troublé et n'avaient pas échappé à la partie de son cerveau pas du tout raisonnable qui lui soufflait que ce n'était pas là des preuves d'amitiés.
Lorsqu'ils avaient rencontré ces deux admiratrices dans le parc... Hyoga s'était montré charmant et avait cueilli pour elles quelques fleurs pour les leur offrir... ainsi qu'à Shun...
Il avait rougi encore plus que les demoiselles, un peu gêné mais content, conscient à plusieurs autres moments que le Russe agissait avec lui comme un macho avec une fille.
Il ne pouvait douter non plus à présent de l'attirance particulière qu'il éprouvait pour le jeune Russe. Il faudrait qu'il garde ses distances à l'avenir. Mais sa bonne résolution ne prendrait effet qu'après cette journée idyllique.
Et maintenant, le jeune hockeyeur avait même réussi à entraîner un Shun si prudent et raisonnable d'ordinaire, dans un dernier coup de folie.
Il se sentit secoué par des frissons d'appréhension lorsque les portes s'ouvrirent devant eux après que Hyoga eut triomphé du cadenas d'une manière qui ne lui sembla pas très légale.
« Tu es sûr qu'on a le droit ? »
« Ne t'inquiète pas ! Le gardien est un ami. Je viens souvent m'entraîner la nuit tombée. »
« Oui mais... » essaya de protester Shun avant que Hyoga, le prenant par l'épaule, ne le pousse vers l'un des vestiaires.
« Par ici ! »
Le jeune Japonais, un peu intimidé, regarda tout autour de lui tandis que le garçon blond fouillait dans l'un des casiers.
« Tiens ! Mets ça ! » ordonna-t-il en lui fourrant dans les mains une paire de patins de hockey.
« Mais... » tenta de protester Shun avant de se raviser et d'obéir, s'asseyant sur l'un des bancs pour enfiler ces étranges chaussures.
Habitude oblige, Hyoga fut plus rapide à s'équiper. Il vint s'agenouiller à côté de Shun en souriant.
« Si tu ne serres pas plus, ça va flotter. Tu risques de tomber. Laisse-moi faire. »
Hyoga se pencha sur lui et Shun retint sa respiration, le cœur battant à tout rompre lorsque les mèches d'or vinrent quasiment lui chatouiller le menton.
Il n'avait pas renoncé lui-même à nouer ses lacets mais troublé par la trop grande proximité du jeune Russe, ses doigts étaient gourds et Hyoga, souriant, repoussa sa main avec douceur.
Le contact des doigts du jeune homme contre sa paume provoqua en lui comme un choc électrique. Il ne sentait plus ses jambes et se demandait s'il arriverait à se relever un jour.
Il pouvait quasiment sentir la chaleur que ce corps musclé dégageait. Il pouvait respirer l'odeur agréable de shampoing qui se dégageait de ses mèches blondes. Et il pouvait sentir les doigts de Hyoga sur son corps... même s'il était vrai que pour le moment, il ne touchait que ses pieds...
Avec tendresse, il regarda le jeune Russe qui laçait ses patins, détaillant chacun de ses gestes comme s'il s'était agi d'une entreprise fabuleuse.
Son cœur faillit s'arrêter lorsque, tout d'un coup, Hyoga se releva, leurs joues se frôlant quasiment au passage.
Shun ferma les yeux comme pour recevoir un baiser.
« On y va ? » proposa Hyoga d'un ton joyeux, lui tendant une main à présent gantée.
Il était encore tout tremblant, ému par la scène qui venait de se dérouler et accepta l'aide, avançant maladroitement avec ses patins aux pieds mais trop heureux de pouvoir sentir cette main chaude dans la sienne à travers le tissu des moufles.
Avec confiance, il se laissa guider malgré l'obscurité et cligna des yeux plusieurs fois lorsque Hyoga souleva une manette, ouvrant l'éclairage de la patinoire qui resta pour moitié dans une pénombre rassurante.
Heureux de se retrouver dans son élément, le jeune hockeyeur entra le premier sur la glace et effectua avec aisance et élégance quelques arabesques.
Shun, un peu timoré, restait accroché au rebord, n'osant s'aventurer franchement sur la piste.
« Viens ! » lui cria Hyoga, passant à toute allure devant lui puis freinant pour revenir vers lui.
« Tu as peur ? » interrogea-t-il.
Le jeune Japonais ne répondit pas. Il inspira un grand coup, rassemblant son courage avant de tenter quelques pas assez gauches sur la surface lisse et brillante.
« Allez ! Encore un effort ! » l'encouragea un Hyoga souriant, lui faisant signe d'avancer jusqu'à lui.
« Hyoga... je t'en prie... j'arrive tout juste à tenir debout avec ça aux pieds ! Ce n'est pas pour moi !»
« Je vais t'aider. Donne-moi la main ! »
Shun hésita. Le Russe eut un sourire séducteur et le Japonais, mis en confiance, prit sa main. Elle lui sembla froide dans la sienne, peut-être en raison du gant.
Ils avancèrent main dans la main vers le centre.
Ikki, son grand frère, l'emmenait parfois à la patinoire lorsqu'il était petit mais Shun parvenait tout juste à faire quelques tours de piste. Alors face à quelqu'un qui passait la moitié de son temps sur la glace, il allait être ridicule ! Et il n'avait aucune envie de se mettre dans une telle situation devant Hyoga !
« Accroche-toi à moi si tu as peur. »
Le jeune Russe le guida, et ils restèrent les yeux dans les yeux. Tout en tenant un Shun riant aux éclats par la main, il le fit tourner sur lui-même et le rattrapa dans ses bras.
Ca ne dura qu'une demi-seconde mais Shun se sentit au septième ciel. Le décor semblait tourner autour de lui et il n'avait plus peur.
Ils se sourirent à nouveau tous les deux.
Il était comblé. Hypnotisé par le sourire du Russe d'une blancheur éclatante, par son rire qui résonnait agréablement dans les murs vides de la patinoire, par sa façon de rejeter la tête en arrière et par le mouvement de ses cheveux d'or dans lesquels se reflétaient les lumières des néons. Il avait l'impression d'être au ralenti, le buvant littéralement du regard.
Les yeux azur de son vis-à-vis se plissèrent en deux fentes avant de redevenir deux lacs bleus.
« Come on, Shun ! » fit Hyoga en reculant et lui faisant signe d'approcher « Tu ne te débrouilles pas si mal ! »
Le jeune Japonais enhardi, vint vers lui, glissant avec légèreté.
Hyoga s'éloigna encore pour admirer son partenaire, l'obligeant à parcourir une plus grande distance.
Une silhouette élancée, élégante... Il le trouvait beau en train de patiner, évoluant presque avec grâce malgré son manque de pratique perceptible.
Par moment, le beau visage de Shun presque féminin et si agréable à regarder, lui faisait oublier que celui-ci était un homme et il se surprenait à se comporter avec lui comme s'il agissait d'une fille, ne pouvait s'empêcher de jouer de sa séduction, le draguant presque.
Il était tellement perdu dans sa contemplation qu'il oublia de reculer encore comme Shun arrivait vers lui, ayant pris de la vitesse mais n'ayant visiblement pas encore appris à s'arrêter.
Le Japonais le percuta et ils tombèrent l'un sur l'autre en riant.
Il n'avait pas envie de se relever. Sentir le corps de Hyoga contre le sien... si fort... les épaules larges et rassurantes... se laisser aller contre lui... c'était tellement agréable ! Comme dans un rêve, tout simplement. Surtout ceux des derniers temps... Mais le jeune hockeyeur se dégageait déjà et l'aidait à faire de même.
Shun sentit un bras passer dans son dos, le soulevant à moitié. Ses jambes ne le portaient presque plus et Hyoga dut le soutenir pour qu'il réussisse à rester debout.
Un des néons, défaillant, se mit à clignoter, rajoutant au surréalisme de la scène.
Il tendit la main, s'accrochant à la chemise du jeune Russe qui l'attira à lui.
Sous la lumière vacillante, le visage lui paraissait parfait, la peau pâle, délicate, les traits si fin. Dans les grands yeux verts encadrés par de longs cils noirs qui laissaient des ombres démesurées sur ses joues, les pupilles dilatées semblaient à présent prendre toute la place comme chez un chat apeuré.
Fasciné, Hyoga voulut murmurer quelque chose mais ses mots s'étouffèrent dans sa gorge.
Il ne voyait plus que le vert profond et limpide des yeux de Shun. Son regard glissa cependant sur les joues légèrement arrondies puis sur les lèvres roses, délicates, douces au regard, appétissantes. Et suivant son instinct, il y posa les siennes pour les goûter.
Son cerveau ne fonctionnait plus. Son émoi interne était tellement grand qu'il se sentait comme comateux. Seul le feu qui déchirait sa poitrine lui faisait penser qu'il ne rêvait pas. Ses perceptions du monde extérieur se limitaient désormais à cette main dans son dos qui le ramenait vers ce corps chaud et à ces lèvres tièdes et douces contre les siennes.
Il ne se rappelait pas que ses baisers avec June l'aient mis dans un tel état. Même leur tout premier.
Le sang semblait affluer dans ses joues tellement elles lui paraissaient chaudes. Son cœur battait si fort qu'il secouait son corps entier.
Lui qui croyait cela impossible et s'interdisait d'y penser... Il ne s'était pas trompé. Il en aurait hurlé de joie.
Les lèvres si agréables quittèrent les siennes, les laissant inassouvies.
« Hyo... » articula-t-il péniblement.
Le regard épouvanté que lui jeta le Russe, le regardant par-dessous les mèches blondes de sa frange démise, ne le rassura pas. Celui-ci le repoussa un peu brusquement, s'essuyant la bouche sur sa manche comme s'il était soudain dégoûté par son geste.
« Je ferais mieux de rentrer. » lâcha-t-il sans plus le regarder.
Il se retourna, s'éloignant rapidement pour regagner les gradins où il commença à défaire ses patins.
La magie se brisa soudain. La lumière du néon clignotant ne lui rappelait plus les fêtes foraines mais l'agressait.
Il s'était fait embrasser par un autre homme. Un homme qui ne l'aimait pas. Il avait trompé sa petite amie en acceptant ce baiser et cet homme regrettait déjà. Il lui avait accordé tout son cœur, toute son âme dans ce baiser. Il se sentait trahi, lamentable.
Il resta planté seul au milieu de la glace un long moment sans pouvoir bouger, l'air emprunté, ne pouvant plus faire taire cette douleur dans sa poitrine.
Merci à toutes pour vos gentils commentaires sur mes premiers chap