Maison de Jack
Sam arriva chez le général une demi heure plus tard. Elle sonna et entra, sans attendre de réponse. Il était assis dans le canapé, les yeux fermés. Le visage rempli d'une grande lassitude.
Elle s'approcha doucement et l'appela à vois basse :
-Mon général !
Il ouvrit les yeux et sourit légèrement en la voyant.
-Qu'est ce que vous… faites là… Carter ?
Il espaçait les mots comme s'il n'arrivait plus à parler.
-Je suis venue vous gronder mon général dit elle d' air faussement sévère. Vous n'êtes vraiment pas raisonnable.
Aucune lueur ne jaillit de son regard, il avait les yeux dans le vague et dit seulement.
-Oh ! les rôles sont inversés , non ?
-Oui, j'ai appelé l'Etat Major, je prends momentanément le commandement du SGC. Vous n'êtes pas démis, monsieur, simplement en arrêt maladie.
Elle lui laissa le temps d'assimiler la nouvelle, puis elle s'agenouilla devant lui, lui prit la main, il la sentait à peine, et bougea doucement les doigts, mais ne put serrer sa main par manque de force.
Sam était bouleversée, de grosses larmes silencieuses coulaient sur ses joues. Elle s'en voulait, elle était venue pour le réconforter, s'occuper de lui, et elle ne pouvait s'empêcher de lui montrer sa faiblesse. Courageusement elle essuya ses larmes et elle eut la force de lui sourire.
-Vous avez bien compris monsieur ce que je viens de vous dire ?
Il hocha la tête. Son corps était anéanti, mais il avait toute sa tête. Il se voyait partir !
-Vous êtes sous mes ordres maintenant, monsieur, dit-elle d'une voix douce.
Il n'eut aucune réaction.
-Je vous ramène au SGC, vous irez à l'infirmerie et vous n'en bougerez pas.
Sans attendre de réponse elle se releva et appela la base pour demander une ambulance.
En attendant elle s'assit près de lui, et le prit dans ses bras. Juste retour des choses. Il l'avait si souvent aidée et réconfortée par le passé, par des gestes amicaux, des mots gentils, ou tout simplement en la serrant contre lui. Elle lui rendait la pareille. Elle sentait son cœur battre vite sous sa chemise, il avait chaud et la sueur couvrait maintenant son front ; Sa fièvre montait. Il frissonnait par instant. Alors elle fit la seule chose qu'elle pouvait, le réconforter par des mots doux et énergiques , lui faire comprendre que tout espoir n'était pas perdu, que le grimoire allait bientôt livrer ses secrets. Que toute la base était mobilisée, qu'il fallait qu'il lutte de toutes ses forces, qu'il essaie de prolonger sa vie au maximum, surtout qu'il ne baisse pas les bras si près du but !
-Jack, Jack, murmurait-elle.
Son prénom coulait de ses lèvres, ce prénom interdit qu'elle n'employait que dans son cœur, dans ses nuits solitaires, quand elle n'en pouvait plus d'étouffer d'amour pour lui.
-Il faut lutter, vous battre, je vous en prie.
Il se laissait bercer par la voix de Sam et ses injonctions . par un effort de volonté il sortit de sa torpeur et lui murmura :
-Merci… d'être là… Sam … si jamais je … je n'aurais qu'un seul regret …
Sa voix n'était plus qu'un souffle et il ne finit pas sa phrase, mais le cœur de Sam avait bondi, les mot résonnaient en elle et mettait du baume sur sa douleur, elle riait et pleurait à la fois, il avait décidé de se battre… et il lui avait fait comprendre ce que son cœur n'avait jamais cessé d'espérer.
Et pourtant elle avait bien compris que s'il était rentré chez lui, c'était pour mourir dans son cadre familier et non dans l'infirmerie triste et grise de la base .
Lorsqu'elle entendit l'ambulance se garer dans la rue, elle alla leur ouvrir la porte
-Allez doucement, il souffre beaucoup dit-elle d'une voix qu'elle voulait le plus neutre possible. Elle espérait que personne ne remarquerait ses yeux rouges ; Pas question de se découvrir devant les infirmier de la base.
-Bien mon colonel. Ne vous inquiétez pas, nous avons l'habitude.
L'ambulance toute sirène hurlante arriva à la base. Moins d'une demie heure plus tard le général était de nouveau dans un lit de l'infirmerie.
-Docteur Lassiter, dit Sam à la jeune médecin, pendant toute la durée de la maladie du général, vous ne rendrez compte qu'à moi. Vous me ferez parvenir un bulletin de santé toutes les heures.
-Mais…
-Docteur j'ai pris la direction du SGC, dit Sam avec hauteur. Et au moindre changement vous m'appelez immédiatement.
-A vos ordres mon colonel.
-Rompez, je serais dans le labo avec les professeurs Jackson, Clark et Cherrer.
Elle repassa par le chambre de Jack. Celui-ci dormait. Cela la rassura quelque peu. Elle avait maintenant à se concentrer sur beaucoup de tâches, elle ne devait se laisser distraire de son devoir en aucune façon. Il y avait beaucoup de choses à faire, et elle en était consciente. Mais elle n'était pas du genre à plier sous la charge. Elle redressa le dos et sortit d'un pas ferme de l'infirmerie.
Labo de Daniel
Daniel, Helen Cherrer et Paul Clark étaient dans le bureau de Daniel. Le livre était posé sur la table.
C'était un livre d'assez petite taille, épais au papier fin et fragile. Daniel avait commencé à tourner délicatement les pages.
Le texte était pour la plupart en latin ou en italien de la Renaissance. Ruggieri l'avait écrit en 1567. C'était la somme de travail de toute une vie de recherche sur les plantes, les minéraux et les métaux. Le livre faisait environ deux cents pages. Il était construit d'une manière très organisée avec dans la première partie une réflexion générale sur la médecine de l'époque et un répertoire des plantes curatives mais pour la plupart vénéneuses, Deux chapitres étaient consacrés aux métaux lourds, et un chapitre aux minéraux.
Puis dans la seconde partie du livre il y avait environ une cinquantaine de recettes de poison, écrites sur la page de gauche et l'antidote sur la page de droite.
Helen Cherrer soupira :
-Cinquante poisons différents, Lequel est le bon ?
-Il faut d'abord tout traduire dit Daniel. Je propose qu'on se partage le travail. Tant pis pour le livre, ça risque de l'abîmer, mais je vais être obligé de faire des photocopies de chaque page. Nous sommes six à pouvoir effectuer la traduction.
-On dispose de combien de temps colonel Carter ? demanda Helen Cherrer à la jeune femme qui s'était assise près d'eux.
-On ne peut pas savoir, mais pas beaucoup, le docteur Lassiter n' est pas optimiste.
Daniel jeta un coup d'œil à Sam, il s'inquiétait pour elle, elle avait une petite mine et les yeux rouges. Lui aussi son cœur était douloureux, Jack était son meilleur ami. Il ferait l'impossible pour le sauver pensa t-il tout en faisant ses photocopies. Son cerveau travaillait sans relâche depuis qu'il avait appris l'affreuse nouvelle. Mais il maudissait Jack qui leur avait fait perdre un temps précieux en ne leur disant rien.
Daniel répartit les feuilles entre les différents traducteurs . Pour ces hommes et ces femmes linguistes de haut vol, ce n'était pas une traduction très difficile. Il y avait beaucoup de latin, et de l'italien ancien que Daniel pouvait comprendre.
Au bout de trois heures le quart du livre avait été traduit, mais c'était encore trop lent. Naturellement ils passèrent vite sur les premiers chapitres, qui ne traitaient pas spécialement des poisons. Mais Daniel se méfiait car l'auteur ne pouvait pas y avoir inclus des recettes aussi faciles à réaliser. Il devait y avoir des astuces que pour le moment il n'avait pas encore saisies.
Les préparations se présentaient toujours de la même manière. Le nom de la plante, comment extraire le principe actif, où la trouver et en quelle quantité . Puis venait la fabrication en elle –même, un peu comme une recette de cuisine. Combien de temps laisser macérer, faire bouillir, sublimer…
Le professeur Cherrer élimina d'emblée toutes les préparations à l'arsenic. Ce poison causait des troubles intestinaux intenses, qui n'avaient rien à voir avec les symptômes observés. Cela supprima environ une vingtaine de poisons.
Elle élimina ainsi par déduction une autre vingtaine, tout ce qui contenait de la ciguë, de la belladone ou de la digitale.
Il en restait 20…
Les scientifiques travaillèrent toute la nuit. Sur la paillasse s'alignaient tasses de café vides et reste de sandwichs. Les yeux étaient rouges et les esprits fatigués mais au petit matin, il ne restait plus que deux poisons susceptibles d'être les bons.
Malheureusement tout au long de ce recueil il n'y avait pas d'explications sur les effets infligés au corps humain après administration. Seule le professeur Cherrer éminent botaniste pouvait comparer les propriétés des plantes et leur attribuer une conséquence. Par exemple elle retint d'emblée l'Aconitum Lapellius qui donnait des névralgies, ainsi que l'Aristolochia clematitis qui soignait les rhumatismes à un certain dosage et pouvait aggraver les cas existants.
Daniel sentait que l'on touchait au but.
-Il faut nous consacrer exclusivement sur les plantes qui concernent la douleur et les propriétés anti inflammatoires.
-Dans ce cas on peut ajouter le leucojum vernum dont l'action est résolutive.
-je pense qu'il n'y a que le poison de la page 160 qui correspond, dit Cherrer ;
-En effet, dit Clark. Voyons en détail ce poison.
Ils passèrent encore une heure à décortiquer la recette,il y avait quelques autres principes actifs de différentes plantes, même des sels de plomb et de la racine de mandragore. et ils traduisirent la confection de l'antidote , mais oh ! stupeur ! c'était exactement les mêmes produits dans les mêmes quantités.
-C'est pas vrai on tourne en rond, dit Daniel en se frottant la nuque. Quelle différence y a-t-il entre le poison et l'antidote ? Il faut absolument affiner la traduction.
-Ce doit être une question de préparation, répondit Clark.
-On devrait peut être s'arrêter un peu ? dit Cherrer , je n'en peux plus de sommeil, ça fait 24 heures qu'on a pas dormi et je n'ai plus les idées très claires.
-Oui allez vous reposer, je vais rester ; il faut absolument que je traduise…
Daniel était déjà retourné à son travail sans plus s' occuper des autres. Il ne s'arrêterait que lorsqu'il aurait trouvé de quoi sauver Jack.
Une heure plus tard terrassé par la fatigue il s'était endormi. C'est ainsi que Sam le trouva quand elle revint dans le labo après avoir passé une partie de la nuit à l'infirmerie. Elle ne pouvait être d'aucune utilité dans la recherche sur les poisons ; Ce n'était pas du tout son domaine, et elle éprouvait un sentiment d'impuissance et d'inutilité d'autant plus terrible que Sandra lui avait dit que l'était de Jack s'aggravait, il restait lucide mais s'affaiblissait rapidement.
Daniel se réveilla brusquement et leva vers elle un regard hébété.
-Il faut aller vous reposer Daniel, vous n'en pouvez plus.
-J'ai peur qu'on ne trouve pas dit-il avec angoisse, et…
Il s'arrêta devant le visage bouleversé de Sam, dont les larmes commençaient à couler.
-Daniel, c'est trop dur, je n'en peux plus dit-elle en avouant pour la première fois à son ami, le désarroi et le chagrin dans lesquels elle était plongée.
Je ne veux pas le perdre ! ajouta t-elle la voix cassée par la douleur.
-Je comprends Sam, dit le jeune homme très ému en lui prenant la main. Il faut tenir bon Sam tout espoir n'est pas perdu. Je me remets au travail. Le temps de prendre une douche et de manger un peu. Tenez regardez, les autres reviennent. On s'occupe de lui. Et puis Helen Cherrer est très forte. C'est la meilleure spécialiste au monde.
Sam lui sourit à travers ses larmes, elle se reprit courageusement. Il le fallait, pour Jack.
Daniel réussit à affiner sa traduction, la formule de l'antidote se précisait. Il fallait diluer fortement les doses jusqu'à obtenir une quantité infinitésimale. Guérir le mal par la mal. L'antidote agissait un peu comme un vaccin.
Il ne restait plus qu'à se procurer les plantes, ce qui fut très facile pour Hélène Cheirer qui travaillait à l'institut de biotechnologie et de botanique de Denver.
Le mardi 19 mai l'antidote était prêt.
Infirmerie du SGC.
Le général O'Neill était sous perfusion, il était devenu si faible qu'il ne pouvait plus parler. Il était à peine conscient , son corps était engourdi et il ne souffrait plus. Toute sa vie s'était réfugiée dans ses yeux.
Sam lui prit la main et l'appela doucement.
-Mon général
Il tourna les yeux vers elle, mais il la voyait à peine. Sa bouche eut un frémissement , mais aucun son ne sortit de ses lèvres.
-Il faut attendre dit Sandra après lui avoir fait boire un peu de la potion. On ne sait pas si on a la bonne posologie.
Combien de temps demanda Sam ?
Elle arrivait au bout de ses forces, elle avait tenu le choc durant toute la maladie du général, assurant son remplacement, aidant Daniel et les scientifiques, à trouver le remède. Il lui fallait encore prendre sur elle, mais elle savait déjà que si l'issue devait être fatale, elle ne le supporterait pas.
-Il faut qu'il soit surveillé constamment, mais je pense que d'ici une heure ou deux il devrait y avoir du changement. N'oubliez pas que vous avez mis plusieurs jours à guérir et que vous, vous aviez eu droit au bon dosage.
-Je vais rester près de lui dit Sam en s'asseyant.
-Vous êtes épuisée mon colonel !
-Oui, mais je me reposerais plus tard. En ce moment je suis incapable de fermer les yeux dit la jeune femme.
Jack ouvrit les yeux dans la soirée.
Il vit tous ses amis autour de lui, mais ce qu'il remarqua en premier ce furent le regard brillant de Sam et son sourire. Elle lui tenait la main, devant tous comme si toutes les lois avaient pu être abolies d'un coup de baguette magique. Il n'avait peut être pas encore toute la lucidité pour la repousser, peut être ne le souhaitait-il pas ?
Il écoutait la voix de Sam, se laissait bercer par elle. Il s'endormit doucement d'un sommeil profond et réparateur.
-Il faut le laisser maintenant dit Sandra, il a besoin de beaucoup de repos.
Quelques jours plus tard. Maison de Jack
-Carter ? fit Jack en ouvrant sa porte à la jeune femme
-Mon général dit –elle en se troublant.
Elle avait beaucoup hésité à venir, le général était rentré chez lui depuis trois jours pour sa convalescence, et elle ne l'avait pas revu. Accaparée par ses nouvelles fonctions provisoires elle n'avait pas eu une minute à elle. Plusieurs fois elle avait attrapé le combiné du téléphone, même commencé à faire le numéro de Jack, puis finalement avait renoncé. Qu'aurait-elle pu dire sinon d' effroyables banalités ? Tout entre eux était suspendu, les phrases qu'ils avaient pu échangées, les attitudes, les regards. Le « je ne vous aime pas » était ancré en lettres de feu dans son cœur et avait causé des ravages intérieurs insoupçonnés. Elle ne savait plus ce qu'il voulait, ce qu'elle voulait, et elle se détruisait à vouloir faire et défaire un avenir qu'elle voyait incertain, sombre et solitaire. Le poison du doute s'était infiltré en elle détruisant le fragile échafaudage sur lequel elle avait construit sa vie depuis huit ans.
-Entrez carter dit-il en s'effaçant pour laisser passer son second.
Elle était pâle, pas maquillé, le regard un peu égaré qu'il lui connaissait quand elle avait perdu tous ses repères, quand elle ne savait plus où était sa route, quand elle était en proie aux doutes. Ce visage qu'elle lui offrait à cet instant lui fit mal. Il ressentait toute la douleur de la jeune femme.
Elle fit quelques pas dans le couloir, il était juste derrière elle, elle entendit le bruit de la porte se refermer. D'un pas chancelant elle descendit les quelques marches qui menaient au salon, mais elle se sentit sans force et chancela. Il la rattrapa juste avant qu'elle ne tombe. Il la soutint jusqu'au canapé, et la fit asseoir. Elle était blanche jusqu'aux lèvres, et se laissa aller le dos et la tête contre le dossier.
-Carter ? dit-il doucement d'une voix inquiète.
Elle ouvrit les yeux et vit le visage de Jack tout près du sien, un regard brun , inquiet et interrogateur.
-Juste un peu de fatigue mon général, ça va mieux.
-Vous vous surmenez, vous ne mangez pas assez, vous n'êtes pas raisonnable, Carter !
Elle sourit faiblement :
-Je suis très occupée en ce moment.
-Oui, je sais, vous faites mon boulot en plus du votre ! Car je suis sûr que vous passez un nombre d'heures incalculables dans votre labo.
-Oui, c'est vrai, mais j'adore ça, dit-elle en souriant, c'est ma récréation !
-Il y a des limites, que vous dépassez largement, Carter ! D'ailleurs j'ai du mal à comprendre que quelqu'un d'aussi intelligent que vous, manque à ce point de discernement.
-Oui mon général dit –elle docilement avec une petite grimace.
-Je suis en train de vous gronder Carter, dit-il d'un air faussement fâché.
-He ! vous n'en avez pas le droit, monsieur ! C'est moi votre chef pour le moment !
Il rit. La gêne entre eux s'estompa. Il la rejoignit sur le canapé. Elle pouvait sentir la chaleur de son corps tout près du sien. Elle posa sa tête dans le creux de son cou, et son bras à lui vint tout naturellement entourer ses épaules. Elle soupira de bien être savourant ce moment de pur bonheur.
-Carter dit-il doucement, je voulais vous remercier… pour tout…
Elle ne répondit pas, attendant la suite, il semblait vouloir parler, Elle releva un peu la tête et le regarda à travers ses cils. Il avait la tête penchée, et semblait perdu dans ses pensées.
-C'est à moi, de vous remercier monsieur, vous nous avez sauvés,
-En vous ramenant sur la planète d'Itzamna , mais c'est normal ! Qu'aurais-je pu faire d'autre ?
-Vous avez accepté de vous sacrifier.
-Et alors Carter dit-il avec une pointe d'agacement. On dirait que ça vous surprend !
-Non, pas du tout, je sais ce que vous êtes capable de faire, je voulais juste vous en remercier.
-Et bien c'est fait n'en parlons plus.
Il la rembarrait. Il n'aimait pas parler de ses exploits, elle le savait pourtant.
Elle laissa passer quelques instants en silence puis se décida à aborder le sujet qui lui tenait tant à cœur. Leur avenir à tous les deux, commun ou non.
-Vous vous souvenez monsieur de la fin de la soirée que nous avons passé chez vous ?
-Oui, je m'en souviens. La maladie ne m'a pas fait perdre la mémoire dit-il sarcastique.
Sam ne se laissa pas démonter.
-Et vous vous rappelez des phrases que vous m'avez dites ?
-Où voulez vous en venir Carter dit-il avec agacement.
Sa voix s'était faite plus froide, elle l'aurait juré
-Vous m'avez dit des mots très durs. Je voulais savoir si vous pensez toujours la même chose ?
Il se leva et se mit à faire les cents pas dans la pièce, seul signe extérieur de son trouble. Son visage était impassible et dans son regard, elle crut y lire de la froideur. Elle frissonna.
-Ce que je pense, ou ce que je dis, Carter, n'a aucune importance. Tant que notre mission que nous avons reçu et acceptée ne sera pas terminée, nous nous devons de consacrer entièrement nos vies à notre travail. Alors ce que nous pensons, ce que nous disons et surtout ce que nous éprouvons, doit passer au second plan. C'est ainsi.
Il parlait d'une voix détachée comme s'il s'exprimait sur un sujet quelconque auquel il n'attacherait que peu d'importance. Et c'est la contradiction entre ce qu'il disait et la manière dont il le disait qui fit froid dans le dos à Sam. « ce que nous éprouvons », voilà il l'avait dit ! mais ça changeait quoi ? Rien pour elle, rien pour lui.
Une larme glissa sous ses paupières et se fraya un chemin silencieux et tortueux sur sa joue. Elle le voyait maintenant à travers un rideau un peu flou. Sa grande silhouette debout au milieu de son salon, Cet homme qu'elle aimait plus que tout allait encore se défiler sous les belles paroles du devoir et du sacrifice. Elle sentit la colère gonfler en elle. Elle en avait plus qu'assez de se sacrifier. Combien faudrait-il encore subir de bataille, de douleurs, de blessures, avant de pouvoir enfin s'échouer au port ? Jamais sans doute, car tout cela n'était qu'un prétexte pour ne pas s'engager, une sorte de retenue, une punition qu'il s'infligeait pour une obscure culpabilité. Non Jack O'Neill pensait que le bonheur n'était pas pour lui, il avait peur de s'engager et se réfugiait derrière de faux prétextes. Pourquoi ? de peur d'être déçu ? c'était tellement facile de vivre dans l'expectative on avait l'impression encore de tout maîtriser. Mais c'était une erreur, une grossière erreur qui les rendaient tous les deux malheureux.
Toutes ces pensées tournaient en Sam tandis qu'elle le fixait à travers ses larmes. Elle devait tenter quelque chose, elle devait oser, car lui ne le ferait jamais. Il préférerait la laisser partir plutôt que de s'engager.
Elle avança d'un pas vers lui, longue silhouette immobile, les bras ballants de chaque côté du corps. Elle toucha du doigt sa poitrine, à l'emplacement du cœur, il frissonna. Elle joua le tout pour le tout.
-Redites-le moi encore une fois que vous ne m'aimez pas, là froidement en me regardant droit dans les yeux, et je vous jure que je pars immédiatement.
Il masqua son regard fulgurant de ses paupières closes. Sa respiration devint anarchique, il ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Elle était là devant lui, celle qu'il aimait le plus au monde, elle s'offrait, le visage tendu vers lui, les lèvres entrouvertes, les yeux mi clos, laissant seulement filtrer une douce lumière bleue. Son visage en complète contradiction avec la phrase et le ton glacial qu'elle venait d'employer.
Et c'était bien là le problème cette contradiction qu'était devenue tout leur vie. Cet amour impossible pour une foule de raisons plus ou moins valables, et cet amour entre eux qui transcende tout, qui surpasse tout, qui renaît encore plus fort à chaque épreuve. Comment faire fi d'un tel sentiment, d'une chose aussi puissante qui les emporte et qu'ils ne peuvent maîtriser.
Jack ne répondit pas par des mots, mais par des gestes ; il prit dans ses mains avec beaucoup de délicatesse le visage offert, et il déposa doucement ses lèvres sur les siennes en un baiser d'une grande douceur. Il sentit le frémissement de Sam, puis celle-ci vint mettre ses bras autour de sa nuque le forçant à plier un peu sa grande taille.
Plus besoin de mots, Sam avait sa réponse, tout était dit dans ce simple geste d'amour. Il ne fallait pas attendre de grandes démonstrations de la part de Jack, il n'y en aurait pas, mais avec ses mains et avec ses lèvres il savait parfaitement parler le langage de l'amour.
FIN
