Scène 5

- Bonjour Heiji ! Je suis ton avocat, je me présente : Yamamura Shindo.

Le jeune avocat avança une main vers Heiji, mais se prit un pied dans un des pieds de la chaise qui se trouvait à côté de lui, et fit tomber son attaché-case sur la table. Il se rattrapa de justesse en posant la main qu'il avait tendue pour saluer le jeune homme. Ce dernier fut surpris de sa maladresse.

Yamamura s'excusa, et repris son sérieux en réajustant son veston qui paraissait neuf. Il pu enfin serrer la main de Heiji, qui hésitait à lui répondre, ne sachant que penser de l'homme qui devait le "sauver".

- Bien. Voyons donc ton dossier...

Il prit le dossier que Fubuyuki avait laissé sur la table. L'inspecteur avait laissé Heiji seul dans la salle d'interrogatoire, car le jeune homme devait rencontrer son avocat dans l'intimité.

- Hum... c'est pas fameux... Tes empruntes sur l'arme du crime... Les jurés ne vont pas aimer...

- Voyons ! Ca arrive souvent que les empruntes retrouvées sur l'arme d'un meurtre soient celles d'innocents... !

- Oui, mais on a aussi retrouvé ta casquette, et on t'a aperçu en train de fuir...

- Mais ça n'est pas ce que vous croyez ! Je me suis enfui pour d'autres raisons...

- Et quelles sont-elles ? Ca n'a pas de sens ! Tout le monde sait que tu t'es enfui, car tu l'as tué. Allez, avoue, ça sera plus pratique pour le procès !

- Eh ! Dites donc ! Vous êtes flic ou avocat ! Je vous signale que vous êtes "supposé" prouver mon innocence !

L'avocat se reprit.

- Ah, pardon, s'excusa-t-il, rouge de honte. C'est juste que j'ai pas l'habitude...

- Non... Ne me dites pas...

- Si ! C'est ma première défense !

Heiji se renversa sur sa chaise inconfortable, effondré.

On lui avait collé le premier venu, presque. Ce type sortait tout droit de l'école : il n'avait aucune expérience du terrain ! Et il se félicitait de son incompétence… !

Comment allait-il s'en sortir !

- Pff... Je préfère encore compter sur Mouri..., marmonna-t-il.

- Comment !

Yamamura venait de se relever de sa chaise, la renversant du même coup.

"Et susceptible avec ça..."

- Ah ! Non... Je voulais pas vous vexer en disant cela...

- Non, c'est pas ça ! Tu as bien parlé de Mouri ? Le "Monsieur Mouri, le plus grand détective du Japon" !

- Oulaaa... Vous y allez un peu fort... C'est juste un ami...

- Mais c'est formidable ! Tu le connais personnellement ? Ah ! Mais c'est vrai : ça me revient ! L'autre fois à la télé : le Grand Duel des Détectives de l'Est et de l'Ouest ! Je me disais bien aussi que ta tête m'était familière...

"Je suis aussi le fils du préfet en chef, mais ça... on s'en fout..."

Heiji se fit amer.

- Ouais, c'est ça. Mais Kogoro est actuellement à Osaka, et il est même dans l'hôtel où a eu lieu le meurtre dont on m'accuse...

- Ah mais c'est merveilleux ! (Heiji se demanda ce qui pouvait bien être merveilleux dans le fait d'être accusé de meurtre.) Je dois me rendre sur les lieux afin de vérifier la validité des preuves : c'est la leçon numéro 2 - la première étant de faire connaissance avec son client. Ca tombe bien ! C'est mon cousin qui va être jaloux quand je lui dirai que j'ai rencontré notre idole !

- Quoi !

Heiji réalisa soudain quelque chose qui lui fit peur.

- C'est votre cousin, le machin... enfin, l'inspecteur du département de Gunma ?

- Oui ! Tous les deux, nous faisons carrière dans la quête de la Justice !

Heiji crut apercevoir des flammes d'enthousiasme dans son regard. Il se rapprocha de son avocat, et lui demanda discrètement :

- Dites, vous êtes tous comme ça, chez vous ?

- Hein ?

- Non, rien, j'ai ma réponse...

"Non seulement c'est un bleu du Barreau, mais c'est en plus un Otaku du Mouri... Et le pire, c'est que c'est aussi le cousin du machin incapable de Gunma dont me parle souvent Kudô... Je suis dans de beaux draps..."

- Bon, reprit Shindo Yamamura. Un peu de sérieux. Est-ce que tu as des choses à me dire qui pourraient m'aider à te sortir de là ?

- Non. Je ne parle pas aux flics, je vois pas pourquoi je devrai tout vous déballer...

- Mais... Mais enfin ! C'est toi qui as réclamé un avocat, tout de même !

- Bah... C'était plus pour gagner du temps qu'autre chose... et avoir un peu la paix... Et aussi parce que c'est dans mes droits d'en avoir un, alors j'en profite... Courage, vous n'êtes pas au bout de vos peines...

Il lui adressa son plus grand sourire, celui qui affichait si bien ses belles dents blanches.

Yamamura retomba lentement sur sa chaise. Il avait l'air embarrassé et ne savait que faire.

- Bon. Alors je fais quoi, moi ?

- Eh bien, vous pouvez toujours aller à l'hôtel, si ça vous dit. Là-bas, vous trouverez votre "idole" et vous le verrez à l'oeuvre me sortir de ce trou. Vous devriez prendre exemple sur lui... Qui sait ? Vous aurez peut-être droit à son Show...

Et tandis que le commis d'office rangeait ses affaires dans son attaché :

- Au fait, faites bien attention à tout ce que peut dire ou faire le gosse qui l'accompagne. Il est très intelligent, ce p'tit... C'est une sorte de Talisman humain, si vous voyez ce que je veux dire... Il me porte souvent bonheur...

Shindo Yamamura remercia son client, qui se carra dans son siège après son départ, l'air soucieux des heures qui allaient venir...

Conan s'ennuyait ferme.

Les filles n'arrêtaient pas de monter des théories toutes aussi abracadabrantesques les unes que les autres pour expliquer le meurtre et l'implication de Heiji. Shizuka, quant à elle, les écoutaient paisiblement sans mot dire. Il devait être assez décourageant pour elle de penser que son fils ait pu être impliquer dans une affaire qui dépassait le cadre national. Pour elle, ce Nagao avait causé assez de problèmes de son vivant. Il avait fallu qu'il embarque aussi son fils dans une galère impossible au moment de sa mort…

Tous attendaient dans le grand hall d'attente, en bas de l'hôtel. Conan décida qu'il était temps d'aller se dégourdir les jambes. Après avoir obtenu l'autorisation de Ran, il alla fureter du côté de l'accueil.

Il repensait au coup de fil de son ami. Un détail clochait. Quelque chose avait retenu son attention, mais il n'arrivait pas à déterminer quoi. Perdu dans ses pensées, il passa devant le comptoir du maître d'hôtel qui se trouvait être le directeur. Une idée lui vint à l'esprit.

- Bonjour Monsieur ! Vous vous souvenez de moi ?

Le vieil homme ne réalisa pas tout de suite qu'un enfant s'adressait à lui. Il dû se pencher par-dessus le comptoir pour voir à qui appartenait la petite voix qu'il entendait.

- Ah, tu es le petit garçon qui est avec les policiers ; que veux-tu savoir mon enfant ?

Conan prit son air candide le plus réussi, certain que son effet ferait tomber n'importe quelle défense, et joua le rôle de l'enfant curieux.

- Ben, vous avez dit que y'avait des gens importants qui habitaient ici… C'est vraiment des célébrités ?

- Eh bien… euh… oui, si on veut… mais ces gens ne font pas partie, en majorité, des stars que l'on connaît.

- Et vous avez déjà des stars connues qui sont venues ici ?

- Oui, bien sûr !

- Ah, dites ! Je peux voir leurs autographes ?

- Ah, tu veux parler de leurs signatures sur le registre, mon garçon ?

- Oui, c'est ça ! Quand je dirais à mes copains que j'ai presque rencontré des stars, ils me croiront jamais !

Se sentant obligé de répondre à ce petit garçon charmant avec ses petites lunettes et sa tignasse ébouriffée sous sa casquette violette et verte, le maître d'hôtel glissa le registre des entrées vers Conan, qui grimpa sur le rebord du comptoir afin de pouvoir feuilleter le document. Il tourna quelques pages, celles qui dataient de la semaine encourue, et s'étonna bruyamment des noms qu'il connaissait de réputation, et dont la renommée était à la portée d'un enfant de sept ans. Puis il s'attarda sur la page de la veille.

- Ah ! Ca c'est la signature du monsieur qui est mort, hein ?

- Oui, c'est bien lui.

- Et est-ce que y'a aussi celle du garçon qui s'est fait arrêté ?

Conan l'avait repéré, mais il ne voulait pas que le vieil homme porte trop de soupçons.

- Tiens, c'est celle là…

Conan jeta ensuite un œil sur les signatures qui correspondaient aux autres entrées de la soirée, mais la journée de la veille finissait sur celle de Heiji.

Il remarqua toutefois celles des voisins qui avaient été interrogés un peu plus tôt. Mais cela n'avait rien de concluant.

- Alors, cela te convient-il, jeune homme ? lui demanda le maître d'hôtel.

- Hein ? Euh, oui ! Merci beaucoup, monsieur, c'était très gentil de votre part de m'avoir montré tout ça !

Il sauta à terre et salua l'homme. Il avait à peine tourné à l'angle du couloir, quelques mètres plus loin, qu'un groom appela le maître d'hôtel. Ce dernier quitta le comptoir et suivit le jeune serveur. Conan en profita pour retourner au comptoir et grimper dessus, afin de pouvoir regarder en vitesse dans le registre d'occupation des chambres qu'il avait repéré pendant son manège un peu plus tôt. Il découvrit que l'appartement de Nagao était à son nom, ce qui n'étonna nullement Conan. En revanche, deux de ses voisins retinrent son attention : ou plutôt un appartement. Et il s'agissait de l'appartement 308…