Je me rappelle encore...

Roy pénétra dans ses appartements en déboutonnant sa veste d'un geste fatigué.

-Noa , appela-t-il.

Mais les pièces plongées dans le noir restèrent silencieuses. Le jeune homme fronça les sourcils et se dirigea vers la chambre de sa protégée. Il frappa légèrement et poussa la porte sans un bruit. Le lit était vide. Roy resta un moment à le regarder. Il ne pouvait pas croire qu'elle s'était de nouveau évaporée, pas encore... Le Colonel revint au salon et regarda autour de lui. Il s'arrêta sur la porte entrouverte de son bureau. Une enveloppe était appuyée contre sa lampe. Il se précipita à l'intérieur et s'en saisit : elle était adressée à l'Invoqueur Supérieur de Central. En revanche, il trouva à côté un court mot de la main de Noa. Il le lut rapidement et se laissa tomber sur sa chaise. Elle était repartie...

Roy ferma les yeux.

« -Comment fais-tu ça, petite ?

-Ça vous étonne ? Je croyais pourtant qu'on connaissait l'Invocation à Central.

-Tu es Invoqueur ?

-Oui. Et vous ? Vous êtes militaire ?

-Oui, je suis le Capitaine Roy Mustang, alchimiste d'état.

-Et moi, je suis Noa Rushermein, petite habitante de Renta. »

Le jeune homme rouvrit les yeux. C'était le 24 mars 1908. Il se souvenait encore parfaitement de sa première rencontre avec cette gamine qui lui avait tant appris. Il n'avait fallu que quelques semaines pour qu'il s'attache à elle au point de ne pouvoir partir de Renta sans elle. C'est ainsi qu'elle était revenue avec lui à Central.

« -Habiter chez toi ?

Le jeune homme acquiesça.

-À Central ?

-Quoi ? Tu as peur des grands méchants citadins qui pourraient s'en prendre à une pauvre petite campagnarde comme toi ?

-Non, je n'ai pas peur d'eux, mais du glandeur-dragueur-flemmard-qui-sait-faire-ni-ménage-ni-cuisine chez qui je vais devoir vivre...

-...Tu me vexes, là...

La gamine éclata de rire. »

Roy sourit. Malgré toutes ses piques, Noa avait accepté aussitôt de venir avec lui. Il avait surpris tous ses collègues en la présentant comme étant sa protégée. Tous gardait en tête l'image du grand Roy Mustang, héros de la guerre d'Ishbal. Un homme qui ne s'attachait à personne pour grimper les échelons le plus rapidement possible. Mais Noa, elle, le voyait plutôt comme...

« -Caaaaapitain' Flamm'...

-Vas-tu te taire à la fin ! Je te rappelles que j'ai été promu il y a une semaine !

-M'en fiche, avec Maes, on a adopté ce surnom à l'unanimité !

-...Sur deux... ?

-Ben, oui, qu'est-ce tu crois ?

La jeune fille prit un air conspirateur.

-À deux, on peut faire de grandes choses...

Roy haussa un sourcil.

-Tu commences à me faire peur... Il faut que j'ai une petite conversation avec Maes... »

Noa et Maes, le fléau de Roy. Il avait subi tant de sévices venant d'eux qu'ils ne les comptaient plus. Si Roy s'était irréversiblement attaché à Noa, il en était tout autant de Maes. Avec sa petite compagne, il avait pu exercer ton son talent de blagueur professionnel, et sans aucune retenue. Il était le seul à savoir ce que Noa représentait réellement pour Roy.

Le jeune homme se leva et alla se servir un verre de whisky. Il en but une gorgée et regarda le fond du verre.

« -Tu bois encore ?

Roy posa le verre sur la table et se tourna vers elle.

-Voilà, tu es contente ?

-Roy..., soupira Noa, Ce n'est pas pour t'énerver que je dit ça. Tu te ruines la santé avec tout cet alcool.

-C'est mon problème.

-Ça sert à rien de noyer tes problèmes dans un verre de cognac !

-Tu vas me faire la morale encore longtemps !

Le ton avait monté. Noa en fut choquée et Roy s'en rendit compte.

-Pardon, je ne voulais...

-Mais qu'est-ce que tu as dans la tête ! Tu n'est quand même pas aveugle au point de ne pas te rendre compte quand quelqu'un tient à toi ! Merde, Roy ! Ouvre les yeux, bon sang ! »

Il reposa son verre en soupirant. Combien de fois lui avait-elle donné des conseils qu'il avait mal pris alors qu'elle ne cherchait qu'à l'aider ? Il l'avait tant de fois mise en colère et elle ne lui en avait jamais voulu. Il n'y avait qu'avec elle qu'il parvenait à se livrer. Et elle était la seule personne qu'il parvenait à comprendre.

« -Regardes.

Noa prit les feuillets.

-Des formulaires d'inscription... Pour le concours de classification d'Invoqueur !

Elle leva la tête vers Roy, qui la regardait d'un air amusé.

-Ça te dit ?

-Mais... Je n'aurais jamais le niveau...

-Noa... À cœur vaillant rien n'est impossible...

La jeune fille haussa un sourcil dubitatif.

-Tu nous fais quoi là ?

-Pour une fois que je te donnes un conseil, écoute-moi. Passes cet examen. Je suis sûr que tu seras diplômée.

Elle lui sourit, visiblement ravie. »

Elle l'avait réussi, son examen, et avait obtenu le titre d'Invoqueur seconde classe, grimpant immédiatement de deux rangs dans la hiérarchie imposée par le Supérieur. Jamais il n'avait été aussi fier que lorsqu'elle lui avait ramené la plaque gravée à son nom et son titre. C'était la veille de l'anniversaire de la jeune fille.

« -Debout là-dedans !

Un grognement lui parvint du tas de draps étendu sur le lit.

-Laisse-moi dormir !

Le jeune homme s'avança et se pencha sur elle pour la chatouiller. Elle se réveilla immédiatement en éclatant de rire.

-Hey, dit-il en s'arrêtant, Que jour on est aujourd'hui ?

-...Le 12 décembre !

-Bon anniversaire, Noa.

Il lui tendit un petit paquet, qu'elle prit les yeux brillants d'excitation. Elle déballa un coffret où se trouvait une bague. Elle éclata de rire.

-Voyons Roy ! Tu es trop vieux pour me faire une demande en mariage !

Il rit avec elle, puis prit la bague.

-Donne-moi ta main.

Elle s'exécuta.

-Ce n'est pas une demande en mariage...

-Mmm... Quel dommage...

-...mais une demande de fraternité...

Elle sourit mais ne dit rien.

-Alors, Noa, acceptes-tu ?

La jeune fille ne put s'empêcher de pouffer :

-Oui, je le veux !

Roy passa la bague à son doigt avant de la serrer dans ses bras.

-Pour la vie..., murmura-t-elle à son oreille. »

Elle était devenue bien plus qu'une amie. Elle vécu ainsi avec lui pendant deux ans, après avoir passé son examen d'Invoqueur. Elle avait ensuite fait régulièrement l'aller-retour de Central à Renta pur assurer malgré tout son rôle de « gardienne ». Il n'était alors pas au courant des problèmes qu'elle avait avec les habitants.

Il se rendit dans la salle de bain pour se passer de l'eau sur le visage. Lorsqu'il en sorti, un souvenir refit surface et le fit sourire.

« Roy sortit de la salle de bain, une serviette entourée autour de sa taille et le torse nu.

-Roy , protesta Noa, Tu pourrais au moins te couvrir avant de sortir !

Le jeune homme passa une main dans ses cheveux mouillés pour l'éclabousser et dit d'une vois pompeuse :

-Estimez-vous heureuse, très chère, il y a des femmes qui paieraient pour voir ce que vous voyez en ce moment...

-C'est fou comme la modestie t'étouffe... »

Roy soupira et se laissa tomber dans le canapé.

« -Moi, je te le dis, Roy, je t'aime. Et je ne sais pas ce que je serais devenue si je ne t'avais pas rencontré... »

-C'est pareil pour moi, Noa...

Ed poussa la porte de la chambre et vit aussitôt le petit morceau de feuille par terre. Il se pencha et le ramassa. Il rosit légèrement à sa lecture, puis comprit pourquoi il se trouvait là. Il se laissa tomber sur son lit.

-Merde, Noa, pourquoi ?

Il connaissait déjà la réponse.

« -S'il y a une chose que je ne supporte pas, c'est de faire subie aux autres ma peine... »

Il soupira. C'est justement ce que les gens desquels on est proches doivent faire : aider à supporter les mauvaises passes. Mais Noa n'aimait pas ce genre de choses. Même si elle était prête à aider ceux qu'elle aimait, il n'était pas question de l'inverse. C'était toujours comme ça. Du moins, depuis qu'il la connaissait.

Se laissant tomber, allongé sur son lit, Ed passa son bras de chair sur ses yeux pour faire le noir total. Où était-elle partie ? Allait-elle bien ? Malgré qu'il savait qu'elle savait extrêmes bien se défendre, en ayant fait plusieurs fois les frais, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet. Il ne put non plus s'empêcher de penser à cette histoire de Chimères et de gardien des Enfers. Il ne savait pas que les Invocations pouvaient tuer leurs Invoqueurs. Elle s'était bien gardée de lui dire. Elle aurait pu se faire tuer aujourd'hui et il n'aurait rien pu faire. L'Alchimie ne peut contrer l'Invocation, il le savait.

Il se redressa et regarda le mot qu'il avait gardé serré dans sa main.

-Noa...

Que n'aurait-il pas donner pour pouvoir lui parler maintenant ? Tout comme il aurait donné n'importe quoi pour passer un peu plus d'une heure avec elle, le mois dernier. Comme il en avait voulu à cette Maya d'avoir monopolisé la jeune fille et de l'avoir épuisée au point qu'elle tombait de fatigue en rentrant chez le Colonel. Il l'avait su de Hughes.

Son cœur se serra. Même si elle lui avait manqué pendant un mois, la savoir partie, qui plus est il ne savait où, lui faisait un mal de chien. Et il savait qu'aucune parole ne pourrait l'aider à y remédier.

Comme par le passé, il se rendit compte que c'était quand on perdait une personne qu'on se rendait véritablement compte à quel point on y était attacher.

-Moi aussi, Noa...