Chapitre 4 : Tu me tues...

Sur le trajet la menant aux tableaux à message elle continua à réfléchir. Elle regarda les gens autour d'elle, rien que des silhouettes d'inconnus, des gens sans saveur, sans vie. Ils avaient tous les yeux morts, la tête basse. Personne ne la regardait, elle semblait être invisible parmi cette foule. Elle essaya d'accrocher un regard mais en vain. Qu'avaient-ils tous à l'ignorer, à la snober comme ça? Elle paniqua et chercha désespérément un endroit isolé loin de ces gens pesant d'indifférence. Son coeur battait à tout rompre, des perles de sueurs ornaient son front et ses mains tremblaient.

Elle vit enfin un endroit au calme. Elle courut pour s'y réfugier. Elle réalisa alors que l'indifférence faisait naître la solitude tel l'appel des sirènes. Elle mit ses mains sur ses oreilles et se mit à chuchoter.

« Allez-vous en... allez-vous en... »

Elle voulait que ses phrases ne sortent pas de sa tête. Elle voulait déjouer le silence mortuaire qui s'était installé. Tout à coup elle se mit à hurler.

Elle entendit des chuchotis tout autour d'elle. Elle enleva ses mains de ses oreilles pour réaliser que ce n'étaient pas des murmures mais des questions posées à hautes voix.

« Vous allez bien mademoiselle? »

Des gens tout autour d'elle. Des curieux, des voyeurs, des personnes si peu fiers de leur vie sordidement monotone que la moindre chose pouvant les écarter de leur route rectiligne les rendaient assoiffés de curiosité. Kaori les dévisageait littéralement, se demandant ce qu'ils faisaient tous là à l'épier comme une bête traquée. Elle détestait ça. Elle se leva, jeta un bref coup d'oeil sur chacun d'eux et partit en courant sans une parole pour ces pantins prévisibles.

Elle sombrait, la pauvre Kaori. Elle ne s'en rendait pas encore tout à fait compte mais plus la journée avançait plus elle s'enfonçait. Son cauchemar tournait en boucle dans sa tête et semblait la narguer avec une sournoiserie sans faille. Elle ne savait plus quoi faire pour s'en sortir.

Comment un simple cauchemar pouvait-elle lui faire autant de mal? Une chose que son cerveau avait crée de toute pièce, mélange de souvenirs, de craintes et de désir.

Elle arriva finalement avec toute les peines du monde devant le tableau à messages. Le coeur battant à tout rompre, la sueur perlant son front, elle leva les yeux vers le tableau. Elle y vit une inscription singulière. Elle ne reconnut pas de suite l'écriture.

« Lisez tous cette histoire.
Ryo Saeba mourra ce soir
Moi je sais qui l'a tué
C'est sa Kaori bien aimée »

Ces mots l'effrayèrent. Elle s'attarda malgré elle sur ces quelques lignes et vit que c'était sa propre écriture. Soudain sa vue se troubla. Les lignes devinrent plus nombreuses et un voile sombre peignit son regard.

« Mademoiselle! »

Elle attendit ce mot comme un lointain écho avant de sombrer .

Elle avait l'impression de flotter et une sourde chaleur irradiait son corps. Elle se sentait vraiment bien. Un paysage se dessina devant elle et elle réalisa qu'elle rêvait.

Que s'était-il passé? Que faisait-elle désormais dans un pré sous un soleil clément et réchauffant tout son être? Pourquoi avait-elle l'impression de connaître ce lieu comme s'il elle y avait passé toute sa vie?

Elle passa son regard sur le panorama et remarqua qu'à part de l'herbe il n'y avait rien. L'infini ou du moins son idée à elle de l'infini.

Un miroir aux alouettes. Une impression de bonheur mais au fond la pire chose qui soit: la solitude, la tristesse, la mort. L'herbe a ses pieds ne bougeaient pas, les nuages non plus d'ailleurs. Pas un brin de vent et le soleil chauffait de toute sa puissance empêchant presque Kaori de respirer. Un cauchemar, un autre cauchemar.

Elle vit alors au loin un objet. Elle s'en approcha pour vite se rendre compte que c'était une pierre tombale. Elle n'osa pas regarder ce qu'il y avait écrit dessus de peur de voir ses craintes s'exacerber encore une fois. Tremblante, la peur au ventre, elle posa ses yeux sur l'inscription.

« Ryô Saeba – 19XX – 1992. Tué par sa bien aimée. »

Kaori terrorisée , mit une main devant sa bouche pour s'empêcher de hurler. Les larmes aux bords des yeux, elle vit alors son cauchemar avancer et la conforter dans l'idée qu'elle allait causer la perte de son partenaire.

Elle se réveilla en sueurs, les mains agrippant fermement le drap. Elle tourna la tête de droite à gauche et vis et versa une bonne dizaine de fois avant de se rendre compte qu'elle n'était pas toute seule dans la pièce. Kazue la veillait et posa ses mains sur les paules de son amis pour l'obliger à la regarder.

« Kaori, chut, calme-toi. Tu as fait un cauchemar. »
« Qu'est-ce... qu'est-ce que je fais là? »
« Tu t'es évanouie devant le tableau à messages. Heureusement que Mick passait par là et t'as ramenée. »
« Ah... »
« Allonge-toi, tu as encore un peu de fièvre. »
« Mais, je dois rentrer... je... »
« Non Kaori! Tu vas rester ici cette nuit et si demain tu vas mieux on te ramèneras chez toi compris? »
« D'accord. »

Kaori n'avait pas la force de lutter contre son amie et pour le moment il valait mieux qu'elle se tienne éloigner de Ryô. Elle craignait pour sa vie et avait peur de ce qu'elle serait capable de faire à son partenaire.