Chapitre 12 : Paternité

Deux semaines après son retour, Julianne s'était douchée et était passée rapidement à l'infirmerie, afin de s'assurer que personne n'avait besoin d'elle. Finalement, elle ne s'était plus trouvé aucune excuse, pour ne pas descendre aux cachots. Grimaçant, elle rajusta son attelle et frappa à la porte du bureau du professeur Rogue. Attendant nerveusement, elle n'obtînt aucune réponse. Elle décida de repartir, puisque manifestement, le professeur ne désirait pas le voir. Se retournant, elle partit rapidement et elle entra durement dans Severus Rogue, qui arrivait vers elle. Elle releva les yeux vers lui, grimaçant de douleur et lui dit d'une petite voix :

- Désolée, professeur...

Baisant les yeux sur Julianne, Severus la regarda, un peu mal-à-l'aise, puis pinça fortement les lèvres. Depuis les révélations lors des cours d'Occlumencie, il ne cessait de tourner la même pensée dans son esprit. Gwendoline était enceinte ! Enceinte... elle avait portée son enfant. Prenant un air hautain, afin de camoufler son trouble, il dit un peu trop sèchement :

- Miss Miller ... que faites vous ici ? Vous devriez aller vous reposer.

- Je... je voudrais vous parlez avant, si vous n'êtes pas occupé, dit-elle, gênée.

Severus la regarda bizarrement, puis ouvrit la porte de son bureau sans dire un mot. Il entra, attendit qu'elle entre à son tour, puis referma la porte. Sans la regarder, il alla s'asseoir et elle fit de même. On aurait dit un couple de jeunes prétendants, timide et n'osant pas se regarder. Après un long moment de silence pesant, Julianne se risqua à prendre la parole.

- Vous vous souvenez de ma répartition ? demanda t-elle en lui lançant un bref coup d'oeil.

- Oui, dit rapidement Severus, se remémorant trop bien l'hésitation du Choixpeau.

Regardant le sol, Julianne gratouillait avec attention, la couture de sa robe de sorcière. Elle avait attendu ce moment tellement longtemps. Depuis que son père adoptif lui avait avoué qu'il n'était pas son vrai père, en fait. Couchée dans son lit, elle s'était imaginée des histoires à l'eau de rose concernant son géniteur. Elle l'imaginait sur un beau cheval blanc, la serrant dans ses bras et pleurant de joie. Au lieu de cela, c'était le professeur Rogue son père ! Un homme qui lui avait manifesté de l'animosité dès le départ. Pas vraiment le prince charmant idéal. Silencieuse, elle continuait à gratouiller sa robe, pendant que Severus la regardait attentivement. Elle ressemblait tant à Gwendoline ! Pendant seize longues années, il avait pensé que Gwendoline l'avait abandonné, qu'elle ne l'aimait plus. Il avait eu le coeur brisé et s'était lancé corps et âme dans la philosophie Mangemort, tandis qu'elle portait et mettait au monde leur enfant. Pinçant de plus en plus les lèvres, afin de cacher ses émotions, il brisa le silence d'une voix glaciale :

- Et puis ? Faites vite, Miss Miller. J'ai autre chose à faire que vous observez toute la journée.

Relevant les yeux vers le professeur Rogue, Julianne le regarda avec un air peiné. Manifestement, il ne l'appréciait pas plus qu'avant, et elle voulait tellement lui plaire. Elle l'avait toujours voulu. Elle haussa les épaules, grimaça de douleur, et dit d'une voix désincarnée :

- Lorsque je suis entrée chez moi cette année là, pour les vacances des fêtes, j'ai questionné mon père. Ce qu'avait dit le Choixpeau me préoccupait. Il m'a alors avoué, que ma mère était enceinte lorsqu'il l'a connu, et qu'il m'a adoptée à ma naissance, dit-elle en soupirant. Lorsque j'ai eu cette vision dans la cabane hurlante, j'ai ressenti les émotions de ma mère, et c'est comme cela que j'ai sut ...

Severus l'écoutait avec attention, sentant son coeur se serrer quelque peu à l'évocation de certains passages. Il ne doutait aucunement de sa paternité. Gwendoline était pure lorsqu'elle s'était donnée à lui, et jamais il n'avait douté de sa fidélité. Contre toute attente, il était bien le père de Miss Miller. Julianne... sa fille ! Une élève de Gryffondor par dessus le marché ! Perdu dans ses pensées, il ne l'entendit que vaguement ajouter quelque chose.

- Pardon ? demanda t-il d'une voix pensive

- Je vous demandais s'il était possible, que vous soyez réellement mon père, répéta t-elle timidement.

Sortant de ses pensées, il la regarda fixement. Il avait le choix... le choix de renier sa paternité ou de l'accepter. Il cogita plusieurs minutes, tentant d'analyser la situation. Comment pouvais t-il renier le fruit de son amour pour Gwendoline ? Pinçant légèrement les lèvres, sa décision prise, il dit lentement :

- C'est beaucoup plus qu'une possibilité, Miss Miller. Votre mère n'a connu que moi, et elle n'était pas une traînée, quoique son fou de père puisse en dire.

Croisant les mains et les posant sur son bureau, il poursuivit :

- Je suis bien votre père, aussi insensé que cela puisse l'être.

Sans un mot, Julianne enregistrait chacune des paroles de son professeur. Contrairement à ce qu'elle croyait, il ne niait pas sa paternité. La respiration laborieuse, elle le regardait, au bord des larmes. C'était trop d'émotions pour elle. D'abord son enlèvement et ses blessures, ensuite sa vision et maintenant la confirmation du professeur Rogue. Ravalant ses larmes, elle hocha lentement la tête et détourna le regard. Son épaule la faisait horriblement souffrir, ce qui n'arrangeaient pas les choses. Severus regarda encore un peu Julianne, puis détourna le regard à son tour, fixant un point vague derrière elle. Il ne savait plus comment agir avec son élève et il tentait de trouver quelque chose à dire. Il était père... lui ! Il n'arrivait pas à y croire. Et comment

réagirait les autres à cette nouvelle ? Ses collègues, et surtout les élèves de Serpentard ? Il devait étouffer cette histoire de paternité ! Il reporta son regard vers Julianne, et pinça les lèvres. Il ne pouvait pas étouffer l'affaire sans renier son amour pour Gwendoline. Soupirant, il demanda d'un ton un peu sec :

- Comment se porte votre épaule ?

- J'ai mal ... dit-elle sans le regarder, mais cela passera...

Soupirant à son tour, Julianne n'avait jamais autant désiré avoir un contenant pour en fixer le fond. Elle ne s'était jamais sentie aussi mal-à-l'aise de toute sa vie. N'osant toujours pas regarder le professeur Rogue, elle dit :

- Un Mangemort du nom de Goyle m'a prit ma baguette. Il faudrait que j'aille m'en acheter une autre, mais j'imagine que je devrai être accompagnée jusqu'à chez Ollivander.

Prenant un air pensif, Severus la regarda attentivement. Il semblait réfléchir intensément à un dilemme intérieur. Puis, plissant les yeux, il ouvrit le tiroir de son bureau et posa sa propre baguette devant Julianne.

- Tenez... vous n'aurez pas besoin de vous rendre au Pré-Au-Lard dit-il d'une voix appuyée.

Surprise, Julianne tourna son regard vers Rogue, le fixant d'un air ébahit. Sans un mot, elle prit la baguette et la regarda. Il s'agissait d'une baguette assez ancienne, d'une longueur beaucoup plus grande que celle qu'on lui avait volé. De légères encoches en marquaient le bois, signe d'une utilisation importante. Tout en bas, apparaissait des initiales : E.P Fronçant les sourcils, elle leva les yeux vers le professeur Rogue, perplexe.

- E.P ? Questionna t-elle

- Eilleen Prince, ma mère, dit-il froidement. Elle m'a donné sa baguette lors de mon entrée à Poudlard. Théoriquement, elle aurait dut vous revenir de toute façon. J'irai m'en acheter une autre, poursuivit-il d'un ton hautain, destiné à cacher ses véritables sentiments.

Très émue, Julianne avala difficilement sa salive. Le professeur Rogue lui donnait sa baguette ! Son père lui faisait don de l'objet le plus important pour un sorcier. Qui plus est, cette baguette avait une signification familiale pour lui. Sans un mot, Julianne se leva et contourna le bureau de son père. Elle se pencha vers lui et, impulsivement, déposa un petit baiser sur sa joue.

- Merci, dit-elle doucement

Sans ajouter rien de plus, elle sortie du bureau. Se figeant sur sa chaise, Severus pinça les lèvres lorsqu'elle l'embrassa. Il la regarda partir, puis porta la main à sa joue. Grommelant, il prit sa cape et partit pour Pré-Au-Lard, afin de se procurer une nouvelle baguette.

Les semaines s'écoulèrent dans une normalité aléatoire. Après une vague d'inquiétude et de prévenance envers Julianne, les élèves finirent par oublier l'enlèvement. Guérie de ses blessures physiques, mais non psychologiques, la jeune fille poursuivait ses cours, faissant mine d'avoir oublié ce qui c'était passé. Toutefois, Julianne était torturée par une pensée fixe. Il y aurait une prochaine fois, elle le sentait au fond de son être. Bientôt, très bientôt, le mal la ferait prisonnière à nouveau. Elle devait absolument établir un plan de défense. Elle alla donc à la bibliothèque et après plusieurs tentatives risquées, elle pénétra dans la réserve interdite. Elle y déroba un volumineux livre de magie noire et alla se terrer dans la Salle sur Demande.

Rapidement, elle prit un livre et pointa un passage du doigt. Il existait une formule pour empêcher l'Accio baguette de fonctionner... Il suffisait d'insérer la baguette sous la peau. Elle regarda attentivement la formulation puis elle grimaça quelque peu. Ce sortilège devait être assez douleureux, mais jamais autant que l'Endoloris. Elle tousotta, posa sa baguette sur la table et releva son chandail. Lentement et avec précaution, elle prononça la formule :

- Inserio baguea ondo soma

La baguette lévita et doucement flotta jusqu'à Julianne, qui ferma les yeux avec appréhension. Elle sentie une vague douleur diffuse, qui lui fit se mordre la lèvre inférieure. Elle fronça les sourcils et ouvrit les yeux, lorsque la douleur aigue cessa. Elle regarda ses côtes et passa la main sur sa peau. Il n'y avait aucun moyen de savoir, que sa baguette était là. Elle souria et se risqua à dire :

- Accio Baguette

Elle sentie un bref tiraillement contre sa peau, comme si elle appuyait fortement sur une membrane. C'était inconfortable, mais non douloureux. Elle souria de nouveau et s'assied, débutant la lecture plus approfondie du livre.

Peu de temps après, elle entendit la porte s'ouvrir. Elle releva les yeux, et aperçu le professeur Rogue, qui la regardait. Il s'avança et jeta un oeil sur le livre qu'elle lisait. Constatant qu'il s'agissait d'un ouvrage sur la magie noire, il se figea, pinça les lèvres et regarda Julianne d'un air sombre.

- Qu'est ce que cela signifie ? demande t-il durement

- Bien... Je veux me préparer pour la prochaine fois. Pour combattre le Diable, il faut utiliser ses instruments, non ? dit-elle d'un ton déterminée.

Severus fixa sa fille quelques instants, puis soupira. Il ne désirait pas penser à la prochaine fois. Il savait, que le Seigneur des Ténèbres ne lâcherais jamais le morceau. Prenant un air hautain, il grommela et s'assied auprès d'elle. Soupirant, il prit le livre et le feuilleta. Après plusieurs minutes de silence, il dit :

- Je préfèrerais ne pas vous voir utiliser la magie noire. Ce n'est pas une magie convenable.

Julianne, qui lisait tranquillement un autre livre, releva les yeux et regarda son père. Elle posa le livre sur la table et soupira à son tour. Décidément, les soupirs semblaient être un trait familial chez les Rogue.

- Mais papa... je n'ai pas le choix, si...

Elle s'arrêta subitement, portant la main à sa bouche et ouvrant de grands yeux. Elle l'avait appelé "papa" ! Mais à quoi avait-elle pensé ? Maudissant son impulsivité, elle détourna le regard, fixant la fenêtre et désirant être ailleurs. Severus sursauta légèrement lorsqu'il entendit le mot "papa". Il regarda Julianne fixement, sans rien dire. Au fond de son coeur, une sensation étrange prenait naissance. Il tenta de faire taire sa fierté derrière une façade ulcérée et froide, mais il n'y arrivait pas. Le visage défait, il pinça les lèvres et dit d'une voix assez douce, compte tenu de sa personnalité.

- Je sais Julianne...

Il se releva et s'approcha de sa fille. Il se plaça derrière elle et hésita fortement. Il désirait poser la main sur son épaule, accomplir un geste de soutien paternel. Mais, il en fut incapable. Il se contenta donc de soupirer, tourna les talons et quitta la salle en silence afin de la laisser poursuivre sa préparation peu orthodoxe.