Chapitre 2 : Conciliabules

Un poing vint s'écraser sur une petite table en bois, la fracassant en deux sous les yeux inquiets de ceux qui l'entouraient. L'auteur de cet emportement était Drakan, nouveau chef du clan des lycans. C'était un homme assez petit, brun, et il avait une importante musculature qui faisait de lui une armoire à glace. Il était réputé pour son caractère autoritaire et méchant; mais à part cela, il avait toute la bravoure et la loyauté qu'un lycan puisse avoir.

"Comment se fait-il que vous ayez failli dans votre parole! ragea-il, en écartant la table d'un revers de la main; je le voulais vivant !"

Belial, tentant de ne pas montrer sa frayeur face à cet individu, baissa quelque peu les yeux pour marmonner quelques mots incompréhensibles qui traduisaient les soit disant excuses de Liam pour ce malentendu.

"Je veux voir Liam tout de suite ! enchaîna Drakan, hors de lui; je ne peux supporter de parler à un sous fifre, surtout après ce qu'il est arrivé au mien par votre faute !"

Le jeune vampire soupira tout en sortant son téléphone cellulaire pour appeler son maître.

Quelques minutes plus tard, un grand silence s'installa dans la petite pièce où ils se trouvaient; une démarche légère et sensuelle se fit entendre. Tous les yeux se rivèrent vers le petit couloir sombre d'où provenaient les pas. Comme prévu, Liam en déboucha, toujours imposant le silence prés de lui rien seulement par sa présence. Il promena son regard dans toute la salle, l'attardant sur Drakan, puis alla s'installer sur une chaise prés du chef des lycans.

"Mes sincères condoléances pour votre..., il hésita un moment, ne trouvant pas les mots; ... acolyte. C'est une totale méprise."

"Je veux savoir qui est celui qui a osé tuer cet homme... railla-il de sa voix caverneuse; j'ai entendu dire que vous avez un élément dangereux... Un certain Kylian ?"

"Exactement... répondit Liam, d'une voix parfaitement sereine; c'est lui qui a exécuté votre homme..."

Drakan serra les poings, perdant totalement son sang froid; c'était bien ce qui différenciait vraiment ces deux personnes. Liam était d'un sang glacial et impassible alors que Drakan bouillait de l'intérieur, extériorisant sa colère à tout moment.

"Je veux sa tête ! enchaîna-il alors; je ne peux pas permettre que notre pacte soit rompu par un libertin qui pense que tout est permis !"

"Je ne peux pas vous la donner en main propre mais je vous autorise à aller la chercher... ajouta alors Liam, serein."

Tous ouvrirent des yeux agrandis par la surprise; Drakan, sous la colère avait dis ça tout en sachant que jamais il ne pourrait toucher à un cheveux d'un vampire de la communauté excepté si c'était en cas de légitime défense.

"Un de vos hommes est mort par notre faute, enchaîna Liam; vous avez donc la permission de prendre la tête de celui qui a pris celle de votre sous fifre."

Drakan regarda les hommes qui l'entouraient puis avança une chaise face à Liam pour s'y asseoir.

"Vous rendez-vous compte que vous me permettez de tuer l'un des vôtres ? demanda-il; beaucoup prendront ça pour une trahison..."

Belial jetait des coups d'œil inquiets à son maître, se demandant vraiment s'il était sérieux, mais vite le doute s'évapora laissant place à une crainte; la communauté des vampires était dorénavant brisée et Drakan devait s'en réjouir intérieurement.

"Tout à fait, répondit le vampire, sortant une cigarette de sa poche pour ensuite chercher un briquet dans la poche de son veston; ce Kylian est un élément qui me pose problème. J'ai déjà pensé à l'éliminer moi-même mais je n'ai jamais trouvé le temps... Tous croiront à une vengeance personnelle de la part de quelques vampires. Il a la mauvaise manie de négocier avec des scélérats sous la botte de Kraven."

Belial s'approcha, hésitant puis proposa d'allumer la cigarette de Liam, ce qu'il ne refusa pas.

"Venant-on à lui... lança Drakan; Kraven... Nous avons cherché sa trace mais sans résultat; pas étonnant qu'il ait quitté notre cher pays. Mais j'ai bien peur que tous se rassemblent avec lui..."

Liam se leva, soufflant une bouffée de fumée par le nez puis se dirigea vers le couloir.

"On ne peut pas retenir nos gens... Ils ont choisi la voie qu'ils voulaient emprunter, à leur risque et péril, lança-il finalement avant de s'engager dans le couloir obscur qui menait à la rue ; si vous voulez bien m'excuser maintenant…"

A ce moment même, au cœur des Etats-Unis, aux abords d'un grand immeuble d'une grande compagnie pétrolière américaine, une opération se mettait en place. Ulrich, un humain de 28 ans, à la tête d'une équipe de choc des forces spéciales, menait sa troupe au combat. Pendu à 60 mètres du sol, soutenu par des sangles, il jeta un coup d'œil rapide à sa montre. Il était exactement 23h du soir, et il adressa quelques signes aux différents membres de l'équipe qui se trouvaient dans le même état que lui. Tous comptèrent trois secondes avant d'exploser les différentes vitres pour pénétrer à l'intérieur de l'immeuble. Le jeune homme atterrit sur ses pieds et engagea la marche dans la salle sombre, une mitrailleuse aux aguets. Lorsque deux hommes armés pénétrèrent dans la pièce, il ouvrit le feu, ne gaspillant aucune balle. L'un fut touché et tomba à terre alors que l'autre se jeta sur lui, rejetant l'arme d'Ulrich un peu plus loin. Dans un geste rapide et mesuré, le jeune homme saisit le petit poignard accroché à sa ceinture et le planta dans la cuisse de son adversaire ce qui lui arracha un râle de douleur. Dans la continuité, il attrapa son attaquant par les épaules et lui décocha un coup de genou qui heurta son front de plein fouet, le laissant à terre, inerte. Son oreillette gronda, l'informant que quatre autres terroristes avaient été tués. L'équipe était essentiellement constituée de cinq éléments; ils faisaient partie des forces spéciales dans la division du terrorisme et dans cet immeuble, leur mission constituait à éliminer les potentiels dangereux tout en désarmant la bombe qu'ils avaient posé. C'était une équipe brillante; cela fut prouvé encore une fois grâce à l'achèvement de la mission sans encombre. Tous eurent vite fait de mettre un terme au danger; Ulrich et ses coéquipiers éliminèrent comme prévu les terroristes, sans avoir de blessé de leur côté puis ils menèrent à bien le désamorçage de la bombe qui avait été placée au sous-sol. Lorsque tous, sortirent au sommet de l'immeuble et qu'un hélicoptère vint les récupérer, ils ignoraient qu'à ce moment précis, leur vie changerait... Un homme en costard, malgré l'heure tardive et la situation actuelle, descendit de l'engin, retenant ses cheveux, ébouriffés par les bourrasques de vent. Il s'approcha rapidement de l'équipe et leur adressa un sourire qui se trouvait être encourageant. Il tenta d'hurler, malgré le vacarme environnant, qu'il avait pour eux une nouvelle mission qui consistait à totalement changer de division.

"On est rétrogradé ? demanda Ulrich en forçant sa voix."

Un grand sourire illumina le visage de l'homme en costard.

"Non, je dirais plutôt l'inverse, lança-il gaîment à l'équipe qui s'échangeait des regards étonnés."

Un peu plus tard, ils se trouvaient dans une salle ronde, de conférence, assis sur les chaises face à deux homme; l'un 'e9tait l'homme en costard, nommé Edward Smith, gérant des affaires sur la défense un peu partout dans le monde et l'autre, un général nommé Eric Van Deyck, commandait de loin les équipes de forces spéciales d'une certaine division dont il n'avait pas encore révélé le nom. Quelques dossiers étaient placés face à Smith alors que Van Deyck faisait rapidement tourner le stylo entre ses doigts, preuve d'une grande angoisse. Smith fit passer en revue les membres de l'équipe en les nommant et les présentant.

Tout à gauche se trouvait, Thomas Baker, un étasunien professionnel en assaut et en manipulation de tous types d'armes. Physiquement, il était assez grand, baraqué, avait la trentaine et sa particularité était une cicatrice qui lui barrait la joue, l'apparentant à un ancien prisonnier de guerre.

A ses côtés, la seule femme de l'équipe, Leyla Kubrick, une russe spécialiste dans l'infiltration et l'observation. C'était une grande femme d'environs 26 ans aux cheveux noirs parsemés de rouge, au physique agréable et au caractère déterminé.

Venait le tour d'Ulrich Welles, un français à l'autorité prononcée, surtout doué pour les arts-martiaux et le commandement. Il était de taille moyenne, bien bâti, avait des cheveux rasés au millimètre, des yeux sombres et la barbe mal rasée. Il avait un tatouage sur l'omoplate droite qui semblait être un signe tribal.

Puis Wao Tsung, un japonais de 23 ans, agile grâce à son ancienne profession de gymnaste. Il était spécialisé dans les courses poursuites et l'élite. Petit et fin, il faisait penser à un gamin de 18 ans.

Le dernier, Kurt Koensvarh, un allemand de 29 ans, était un professionnel de l'électronique et du désarmement des bombes. Il était grand et squelettique avec une paire de lunettes sur les yeux.

Après avoir résumé leur missions menées à bien, Smith entra dans le vif du sujet, en plongeant son regard dans celui d'Ulrich.

"J'ai des nouveaux postes pour vous. Vous quitterez la division terroriste, lança-il de sa voix grave; la nouvelle que je vous proposerez est difficile à croire mais il faut l'accepter. Cela ne sera pas facile; tous nos hommes ont failli alors je ne vous demande pas d'accepter mais d'y réfléchir et de me dire votre réponse demain."

Ulrich s'appuya contre le dossier de son siège ce qui arracha un grincement qui brisa le silence.

"Pouvez-vous être plus clair avec ce qui nous attend si nous acceptions ? demanda Ulrich en joignant ses mains et soutenant le regard de l'homme face à lui."

"Bien, enchaîna celui-ci en baissant les yeux; le général Van Deyck gère cette division et va vous expliquer le concept..."

Le général s'éclaircit la voix avant d'ouvrir l'un des dossiers posés sur la table.

"Je ne vais pas y aller par quatre chemins, souffla-il; voilà des documents qui vous éclaireront plus sur notre situation."

Il fit glisser les feuilles qu'Ulrich rattrapa du plat de la main. Ses sourcils se froncèrent lorsqu'il jeta un oeil aux photographies. Leyla saisit la feuille d'explications et commença à la lire à haute voix tout en affichant un regard perplexe.

"Deux races nouvelles se trouvant être ancestrales ont été découvertes, commença-elle de sa voix claire; ce ne sont pas des contes comme souvent il en était question mais bien la vérité. Leur existence a troublé nos recherches et nos convictions scientifiques. Cette révélation vous soumet à lever la main droite et à jurer de ne rien dire sous peine de représailles de votre gouvernement."

Leyla leva les yeux de la feuille et jeta un oeil à ses coéquipiers. Ulrich était profondément plongé dans la contemplation des photographies et en fut sorti par la main de la jeune femme qui lui saisit le bras.

"Avant d'aller plus loin, enchaîna le général; êtes-vous prêts à respecter cette parole ?"

Tous durent lever la main pour jurer même si Ulrich le fit inconsciemment. Leyla se replongea ensuite dans sa lecture face aux yeux impatients de ses coéquipiers. Ulrich fit rapidement passer les photos à ses voisins qui regardèrent aussi étonnés que lui.

"Ces races sont connues sous le nom de "vampires" et "lycans". La première race résulte d'une mort de l'humain entrain'e9e par une morsure de l'un de ces êtres qui se nourrit de son sang. La seconde race est due à une transformation par la morsure de l'être mi-humain mi-lycan. Nous avons découvert que cette espèce n'avait plus besoin de la pleine lune pour se transformer; seule la journée, leur transformation est impossible. Ses deux races sont loin d'être primitives; elles possèdent un équipement calqué sur les nôtres et de nouvelles technologies ont été mises en place pour leur propre avancée. Nous avons récupéré deux armes caractéristiques des camps : l'une, est un gros calibre dont les balles sont faites de lumière infra-rouge..."

"Je vous laisse deviner laquelle des deux espèces emploie cette arme..." l'interrompit le général.

Tous levèrent les yeux vers lui, silencieux, puis Leyla continua, d'une voix troublée.

"L'autre est une arme de ce type sauf que les balles sont en argent liquide. Sur les photographies, vous pourrez voir les deux types d'espèce. Deux ou trois photos montrent l'autopsie que nous avons pu effectuer sur deux vampires que nous avons réussi à capturer alors qu'une autre montre un lycan que nous avions en cage. Celui-ci est mort récemment, décapité par un vampire qui a réussi à infiltrer notre convoi en Roumanie. Nous les avons localisé en Amérique et donc en Roumanie où ils nous posent le plus de problème. Nous ignorons s'il y en a d'autres dans le monde mais c'est très probable; de nombreux meurtres étranges ont été signalés mais tout ça est tenu par le secret gouvernemental. La crise est très mal vécue en Roumanie où les autorités nous demandent de l'aide. Vous serez donc envoyer sur le terrain pour tenter de découvrir leur QG et surtout de les ramener au laboratoire aux Etats-Unis... Les deux espèces signalent un danger potentiel; elles sont toutes deux paradoxales car certains groupes sont alliés alors que d'autres se haïssent. Il est certain qu'elles restent un sujet d'étude très intéressant, donc plus il y en aura dans nos cages, mieux ce sera."

Leyla écarta la feuille et fixa le bois de la table vernie alors qu'Ulrich lui glissait les photos sous les yeux. Ulrich leva son regard vers les deux hommes, ne sachant quoi dire.

"... Pouvons-nous avoir d'autres informations sur leur manière d'agir ?" demanda-il enfin.

"Oui, évidemment, enchaîna Smith; nous vous avons préparé des dossiers à chacun avec toutes les informations à savoir sur ces espèces. Je sais que c'est difficile à y croire mais vous vous y ferez vite..."

Tous, finirent par prendre congé des deux hommes pour retourner chez eux, réfléchissant à la situation. Le lendemain matin, tous se présentèrent et embarquèrent dans un jet privé, qui les conduit en Roumanie, au siège des forces spéciales de la division nommée "Opération Stoker".

Aaricia se releva et s'assit au bord du lit tout en étirant ses membres engourdis. Elle pouvait deviner que le soleil s'était couché; la journée commençait juste pour elle. Elle se leva et se servit un verre de sang qu'elle but avec avidité. Quelques minutes plus tard, elle était dans le couloir, habillée en tenue de combat et elle se dirigeait hâtivement vers la salle d'armes où elle allait retrouver Belial comme d'habitude.

Lorsqu'elle pénétra dans la salle, Belial se tourna brusquement vers elle avec un sursaut; il semblait préoccupé de manière inquiétante.

"Je sors, lança-elle tout de même; je vais faire un tour du côté de la ville..."

Le jeune vampire tenta de balbutier des approbations incompréhensibles qu'Aaricia ne put s'empêcher de lui faire remarquer.

"Qu'est ce qu'il t'arrive ? "demanda-elle tout en saisissant deux armes dans les armoires et en insérant le chargeur.

"Rien... du tout", répondit-il rapidement en tentant de contrôler la tonalité que prenait le son de sa voix.

Elle s'arrêta net, plongeant son regard dans le sien, et se rapprocha de lui jusqu'à ce qu'elle sente son souffle contre sa peau.

"Je te connais trop bien Belial, lança-elle, froide; dis-moi ce qu'il y a..."

Aprés quelques refus et d'autres tentatives de la part d'Aaricia, il passa une main dans ses cheveux emmêlés, ne pouvant cacher son inquiétude.

"Euh... murmura-il; c'est Kylian... Liam a autorisé Drakan de le tuer pour ce qu'il a fait..."

Les yeux de la jeune femme se révulsèrent puis elle fronça les sourcils, ne pouvant dissimuler sa colère. Elle haïssait peut-être son frère mais jamais elle ne permettrait cette trahison de la part de son clan.

Inquiète, elle hésita quelques instants pour aller voir Liam et lui tirer une balle dans le cœur mais finalement, elle saisit son équipement avec une rapidité déconcertante et se mit à courir, laissant Belial, balbutiant qu'elle allait s'attirer des problèmes comme lui. Déterminée, elle parcourut tous les couloirs jusqu'à la lourde porte d'entrée qu'elle écarta des deux mains. Elle emprunta la moto et fit rugir le moteur pour quitter la propriété et rouler rapidement vers la ville.

Vingt minutes plus tard, la moto effectua un dérapage dans la ruelle sombre qui menait à une boîte de nuit gothique entretenue par un propriétaire vampire rebelle et indépendant. Elle gara sa moto dans un coin puis se dirigea rapidement vers l'entrée où quelques videurs la laissèrent passer sans encombre à son plus grand étonnement. En effet, cette bande n'appréciait guère Liam et la communauté d'où ils s'étaient retirés depuis quelques années; elle savait que Kylian était là pour la simple et bonne raison qu'il était un rebelle lui aussi, ici pour sa chasse personnelle ce qu'elle désapprouvait complètement. A peine fut-elle rentrée dans la pièce, lourde de fumée et remplie d'humains innocents et de vampires en quête de proie, qu'elle vit Kylian sur un sofa avec une jeune fille et elle repéra deux lycans dispersés. Déterminée, elle parcourut la pièce, poussant les uns et les autres pour se faire un passage et atteindre Kylian. Alors qu'il était en train d'embrasser langoureusement la jeune fille et faisait promener ses doigts le long de son cou appétissant,

Aaricia n'hésita pas à le saisir par le poignet et à le tirer vers elle, l'arrachant à sa proie.

"Cya ? Qu'est ce que tu veux encore ! lâcha-il; tu vois pas que je suis occupé... T'en veux un petit bout c'est ça ?"

"La ferme et suis-moi, ragea-elle; tu sais pas dans quelle merde tu t'es foutu !"

Sur le rythme de la musique, il se déhancha tout en lui disant de se relaxer puis il attrapa la fille toujours assise sur le sofa et la mit entre sa sœur et lui. Devant les yeux d'Aaricia, il plongea ses crocs dans la chair tendre de sa proie et but une bonne partie de son sang avant de la laisser s'écrouler sur le sofa. Aaricia jeta un oeil rapide aux deux lycans qui s'étaient dangereusement rapprochés. Kylian passa sa langue sur ses lèvres, balayant les traces de sang et adressa un grand sourire à l'égard de sa sœur. Aaricia, rapidement mais à contrecœur, se colla à son frère.

"Les lycans cherchent à te tuer! lui murmura-elle à l'oreille; il faut qu'on retourne au Manoir tout de suite."

Elle lui attrapa le bras et se mit à l'entraîner vers la sortie, tentant de se frayer un passage dans la foule en mouvement alors que les lycans se mirent en chasse. Aaricia et Kylian arrivèrent dehors et coururent vers la moto mais ils virent avec fureur qu'elle ne leur serait pas d'une grande utilité vu l'état des pneus qui avaient été crevés. La jeune femme ne put s'empêcher de lâcher un juron alors que son frère tira de sous son long manteau une arme qu'il chargea aussitôt.

"Aux grands moyens ses remèdes... "lança-il.

"Ecoute, enchaîna-elle; on évite de créer une boucherie, pour ne pas nous attirer plus de problèmes que nous en avons ! On se barre, et je m'occuperais personnellement du cas de Liam..."

Kylian plongea son regard dans le sien, perplexe.

"C'est lui ? demanda-il; c'est lui qui a demandé qu'on m'élimine ?"

La réponse ne vint pas; autour d'eux, se trouvaient une quinzaine d'hommes armés; ils étaient encerclés par les lycans et s'ils ne trouvaient pas d'alternative, ils allaient être réduits en charpie. Aaricia fit un pas en avant proposant de s'arranger mais elle fut éjectée par Kylian qui la poussa sur le côté tout en vidant son chargeur autour de lui.

"Je connais un moyen", lui lança-il avant de l'entraîner par une porte qui menait aux locaux de la boîte.

Ils dévalèrent un vieil escalier en bois et s'enfoncèrent dans le seul couloir qui s'offrait à eux. En quelques instants, ils se trouvèrent dans un labyrinthe de galeries souterraines. Ils entendaient les lycans derrière eux; cette fois-ci ils n'étaient plus humains ce qui s'avérait dangereux pour eux. Leur souffle bruyant et bestial et leur lourdes pattes charnues retentissaient dans les sombres couloirs. Ils débouchèrent dans une salle où aucune issue n''e9tait visible ce qui accentua leur inquiétude. Un bassin d'eau sale prenait place au milieu entourait de vieux mur décrépis.

"On fait quoi maintenant ? "demanda-elle en se collant au mur derrière eux et en pointant ses deux armes vers le couloir sombre d'où déboucheraient les lycans d'une seconde à l'autre.

Dos à dos, ils tentaient de se couvrir sachant qu'ils n'avaient pas les moyens de repousser la quinzaine de loups-garous enragé9s qui se dirigeaient vers eux.

"Maintenant, lança-il; on fait du mieux qu'on peut pour ne pas servir de chats à ces chiens !"

Un rugissement se fit entendre dans la profondeur du couloir, et les pas se répercutèrent de plus en plus sur les murs. Les deux vampires virent trois lycans bondir de l'obscurité, les griffes acérées et la gueule grande ouverte.

Les balles fendirent l'air; l'une atteint l'épaule du premier loup-garou qui s'écroula à terre mais qui se releva inlassable. Aaricia tira une rafale qui heurta un autre le laissant à terre, mort, dans son apparence humaine.

"C'est de la légitime défense..." souffla Kylian alors qu'il sentait les appréhensions de sa sœur.

Du coin de l'œil, la jeune femme aperçut un lycan qui, accroché au mur, tentait de l'atteindre; se rendant compte que son chargeur était vide, elle dut improviser en saisissant les deux saïs qu'elle avait accroché à sa ceinture et qu'elle lança sur son adversaire. L'un rebondit sur le mur et alla droit dans l'eau sale, et l'autre alla se planter dans le torse de la bête qui tomba à terre. Kylian, l'arme à la main, bondit sur un lycan, s'accrochant à ses poils hirsutes, et lui tira une balle dans son crâne qui explosa aussitôt, répandant la cervelle de toute part. Alors que la jeune femme s'occupait d'un loup-garou, elle entendit un souffle saccadé derrière elle mais n'eut pas le temps de réagir. Alors qu'elle se retournait, elle sentit une onde de choc la balayait puis lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se trouva submergée par l'eau visqueuse et froide. Elle sentit la lourde patte du lycan lui maintenir la tête sous l'eau. Un vampire ne pouvait pas mettre fin à son existence en étant noyé; il s'évanouirait seulement par la pression de l'eau dans ses poumons. Aaricia tenta de se débattre mais la force du lycan était incomparable. Soudain, elle entendit de nombreux coups de feu malgré l'insonorisation que créait l'eau autour d'elle. La pression sur sa tête se fut moindre et le lycan se fit balayé tout en s'écroulant dans l'eau mousseuse. Aaricia se releva, le saï qu'elle avait récupéré au fond du bassin à la main, puis parcourut le fond de la salle des yeux. A son plus grand étonnement, une dizaine de loups-garous, qui avaient repris leur apparence humaine, gisaient à terre alors que Kylian se tenait accroupi, essoufflé, couvert de sang. Se doutant que ces rafales meurtrières ne venaient pas de lui, elle se tourna lentement vers l'entrée du couloir et vit avec étonnement une quinzaine d'hommes qu'elle devinait être des vampires se tenant face à elle, les armes à la main.

"Qui êtes-vous ? "demanda-elle de sa voix forte et claire.

Kylian se releva difficilement et s'approcha du groupe.

"Roman... souffla Kylian en serrant la main d'un homme en costard et un cigare à la bouche; merci mon vieux !"

Aaricia ne mit pas longtemps à comprendre que Roman était le propriétaire de la boîte, le rebelle que Kylian affectionnait tant. Elle le haïssait pour avoir quitter la communauté et pour avoir instaurer des principes contraire au leur mais il venait de lui sauvait la vie. Elle se dirigea vers le bord et en une enjambée, elle se trouvait prés de Kylian, dégoulinante d'eau.

"Hummm... souffla Roman; qui est cette charmante personne Kylian ? Vu l'expression de son visage, elle doit faire partie de la Communauté non ?"

"C'est ma sœur", répondit alors le jeune homme en s'essuyant le visage et en tentant de lui ébouriffer les cheveux.

"Mademoiselle... commença le propriétaire d'un ton sarcastique; je doute que vous étiez dans mon établissement par amour pour nos principes... Il est donc préférable de ne plus vous risquer le coin. Une chance pour vous que vous soyez accompagner par votre frère... et une chance pour vous que nous avions été là."

Aaricia sentit la colère monter en elle; d'un geste rapide, le saï qu'elle tenait à la main alla se planter sur le sol, entre les deux pieds de Roman.

"Ta sœur est très impulsive Kylian... enchaîna-il; mais j'ai pas envie qu'elle nous attire des ennuis si tu vois ce que je veux dire..."

Il fit un petit signe de la main à ses acolytes qui se tournèrent pour repartir par où ils étaient arrivés. Roman s'approcha d'Aaricia qui restait de glace.

"Etes-vous sûre mademoiselle d'avoir bien choisi votre voie ?" demanda-il tout en caressant les boucles brunes de la jeune femme.

"C'est étrange, répondit-elle en rejetant la main du vampire; après Liam, vous êtes la seconde personne à me demander ça... On dirait que vous avez beaucoup de points communs."

Un sourire se forma sur les lèvres de Roman qui fit éclater un petit rire sarcastique avant de leur tourner le dos et de s'en aller par le couloir sombre.

"Très comique en plus...", furent ces derniers mots avant qu'il ne soit enveloppé par l'obscurité.

Aaricia se tourna vers son frère, lui lançant un regard méprisant avant d'aller récupérer le second saï qui était resté planté dans le corps d'un lycan.

"Nous allons avoir tout le monde sur le dos maintenant… souffla-elle, angoissée ; les lycans vont vouloir t'éliminer à tout prix…"

"Qu'ils viennent…" susurra Kylian en faisant le tour des cadavres nus.

Sa sœur, s'avança vers lui et le saisit par le col de son manteau brutalement, de sorte qu'il se sente déséquilibré. Elle le plaqua contre le mur, lui faisant perdre son assurance.

"Arrêtes tes conneries bon sang ! ragea-elle ; cesse ce cynisme, et cette suffisance méprisable ! Tu nous as foutu dans le pétrin…"

"Je me suis foutu dans le pétrin ! l'interrompit-il en tentant de crier plus fort qu'elle ; arrête de te mêler de mes affaires Aaricia. Toi qui me hais tant ! Laisse moi faire mes conneries et en payer le prix seul ! Qu'attend tu même pour me tuer de ta propre main si tu l'espères tant ! Toi, cesse tes paroles inutiles et met les à exécution !"

Aaricia, lâcha son frère, les yeux embués de sang. Elle détestait ses sentiments et faisaient tout pour les réprimer mais là, c'était trop pour elle. Tous deux, se tenaient face à face, se regardant mutuellement, alors qu'un silence désarmant s'installait. Kylian, le regard redevenu de glace, s'approcha à pas lents de sa sœur.

"Tu as l'occasion de me tuer… lui susurra-il à l'oreille ; alors qu'attend-tu ?"

Devant son silence, il eut un petit rire sarcastique.

"Cela a toujours été ton point faible ma sœur… enchaîna-il d'une voix grave ; ton cœur est trop charitable envers moi, vil fils du diable qui se moque de ton amour caché…"

Aaricia sentit les lèvres de son frères frôler sa joue puis il prit congé d'elle, la laissant, immobile, les yeux rivés sur le mur de pierre où elle l'avait maintenu quelques secondes auparavant.

Pendant ce temps, dans un entrepôt désaffecté, tenaient position une quinzaine d'homme en tenue de camouflage, les armes à la main. Dans l'encadrement d'une grande porte en métal, apparut Ulrich, vêtu de sa tenue ordinaire ; un simple jean, un pull noir et un blouson tout aussi sombre. Il traversa la moitié de la salle où tous les membres de l'équipe se tenaient figés à ses côtés. Il arriva prés d'un homme qui l'attendait, les bras croisés, apparemment mal à l'aise.

"Ulrich Welles", se présenta-il tout en serrant la main du concerné.

"James Ourten, enchaîna d'une voix saccadée l'autre en entamant la marche vers l'autre bout de la salle ; nous avons repéré une transmission venant de vampires… De quelle communauté je n'en sais rien mais ils avaient l'intention de monter un coup pour prendre un bâtiment militaire dans le sud. Nous sommes venus en espérant les capturer avant qu'ils se soient évaporés…"

Ulrich remarqua les fines gouttelettes qui humidifiaient son front et se sentit perplexe face à la blancheur de son teint.

"Quand nous sommes arrivés… lança-il en menant Ulrich dans un coin ; nous nous doutions pas le moindre du monde qu'on allait trouver ça !"

Ulrich suivit le regard de Ourten et comprit pourquoi il affichait une mine aussi défaite. Celui-ci tourna la tête, tentant de se contrôler pour ne pas vomir alors qu'Ulrich, sourcils froncés, s'approchait puis s'accroupit face à un corps. Ce n'était même plus un corps mais un amas de chair considérable qui baignait dans son jus vital. La tête avait roulé dans un coin et un œil manquait dans l'orbite gauche. Ulrich se couvrit la bouche avec sa manche et tenta de repérer autre chose ; il aperçut un deuxième cadavre tout prés, qui avait subi autant de déformation.

"Vous avez une idée de qu'est ce qui a fait ça ?" demanda Ulrich en se relevant et en se tournant vers le concerné.

"Je n'en sais rien… essaya de répondre le jeune homme d'une voix étouffée ; des lycans… Peut-être des vampires voulant faire croire à un meurtre de la part d'eux. Il faudrait que nous autopsions ces corps et relevions les moindres indices. L'équipe d'intervention est en route…"

"Avez-vous pensez à l'éventualité que ça puisse être des humains ? demanda Ulrich, seulement pour piquer le jeune soldat qui pensait seulement qu'un tel acte soit digne d'une des deux races."

"Non, pour faire un telle boucherie…" répondit Ourten, sans réfléchir aux paroles qu'il débitait.

Ulrich lui jeta un regard interrogateur puis croisa ses bras contre son buste.

"Lorsque vous ignoriez l'existence de ces races, ce sont les psychopathes humains que vous deviez condamner… Je ne vois pas pourquoi, dorénavant vous éloignez cette possibilité qui me paraît plutôt envisageable… Vous feriez un très mauvais enquêteur Ourten…"

Le jeune homme resta sans voix face à son supérieur, puis sembla déglutir difficilement. Ulrich le vit serrer les poings et il ne put réprimer un sourire moqueur.

"Je vais aller un tour pour voir si je trouve pas quelque chose… lança-il alors ; j'aimerais m'habituer au terrain…"

"On a déjà fait le tour ! enchaîna Ourten d'un ton peu courtois alors que son supérieur s'éloignait, déterminé ; il n'y a rien !"

"Si votre observation est comme votre esprit d'analyse, je préfère aller vérifier !" lâcha finalement Ulrich avant de sortir de l'entrepôt.

Il portait son arme de service, un petit calibre assez silencieux, mais assez redoutable malgré sa taille ; s'il devait rencontrer l'une de ces bestioles, il saurait au moins quelle alternative il avait. Une lampe torche à la main, il prit la petite ruelle de droite et la parcourut, excité à l'idée qu'un lycan pouvait être dans le coin. Il souhaitait plus que tout en voir un de prés, lui qui ignorait leur existence avant sa mutation. Après avoir débouché dans un cul de sac, il se prépara à faire demi-tour mais un bruit l'arrêta net ; c'était une sorte de bruissement qui sortait d'un amas de détritus puants. En se rapprochant prudemment, le petit calibre à la main et dirigeant le faisceau de lumière vers l'endroit, il put entendre un respiration, entrecoupée et rapide, comme celle d'un animal qui était à l'agonie. Il s'approcha peu à peu, hésitant, les sens aux aguets mais le souffle coupé. Il tendit alors sa main pour attraper un vieux tissu noirâtre qui couvraient les ordures et le dégagea de son champ de vision, l'arme tendue, inquiet de ce qu'il allait découvrir. Ses yeux s'arrondirent peu à peu lorsqu'il vit ce qui émettait cette respiration difficile. Une grosse masse poilue était allongée sur un amas de détritus. C'était plus grand qu'un homme et avait la physionomie d'un chien. L'abdomen de la créature se soulevait rapidement, traduisant l'état dans lequel il se trouvait. Ses poils hirsutes étaient collés entre eux par le liquide visqueux qu'il devinait être du sang et sa chair à vif attirait toute sorte de mouches et d'insectes bruyants. Un grognement fut soudain émis par le loup-garou ce qui fit reculer inconsciemment Ulrich. Il éclaira un peu plus le corps souffrant pour l'examiner, se méfiant tout de même de son comportement ; une seule morsure et il serait voué à se transformer en une de ces créatures étranges. Restait tout de même, croissant dans son esprit, un bon nombre de questions sur la présence de ce loup-garou ; pourquoi était-il là, blessé, alors que gisaient des vampires déchiquetés dans l'entrepôt ? Sans doute avait-il fait partie des meurtriers et avait été blessé par d'autres vampires qui prirent ensuite fuite avant l'arrivée des autorités…

Soudain, alors qu'il portait le téléphone cellulaire à son oreille pour prévenir Ourten, il fut déstabilisé par un violent coup qu'il reçut sur la nuque. Il s'écroula à terre, impuissant, son champ de vision d'assombrissant peu à peu, le laissant perdu dans les ténèbres…