… ET MAT !
Gibbs s'avança sur le toit, puis se baissa pour caresser le sol. Les traces de sang avaient disparu depuis plusieurs jours déjà, le soleil et la pluie ayant fait leur travail d'érosion. Soudain son instinct lui dicta qu'il n'était pas seul, il se releva prestement tout en dégainant.
L'homme fit quelques pas afin que son visage soit éclairé par les derniers rayons du soleil. Les traits de Gibbs se durcirent. Comment osait-il ? Sa rage fut plus forte que tous les autres sentiments et il se jeta sur lui, le plaquant contre le mur, son arme pointée juste à la base du crâne.
"Je croyez que vous n'étiez pas pour le suicide, Ari ?" dit-il d'une voix aussi froide que le bleu de ses yeux.
"Et je ne le suis toujours pas, Agent Gibbs…. Je ne suis pas armé…" répondit-il, en tentant de se dégager de la pression du canon de l'arme.
"Vous croyez me faire avaler ce foutu mensonge comme tous les autres ? Je ne suis pas Fornell."
"Non, vous n'êtes pas Fornell, et c'est pour ça que vous devriez vous retourner."
Gibbs hésita, il n'avait aucune confiance en Ari, puis il s'exécuta. Il vit alors le petit point lumineux rouge sur sa poitrine qui glissait lentement pour se stopper entre ses yeux.
"Je suis sans arme, pas l'homme en face. Il a ordre de tirer s'il m'arrive quelque chose ; tuez-moi et vous n'aurez que quelques secondes pour savourer votre vengeance… Tous les soirs à la même heure, vous venez ici. Je vous ai observé" il désigna d'un geste l'immeuble sur lequel il s'était embusqué.
"Et vous avez traversé la rue pour me dire ça ?"
"Non, je vous aurais juste envoyé une balle pour vous dire ça… Je voulais vous parler."
Gibbs plissa les yeux, essayant de comprendre les motivations d'Ari. "Ne me dites pas que vous avez des remords et que vous voulez l'absolution avant que je ne vous tue."
"Comme tout soldat, on ne m'a pas appris à avoir des remords, mais vous le savez aussi bien que moi, Gibbs. Et je crois qu'il est trop tard pour l'absolution. Quant à me tuer…"
"Un soldat ?" répéta Gibbs "Ho, non, Ari ! Vous n'êtes pas un soldat, vous n'êtes qu'un salopard de terroriste."
"Un agent double, Gibbs" rectifia Ari. "Si non, comment expliquez-vous que je ne vous aie pas tués, vous et DiNozzo ? Le missile aurait atteint sa cible, tuant une centaine de gentils soldats rentrant au pays, accueillie par femmes et enfants. Ca, ajouté à la mort de trois agents du NCIS après avoir roulé dans la farine le FBI… avouez que cela aurait fait plutôt bien sur mon CV."
"Vous n'êtes plus un agent double depuis longtemps. C'est vous qui dirigiez la cellule de Washington, vous m'avez menti en disant que vous ne saviez rien."
"Je dirais plutôt que j'ai omis une partie de la vérité, mais je ne dirigeais rien, je me suis juste servi des circonstances en semant des petits cailloux blancs. Et puis, je vous avais précisé que toute info avez un prix que vous ne voudriez pas payer."
"Le prix était ma vie."
"J'avoue vous avoir menti sur ce coup-là. "
"Vous avez retourné votre veste, vous avez embrassé les idées de ceux que vous deviez combattre."
Ari laissa échapper un rire. "Une certaine forme du syndrome de Stockholm ? Je vais peut-être vous décevoir, Gibbs, mais je ne crois plus aux idéaux d'aucun de mes employeurs, ni de ceux avec qui je suis censé me battre, ni de ceux que je dois combattre. J'ai juste opté pour ceux qui me paraissaient les moins sectaires… Et vous avez de la chance, vous faite partie des gentils."
"Pourquoi ? "
"Pourquoi Caitlin et pourquoi pas vous ? Deux fois, je vous ai permis d'arrêter des attaques et même si j'ai toujours réussi à faire porter le chapeau à un autre, ma couverture était menacée. Je me suis donc trouvé face à un dilemme, laisser la cellule de Washington mener à bien son action ou la stopper tout en sacrifiant la vie de l'un des vôtres pour donner le change. Il a donc fallu que je prenne une décision et Caitlin, en tant qu'ancien agent de la FBI rattachée à la protection du président, était une cible de choix. Bien sûr, j'aurais pu opter pour l'une de vos supercheries et la faire passer pour morte, mais il y avait le risque que le subterfuge soit découvert avec des conséquences dont personne n'aurait voulu…. Grâce à elle, je vais pouvoir gravir un nouvel échelon… un pas de plus dans la guerre contre le terrorisme !"
Gibbs tournait dans tous les sens les sous-entendus d'Ari, mais il arrivait toujours aux mêmes conclusions, conclusions qu'il se refusait d'admettre.
"Je vous le redemande : qu'auriez-vous fait dans ma situation ?"
"Je vous le répète : suicide" dit-il d'un ton qui ne trahissait aucune émotion.
"C'est ce qui me plaît chez vous, Gibbs, votre sens de l'honneur… je ne sais pas ce que vous valez en tant qu'ami mais en tant qu'ennemi… cela aurait été dommage de vous tuer de cette manière."
Les deux hommes se jaugèrent du regard. Gibbs déplaça légèrement ses doigts sur la crosse et appuya sur la détente. Par réflexe, Ari se protégea la tête mais la balle passa plusieurs mètres au-dessus de lui. Lorsqu'il se releva, Gibbs avait abaissé son arme. Il s'approcha d'Ari. Ils étaient face à face, tellement proches que chacun pouvait entendre la respiration de l'autre.
"Si vous approchez de mon équipe ou que je vous rencontre encore une fois, que ce soit fortuit ou prémédité, je vous jure que cette fois je vous tue" promit Gibbs d'une voix juste audible pour Ari.
Ari soutint le regard froid et intransigeant de Gibbs encore quelques secondes avant de s'éloigner vers la porte.
"Je n'en attendais pas moins de vous… alors pour l'un de nous deux, il vaut mieux ne plus se croiser" ajouta Ari avant de disparaître.
Gibbs ne se retourna pas, il avait les yeux fixés droit devant lui, immobile.
"Il le vaut mieux pour vous, Ari, il le vaut mieux pour vous" murmura-t-il.
N/A : il y a quelques invraisemblances par rapport au 1° chapitre 'Echec…' mais je n'avais pas vraiment prévu de suite.
