Auteur : Isylde

Inspiration : Lost

Titre : Papillons

Chapitre : Papillon de Crépuscule, 3/4

Longueur : 1338 mots

Date : 20/07/05

Résumé : Dans le creux de sa main se trouvait l'étincelle, le cadeau de Claire, cette délicate petite chose brillante qui l'avait aidé à tenir le coup. La jeune fille écarquilla les yeux et un sourire illumina son visage.

Papillons.

Il buvait son bonheur comme un miel sucré, plus enivrant que du vin chaud. Il savourait dés à présent chaque instant de vie, volant les sourires et les rires au lieu de les arracher. La douleur n'était plus que résiduelle, parfois un frisson désagréablement brûlant qui lui parcourait la colonne vertébrale, rien de plus. Charlie allait voir Jack régulièrement, afin qu'il lui donne des médicaments, pour tenir le coup des effets du manque, qui de temps à autre se faisaient plus oppressants, bien que plus espacés.

Charlie allait mieux. Tout le monde était convaincu de cela, mais il lui faudrait un long moment avant de ne plus songer à ces lignes de poudre blanche et aux engrenages artificiels du monde du rock, car, malgré le fait qu'il était clean depuis plus de deux semaines maintenant, il demeurerait à jamais dans le monde de la musique. Et maintenant qu'il avait retrouvé sa guitare, plus rien ne l'empêchait d'exercer sa passion aussi souvent que possible. Malheureusement, aucun médiator à portée de main. Locke avait promis de lui en fabriquer un en bois, mais en attendant, ses doigts grattaient vivement la surface légèrement rêche des cordes à la recherche d'une mélodie convenable.

Lentement, le jour mourait à l'horizon dans les voilages rosés d'un crépuscule encore plus beau que les précédents. La mer s'ornait de ses plus beaux atours avant que la nuit ne tombe. Toutes ces couleurs, ce violet, ce pourpre, ce rose et ce orange, reflétaient sur l'océan une sorte d'irrégulière mosaïque surréaliste, entre Picasso et Modigliani, et Charlie ne pouvait qu'admirer cette merveille de la nature, tellement éphémère et tellement intense…Et pourtant, une tristesse au fond de son regard était nettement visible, comme une sorte de regret de sa vie passée. Cela n'était que passager, mais bien souvent, il se demandait s'il avait fait le bon choix. Contraint par Locke, il n'avait pas pu décider par lui-même. Mais en aurait-il été capable ?

C'est ainsi qu'assis sur la plage, le jeune homme songeait à son avenir. S'il était contraint de rester sur cette île, il devrait se résoudre à ne plus jamais toucher à la drogue. Et puis de toute manière, quel intérêt de se droguer pour paraître comme les autres, alors que ces mêmes autres étaient les gens les plus banaux que l'on puisse trouver ? Mais c'est dans cette banalité qu'il avait trouvé ses meilleurs amis, Hurley, Locke, Jack, Sayid…et Claire. La jeune fille n'était pas une amie, mais une sorte de confidente, et puis, cet objet si spécial qu'il avait contemplé dans son délire…l'étincelle de son cœur ensanglanté.

« Charlie ? » et ce fut le sourire de Claire qui interrompit ses pensées. « Ça te dirait qu'on aille faire un tour ? »

Il se retourna et la vit, debout à ses côtés, admirant elle aussi le crépuscule de pourpre qui délicatement s'ornait de poussières d'or et de soleil. C'était une de ces visions ayant attrait à la fantaisie. Claire avait l'air d'une sorte de fée luminescente qui fermait les yeux au moindre contact du zéphyr sur sa peau laiteuse, un raffinement féminin, en complète contradiction avec ce qu'il était lui.

Un sauvage, pur et dur, ayant un nombre incalculable de défauts à la fois physiques et mentaux, n'ayant que son amitié à offrir et peut être son amour. Mais au-delà de l'apparence, il savait que Claire le voyait pour sa véritable image, celle d'une personne qui avait du charme, de l'humour, et de maladroites qualités qui faisaient de lui un gars plutôt sympathique, sans arrières-pensées.

« Y a pas de problème. » répondit-il avec une mimique enfantine, une bouche un peu courbée qui se transformait en un sourire de gamin.

Alors ils marchèrent tous les deux sur la plage, comme beaucoup de rescapés pouvaient le faire parfois lorsqu'ils n'avaient rien à faire, le genre de promenade que Charlie n'aurait jamais osé faire en temps normal, peut être parce qu'il n'avait pas le temps de le faire, ou tout simplement pas l'envie. Mais sur l'île, ce n'était pas le temps qui manquait.

« Alors… ? Comment tu te sens ? » demanda Claire avec nervosité.

« On me pose toujours cette question et à chaque fois, je réponds que je ne suis pas certain de pouvoir m'en sortir. Si Locke n'avait pas été là, je serais sans doute mort d'une overdose ou d'une saloperie du genre. »

« C'est bien de voir que tu te bats. » dit-elle d'une voix un peu tremblante, laissant sa main vagabonder sur son ventre rebondi.

« Faut bien se battre ici…pour survivre. »

« Pour survivre. » réitéra Claire.

Charlie ressentait son immense inquiétude quant au sort de ce bébé. C'était un enfant non désiré par son père, et presque vendu par sa mère, tout ça parce qu'un préservatif avait craqué ou qu'une pilule n'avait pas été prise. C'était bête, mais c'était comme ça.

« Ne t'inquiète pas pour ton bébé, Claire. Tant que je serai là, il ne t'arrivera rien, ni à toi, ni au bébé. Je t'ai promis de te protéger, quoiqu'il arrive, tu te souviens ? »

Elle acquiesça, évitant sciemment son regard insistant. Il n'aimait pas cette gêne et ces barrières de moralité qui les séparaient. Si Charlie et Claire avaient laissé libre cours à leurs sentiments, les autres parleraient et alors leur relation serait compromise.

« Laisse les parler. » dit-il soudainement.

« Quoi ? »

« Laisse les parler. Les autres. Ce n'est pas important, ce qu'ils ont à dire. »

« Ce n'est pas une question de commérages… » commença-t-elle.

« …Tu es enceinte et certains rescapés croient que l'enfant est de moi, c'est ça ? Ils n'ont même pas pris la peine de te demander ton histoire, et déjà ils commencent à balancer des rumeurs sordides sur notre amitié. »

« C'est difficile de ne pas écouter quand on sait que tout le monde a peur de moi, Charlie. »

« Moi, je n'ai pas peur de toi, Claire. » répondit-il avec la plus grande sincérité et la plus grande simplicité.

Ses yeux bleus semblèrent sonder son esprit à la recherche de plus de clarté, de plus de réponses, mais Charlie considérait qu'il n'y avait rien d'autre à ajouter. Comment expliquer qu'il l'aimait comme un homme pouvait aimer une femme, en dehors de toute relation controversée de la société dans laquelle il vivait autrefois ?

« S'il y a bien une personne sur cette île à qui je confierai ma vie, ce serait Locke…ou toi. » confia Charlie. « Comme les papillons, il faut se battre, Claire. Si tu n'arrives pas à élever cet enfant seule, tu peux toujours me demander…» proposa-t-il.

« Les papillons se retrouvent tous au même endroit. »

« Alors imagine que nous sommes tous les deux papillons… »

« Toi, un papillon ? » s'exclama-t-elle en riant.

« Je t'ai dit d'imaginer… »

« Bon, d'accord, j'imagine. Et le bébé serait une chenille ? »

« Si tu veux, une chenille…Mais les papillons n'élèvent pas les chenilles. »

« Et pourquoi est-ce les papillons n'élèveraient pas les chenilles ? On n'est pas dans le monde réel, Charlie, ici, on ne vit pas pour manger, on mange pour vivre. C'est différent. »

« Moi, j'ai vécu pour ton papillon à toi. »

Dans le creux de sa main se trouvait l'étincelle, le cadeau de Claire, cette délicate petite chose brillante qui l'avait aidé à tenir le coup. La jeune fille écarquilla les yeux et un sourire illumina son visage.

C'était un papillon.

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