Auteur : Isylde
Inspiration : Lost
Titre : Papillons
Chapitre : Papillon de Nuit, 4/4
Longueur : 1826 mots
Date : 21/07/05
Résumé : L'améthyste et le bronze se confondirent de nouveau avec les différentes variantes d'or qui offraient une réelle beauté et une réelle harmonie à son visage tout entier. Charlie soupira et un sourire illumina à son tour son visage, comme une promesse. F.A.T.E et papillon se retrouvèrent côte à côte.
Papillons.
Mystification de ces flammes ensanglantées et de ces étincelles luminescentes qui montaient en decrescendo vers le ciel étoilé, comme une sorte d'aura qui s'affadissait dans la froideur de la nuit. Charlie semblait surpris de toute cette beauté, plus sombre et plus brûlante que tout ce qu'il avait connu jusque là. Comme les lueurs artificielles des concerts enfumés de rock, il retrouvait la familière ambiance de cette proximité avec la chaleur. Ses doigts calleux de guitariste se mêlaient en tremblant, et, frottant ses paumes l'une contre l'autre, il recherchait cette tiédeur qui n'existait pas sur l'île.
La plupart des rescapés étaient réunis là, sur la plage, assis autour d'un feu de camp. Un silence à la fois apaisant et pesant s'emparait de leur être tout entier, comme si la fatigue de la journée palliait du repos qu'ils pouvaient avoir pendant la soirée. Certains somnolaient, d'autres conversaient ou admiraient simplement le contraste entre l'écho aquatique de l'océan et les volutes dansantes de cette éphémère lueur, mue par les embruns maritimes. Ambiante tiédeur, fraîcheur de ces petites gouttelettes, suave zéphyr aux allures de brise mourante, tout ceci se réunissait en un concert de sons divers, parfois calmes, parfois sporadiques, mais toujours d'une harmonie mosaïque.
Tous ces petits bouts se réunissaient, comme un puzzle, en morceaux coupants comme du verre, se rassemblant pour former une unité dans la diversité, l'unité parmi les membres du groupe alors que les divergences étaient parfois nombreuses. Charlie voyait en tous les rescapés un condensé du monde. Un irakien, ayant fui le régime de Saddam Hussein tout en ayant servi pour lui dans le passé, un médecin, une criminelle, deux coréens, quelques afro-américains, un chien, un frère et une sœur, un père et son fils, un rebelle légèrement salopard mais tout de même sympathique, et Claire. Claire. C'était un prénom qui sonnait comme une délicate mélodie. Elle, Claire, était l'australienne du groupe, la seule qui aimait le beurre de cacahuètes, surtout imaginaire, et la seule qui était enceinte.
Charlie avait beau observer attentivement chacun de ces visages, dont certains lui étaient encore inconnus et d'autres un peu plus familiers, il ne voyait pas son amie. Soupirant, il remarqua alors que quelques membres du groupe manquaient, en particulier Locke. Parfois, il vagabondait, à la recherche de nouvelles plantes comestibles et de nouveaux animaux à chasser. Au-delà des apparences, Charlie était sans doute l'un des seuls à pouvoir entrevoir la véritable personnalité des gens. La sienne s'était dévoilée bien plus tôt qu'il ne le voulait, mais, en fin de compte, les rescapés avaient compris qu'il n'était pas simplement un rockeur britannique trop paumé pour pouvoir s'assumer et assumer qu'il avait à sa charge la survie des autres. Surtout la survie de Claire et de son bébé.
« Charlie ? » et toujours et encore, une voix qui le faisait émerger de sa rêverie.
Un sourire émergea de l'obscurité et la silhouette de Claire vint troubler ses pensées. Comme à son habitude, le jeune homme faisait sa petite mimique gamine et l'invitait à prendre place à ses côtés. Avant qu'elle ne s'asseye, Charlie l'admira comme il le faisait toujours. Mais ce n'était pas une contemplation routinière, bien au contraire. A chaque nouvelle conversation, à chaque nouvelle confidence, il découvrait une facette de la jeune fille qu'il ne connaissait pas et se rendait compte que sa vie, en définitive, n'avait pas été si difficile que cela. Il ne pouvait concevoir qu'un homme puisse abandonner une femme parce qu'elle attend son enfant. Mais Claire avait été jeune, lors de sa première fois, et les conneries, même si elles n'arrivent qu'une seule fois, peuvent bouleverser la vie d'une adolescente.
Alors il imaginait le verre qui se brisait entre les frêles mains de ce caractère résolu, il imaginait ses larmes, plus pures que les gouttes d'averse et son désarroi face à une situation sur laquelle elle n'avait absolument aucun contrôle. C'était ce qu'on appelait le destin. Et là, la voyant, ses mains sur son ventre de femme enceinte, les phalanges lune ornées de bagues, de choses et d'autres, de choses qui brillaient, étincelantes et ambrées. Ses mèches rebelles semblaient flotter autour de son visage angélique et souriant. Dans ses mains se trouvait une tasse de thé encore fumante.
« Je me disais que tu accepterais bien une tasse de thé de ma part. » expliqua-t-elle avec un charmant sourire confus. « Ce n'est pas de l'Earl Grey mais ça le vaut bien. »
« Tu es la plus britannique des australiennes, Claire… » déclara Charlie en relevant le capuchon de son survêtement. « Viens te réchauffer près du feu, tu as froid. »
La jeune fille accepta avec joie et s'installa à ses côtés, tournant la paume de ses mains vers l'extérieur pour ressentir la tiédeur affluer dans ses doigts. Son sang frigorifié trouva une nouvelle force, puisée en ces flammes régénératrices. Cela ne l'empêchait pas de trembler de tout son corps, étant simplement vêtue d'un jean, de sandales, et d'un débardeur noir porté à son étirement maximum.
Charlie déposa alors une couverture sur ses épaules et passa un bras autour sa taille, la rapprochant de lui et par conséquent de la chaleur humaine qui se dégageait de lui. Inconsciemment, leurs doigts étaient entremêlés autour de la tasse de thé, F.A.T.E devenant sporadique parmi les frêles phalanges de la jeune fille. Il y avait quelque chose d'affectueux dans cette proximité que le jeune homme désirait plus que tout au monde.
« Tu trembles moins qu'avant. » constata Claire. « Jack m'a dit que tu prenais encore des antibiotiques contre les effets du manque. »
« Disons que ces conneries ont changé mon humeur. J'étais trop impulsif à un moment donné et j'ai encore peur de te faire du mal. Mais…j'ai promis…je ne veux pas briser tout ce que j'ai construit pour gagner ta confiance. »
Il avait ce petit côté naïf et innocent, sa curiosité étant à la hauteur de sa gentillesse et de sa spontanéité. Au moins, leur relation s'apparentait à cette belle mosaïque colorée. Il s'agissait d'en retrouver tous les morceaux avant d'établir des sentiments sérieux.
« Tu es sans doute la personne la plus sincère que l'on puisse trouver sur cette île. Et…tu as ma confiance. » dit-elle d'un ton qui se voulait assuré.
« Vraiment ? » s'enquit Charlie avec un sourire.
« Vraiment, vraiment. » confirma Claire.
Elle ne s'était pas rendue compte que ses mains et celles de Charlie étaient entrecroisées, chaque phalange en contact prolongé et absolu avec l'autre, F.A.T.E se mêlant aux bagues argentées cerclant les doigts de la jeune fille. Et son regard, plus bleu que l'océan tourmenté, sondait les profondeurs de ses iris clairs comme l'azur. Un mélange ciel et eau s'opéra, entre légèreté et violence crue, timide adolescente assumant un enfant non désiré et rockeur admettant ses penchants pour une drogue qui avait détruit sa vie.
Claire détourna son regard, gênée par ces barrières qui la séparaient de lui, ces barrières de morale et de bon sens, ces barrières des sentiments qui ne pouvaient pas être complétés en raison de leur situation de survivants. Mais Charlie posa ses mains calleuses sur son menton et releva ses traits féminins pour les admirer en toute franchise, ses yeux perdus dans le vide des flammes et des reflets ambrés qui jouaient sur son visage.
« Ne détourne jamais mon regard de moi, Claire. » ordonna-t-il en pinçant des lèvres, caressant ses douces phalanges d'ivoire. « Jamais. »
« Never say never. » répliqua-t-elle en jouant avec les petites lettres noires qui cerclaient ses doigts de guitariste, fond pourpre de sang et lettres noires calcinées.
Ne jamais dire jamais.
Pour la première fois de son existence, Charlie était sérieux. Il n'aimait pas inspirer la pitié ou la compassion, et ne voulait pas que Claire se sente mal à l'aise en sa présence. Le jeune homme, au moins, avait l'optimisme de sa condition, il se savait imparfait et accro à la drogue et essayait de s'en sortir, bien malgré lui.
« Tu sais que la première fois que je t'ai vue, tu me faisais penser à une belle actrice hollywoodienne des années cinquante ? Audrey Hepburn, je crois. » confia Charlie avec un sourire malicieux.
« Audrey Hepburn ? »
« La grâce et l'élégance incarnée. Une véritable lady. » déclara-t-il avec son accent so british.
« Et toi, Charlie, tu serais Chaplin. L'énigmatique et le fataliste Charlie Chaplin. » murmura-t-elle avec certitude.
« Est-ce que c'est parce que je suis anglais que tu dis ça… ? »
« Non, non, écoute. »
« Peut être que j'ai cet air un peu maladroit mais enfin bon, faut pas exagérer quand même…Suis-je à ce point disgracieux ? » demanda-t-il avec malice.
« Non, Charlie, bien au contraire ! Charlie Chaplin était…gracieux…d'une manière qu'on ne peut pas expliquer aujourd'hui. Il réussissait toujours à faire rire les femmes, et quoiqu'il arrive, il finissait toujours avec la plus belle lady. »
« Et il aimait passionnément les femmes. » dit-il, perdu dans sa rêverie hollywoodienne.
« Bien que ses goûts féminins hors-écran étaient très étranges. Enfin, je ne partageais pas sa conception de la beauté dans la vie réelle. »
« Moi non plus. » répliqua-t-il franchement. « Je suis peut être Charlie Chaplin, mais je suis simplement un personnage qu'il interprétait, facétieux et amusant. Peut être un peu maladroit aussi. Et toi, tu serais ma lady. »
Ses doigts tremblants caressaient doucement sa tempe, à la recherche d'un peu de raffinement à la Audrey Hepburn qu'il avait pu entrevoir chez Claire dés leur première rencontre. Fouillant ses mèches rebelles de paille et d'or, il trouva cette perle ambrée qu'il recherchait depuis le début, et ce sourire, ce beau sourire s'accommodant à merveille avec sa timidité et son petit nez renfrogné.
Claire sentit alors qu'une étincelle ornait, comme les joyaux de la nuit, sa belle et longue chevelure. L'améthyste et le bronze se confondirent de nouveau avec les différentes variantes d'or qui offraient une réelle beauté et une réelle harmonie à son visage tout entier. Charlie soupira et un sourire illumina à son tour son visage, comme une promesse. F.A.T.E et papillon se retrouvèrent côte à côte.
« Je te le rends. » dit-il simplement en accrochant cette broche dans ses cheveux. « Ce papillon a permis ma survie pendant ma période de manque. »
« C'était comme une étoile ou une sorte de signe. Je me disais que tu devais le garder dans le creux de ta main, comme une lueur parmi les ténèbres. »
« Merci, Claire. » souffla-t-il.
Claire reposa sa tête sur son épaule et se réfugia dans son étreinte, tremblante et glaciale, comme une petite fille fatiguée. Charlie l'étreignit longuement, et, dans la nuit, vit une frêle petite créature s'évanouir dans la voie lactée de l'horizon étoilé.
C'était un papillon.
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