Auteur : Isylde
Inspiration : Lost
Titre : F.A.T.E
Chapitre : L'Immensité Devant Soi
Longueur : 1998 mots
Date : 18/07/05
Résumé : C'était le destin de Charlie d'aimer Claire et réciproquement. Quelque part, si ça n'avait pas été pour elle, le jeune homme aurait vite abandonné tout espoir de survie sur l'île.
Assis sur la plage de l'île déserte, Charlie marqua ces quatre lettres au feutre sur des petits bandages qui encerclaient ses doigts. Comme un message lancé à la mer, une missive dans une bouteille, Fate était devenu le leitmotiv des survivants de la catastrophe. Et lui, Charlie, si insouciant, encore accro à la drogue, portait le flambeau d'un mot d'espoir, à la fois fataliste et lucide. Hawke disait que leur destin était sans doute un purgatoire suivi soit du paradis, soit de l'enfer. Certains méritaient encore l'enfer, et d'autres, pour leur courage et leur optimisme, le paradis. Mais sait-on jamais, certaines fautes sont à jamais impardonnables en raison de leur nature et de leurs conséquences sur l'entourage.
L'entourage. La famille, les amis, les collègues au bureau, le facteur.
Ils leur semblaient même qu'ils avaient oublié le sens du mot 'famille'. Mais bien malgré eux, ils durent s'organiser, se lier d'amitié, se supporter en dépit de leurs différences culturelles, se haïr parfois, mais jamais pour longtemps, et aimer. Etrange de voir qu'un séjour forcé dans un lieu qui leur retournait les tripes pouvait les rapprocher. Instinctivement, parce que Shannon était différente, moins occidentale que les autres, Sayid ne pouvait que se sentir attiré par son mystère. Charlie, instinctivement, avait choisi la créature la plus fragile et la plus souriante du groupe, Claire, et ils s'aimaient tout naturellement sans torts ni travers. Jack aidait Kate à se repentir de ses fautes et Kate s'entendait avec Sawyer comme Bonnie s'entendait avec Clyde. Ils pouvaient tous s'aimer d'une manière ou d'une autre, amis, frères, compagnons de chasse ou de pêche, ou amants, dissimulés dans l'ombre du travail qu'ils avaient à effectuer pour survivre.
Survivre. Là était leur destin.
Certains désespéraient, peut être que les secours n'allaient jamais arriver. Dans ce cas, mieux valait voir sur le long terme, c'est ce que pensaient ceux qui étaient restés sur la plage. Les autres, qui avaient dû fuir une caverne qui étaient devenue leur maison, demeuraient eux aussi sur l'océan, mais ne croyaient pas voir un avion ou un bateau avant longtemps. L'île était comme le Triangle des Bermudes, aucun bateau ne passait à proximité et aucun avion ne survolait la zone. Sayid, Kate et les autres espéraient. Jack, Charlie, Claire et Hurley attendaient une vie un peu plus agréable sur l'île, un peu plus routinière, et puis en fin de compte, ils n'avaient pas à payer leurs impôts où à vivre dans une société qui leur imposait de vivre de telle manière et pas d'une autre. Ils en étaient réduits à trouver de la nourriture et de l'eau et à s'installer, enchevêtrements de tôles et de bâches à moitié déchirées, vêtements abîmés et outils fabriqués, et, dans un coin, un sac rempli de clubs de golf tordus.
Tordus. Tels étaient les buissons sur l'île.
On sentait qu'il y avait quelque chose dans ces bois exotiques qui n'avait pas lieu d'être. Outre Ethan et la femme française, certains sons émanaient de cette maudite forêt et on trouvait toujours quelques étranges détails…tout portait à croire qu'ils n'étaient pas seuls, qu'il y avait plus que l'apparence même sur l'île. Ils étaient en danger, et pourtant ils trouvaient encore la force de se nourrir et se boire, de construire des abris, de grimper aux arbres pour récolter quelques fruits. Au fur et à mesure, un véritable village s'installait dans la plaine à proximité du terrain de golf, avec son organisation et un rationnement alimentaire pour tout le monde. Toutefois, chacun vaquait à ses occupations et trouvait toujours un peu plus de mangues, d'eau ou de volailles à faire cuire. Les affinités s'installaient et malgré la relative indépendance de tous les membres du groupe, ils se soutenaient en temps de peine.
« Fate. Destin. » dit Locke tandis qu'il explorait les sous-bois en compagnie de Charlie. « Tu sais que ce mot est porteur d'une grande symbolique… »
« Je voulais me persuader qu'on allait bientôt rentrer et des conneries comme ça. » répondit-il avec nervosité, ce côté un peu gamin que l'on retrouvait toujours chez les toxicos en manque.
« On va rentrer, Charlie, sois-en assuré. Où, je ne sais pas. »
« L'une de tes théories était que nous étions tous morts. Comment Claire a-t-elle pu donner la vie ici, alors ? »
« Je n'ai pas la réponse à toutes les questions. » rétorqua-t-il avec un petit sourire énigmatique. « Je peux me tromper, comme tout le monde. »
Charlie eut un petit sourire aux lèvres. Marchant avec difficulté parmi les branchages et les plantes sauvages, le jeune britannique se contenta simplement de soupirer, pestant contre le mystère de Locke. Il était agaçant et qui plus est, il admettait ses propres défaites. Pouvait-on le voir en tant qu'humain ?
« T'es vraiment bizarre. »
« Tu trouves ? Pourtant, tu l'es tout autant que moi, Charlie. »
« Ouais, mais moi je suis un rockeur. Tous les rockeurs sont bizarres. Vous connaissez pas Marylin Manson, ça se voit. »
« Marylin Manson boit des infusions d'absinthe. »
« Sans déconner ! Abquoi ? » questionna Charlie.
« Ne me dis pas que toi, accro à la came, tu ne sais pas ce que c'est de l'absinthe ? Tu connais des peintres français ? »
« Quel rapport entre l'absinthe et les peintres français ? »
« Réponds à ma question. »
« Ben je sais pas…Monet, Manet, Toulouse-Lautrec… »
« Ah ! Toulouse-Lautrec. Je savais que tu en avais dans le crâne. Tu savais que la drogue entretient la créativité artistique ? »
« Plus ou moins. J'ai eu du succès lorsque je sniffais des rails de coke, mais je me rappelle avoir été malheureux durant cette époque. Je faisais souffrir les autres. » confia Charlie d'un air un peu triste.
« La came entretient l'euphorie, mais cette euphorie est toujours éphémère. Et puis, il viendra un jour où tu n'auras plus d'héroïne, et il faudra t'en passer. Pourquoi avoir renoncé à me reprendre ton petit sachet de coke ? » demanda Locke.
Il ne savait pas vraiment quoi répondre. Comment lui avouer qu'il voulait protéger Claire contre son impulsivité de toxicomane ? Encore être en manque et ne pas replonger plus tard, pour elle et le bébé. Charlie aimait Aaron, ce nourrisson qui avait besoin de toute son attention. Il l'aimait comme si cet enfant était le sien. Et puis, pour ne pas perdre l'affection qu'il avait pour la mère et son bébé, il valait mieux gagner progressivement la confiance de Claire pour qu'elle accepte parfois de lui confier Aaron.
« C'est pour Claire. » avoua Charlie. « J'ai dû tout recommencer à zéro avec elle, depuis qu'Ethan lui a effacé sa mémoire. Je n'ai pas su la protéger la première fois. »
« Ah, Claire…Joli brin de fille, hein ? » déclara Locke.
Charlie acquiesça avec un sourire d'amoureux un peu frustré. Enfin, il ne voulait pas la brusquer, ce n'était pas la solution. Autant laisser les liens se créer lentement, délicatement, pour ne pas briser la fraîcheur et le naturel de la fleur en éclosion qu'était Claire.
« Tu l'aimes, n'est-ce pas ? »
« Qui ça ? » questionna Charlie avec innocence.
« Hé bien, Claire ! » constata Locke devant l'air déconfit du jeune homme. « Ne fais pas cette tête, ce n'est pas un crime d'aimer quelqu'un ! »
« Oh, non, ça ce n'est pas un crime, mais c'est difficile de ressentir de l'affection pour quelqu'un et de ne pas savoir comment lui rendre le sourire. Je ferais n'importe quoi pour rendre Claire heureuse. » murmura le jeune homme.
« L'amour est un engagement à long terme. Rien ne dit qu'elle voudra de toi. »
« Merci de me soutenir dans mes démarches, Locke. » ricana Charlie avec sarcasme.
« Je ne dis pas ça pour te miner le moral. On vit dans le monde réel, mon garçon, les sentiments ne sont pas toujours réciproques. »
« Je sais. » répondit-il simplement.
« Je ne connais pas les techniques de drague en mode urbain, Charlie. Mais si tu veux lui faire plaisir sur cette île maudite, va lui chercher des fruits. »
« C'est ce que je voulais faire avant que tu n'aies pris l'initiative de m'interrompre avec tes techniques de pistage. Les fruits ça ne pousse pas par terre, que je sache ! »
« Les fruits se pistent comme les animaux. »
Locke, après quelques minutes de marche, s'arrêta soudainement et leva les yeux au ciel. Charlie l'imita, mais ne vit absolument rien de particulier. Toutefois, après deux secondes d'observation agacée, le jeune homme sentit quelque chose tomber derrière lui et se retourna brusquement. Les feuilles bougeaient encore et il n'était pas à l'aise dans cet endroit. Puis, un deuxième bruit sourd parvint à ses oreilles. Et un troisième.
Charlie sursautait à chaque fois, se demandant s'il n'allait pas y rester à cause d'hypothétiques grêlons ou d'une pluie d'objets tombants non identifiés. Bientôt, tous les buissons étaient agités par des choses qui tombaient du ciel, des choses solides. Locke, lui, restait étonnamment calme, se déplaçant d'un buisson à l'autre pour ramasser ce qui tombait du ciel. Charlie se rendit bientôt compte que ces choses qui les attaquaient étaient en réalité des goyaves.
« Je savais que les fruits de cet arbre étaient bientôt mûrs. Regarde, Charlie, tu n'as même pas besoin de grimper aux arbres pour chercher ce dont tu as besoin. » expliqua Locke en pointant du doigt les branches pliées de la cime.
Il était ébahi des immenses qualités de cet homme. En plus d'être lucide et réfléchi, il avait un don, celui de la survie, et le transmettait à qui voulait bien entendre ses conseils. Charlie était rassuré. Claire et Aaron auraient de quoi manger ce soir, et peut être lui aussi, par la même occasion. Et enfin, il reverrait un sourire illuminer son visage. Les deux hommes ramassèrent autant de fruits que possible et rentèrent au campement. En plus des goyaves, leur chasse avait été bonne et les rescapés pourraient manger à leur guise, au moins pour ce soir.
Le destin.
Locke voyait Charlie se diriger vers la tente de Claire avec un sourire, et tout en lui parlant, lui donna des fruits et essaya tant bien que mal d'allumer un feu pour faire cuire l'animal qu'il avait tué à la chasse. On retrouvait l'instinct primaire de l'homme. Mais plus que la supériorité ou de la différence entre hommes et femmes, on voyait simplement l'attirance que pouvaient avoir deux êtres l'un pour l'autre. Ils riaient et souriaient tout en mangeant, discutant de choses et d'autres. Un sourire attendri aux lèvres, Locke s'installa quelque part entre deux tôles froissées et un siège à moitié délabré de l'avion. C'était le destin de Charlie d'aimer Claire et réciproquement. Quelque part, si ça n'avait pas été pour elle, le jeune homme aurait vite abandonné tout espoir de survie sur l'île.
Les pleurs.
Tout le monde se souvenait de la silhouette meurtrie de Charlie, ses battements de cœur si fragiles, qui s'étaient soudain arrêtés, son cou enserré par la corde d'Ethan, ce dernier espoir de le ranimer. Les larmes de Jack et de Kate. Et puis, ce dernier, cet ultime coup de poing pour réveiller un cœur ensanglanté et solitaire. Charlie avait besoin d'amour et le recherchait avidement. C'était sans doute le meilleur exemple de survie qu'il pouvait donner aux autres. Il suffisait d'aimer pour avoir de l'espoir et continuer sa vie, malgré les difficultés, les peines et les joies. Assis sur la plage, il pleurait son amie disparue, oh, comme elle lui avait manqué, cette fille. Sans elle, il sentait qu'il n'était plus rien, à peine une petite noirceur dans les ténèbres. Charlie avait failli replonger. Mais son destin à lui était tout simplement de vivre, comme les autres, rien de plus, rien de moins.
© Copyright Isylde - 2005
© Copyright J.J Abrams - 2004
