Auteur : Isylde
Inspiration : Lost
Titre : F.A.T.E
Chapitre : Sister
Longueur : 1805 mots
Date : 21/08/05
Résumé : Car cette mystérieuse porte avait quelque chose de militaire et à la fois ce petit détail délicieusement énigmatique, l'incitant à en découvrir davantage. Cette porte, en définitive, était comme Shannon, sauf qu'elle ne roulait pas délicatement des hanches comme une mannequin de Playboy.
Parfois, il voyait sa silhouette féminine balancer ses hanches sur une plage de sable fin, paréo rose bonbon et lèvres sucrées comme un rosé un peu mielleux et ambré. Elle était comme les mannequins de papier glacé et de Photoshop retouchée, manipulatrice, odieuse et superficielle. Et tandis que les rescapés oeuvraient pour leur survie, son égoïsme la poussait à œuvrer pour la perfection de son bronzage. Boone se demandait comment une crème solaire pouvait durer aussi longtemps, et surtout, passé la date de péremption, il aurait aimé voir Shannon développer un eczéma saumon du plus bel effet.
Tant pis pour l'eczéma, il pouvait au moins espérer qu'elle se casse la gueule sur une branche, ou encore qu'elle se fasse bouffer par une créature bizarre sur l'île. De toute façon, avec toutes les conneries qui se cachaient dans ces buissons, amas végétaux de piques et de pointes, amas de dangers et de peurs ancestrales, danger…
« Boone ! » s'exclama Jack en lui lançant un poisson. « T'as besoin de protéines, va te faire cuire cette chose-là ! »
« Non merci, Jack. » répliqua ce dernier.
« Fais ce que je te dis. A passer des journées entières dans la jungle avec Locke, tu vas finir par t'éteindre d'inanition. Shannon s'inquiète pour toi, tu sais, elle a fini par me poser des questions. » répondit le jeune médecin en allant s'enquérir de la santé de Hurley, assis un peu plus loin.
« Même la poiscaille ne veut plus me foutre la paix. » soupira-t-il en observant d'un œil torve la masse écailleuse qui le regardait d'un air vitreux.
Pourquoi avaient-ils toujours besoin de poser des questions ? Ici, sur cette maudite île, l'intimité était une chose rare, voire impossible. Quarante jours d'abstinence sexuelle, quarante jours coupés du monde, de la civilisation, de ce luxe auquel il s'était habitué depuis son enfance. Shannon, elle, ne voyait aucune différence entre cette plage luxuriante et un voyage touristique dans un lieu paradisiaque. Disons simplement qu'elle n'en n'avait que faire d'avoir du caviar, un jacuzzi et du champagne. Tant qu'elle pouvait bronzer, pas de problème ! Boone ne comprenait pas sa sœur. Il n'avait jamais su apprivoiser cet esprit à la fois si spécial et si étrange…Et pourtant, il avait laissé libre cours à son désir, l'aimant non pas comme sa petite frangine, mais comme une amante qui, nonchalamment, s'offrait et se refusait à lui.
Délaissant la 'masse de protéines écailleuse' qu'était le poisson, il s'enfonça, sous le regard méfiant de sa sœur, dans les sous-bois de la jungle, marchant avec précaution de peur d'attirer quelque chose de pas forcément amical.
« Oh, Boone ! » s'écria alors la voix de Locke.
Cette voix…d'où venait cette voix ? Le jeune homme leva les yeux et vit le visage souriant de Locke dans les branchages, lui faisant un signe de la main. La cicatrice qui lacérait son œil gauche, balafre à la fois terrifiante et paternaliste, lui donnait un petit air de baroudeur qu'il connaissait bien.
« Ta sœur ne t'a pas suivi, j'espère…ces bois ne sont pas tranquilles, elle risquerait de se perdre. » déclara-t-il.
« Non. J'ai suivi ce que vous m'avez dit. »
« Laisse jamais de traces derrière toi. Ce bunker est notre secret, il ne faudrait pas que de nouveaux sentiments viennent s'en mêler… »
Boone détourna automatiquement le regard, de peur que Locke décèle en lui l'interdit, l'inceste, les sentiments qu'il éprouvait envers Shannon, bien malgré lui.
« Bon. » constata Locke. « Cette conversation ayant été fort constructive, je crois que nous pouvons nous mettre au boulot, tu ne crois pas ? »
Un regard bleu glacé darda cet aventurier de haut en bas, comme pour toiser quelque chose qui lui était supérieur, regard à la fois mêlé de dégoût face à l'étrange, d'admiration face à la culture, de fierté face au courage.
Ils prirent le même chemin que tous les autres jours, glissant et végétal, désagréablement humide et terriblement sombre, comme si les rayons du soleil ne daignaient pas percer la canopée de ces arbres couverts de lianes et autres cordages naturels. Cet jungle, si belle, cachait de terribles secrets, et, tandis qu'ils s'approchaient de cette porte métallique blindée, dissimulée sous les hautes herbes du bois, Boone sentait cet amer sentiment de déjà-vu, à chaque instant il lorgnait le noir hublot de cette porte et se demandait ce qu'il y avait derrière.
Ainsi ils restaient des heures, se demandant comment ouvrir la chose à défaut de le faire. Boone ne pouvait pas comprendre ce mental d'acier dont Locke faisait preuve. Un énigmatique rictus aux lèvres, ce dernier demeurait parfois entièrement immobile, le dos douloureusement droit, assis en tailleur, à quelques mètres de l'objet de leur convoitise.
« Je sais pas comment vous faites pour rester là, à lorgner une porte aussi banale ! » s'exclama le jeune homme avec agacement.
« Hmm, la frustration de la jeunesse…j'étais comme toi, auparavant. » soupira Locke avec cette mimique paternaliste et rassurante.
« Qu'est-ce qu'on fait exactement ici ? » lança-t-il.
« On essaie de voir comment ouvrir une porte. Cette porte-là, en particulier. » dit-il en désignant d'un geste désinvolte la lourde plaque de métal enclavée à même le sol.
« Pourquoi n'y a-t-il pas de poignée ? »
« Parce qu'elle ne s'ouvre que de l'intérieur. » répondit Locke avec la plus grande simplicité.
Il cessa tout d'un coup de faire les cent pas avec nervosité et jeta un coup d'œil au sombre hublot. Si cette porte ne s'ouvrait que de l'intérieur, alors des gens devaient sûrement y avoir accès, mieux, peut être y habiter. Mais quel intérêt de posséder une résidence secondaire en pleine jungle, austère et quasi-militaire…
Car cette mystérieuse porte avait quelque chose de militaire et à la fois ce petit détail délicieusement énigmatique, l'incitant à en découvrir davantage. Cette porte, en définitive, était comme Shannon, sauf qu'elle ne roulait pas délicatement des hanches comme une mannequin de Playboy.
« A quoi songes-tu, Boone ? Notre secret est-il donc si lourd à porter ? »
« Je sens que ma sœur est suspicieuse. A force de promettre un sanglier à la broche tous les soirs, elle va finir par s'impatienter. »
« Surtout qu'un sanglier à la broche est bien éloigné des repas qu'elle a pu connaître dans le passé. Je vous devine riches… »
« Riches, ouais. Shannon ne sait pas gérer son héritage. »
« Et toi, tu ne sais pas gérer tes sentiments. »
« Que savez-vous de mes sentiments ? »
« Pas grand'chose, sinon qu'ils sont conflictuels. »
Le mot juste. Locke trouvait toujours le mot juste. Et, malgré ce qu'il prétendait, il avait réponse à tout. C'était presque agaçant, et Boone, qui avait toujours été financièrement supérieur, se retrouvait dans une inconfortable posture, celle de l'infériorité culturelle.
« Ma sœur est quelqu'un de spécial. Elle s'inquiète pour moi. »
« Le crois-tu vraiment ? »
« Je ne sais pas. Elle semble plus attachée à ce… Sayid. »
Lorsqu'il les voyait tous les deux, sa sœur et l'irakien, Boone ne pouvait s'empêcher de ressentir un haut le cœur en sachant qu'elle pouvait aimer. Aimer quelqu'un d'autre. A chaque fois, c'était la même histoire, elle s'enfuyait en se trouvant un mec qui la laissait tomber contre une forte somme d'argent. Le jeune homme sacrifiait son compte en banque pour l'illusoire bonheur de Shannon, cette frangine un peu blonde, un peu égocentrique avec qui il n'avait aucun lien de sang.
Mais peut être que l'acte même, l'acte sexuel de la chose, partagée avec un membre d'une même famille, cela pouvait paraître immoral, interdit. Etait-il interdit d'aimer sa sœur comme un amant aimait une amante ? Etait-il interdit de ressentir du désir pour elle, et en même temps de la haïr pour la souffrance qu'elle causait aux autres ? La haine et l'amour se partageaient, se brisaient et se déchiraient, mais ils n'étaient pas contradictions, c'était sans doute cela qui était gênant. Rien n'était donc paradoxal dans leur relation, hormis le fait qu'à leurs yeux, on pouvait rembourser l'affection par de l'argent. Shannon valait environ 50000 dollars affectivement. On signait, on concluait un pacte, et Boone se sentait libre de protéger sa sœur et de disposer d'elle. Et parfois, il avait juste envie de laisser tomber cette protection.
Un frère ne devait pas forcément amour charnel à sa sœur. Un frère ne devait pas aimer une sœur de cette manière. Un frère ne devait pas mettre un prix sur l'amour que portaient les hommes à sa sœur. Shannon. Sister.
« Tu es jaloux ? » questionna Locke avec un petit rire.
« Je suis inquiet, tout comme elle. » rétorqua Boone d'un ton sec et ferme, observant d'un air absent la porte métallique qui reposait parmi les buissons.
« Inquiet de quoi ? De la perdre ? Elle est majeure, tu sais, tu ne peux pas toujours disposer d'elle comme tu le désires. »
« Je ne dispose pas d'elle. »
« Que ressens-tu en ce moment ? »
Avait-il vraiment besoin de répondre à cette question ? Oui, Boone avait honte de ce qu'il avait fait, oui, il avait couché avec sa sœur, avec passion et dégoût à la fois, comme s'il embrassait et rejetait l'étrange bonheur qui s'offrait à lui ! Il rejetait Shannon pour son caractère à la fois précieux et terriblement bourgeois. Il l'embrassait parce qu'il avait envie d'elle, à défaut d'avoir su la protéger autrement qu'avec des billets verts.
« De la frustration. » confessa Boone, amer.
« Alors, laisse aller la frustration. Elle ne t'apportera rien de bon sur cette île. »
Le jeune homme se leva et partit en direction de la plage, lançant un dernier regard à son compagnon d'infortune. Locke eut, pour la première fois, un frisson glacial qui lui parcourut la colonne vertébrale. Ce regard bleu de jeunesse fougueuse et arrogante disposait cette fois d'un peu d'humilité, supplantant la fierté à demi-mot, à demi-cœur, moitié d'un cœur qui se savait perdu.
« Si. Un cœur brisé. » dit-il simplement.
Tandis qu'il retournait au campement, le doigt inquisiteur de Shannon se posa avec haine sur son torse, piquant une crise de nerfs alors qu'elle lui demandait toutes ces questions compliquées, de sa voix de parfaite mannequin, odieuse et séductrice.
Puis, sa silhouette familière s'éloigna en roulant des hanches, comme à son habitude, et Boone ne put s'empêcher de conclure, d'une voix mi-amusée, mi-âcre :
« Sister, sister… »
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