Auteur : Arsinoé de Blassenville

Traduction : benebu, avril 2005

Chapitre deux : la fille qui était morte.

Hermione n'eut pas l'opportunité de retourner dans son repaire secret avant le mercredi suivant. Harry et Ron avaient eu l'air de penser qu'ils étaient liés à elle par la taille pendant tout le dîner, jusqu'à ce qu'une explosion de plumes vertes ne jaillisse de la bombe glacée des Serpentards. « Attention à la bombe, » se moqua Colin Creevey, pendant que Dean et Seamus, responsables de la blague, souriaient avec une satisfaction qui venait du cœur. Ron était aux anges, et Harry pour une fois, rit franchement. Pour leur part, les Serpentards semblaient prêts à déclarer une guerre ouverte, en utilisant des pleines poignées de plumes couvertes de glace comme des missiles. Goyle attrapait le plateau, et, dans une pose rappelant celle d'Hector devant ses vaisseaux, s'apprêtait à le lancer vers les Gryffondor quand la table des Professeurs remarqua le chahut et y mit fin avec diligence.

Les Serpentards, mis au pas par leur Directeur, criaient et agitaient sous son nez distingué les restes dégoûtants de leur pudding, demandant justice. Les Gryffondors, ne protestant même pas de leur innocence, hurlaient de rire ou imitaient des cris d'oiseaux. Des chants de perroquets, des croassements de corbeau et des trilles de canari emplissaient le hall ; alors que le Professeur McGonagall, essayant vainement d'avoir l'air désapprobateur, distribuait tranquillement des points pour leur inventivité. Les Poufsouffles étaient scandalisés par le bruit, alors que les Serdaigles, irrités au delà du tact, en appelaient au Professeur Flitwick pour qu'il « fasse quelque chose à propos de toute cette rivalité Serpentard-Gryffondor, qui avait bien trop duré ! »

« Vraiment, » reniflait Padma Patil, « on penserait qu'il n'existe que deux maisons à Poudlard ! On ne parle que d'eux ! » « C'est vrai, » approuvait Terry Boot, « Je prédis que ce psychodrame de rivalité va finalement détruire le monde magique. Il est grand temps que le Ministère s'en occupe. » Puis, se souvenant de la dernière fois où le Ministère s'était immiscé dans les affaires de Poudlard, il grogna de désespoir, la tête dans les mains.

Hermione, pendant ce temps, avait fui la scène. Quand le Directeur aurait repris les Commandes de la Grande Salle, ce qui allait arriver dans les dix secondes, tous les élèves seraient renvoyés dans leurs Salles Communes respectives. Et si je ne l'entends pas donner l'ordre, je me sentirai moins mal de lui désobéir, se dit-elle.

Quelques minutes plus tard, elle courait, livres, parchemins, et plumes dans les mains, vers la peinture de Poufsouffle. « Salle de lecture, » souffla t'elle. Se glissant dans le passage, elle referma soigneusement la peinture derrière elle, et s'adossa au mur de pierre froide pour reprendre son souffle. Un peu plus maîtresse d'elle-même, elle ordonna « Lumos ! » et avança vers le rebord de la fenêtre.

« Bonsoir ! » cria quelqu'un. Hermione étouffa un cri et se retourna, pour voir qui l'avait suivie.

« Bonsoir ! » répéta la voix. « Mademoiselle… Granger, c'est ça ? Là haut ! »

C'était la fille du tableau.

« Bonsoir, » répondit Hermione, avec réserve. La fille de Gryffondor poussa ses livres sur le côté et lui fit signe d'approcher.

« Ca fait une éternité que j'attends de pouvoir te parler ! J'ai cru que tu ne reviendrais pas après le raffut de l'autre soir avec Severus Rogue. »

Hermione haussa les épaules. « Ce n'était rien. Il en a toujours après moi pour une raison ou une autre. Il déteste mes amis aussi. »

La fille du portrait avait l'air surprise. « Je ne dirais pas que de perdre vingt-cinq points ce n'est rien. » Elle se pencha vers Hermione. « Mais tu es Préfet ! » Elle se rengorgea. « Moi aussi ! » dit-elle en tapant fièrement sur son badge. « Alors… Granger, c'est ça ? »

« Hermione. Hermione Granger. »

« Ravie de faire ta connaissance, Hermione, je suis Lily… »

« Lily Potter ! » s'écria Hermione, abasourdie. En regardant le portrait avec attention, elle pouvait voir la ressemblance avec les photos que Harry lui avait montrées. La fille avait le même âge qu'elle, mais les magnifiques yeux verts, les fossettes et les cheveux flamboyants préfiguraient la femme qu'elle serait. Ou qu'elle avait été ? Hermione avait un doute.

La fille du portrait s'interrompit, interloquée. « Non, Lily Evans. Je ne connais pas de Lily Potter. Il y a un Potter dans ma classe, dans la même maison que moi, en plus, mais nous ne sommes pas parents. C'est un snob au sang pur, et je ne suis qu'une petite fille de moldus. »

Hermione réfléchit rapidement. Bien sûr, c'était un portrait de Lily Evans, une élève comme elle, bien avant qu'elle ne se marie avec James, le père de Harry. Apparemment, la peinture était à l'écart des potins de Poudlard. Curieuse, elle se décida pour une approche avec du tact.

« Moi aussi, j'ai des parents moldus, » avança Hermione, et la fille du tableau lui sourit avec intérêt, l'air amical. « Excuse-moi, mais je pensais que les portraits discutaient entre eux, et voyageaient dans le château ? Tu ne … ? »

« Non, non. Je suis d'une sorte différente. C'est en rapport avec la façon dont j'ai été peinte. Je suis limitée à ce tableau, mais ça ne m'a jamais ennuyée. En fait, j'avais l'impression d'avoir été peinte et enchantée hier, mais quand j'ai vu Severus… » La voix de la fille, enfin… de Lily, s'éteignit et elle eut l'air mal à l'aise. « C'est un adulte ! Et il a l'air si… épuisé. Je l'ai fait parler un peu, et il m'a dit qu'il enseignait ici maintenant. »

« Oui, » répondit doucement Hermione. « Oui. Il est Maître de Potions. Et Directeur de Serpentard. »

Lily-du-tableau sembla impressionnée. « Il ne m'a pas raconté ça. C'est vraiment impressionnant. Remarque, ce n'est pas vraiment une surprise. C'était un sacré bosseur en classe, même si je l'aurais plutôt vu en Défense. Il y était sacrément bon, également. »

« Je sais, » répondit Hermione, un peu sèchement. « De temps en temps il fait des remplacements en cours de Défense, quand le Professeur habituel est indisponible. »

« Dumbledore est toujours Directeur ? »

« Hein ? Euh, oui. »

« Ca ne me surprend pas non plus. Cet homme est immortel. Son regard pétille toujours ? »

« De temps en temps. »

Hermione se sentait de plus en plus mal à l'aise. Cette fille n'avait pas la moindre idée de ce qu'était devenue la femme dont elle était l'image. Et si elle le lui demandait ? Que devrait-elle dire ?

La fille la regarda attentivement, comme si elle essayait de lire dans ses pensées. « Tu me connais, non ? Je veux dire, l'autre moi, celle en dehors du tableau ? »

« Oui, j'ai entendu parler de toi. » Hermione cherchait désespérément quelque chose de gai à dire.

« Grâce à mon livre ? »

« Ton livre ? » Hermione ferma la bouche doucement. De toutes les choses que le tableau aurait pu lui demander, c'était une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Désespérément, elle fouilla sa mémoire pour y trouver trace d'un livre écrit par Lily, que ce soit sous le nom de Potter ou de Evans, mais elle n'en trouva aucun. « Je suis désolée, je ne me souviens pas d'un livre de toi. »

Lily-du-tableau devenait plus grave à chaque échange. Elle baissa les yeux vers ses livres, et demanda directement. « Elle est morte, pas vrai ? L'autre moi ? »

Hermione ne voyait pas de raison de mentir. « Oui, elle est morte il y a plusieurs années. »

« Elle était encore à l'école ? Ca pourrait expliquer pourquoi elle n'a pas fini le livre. »

« Non, elle est morte après. » Le portrait avait l'air plus étonné encore, et Hermione expliqua. « Elle était mariée, et elle avait un bébé. Peut-être qu'elle était trop occupée pour finir son livre tout de suite. » Voyant que la jeune fille rougissait de colère, Hermione essaya d'apaiser sa colère. « Je suis sûre qu'elle l'aurait fini, une fois qu'elle aurait eu plus de temps… » Elle savait pertinemment que son argument était faible. Hermione savait que si elle-même avait l'espoir d'être publiée, sept bébés sorciers ne l'en empêcheraient pas.

La fille du portrait semblait en être arrivée à une conclusion désagréable, et cria presque. « Lily Potter. Tu veux dire qu'elle s'est mariée avec ce guignol arrogant ! Elle était malade ? C'était bien le genre à la laisser enceinte et sans le sou ! Elle aurait mieux fait d'épouser Remus, à choisir ! Au moins, lui m'écoutait parler de mon livre, et il avait la bonne grâce de faire semblant d'être intéressé ! Alors ? Elle est morte d'ennui ou d'alcoolisme ? »

Rouge elle-même, Hermione ressentait un immense instinct protecteur pour la Lily-qui-était-la-mère-de-Harry. « Elle et James ont été tués par un sorcier maléfique. » Elle prit une inspiration, et osa prononcer le nom. « Lord Voldemort. »

« Jamais entendu parler de lui, » dit Lily avec dédain. « Elle a dû se transformer en pauvre créature effrayée, d'après moi, pour laisser un soi-disant Lord Oldyfart la tuer. Elle a passé trop de temps à changer des couches, et elle a perdu la main. »

En même temps indignée, admirative malgré elle, et surprise que la mère de Harry soi si différente de ce qu'elle avait imaginé, Hermione lui fit un résumé bref mais vivant du règne de Voldemort et des Mangemorts, du destin des Potter, et de la vie et des aventures du Garçon-Qui-Avait-Survécu.

Lily-du-tableau écouta en silence, mais elle semblait contenir une rage grandissante. « Tu veux dire que l'autre Lily à vaincu cet Oldyfart avec un brillant sort d'ancienne magie protectrice, mais que c'est le gamin qui reçoit tout le crédit ? »

Hermione n'avait jamais pensé à la situation sous cet angle. « Oui, c'est ça, j'en ai peur, mais Harry… »

« Et ils ont envoyé son enfant vivre avec Pétunia ! J'imagine qu'ils se sont mutuellement appréciés ? »

« Je ne crois pas que les Dursley aient été très gentils pour Harry… »

« Les Dursley ? Quel nom horrible. Alors elle et son mari… un moldu j'imagine ? (Hermine acquiesça) ont mal traité le gamin. Quel choc. Comment ont ils pu faire ça ? » La jolie bouche du portrait se tordit un peu. « Je suppose que Dumbledore est tellement vieux qu'il a oublié à quoi ça ressemble d'être enfant… Ou alors son enfance victorienne était tellement idyllique qu'il ne peut pas s'imaginer un enfant qui souffre. Ca expliquerait beaucoup des choses qui se passent ici. »

Ces mots attirèrent immédiatement l'attention d'Hermione. Il y avait beaucoup de chose pour lesquelles elle pensait que les écoles moldues étaient mieux équipées que Poudlard, mais personne avec qui en discuter. Les sang-purs ne connaissaient rien d'autre, et pensaient en conséquence que n'importe laquelle de leur création devait être évidemment supérieure à ce qu'avaient pu inventer de pauvres moldus, et Harry, avec le peu qu'il connaissait du monde moldu, ne valait guère mieux.

Elle admit prudemment « C'est vrai qu'il y a énormément d'a priori et de préjugés ici… »

« C'est bien mon avis ! » approuva le portrait, maintenant lancé à plein régime sur son sujet favori. « Les choses que Potter et sa bande ont fait subir à Severus ne seraient pas tolérées une minute dans une école digne de ce nom. Je ne sais pas à quoi pense Dumbledore… peut-être que ça va l'endurcir. Moi, je crois que ça ne va que le rendre amer et furieux. Il y a trop de snobisme et de favoritisme ici ! »

« Et le programme des études moldues est une blague, » ajouta Hermione, s'excitant à son tour. « On n'étudie pas la littérature, ni la musique, ni les arts, et l'histoire qu'enseigne Binns… »

« Binns est toujours là ? » Grogna Lily. « Est-ce qu'il parle de Grindewald ? »

« Non, on ne va jamais si loin, et on parle encore moins de la dernière guerre. » Lily-du-portrait l'interrogea du regard et Hermione clarifia « Le règne de Voldemort… »

« Oldyfart, » marmonna Lily, rebelle.

« Voldemort, » répéta Hermione, avec une touche d'affectation. « Il traite de la révolte des gobelins en grand détail, remarque. »

« Il ne parle jamais de rien d'important. Je pensais que c'était par paresse. Maintenant, je me demande si ce n'est pas exactement ce que souhaite Dumbledore. Ca ne servirait à rien de semer la discorde en abordant des sujets controversés. » Elle ajouta, un peu amèrement. « C'est pour ça que j'étais si excitée par mes recherches. »

Hermione avait du mal à ne pas sauter de joie. C'était tellement plaisant de discuter avec une autre fille avec qui elle avait tant en commun. C'était une expérience nouvelle, que ce soit dans le monde moldu ou dans le monde magique, et même si elle savait que sa prochaine question provoquerait une longue réponse, elle ne pouvait pas résister.

« Tu veux bien me parler de ton livre ? »

Lily-du-portrait s'illumina, contente de la qu'elle le lui demande. Ses yeux verts brillèrent, son sourire creusa ses fossettes, et elle commença…

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revu et corrigé le 07/09/05