Auteur : Arsinoé de Blassenville
Traduction : benebu, avril 2005
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Lily parle de son projet de livre à Hermione, et les deux jeunes filles se trouvent de nouveaux points communs.
Chapitre trois : le point important.
« Je suppose que c'est toujours la même chose maintenant, » commença Lily. « Je ne peux pas croire que les choses aient beaucoup changé. Tout change si lentement dans le monde magique. On en revient toujours aux sang-pur, aux demi-sang, et, si tu pardonnes l'expression, aux sang-de-bourbe. »
Hermione haussa les épaules. « On m'a jeté ce nom à la figure plusieurs fois. Les partisans de Voldemort croient tous à la pureté du sang. Ils pensent que les enfants de moldus ruinent le monde magique. »
« Et alors, c'est vrai ? »
Hermione allait protester, mais elle s'interrompit, confuse.
Lily leva les sourcils. « Tu vois. Tout le monde a son opinion sur le sujet. Les gens disent qu'ils ont un argument ou un autre, mais finalement on en revient toujours à 'c'est vrai' ou 'c'est faux'. »
« Mais c'est ridicule ! Ce n'est pas pour me vanter, mes les résultats de mes BUSE… »
« Et c'est ce que je veux dire ! Une personne ne prouve rien. Quelqu'un qui n'aime pas les enfants de moldus prendra en exemple quelqu'un d'autre qui a eu de mauvaises notes, et dira que tu es une exception. Tu as peut-être une opinion profonde, mais tu ne m'as donné aucune preuve. » Lily tapa sa plume contre son parchemin sur la table de la bibliothèque. Hermione décida que c'était un tic qui trahissait sa réflexion. Lily, après avoir considéré comment continuer, reprit. « Mon père est professeur, et tu sais bien qu'il y a toujours une nouvelle étude ou une autre concernant l'éducation chez les moldus. Il m'a demandé si j'avais entendu parler d'une étude sérieuse sur les enfants de moldus dans le monde magique, et après avoir cherché, je me suis rendue compte qu'il n'y en avait pas… Il n'y avait que beaucoup de livres donnant leur avis, sans rien pour les étayer. » Lily fit une pause. « Est-ce que tu sais si mes parents sont toujours en vie ? »
« Je ne suis pas sûre, mais je ne crois pas, » confessa Hermione. « Harry n'a jamais mentionné de grands-parents. »
Lily était ébranlée. Elle soupira, et recommença à taper la pointe de sa plume sur la table.
« Quoi qu'il en soit, ce qui importe c'est de prouver l'impact des enfants de moldus sur le monde magique. Ce n'était pas si difficile de mettre en œuvre une telle étude. Il existe plein de données : les registres de Poudlard donnent le noms des parents, et on peut vérifier s'ils sont de demi-sang, de sang-pur, ou quoi que ce soit. Nous avons les scores des BUSE et des ASPIC qui remontent à des siècles. En recoupant avec les registres de naissance, on peut savoir si les enfants de diplômés de Poudlard recevaient une lettre de Poudlard ou non. Après avoir fait ça, c'était facile de calculer des chiffres pour savoir si les enfants de moldus avaient de moins bons résultats scolaires, ou s'ils donnaient naissance à plus de Cracmols. »
« Tu faisais tout ça pour le cours du Professeur Binns ? »
« Oh, non ! C'était un projet indépendant pour les études moldues. Je sais que ça a l'air idiot, une enfant de moldus qui suit le cours d'études moldues, mais avec mon emploi du temps je devais choisir entre ça et Divination, et je ne pouvait pas choisir ce truc.
Hermione acquiesça. « Ce n'était qu'un rapport préliminaire de toute façon, qui utilisait les scores des ASPIC et des BUSE de ces dix dernières années, mais j'allais continuer à y travailler, et le mettre en forme pour le faire publier après mon diplôme, une fois que je me serais fait un nom. » Elle renifla. « Apparemment, j'ai été distraite. » Une nouvelle pensée lui traversa l'esprit. « Tu crois que le gamin saurait ce que sont devenues mes notes ? »
« Harry ? C'est peu probable. D'après ce que j'ai compris, la maison a été détruite quand tu… Je veux dire, quand ses parents ont été tués. »
« Tout ce travail… »
Hermione attendait toujours. « Alors ? »
« Alors quoi ? »
« Alors, est-ce que tu as trouvé ? Est-ce que les enfants de moldus vont détruire le monde magique ou non ? »
« Oh, ça ! Eh bien, il était impossible de se prononcer avec certitude, mais du point de vue génétique, ça ne semblait pas le cas. Il n'y avait pas de différence notable entre les enfants de moldus et les sorciers de sang-pur concernant le nombre de naissances de Cracmols, mais les résultats d'examens des enfants de moldus semblaient légèrement supérieurs. »
Hermione rougit d'auto-satisfaction.
« Bien sûr, » continua Lily, « Ce n'était qu'une petite variation par rapport au total, et ça ne veut pas dire que les enfants de moldus sont uniformément meilleurs élèves, ou plus puissants en magie pure. Mais il y a autre chose. Une étude plus approfondie semblait indiquer que les enfants de moldus qui venaient effectivement à Poudlard avaient manifesté leurs pouvoirs de façon significative avant d'y venir… et la plupart des enfants de moldus n'étudie pas du tout la magie. »
« Pourquoi ? »
« Eh bien, penses-y un peu ! Beaucoup d'enfants de moldus ont des parents comme ma sœur, qui détestent la magie. Ou ils pensent que c'est une façon de se donner confiance. Ou encore ils sont très croyants, et ils s'imaginent que c'est diabolique. D'après ce que j'ai pu trouver, ça arrive toujours aux Etats-Unis. Pourquoi est-ce qu'on entendrait parler de ces crises d'hystéries, dont les parents disent que c'est le diable qui possède leur enfant ? Chaque année, des dizaines de jeunes sorciers et sorcières sont tués par leurs familles, parfois pendant des exorcismes. C'est pour ça qu'aux Etats-Unis, et aussi dans certaines régions d'Amérique du sud et d'Afrique, les enfants sorciers sont retirés de leurs familles si elles les maltraitent, ces enfants disparaissent simplement du monde moldu. Ils ne faisaient pas ce genre de chose à Poudlard de mon temps. Est-ce que ça a changé ? »
« Je ne crois pas. Mais quand Harry a reçu sa lettre, les Dursley l'ont détruite, et le Directeur a dû en envoyer des centaines d'autres, et finalement envoyer Hagrid lui en porter une personnellement. »
« Eh bien, le Directeur devait vraiment penser qu'il était quelqu'un de spécial, parce que, comme tu le sais, la politique habituelle est d'envoyer une lettre par courrier spécial, et c'est tout. Il arrive qu'ils envoient une brigade d'Oublieurs si la famille cause des problèmes. En résumé, ma chère, » Lily la considéra attentivement, « Les enfants de moldus ne viennent à Poudlard que si ils viennent d'une famille à l'esprit ouvert, qui les soutient… Le genre de famille qui créerait des conditions favorables pour qu'un enfant réussisse à l'école, dans n'importe quelle école. »
Hermione réfléchit un instant, et avança « Les sang-purs se plaignent également de la corruption des valeurs sorcières, et des problèmes de sécurité… »
« Peut-être que cette dernière inquiétude est fondée. Je n'ai pas eu le temps d'étudier cela encore. Ce serait intéressant de répertorier les incidents de sécurité et de vérifier si un d'entre eux a eu un réel impact. J'aurai besoin de l'approbation du Ministère, pour ça… »
« Et c'est loin d'être gagné, »dit Hermione d'un ton mordant. « Le Ministre de la Magie est un idiot. L'année dernière, il a envoyé une de ses représentantes pour prendre le contrôle de Poudlard, et c'était la créature la plus vile, la plus mauvaise… » Hermione ressentit une pulsion de rage en pensant à l'odieuse Ombrage. « Je te parlerai d'elle un jour. C'est la pire personne que j'aie rencontrée, pire encore que les Mangemorts, parce qu'elle semblait normale au début. Enfin, je t'expliquerai plus tard. J'ai horreur d'y penser. »
« Eh bien, parlons de quelque chose de plus agréable… De Severus Rogue, par exemple, » proposa Lily.
Hermione fit une grimace. Lily rit.
« Oh, ne fais pas ta Gryffondor. Severus est très bien. On travaille ensemble en Potions depuis le début de l'année. Une histoire de nouvelle politique de coopération entre les maisons. Ça ne fonctionne pas pour tout le monde, mais dans l'année d'ASPIC, tout le monde est suffisamment sérieux en classe pour faire un effort. Ça n'a pas été simple au début : il m'a insulté méchamment une fois, et il ne s'est jamais excusé depuis, mais étant données les circonstances, j'ai décidé de laisser ça passer. Il a toutes les raisons de se méfier des Gryffondors… Heureusement, la bande de Potter ne suit pas ce cours pour envenimer les choses. Nous nous sommes rendus compte que nous travaillions bien ensemble, et que nous avions des goûts en commun. Severus est un peu mis à part, même dans sa propre Maison, alors je pense qu'il apprécie de pouvoir parler de ses sujets préférés avec quelqu'un. » Lily eut un sourire malicieux. « Je ne penserais pas qu'il grandirait de façon si… intéressante, cependant. La nuit dernière, il était plutôt impressionnant, avec sa robe noire qui l'enveloppait de majesté. Il n'était pas si grand quand nous étions ensemble en Potions. Il joue vraiment bien le genre 'Heathcliff torturé', à mon avis. Et quelle voix ! »
Hermione se recroquevilla sur le renfoncement de la fenêtre, serrant contre elle un coussin. « Heathcliff ! Je vois ce que tu veux dire. Mais c'est le Heathcliff de la fin des Hauts de Hurlevent, après qu'il ait perdu Cathy, quand il est bouleversé et cruel et horrible. »
« Et c'est ce qui c'est passé ? »
« Quoi ? »
« Est-ce qu'il a perdu Cathy ? Tu en sais plus sur Severus adulte que moi ! »
« Je ne sais pas s'il y a jamais eu une Cathy. »
« C'est tout aussi moche, j'imagine. »
Hermione pensait au tableau et à la bibliothèque, et une idée lui traversa l'esprit. « Ca n'a aucun rapport, excuse-moi, mais tu peux lire n'importe quel livre de la bibliothèque ? »
Un peu surprise par le changement de sujet, Lily-du-portrait la regarda fixement, puis dit. « Euh, oui, je crois. Je n'y avais pas pensé. Il faut que tu comprennes que le temps ne passe pas de la même façon pour moi. J'ai l'impression de n'être ici que depuis un après-midi, mais à te voir je me rends compte que c'est différent dehors. Je suis toujours en train de lire le livre que j'avais quand Maître Praetorius m'a peinte. » Elle leva un petit livre caché dans un grand volume sur la magie. Hermione approcha, et vit qu'il s'agissait d'Orgueil et Préjugés. Elle s'illumina, ravie de voir qu'elle avait rencontrée une autre fan de Jane Austen dans les environs de Poudlard.
« J'adore Jane Austen, moi aussi. Personne d'autre n'a entendu parler d'elle ici. »
« Tu as déjà lu ce qui passe pour de la littérature dans le monde magique ? C'est absolument indescriptible. Soit ce sont des romans d'amour faiblards et insipides, soit ce sont des histoires grossières de sorts et d'horreurs rampante, et le tout très mal écrit. Les sang-purs parlent sans cesse de Tulough Niggle, mais ses histoires sont des plagiats flagrants de Poe et de Lovecraft. »
Hermione avait déjà réfléchi au sujet. « J'imagine que le monde magique est si petit qu'il n'y a pas un grand vivier de talents. Et quand une personne a des capacités pour la magie, ça serait demander beaucoup qu'il ait des capacités artistiques en plus. Ce qu'ils appellent de la musique est assez mauvais, aussi… Tu veux bien me parler de ce Maître Praetorius ? »
« Eh bien, c'est l'exception qui confirme la règle. Je suis surprise que tu n'en n'aie jamais entendu parler. C'est l'un des rares artistes magiques en exercice. Il y en eu de moins en moins après l'invention de la photo sorcière, en 1871. » Hermione décida secrètement de faire quelques recherches plus tard, et Lily continua. « Le Directeur l'a fait venir pour peindre quelques endroits de l'école : la bibliothèque, le grand Hall, le terrain de Quidditch, et quelques autres. » Elle se pencha vers Hermione pour lui dire en confidence. « Je crois qu'il y avait quelque chose de spécial dans ces tableaux, quelque chose qui les relie à la magie de Poudlard. J'ai été choisie quasiment au hasard pour être dans celui-ci, en fait, simplement parce que Maître Praetorius aimait mes cheveux, et avait besoin de personnages dans les tableaux pour une question d'échelle. »
« Ca a pris longtemps ? »
« La pose ? Non, seulement quelques heures, mais, » ajouta t'elle, « ce n'était pas comme poser pour un tableau moldu. Sa peinture ressemblait plus à des potions. Il a utilisé des échantillons de la bibliothèque : un peu de poussière, de reliure des livres, d'encre et de parchemin. Et puis il a demandé des échantillons de moi, et ç'a été moins agréable. Des cheveux, des rognures d'ongle, un peu de peau de mes cuticules n'ont pas posé de problèmes, mais il voulait aussi du sang, et après, » dit ail avec un air dégoûté, « Il a insisté pour prélever un peu d'une de mes molaires. »
« Beurk, » compatit Hermione, en pensant à ses parents dentistes. Ca lui faisait également désagréablement penser au sort que Voldemort avait utilisé à la fin du Tournoi des Trois Sorciers pour se réincarner.
« Quoi qu'il en soit, » dit Lily, « ça m'a liée à ce tableau, parce que Maître Praetorius a dit que ça ne servait à rien de mettre un personnage dans un tableau pour une question d'échelle, si le personnage allait se balader quand ça lui chantait. Mais je pense, » dit-elle, pesant chacun de ses mots, « que c'est ça qui a fait de moi… moi. »
Hermione était fascinée, déterminée à comprendre quels types de Potions et d'incantations étaient utilisées. Une longue conversation s'ensuivit, qui se continua tard dans le nuit. Lily voulait tout savoir sur Poudlard, sur le monde magique, et sur le reste du monde. Elle voulait connaître la date, le nom du Premier Ministre, et savoir si le Prince de Galles avait fini par se marier. Elles se découvrirent des intérêts communs pour l'Egypte, les musées, et les livres de Tolkien. Hermione n'avait jamais parlé autant en une seule fois, et elle commençait à se sentir enrouée.
Elle finit par se rendre compte de l'heure qu'il était, choquée. A regrets, elle dit « Il faut que je retourne à la Tour de Gryffondor. »
« Tu vas revenir, n'est-ce pas ? »
Hermione rassembla ses affaires. « Oui, bien sûr. Il y a encore tant de chose dont nous n'avons pas parlé. » Elles rirent toutes les deux.
« Surtout, n'oublie pas. » Lily-du-tableau semblait très inquiète. « Reviens aussi vite que tu peux. Et apporte moi des Gazettes du Sorcier récentes, et des journaux moldus. Si tu les approche suffisamment je pourrai les lire. Je ne me suis pas rendue compte du temps qui passait ! »
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Hermione ouvrit le passage et se glissa dehors prudemment. En s'éloignant, elle prit conscience du silence irréel qui enveloppait le château pendant la nuit. Ses pas résonnaient doucement, et elle fut surprise par des ombres bizarres, mais la chance lui sourit, et dix minutes plus tard elle donnait le mot de passe « Simple de Longdubas » (Neville n'avait pas saisi la référence, mais il avait été content quand Hermione avait proposé ce mot de passe.)
Il était tard, et il n'y avait plus personne dans la salle commune à part Harry, enfoncé dans un siège, le regard dans le vide. Ron lui avait raconté que le sommeil de Harry était toujours envahi de cauchemars et de visions. Ce n'était pas surprenant qu'en de pareilles circonstances il ne s'autorise que le minimum de sommeil nécessaire. Plus tôt dans l'année, Hermione avait tanné Harry pour qu'il demande des potions somnifères, et elle avait été remerciée par une tirade furieuse pour sa peine. Il avait évacué une partie de sa colère pendant l'été, mais il avait toujours des sautes d'humeur.
Elle se demanda si elle devit lui parler du portrait, ou même le lui montrer. Lily-du-tableau n'était pas Lily-la-mère-de-Harry. La jeune fille du tableau était une élève de seize ans, passionnée par ses études, amie de Severus Rogue, et elle dédaignait le garçon qu'elle épouserait un jour. Non, pensa Hermione, luttant contre le paradoxe. Lily-du-tableau n'épousera jamais James. Elle n'a pas éprouvé le moindre intérêt pour Harry. Après tout, il n'est pas son fils.
Hermione souhaita bonne nuit à Harry, qui lui fit un signe de tête distrait, toujours concentré sur le vide devant lui. Elle se glissa dans son dortoir, en essayant d'être discrète pendant qu'elle de mettait en pyjama. Seule dans son lit, écoutant le souffle des autres filles endormies, elle aussi regarda dans le noir, cherchant des réponses.
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prochain chapitre : le plan machiavélique. Lily est mécontente de son sort, et envisage d'en changer.
Revu le 07/09/05
