Auteur : Arsinoé de Blassenville

Traduction : benebu, avril 2005

posté un jour à l'avance. Merci qui ?

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Chapitre dix : le bal d'Halloween.

Severus Rogue était d'une exceptionnelle bonne humeur. Le Seigneur des Ténèbres ne l'avait pas contacté depuis deux mois, l'insolente Granger avait été fermement remise à se place, et s'occupait des corvées pour lui chaque semaine, et Lily Evans (non, Jones, il faut que je pense à elle par ce nom de façon automatique) était en vie, dans sa Maison, et prenait en ce moment le thé avec lui.

Ça avait été la chose la plus facile au monde de l'informer qu'il attendait d'elle qu'elle assiste à des sessions hebdomadaires de soutien, pour l'aider à s'adapter à son nouvel environnement. C'était la vérité, bien sûr. Même si le monde magique changeait lentement, des choses avaient changé, et pendant ces agréables rendez-vous du dimanche après-midi, ils discutaient de ses cours, et il la mettait au courant de ce qui se passait et de l'histoire récente.

« Des gâteaux Batteburg, » approuva t'elle en se servant. « Mes préférés. »

« Comment ça se passe avec Pansy ? »

« Mieux, je crois. Comme tu me l'as suggéré, je me suis montrée respectueuse de son statut de Préfet, et je lui ai demandé son opinion et ses conseils à chaque fois que l'opportunité s'est présentée. Elle n'aime toujours pas que les garçons en fassent autant autour de moi, mais j'en ris comme de l'éternelle quête de nouveauté des garçons. Et je garde mes affaires sous clé. »

« Bon. Elle a peut-être laissé tomber Drago, mais elle n'aime pas qu'il s'intéresse à quelqu'un d'autre. Je l'ai vue vous regarder. »

« Comme un chien surveille sa gamelle. »

« Exactement. » Il but une gorgée de son Earl Grey, profitant d'un moment si agréable. « Un certain nombre de mes collègues m'ont chanté tes louanges. »

« Oh, trop cool ! Qui? »

« Je ne peux pas te le dire, » répondit-il avec un sourire moqueur. « Ce n'est pas beau de rapporter. »

« Severus, ne sois pas vache. Dis-moi tout. »

« Voyons. Vector est en admiration devant tes talents pour l'Arithmancie. Ogham pense que tu es une addition splendide à sa classe de Runes. Quand on leur demande de se prononcer à ton sujet, Flitwick sourit doucement et Lupin acquiesce tranquillement. Minerva renifle à peine, et dit 'on verra', avec son ton insupportable. »

« Ca ne me surprend pas. »

« McGonagall ne te crée pas de difficultés en classe, au moins ? »

« Non, pas vraiment. Elle se conduit comme si je n'existais pas. Elle an fait autant pour Hermione, ce qui la touche beaucoup. »

« Idiote. A quoi s'attendait-elle de la part d'une sorcière aux principes aussi rigides que ceux de Minerva ? »

« Sois juste, s'il te plait, Severus. » Severus soupira d'aise au plaisir d'être appelé par son prénom. Il pouvait faire confiance à Lily pour être discrète, après tout. « Ni elle ni moi ne nous sommes doutées de la réaction horrifiée que causerait notre petite expérience. Nous sommes toutes les deux des enfants de moldus, et toute cette histoire de 'vous avez enfreint la loi coutumière' était tout à fait inattendue. » Elle avala la dernière bouchée de son gâteau, pensive, et continua. « C'est comme d'aller en Corée et d'apprendre que quelqu'un a mangé du chien. Ca nous paraîtrait certainement dégoûtant, mais pour les coréens c'est nous qui serions bizarres. »

« Prends un autre gâteau. Ce n'est pas la même chose, Lily. Tout d'abord, c'est une loi écrite, noir sur blanc, et j'aurais pensé qu'une mademoiselle je-sais-tout , oui, une indécrottable je-sais-tout comme Granger, serait mieux informée. »

« Eh bien, je n'en savais rien non plus. Tu ne te rends pas compte à quel point vous êtes endoctrinés par la magie jusqu'aux os. Vous grandissez avec toutes ces traditions, et des élèves comme Hermione et moi, c'est vrai, ne le nie pas, sont souvent pitoyablement ignorantes de choses que vous prenez pour acquises. Tu ne te souviens pas comme tu as ri de moi quand je t'ai posé une question sur les formules de transformation humain/animal pendant cette première année ? »

Rogue leva les yeux au ciel. « Les problèmes éthiques sont absolument évidents… »

« AH ! » s'écria t'elle en posant brusquement son assiette. « Parfaitement évidents pour quelqu'un à qui on l'a déjà expliqué pendant son enfance. Qui a en fait probablement posé la question étant enfant, et à qui des adultes amusés ont tout expliqué. Quand un enfant de moldus pose une question que vous jugez digne d'un enfant de trois ans, vous autres sang-purs êtes affreusement condescendants. »

« On attend des élèves de Poudlard qu'ils aient un certain niveau de culture générale. »

« Mais comment ? C'est un secret jusqu'à l'été qui suit nos onze ans, puis nos vies sont mises sens dessus-dessous. Nous devons accepter l'existence d'un monde qui ne nous est pas seulement inconnu, mais dont on nous a répété toute notre vie qu'il n'existait pas. Nous allons acheter nos livres et nos fournitures dans le Chemin de Traverse, complètement estomaqués, et nos parents ne peuvent pas nous aider, parce qu'ils sont encore sous le choc. On a quelques jours pour parcourir nos livres, et ensuite on fait face à des sorciers terrifiants qui nous demande comment préparer la goutte du mort-vivant ! »

Rogue fit une grimace, et bût une gorgée de thé comme s'il le dégoûtait. « Potter est venu se plaindre. »

« Ne te moque pas de mon enfant. » Rogue étouffa une rire incrédule. « Quoi, » persista t'elle. « Il l'est, dans un sens, et je me sens un peu responsable de lui. C'est un très gentil garçon… »

« Oh, je t'en prie ! »

« … un très gentil garçon, » répéta t'elle. « Je ne sais pas pourquoi tu penses qu'il ressemble à James, il n'est pas du tout comme lui. Il est amical et sans prétentions, et il a eu de sales moments. Vraiment, Severus, ce n'est pas pour se faire plaindre. Personne ne devrait être traité de la façon dont Pétunia a traité Harry. Et je la connais suffisamment pour croire ce qu'il m'en a dit. »

Rogue avait assez discuté de Monsieur Harry Potter. D'après ce qu'il avait aperçu pendant ces maudites leçons d'Occlumancie l'année précédente, il en savait assez pour admettre que la vie quotidienne de Potter n'avait pas été si dorée et facile qu'il l'avait présumé. Le gamin était apparemment enfermé dans un placard quand les moldus étaient mécontents de lui, et il avait été constamment insulté. Ça avait été déplaisant, sans conteste, mais un certain nombre d'enfants de sa connaissance supportaient pire.

« Autre chose. Si tu dois continuer à voir Granger et Potter, je te rappelle à quel point il est essentiel que ça se fasse en secret. »

« Oui, je dois continuer, » répliqua t'elle avec un sourire espiègle. « Les amis sont trop précieux pour qu'on les perde. » Il grommela avec résignation. Parfois il oubliait qu'elle n'avait que seize ans, et non son âge. Les sorciers vivaient longtemps, et elle le rattraperait avec les années, mais il était parfois déconcerté par l'évidence de sa jeunesse. Elle lui fit un grand sourire, qui creusa ses fossettes, et se pencha pour lui tapoter la main. « C'est pour ça que je suis venue prendre le thé, Severus. »

Il se radoucit, à peine. « Prends un autre gâteau. »

« Non, merci ! Je ne rentrerai plus dans ma robe de bal ! Il faut que je sois au mieux pour l'événement. » Elle regarda le plateau avec regret, et se versa une autre tasse de thé.

Essayant désespérément de prendre un ton désintéressé, il demanda, « Tu y vas avec quelqu'un ? »

« Oui, Drago m'a invitée, et comme Pansy a déjà prévu d'y aller avec Montague, je me suis dit qu'elle n'y verrait pas d'objections. »

Rogue réussit à faire une sourire poli, un peu mécanique. Lily et le bal d'Halloween ravivaient de mauvais souvenirs. Tout allait si bien entre eux à ce moment. Il l'avait invitée, et elle avait accepté.

Elle ne s'en souvient pas, se rappela t'il. Ca s'est passé quelques jours après que le portrait ne soit peint.

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« Je ne peux pas croire que tu ailles au bal d'Halloween avec Drago Malefoy ! » Hermione dévisageait Lily avec horreur. Elles avaient l'un de leurs 'rendez-vous clandestins', comme Rogue les avait appelés. Ces dernières semaines, leur salle de lecture avait complètement changé. Elles avaient transfiguré des chaises et une table de la bibliothèque pour pouvoir travailler. C'était toujours un repaire secret, mais beaucoup plus confortable et utile. Elles se voyaient à des jours différents, jamais à la même heure, et jusque là leur secret était bien gardé.

« Pourquoi pas ? Il est superbe. »

« Non, il ne l'est pas, » la contredit immédiatement Hermione. « Il est mauvais. »

« Mauvais ? Oh, trop dur ! » Lily eut un sourire espiègle, s'installant sur le rebord de fenêtre et calant ses pieds dans l'encadrement. « En fait, il a été plutôt gentil avec moi. »

« Il ne serait pas si gentil s'il savait qui tu es. »

« Je ne pense pas. C'est pourquoi, ma chère, il nous faudra faire attention qu'il ne découvre jamais l'atroce vérité. Harry n'est pas là ? »

« Entraînement de Quidditch. Il arrive. »

« Noël aussi. »

Elle rirent. Lily la regarda avec attention. « Toi aussi tu fais des secrets. Quel homme mystérieux t'accompagne au bal ? »

« Je ne suis pas sûre d'y aller. »

« Tu n'y vas pas ? Qu'est-ce que tu veux dire ? » Elle lui fit un sourire qui révéla ses fossettes. « Je peux t'arranger un rendez-vous avec l'un de mes confrères Serpentards… »

« L'un des tes confrères Serpentards est la raison pour laquelle je ne viendrai pas. Le bal a lieu vendredi, et le Professeur Rogue m'attend à l'heure. »

« Il attend de toi que tu viennes travailler pour toi à Halloween ? Lui, il est mauvais, dans ce cas. »

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Ce n'était pas la première fois que Lily avait recours à ses talents en Charmes et en Transfiguration pour être bien habillée dans le monde magique. Ses parents, bien que soutenant son choix d'études, n'étaient pas riches, et ne voyaient aucune raison de se plier aux excentricités de l'étrange école de leur fille. Pendant la cinquième année de Lily, sa mère lui avait, de ses mains, cousu une robe longue, et elle lui avait donné avec tout son amour. Elle était jolie, et bien faite, et absolument impossible à porter pendant une soirée de bal à Poudlard. Les Serpentards auraient ricané vicieusement, les Serdaigles et les Poufsouffles l'auraient regardée avec pitié et désapprobation, et les filles de Gryffondor l'auraient ramenée dans leur dortoir avec colère et lui auraient fait une leçon sur sa façon de s'habiller. A sa demande, Flora McDougal avait fait une photo de Lily portant la robe. Puis Lily s'était mise au travail, et avais transformé la belle robe pâle couleur lilas en une flamboyante robe de soie pourpre, rebrodée de fleurs d'or. Les lacets d'une vieille paire de tennis avaient été transfigurées en rubans d'or, qu'elle avait mêlés à ses cheveux savamment tressés. Elle était magnifique. Encore mieux, elle avait eu l'allure d'un jeune sorcière puissante de l'école de Magie et de Sorcellerie Poudlard.

Elle avait déjà réfléchi à ce qu'elle porterait cette année. (Non, l'autre cette année. Celle où je devais aller au bal avec Severus et James, et Sirius et Remus, avec Honoria et Flora et Heather… J'ai promis à Heather de l'aider à se coiffer, non ?) Elle prit une profonde inspiration. De temps à autre, le passé se superposait au présent de façon déconcertante. Elle avait prévu de porter une robe argentée cette année-là, et le Directeur, pour des raisons qui lui appartenaient (est-ce qu'il s'est souvenu ?) lui avait fourni une fine robe de soirée argentée. Cette année, comme par le passé, le bal d'Halloween serait costumé, et elle et Drago avaient décidé d'y assister en Oberon et Titania. Comme la plupart des sang-purs, il connaissait bien Shakespeare, qui, après tout, avait été publié avant la Grande Séparation de 1648. Même si la description qu'il avait faite des fées et des sorcières étaient parfois bien fantaisistes, le raisonnement de Shakespeare était compris et accepté comme nécessaire à l'époque. Et après tout, peu importait le nombre de sorcières qui se plaignaient de Macbeth, le fait était qu'il y avait plus d'une sorcière à cette époque, et même quelques unes encore aujourd'hui, qui n'étaient pas si loin de la harpie caquetante qu'il décrivait.

Est-ce que Severus sera en colère ? Elle se posait la question. C'était son idée de s'habiller en Oberon et Titania, il y avait longtemps (non, à peine trois semaines). Ils y allaient ensemble, en tant qu'amis, elle y tenait, et ils avaient passé des heures à se décider sur les personnages qui leurs convenaient. Le Sombre Oberon et l'Intelligente Titania leur avait paru pleins de possibilités. Severus pouvait porter du noir, sa couleur préférée, il pouvait même porter une robe, et Lily porterait une robe du soir couleur de lune d'argent, et pourrait s'en donner à cœur joie.

C'était si bizarre. Finalement, elle n'allait pas au bal avec Severus, mais avec Drago Malefoy. Elle se sentait étrangement coupable. Mais bien sûr, le Maître de Potions ne peut pas venir au bal avec l'une de ses élèves. Drago ferait un superbe Oberon, même si blond n'était pas le bonne couleur de cheveux.

Elle avait des idées. Un joli collier d'argent fut transformé sans difficultés en une incroyable tiare d'argent : des mèches d'argent lui encadraient le visage, se pliant de façon ravissante autour de ses oreilles, et étaient surmontés d'un motif de lune ascendante. Elle charma le bas de sa robe et le bord de ses manches pour qu'ils se transforment un nuage d'étoiles argentées, qui traînaient dans son sillage quand elle se déplaçait. D'une certaine manière, l'effet était encore plus saisissant qu'avec ses cheveux auburn. Mais mes yeux verts me manquent.

Elle quitta des yeux son miroir, et fut surprise de voir ses camarades de chambre en train de la regarder. C'était malheureux qu'elle ait encore Shakespeare en tête, parce que les trois sorcières lui revinrent à l'esprit, et elle faillit éclater de rire, ce qui aurait manqué de tact. Pansy était costumée en fée, dans une robe d'un rose impossible. (Est-ce que je dois lui suggérer une couleur différente ? Ce rose clinquant est horrible sur elle !) Les ailes étaient jolies, cependant, et Lily se concentra tout de suite sur elles.

« Les ailes bougent ? C'est renversant ! » Elle décida de donner à Pansy toute la flatterie possible. La jeune fille n'en recevait pas souvent, et, bien que méfiante, elle commença à rayonner comme la Fée des Roses qu'elle incarnait.

Elle dit tout à coup, « Je ne suis pas sûre de la couleur. Qu'est-ce que tu en penses ? »

« Eh bien, c'est exactement la couleur d'une rose, mais si tu n'es pas sûre, nous pouvons en essayer d'autres. J'ai appris un bon sort pour les couleurs. »

Les autres filles la regardèrent avec intérêt, attendant la démonstration, et Lily pensa aux plus belles roses que son père ait cultivées.

« Tingeo ! » La robe de Pansy se changea en un mauve pâle de rose moonshadow.

« C'est joli. » Millicent semblait impressionnée. C'était mieux, et ça mettait joliment en valeur les cheveux de Pansy, mais ce n'était pas exactement ce que voulait Lily.

Elle y réfléchit encore. « Tingeo ! » La robe ressemblait à une rose double delight, d'un blanc crémeux virant brutalement à l'écarlate sur le bord et le corset.

« J'aime encore mieux celle-là, » dit pensivement Daphné.

Pansy pencha la tête. « Elle a un côté plus magique, » convint-elle.

« Non ! Je sais ! » Excitée, Lily se souvint de sa rose préférée. « Tingeo ! »

La robe et les ailes de Pansy changèrent de nouveau, cette fois pour un jaune délicat parsemé du plus joli rose. Les filles soupirèrent toutes d'approbation. C'était juste ce qui correspondait à Pansy. Une rose de la Paix. Ça ne convenait peut-être pas à sa nature, mais ça lui allait, se dit Lily. Elle avait fait plaisir à Pansy, l'avait sincèrement touchée, c'était évident. Ça devrait calmer les choses pour un moment.

« Attends, » dit-elle. « J'ai une autre idée. » Elle leva sa baguette une fois de plus. La jupe de la robe de Pansy s'ouvrit comme un fleur, avec de longs pans semblables à des pétales gracieusement drapés, sur un jupon rose. L'effet était joli, et Lily regretta un instant de ne pas l'avoir utilisé pour elle. Ce n'est rien, se dit-elle, la paix dans mon dortoir vaut bien ce sacrifice.

Daphné et Millicent étaient également prêtes pour le bal. Daphné était très belle en vert argenté. Ses cheveux bruns et son regard rêveur accentuaient la ressemblance avec une nymphe aquatique de Waterhouse. Sans les seins nus, évidemment. Théodore aurait peut-être préféré ça.

Millicent avait secrètement demandé conseil à Lily sur sa tenue, et elle avait eu le bon sens de s'y tenir. Habillée comme une sorcière italienne du treizième siècle, ses lourdes robes de brocard antique lui donnaient une dignité qui correspondait à sa corpulence. Ses fins cheveux frisés étaient couverts d'une coiffe de perle et d'or. Goyle avait de quoi être reconnaissant et impressionné.

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On se servait de lui, comme d'habitude, réalisa t'il.

Rogue étudiait Granger, qui écrasait patiemment des graines de mandragore en une poudre fine. Elle se révélait plutôt utile, et avait cessé de l'ennuyer avec ses questions. C'était reposant, de façon curieuse, d'avoir une autre personne dans le laboratoire, qui travaillait en silence. Elle était en tous points aussi compétente que le l'assistant Serpentard qu'il avait eu sous ses ordres dix ans auparavant, et bien meilleure que la décevante Serdaigle qui avait arrêté son apprentissage après seulement deux ans, pour se marier et (la dernière fois qu'il en avait entendu parler) faire quatre enfants en autant d'années.

C'était curieux, également, de voir avec quelle soudaineté ses autres enseignants s'étaient détournés d'elle. Elle lui avait été confiée, il le savait, en punition. Potter pouvait mettre en danger la vie d'autres élèves tant qu'il voulait, son père et ses amis avaient quasiment tué Rogue par jeu, mais ils avaient été instantanément pardonnés. Granger, cependant, pour avoir ramené à la vie une jeune sorcière de talent, avait eu droit à la censure permanente. Pour elle, bien sûr, il n'y aurait pas de pardon. Oh, Flitwick était trop bon pour la traiter mal en classe, et Lupin éprouvait apparemment de la compassion pour elle, mais les lèvres de McGonagall se serraient quand on mentionnait son nom dans la salle des professeurs, et Chourave rougissait et fulminait. Dumbledore était difficile à lire. En apparence, il semblait doux et bienveillant. Rogue savait, pourtant, que la fille n'était tolérée qu'à cause de sa proximité avec Potter, et pour son utilité dans le combat épique du Directeur contre Voldemort.

Tout comme moi, se dit-il avec amertume. Et elle aussi, elle est reléguée dans les donjons, suffisamment utile pour qu'on la garde, mais pas assez précieuse pour qu'on en prenne soin.

Rogue était offensé de ce que ce traitement impliquait à son égard. Ils me croient si prévisible. 'Bien sûr qu'il va la rendre malheureuse. C'est à ça qu'il sert.' En y réfléchissant plus avant, il devina que Granger n'avait plus maintenant que peu d'options, si elle désirait rester dans le monde magique. Qui lui écrirait des lettres de recommandation ? Qui vanterait ses talents dans leur domaine à ses collègues, quand elle chercherait un apprentissage ou un travail ? Soit ses professeurs refuseraient, soit ils enverraient des recommandations si tièdes qu'elle serait immédiatement rejetée. Ses chances d'entrer au Ministère, déjà faibles en tant qu'enfant de moldus, étaient également compromises.

Peut-être que Dumbledore a décidé qu'elle mérité d'être bannie. Si toutes les portes se ferment devant elle, peut-être qu'elle s'en ira tout simplement. Après qu'elle ait rempli sa tâche, bien sûr : professeur personnel de Potter pour les deux années à venir. Après que Potter ait gagné, et qu'elle ne serve plus à rien, ou qu'il ait perdu, et que nous soyons tous morts de toute façon.

Le reste des élèves était au bal, se souvint-il. Comme d'habitude, il avait demandé à en être dispensé, mais contrairement aux autres années, sa requête lui avait été accordée. Au lieu de me punir en me forçant à surveiller les gamins, Dumbledore pense qu'il est plus important que je sois là à superviser la punition de Granger, afin qu'elle manque le bal. Dans l'ensemble, il trouvait que c'était vraiment de la méchanceté.

Lily était au bal, avec Malefoy. Il se sentait un peu malade à l'idée, mais c'était de sa faute. Il avait fait tout ce qu'il pouvait pour l'éloigner de Potter, et ce faisant l'avait jetée dans les bras de Malefoy. Ce soir était le résultat de ses intrigues.

C'était une autre injustice dans une longue vie d'injustices. Le bal d'Halloween de sa sixième année avait été l'événement le plus attendu de toute sa jeunesse. Lui et Lily devaient y aller ensemble, en Oberon et Titania, il était sorti en courant de la Salle Commune de Serpentard pour aller la chercher ce soir-là. Il n'avait pas vu que quelqu'un avait ensorcelé une marche pour la rendre glissante, mais il se souvenait qu'il était tombé, se cognant douloureusement la tête sur un nombre infini de marches, qu'il était resté entendu, recroquevillé et sans défenses au bas de l'escalier, et que des rires moqueurs s'étaient éloignés pendant qu'il s'évanouissait.

Il était resté étendu là pendant un moment. Le Professeur Flitwick l'avait trouvé et lévité jusqu'à l'infirmerie, où Madame Pomfresh avait soigné ses bleus et ses égratignures, et même gentiment réparé sa robe autant que possible. Elle l'avait autorisé à partir, pour retourner à son dortoir, lui avait il affirmé, mais elle avait dû savoir qu'il irait au bal, finalement. Il était arrivé à la porte et s'était arrêté, cherchant Lily du regard. Il l'avait trouvée, rayonnante comme une lune d'argent, en train de danser heureusement avec James Potter, entourée d'admirateurs parmi lesquels Black qui riait, et l'horrible petit Pettigrow. Rogue s'était esquivé, et quand le lendemain, elle avait demandé pourquoi il n'était pas venu, il avait été trop fier et trop honteux pour lui dire la vérité. Cette dispute avait été le début de la lente désagrégation de leur amitié, tout comme ça avait été le début de sa relation avec Potter. Encore maintenant, il ne savait pas si Potter avait pris part à la plaisanterie de Black et Pettigrow.

Il serra les dents. Personne n'avait été puni bien sûr. Il avait été considéré comme indigne d'être protégé dès son premier jour à Poudlard. Maintenant, Granger était écartée de la même manière. Dumbledore manipulait ses pions une fois de plus.

Rogue en avait assez. Il se leva, et s'approcha de Granger. La tête penchée sur son travail, elle ne fit pas signe de l'avoir vu.

« Mademoiselle Granger, vous pourrez finir ça un autre jour. »

Elle leva les yeux, surprise. « J'ai bientôt fini, Monsieur. Une demi-heure et ce sera terminé. »

Désireux qu'elle ne méprenne pas cette offre pour de la gentillesse, il dit brusquement. « Vous devez être impatiente d'aller rejoindre vos amis au bal. »

Elle le dévisagea. « Non, Monsieur. Je n'ai pas prévu d'y aller. Vous m'avez dit de venir ce soir, alors je n'avais aucune raison d'accepter une invitation, ou de trouver un costume. J'aimerais autant finir mon travail et aller me coucher. » Elle se remit à piler les graines, mais Rogue, contrarié par son refus à son offre généreuse, lui prit le mortier et le posa sur un étagère. Il sortit sa baguette et la dirigea vers elle.

Oh, mon Dieu. Il va me lancer un sort ? se demanda t'elle. J'aurais dû lui dire que j'allais au bal et me sauver !

Son regard noir était posé sur elle, de façon énervante. Il leva sa baguette.

« Quand je vous poserai une question, vous me répondrez par 'oui'. »

D'un mouvement du poignet, il pointa la baguette vers elle. « Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ? »

Hermione le dévisageait. Il grogna, et elle gloussa immédiatement « Oui ! »

« Seras-tu bonne fille, je t'y ferais aller. »

Ce fut étrange, comme d'être emmaillotée dans un tissu et se faire piquer par des épingles. Après que les points devant ses yeux aient disparu, elle regarda sa robe, et vit qu'elle avait changé. Elle était toujours noire, mais en velours brillant, une longue jupe, un profond décolleté carré, et d'exquises manches ajourées et bouffantes, montrant en dessous de la pure soie blanche. Son badge de préfet était suspendu à un fin collier d'argent. Elle sentait ses cheveux retenus par une sorte de mantille de velours. Quelque chose de seizième siècle. Elle mourait d'envie de trouver un miroir.

« Eh bien, Mademoiselle Granger. Vous venez oui ou non ? » Il passa à côté d'elle à grandes enjambées, et ouvrit la porte. Il tient la porte pour moi, se dit elle, abasourdie.

Ils se dirigeaient rapidement vers le Grand Hall. Elle pouvait déjà entendre la musique. « Professeur, qu'avez-vous fait ? »

« Un Charme de Cendrillon. Il durera jusqu'à minuit, ce qui vous laisse bien assez de temps pour vous pavaner. »

« C'est surprenant… » elle s'interrompit, embarrassée.

« Vous êtes étonnée que je connaisse un tel Charme ? Puis-je vous rappeler que je suis le Directeur d'une Maison de Poudlard, et ce depuis un certain nombre d'années. Je ne saurais vous dire le nombre de fois ou de jeunes Serpentards en pleurs sont venues me trouver, victimes d'une mauvaise blague. » il lui fit un regard de côté amusé. « Quoi qu'il en soit, le résultat dépend de ce que la personne qui lance le sort trouve beau. Il faudra vos résigner à ne pas être une princesse de conte de fées, mais plutôt une sorte d'Apprentie Sorcière. Dites à vos amis que vous êtes Sidonia von Bork. »

« C'est merveilleux, Monsieur, je ne saurais assez vous remercier. » Elle marmonna, essayant de se remémorer le charme. « Tu voudrais bien aller… »

« Plus tard, Mademoiselle Granger, » dit-il avec impatience. Ils étaient au seuil du Grand Hall, ils entraient. Le Hall, avec son ciel étoilé et sa lumière dorée, était le château enchanté dont on pouvait rêver. Toutes les tables sauf une avaient été retirées, et celle qui restait avait été repoussée contre un mur et croulait sous les rafraîchissements. Les danseurs, loin de leurs habituelles robes noires, étaient des taches de couleurs singulières. Certains des élèves étaient cachés par des masques incroyables : des animaux, magiques ou non, l'Homme Vert, Herne le Chasseur, la Femme de Maïs, et une choquante Méduse, fidèle jusqu'aux serpents vivants. Ils sifflèrent vers Hermione, et elle vacilla.

Le bruit avait considérablement diminué, les gens se retournaient. Hermione remarqua avec surprise qu'ils les regardaient, elle et Rogue. Ils les regardaient, elle et Rogue… Non, ils les regardaient elle avec Rogue. Parvati et Lavande, habillées en Sita et Pomona, en étaient bouche bée de stupéfaction, puis se mirent à rire comme des folles.

Un petit groupe d'enseignant s'était retourné pour la regarder avec surprise. Lupin lui fit un petit sourire gentil. Le Directeur, seul, était impénétrable. Après un instant, il reprit sa conversation avec ses collègues, et ils détournèrent d'elle leur attention.

Plusieurs personnes continuaient à la dévisager. Elle faillit éclater de rire à la tête de Malefoy. Il l'avait regardée avec surprise et admiration : la première expression positive qu'il lui ait destinée. Puis, la reconnaissant, il avait rapidement détourné le regard, confus. Lily croisa son regard, et leva les sourcils d'un air approbateur. De toute évidence, elle mourrait d'envie d'entendre l'enchaînement d'événements qui avaient amenés Hermione à faire son apparition au bal en compagnie de Severus Rogue, habillée en noir-Rogue.

Rogue ricana froidement du trouble que causait leur arrivée. Il avait vu Dumbledore les regarder, et avait brièvement croisé son regard. Il y avait une certaine satisfaction à prouver aux gens qu'ils se trompaient, de temps en temps. Puis, avec irritation, il vit Potter, souriant comme l'idiot qu'il était, qui se frayait un chemin vers Granger, tenant la main de la fille Weasley, et il se retira vers le bord de la salle.

Harry et Ginny avaient les joues rouges d'avoir dansé, et bu du jus de citrouille pétillant.

« Hermione, tu es superbe ! » admira Harry.

Ginny approuva. « Tu as l'air si mystérieuse. J'aime ton maquillage, aussi. Il va bien avec la tenue. »

Je suis maquillée ? A quoi je ressemble ?

« Tu nous avais dit que tu ne viendrais pas. » Lavande les avait rejoints, entraînant Ron à sa suite, qui avait les yeux écarquillés devant Hermione. Parvati et Seamus n'étaient pas loin derrière, et les filles lui lançaient des questions à toute vitesse.

« Tu es une cachottière ! » « Où avais-tu caché ton costume ? » « Où t'es-tu changée ? » « Qui t'a maquillée ? »

Je suis maquillée ! Il faut que je trouve un miroir.

Hermione leur fit un sourire poli. « Est-ce que quelqu'un aurait un miroir ? Je me demande de quoi j'ai l'air dans cette lumière. »

Lavande et Parvati sortirent des miroirs de leurs costumes dans le même mouvement, et aussi vite que l'éclair. Lavande était plus proche, et Hermione se regarda rapidement.

Ça c'est un sort ! En même temps que le costume en noir et blanc, le sort avait donné un air vivant et dramatique à son visage. Ça paraissait étrange à Hermione, qui n'avait pas l'habitude d'une allure si… dramatique. Intéressant. C'est ce que Rogue trouve beau. Peut-être qu'il a bon goût. Dommage qu'il n'en fasse pas usage plus souvent pour lui-même.

Ron et les autres garçons étaient toujours bouche bée. « Sapristi, Hermione, tu es belle ! »

Ginny donna un coup de coude à son frère. « N'aie pas l'air si surpris, Ron. Tu l'as déjà vue sur son trente et un avant. » Elle se rapprocha de Harry. « Vas-y, danse avec elle en premier. Je suis si contente que Rogue ait décidé de te laisser venir ! Comment tu t'y es prise ? »

« Je n'ai rien fait. C'était son idée. Il a été très gentil, d'ailleurs. » Cette affirmation ne rencontra que de l'incrédulité parmi ses camarades, et Hermione décida de ne pas insister. Elle sourit à Harry, et il l'entraîna au rythme de la musique.

« Lily est magnifique aussi, » dit-il. « Je vais l'inviter à danser. »

« Oh, Harry, » le prévint Hermione. « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Elle est toujours en train de se faire une place à Serpentard, et ça les rendrait suspicieux. »

« J'imagine que tu as raison, » soupira t'il. Il croisa le regard de Lily à travers la salle et lui sourit. Elle semblait distraite par quelque chose, mais elle le vit, et lui rendit son sourire. Le cœur de Harry se serra une seconde, et il souhaita l'impossible. Maman. Ils auraient pu être de si bons amis, si elle n'avait pas dû ménager la susceptibilité de sa Maison. Il pria pour que, quoi qu'elle essaie d'accomplir avec les Serpentards, ça vaille le risque qu'elle encourait.

Lily vit Harry, habillé en chevalier, danser avec Hermione. Elle espérait qu'il ne viendrait pas l'aborder ce soir, ce qui provoquerait une dispute. Ils construisaient une sorte d'amitié clandestine, mais elle était fragile, et n'importe quelle broutille pouvait la mettre en pièces.

Elle aussi avait vu l'entrée dramatique d'Hermione avec Severus, et avait ressenti un pincement de culpabilité, puis un peu de jalousie. Ça aurait dû être moi. Elle avait accepté le fait que Severus ne pouvait pas venir au bal avec une élève, et il était arrivé avec Hermione, qui portait un magnifique costume. De la façon dont son amie était habillée, ils formaient un couple impressionnant. Un couple ! C'est absurde ! Il ne l'aime pas le moins du monde !

Elle se secoua mentalement. Je suis heureuse qu'Hermione ait pu venir. Oui, je suis heureuse. Bien sûr, que je suis heureuse.

Drago était allé leur chercher à boire, et elle se retrouva à côté de Blaise.

« Heureuse rencontre au clair de lune, fière Titania. »

Lily admira Blaise. Il avait l'air assez Shakespearien lui-même : pourpoint de velours, des bas colorés et des chausses qui mettaient en valeur ses attributs. Lily rougit. Je ne peux plus le regarder en face. Il vit son embarras et lui fit un sourire amusé.

Elle s'éclaircit la gorge. « Mercutio ? Orlando ? » Elle luttait pour regarder n'importe ou ailleurs que les chausses vertes et argent.

« Rien de Shakespeare. Léonard de Vinci, en fait. » Il prit une pose avantageuse. « Nous sommes parents, tu peux me croire… Mais pas directement, bien sûr. »

« Bien sûr. » C'est un code ? Il est en train de ma dire qu'il est gay ?

« Drago a été trop rapide pour moi cette fois-ci, mais l'année est jeune. »

Attends, peut-être pas.

« Tu danses avec moi ? »

« Je suis son cavalier, Zabini. » Drago était de retour avec leurs rafraîchissements, et donna rapidement le sien à Lily, libérant un de ses bras pour le poser possessivement autour de sa taille. Lily fit un sourire ironique à Blaise.

« Plus tard, peut-être. J'aimerais. » Drago la regarda avec aigreur. Elle le défia gaiement. « Quoi ? Je pense que tous les Serpentards de sixième année devraient danser les uns avec les autres. Ça encourage la solidarité. »

Le sourire de Blaise s'élargit. Lily continua tranquillement. « Ne me regardes pas comme ça. Tu as compris ce que je voulais dire. Tous les garçons et les filles devraient danser les uns avec les autres. »

« Quel soulagement, » soupira Drago en désignant Blaise. « Je pensais que tu allais me faire danser avec lui. »

« Dans tes rêves. »

« Allez Lily, » dit Drago en lui prenant le bras. « Finis ton verre et on se débarrasse de lui. » Il donna son verre vide à Blaise. « Avec mes compliments. »

Lily fit un signe résigné de la main à Blaise, tandis que Drago l'entraînait, la main sur son coude. Le Hall était étouffant de monde.

« On peut s'éloigner de cette foule ? »

Drago acquiesça, ravi. « Splendide idée, ma dame Titania. »

Le décor se prolongeait dans le jardin, éclairé de milliers de lumières féeriques. Les lieux semblaient déserts, mais des cris étouffés venant des buissons indiquaient le contraire. Drago lui sourit, et elle secoua la tête, feignant la désapprobation.

« Pas de buissons pour toi, mon ami. »

« Dommage. Il paraît que c'est dans les buissons que je suis la plus à mon avantage. » Il s'était rapproché, et elle sentait la chaleur de son corps contre elle. Il est vraiment charmant, quand il n'essaie pas de prouver qu'il est supérieur à tout le monde, se dit Lily. Il semblait heureux, et simplement lui-même.

Ne sois pas stupide. Il t'a dans sa ligne de mire. Ne baisse pas ta garde.

« Tu es encore plus belle ici, tu sais. Quand il n'y a que nous. »

« Rien que nous deux et les tripoteurs anonymes. »

Il rit, et posa gentiment les mains sur ses épaules, lui caressant les bras. « Ils n'ont aucune importance. C'est toi qui compte. »

Peu à peu, il la rapprocha de lui. Il écarta doucement une mèche de son visage. L'estomac de Lily fit un bond. Il va m'embrasser. Bon, pas de problème. Ce n'est pas comme si n ne m'avait jamais embrassée. J'ai été embrassée plein de fois… Oh !

Sa bouche était merveilleusement chaude et douce, quand il effleura sa lèvre inférieure, puis sa lèvre supérieure. Elle frissonna un peu, comme choquée, mais il la tenait fermement et il pressa doucement et si délicatement sa bouche contre la sienne. C'était très différent des baisers qu'elle connaissait : ni les tentatives maladroites de ses précédents petits amis, ni le baiser brutal, sec que James lui avait volé avant qu'ils ne rentrent chez eux pour les vacances en juin dernier, ni même le timide bisou sur la joue que Severus avait un jour eu le courage de lui donner. C'était totalement nouveau.

Drago l'attira dans ses bras, et elle pouvait sentir son sang qui battait, comme s'il s'agissait de son propre sang, de son propre cœur. Elle s'abandonna au baiser, et était sur le point de perdre la tête complètement, quand un grand cri s'échappa de l'if le plus proche.

« Ne t'arrête pas ! »

Drago et Lily sursautèrent, et se séparèrent. Lily étouffa un rire nerveux. « C'est qui, à ton avis ? » chuchota t'elle.

Drago n'avait pas ri, et il la regardait intensément. « Juste cette imbécile de Poufsouffle, Abbot. Pas la peine d'y penser. » Il essaya de l'attirer à lui de nouveau, mais Lily se recula avec précaution.

« Je crois qu'il est temps qu'on retourne dans le Hall. Je dois toujours une danse à Blaise. »

Il ne bougea pas tout de suite. « Je ne regrette pas, tu sais. Tu es formidable. »

Tu es une idiote, ma fille. Tu te ridiculises devant un garçon qui ne te jugerai pas digne de cirer ses bottes s'il connaissait la vérité. Saleté d'hormones. Avec un petit sourire, elle se tourna pour quitter le jardin. Drago lui offrit son bras avec cérémonie, et a près une petite hésitation, elle l'accepta.

Rogue, observant à couvert le jeune couple bien assorti dans l'ombre, se demandait désespérément pourquoi il se forçait à voir des choses qui ne pouvaient que lui causer de la peine. Drago et Lily quittèrent le jardin, et le Maître de Potions, le cœur blessé, resta immobile jusqu'à ce que la dernière étoile échappée de la robe de Lily s'éteigne.

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ndA :

Le sort qu'utilise Rogue est inspiré de Cendrillon de Charles Perrault.

Sidonia Von Bork est l'héroïne d'un roman gothique de William Mienhold, datant de 1849, Sidonia la Sorcière. Rogue pense au peintre-sorcier, Edward Burne-Jones, et à son aquarelle intitulée Sidonia Von Bork, 1560. Dans ce tableau, Sidonia a les cheveux qu'on associe à Hermione. Rogue a ajouté la résille de velours noir pour contenir lesdits cheveux.

Le charme qu'utilise Lily pour ouvrir la robe de Pansy en pétales est une citation d'un poème de Tennyson.

Le salut de Blaise à Lily est une paraphrase du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare.

JKR mentionne un Acte de Sécession du monde magique, mais en analysant la situation historique, cet acte n'a dû être que la reconnaissance officielle d'un situation de facto, la fin d'un processus qui a duré un siècle pour séparer le monde magique de celui des Moldus. Je recommande à ceux que ça intéresse de lire l'essai de Hugh Trevor-Roper, The European Witch Craze of the Sixteenth and Seventeenth Century and other Essays (La frénésie autour des sorcières aux seizième et dix-septième siècle en Europe et autres essais). Malgré les clichés des bûchers de sorcières du Moyen-Âge, ce ne fut pas avant la Réforme et la Contre-Réforme que ne se déchaîna réellement la chasse aux sorcières. C'est à ce moment qu'il existe des témoignages parlant de princes allemands qui ont tué toutes les femmes et les jeunes filles de certaines villes. JKR fait à la légère allusion au fait qu'il est impossible de brûler une véritable sorcière, mais en Angleterre, la plupart des sorcières furent exécutées par pendaison ou par noyade. Je suppose que les théories exposées dans Harry Potter à l'Ecole des Sorciers sont la version simplifiée qu'on enseigne aux première années. L'Inquisiteur en Chef, Matthew Hopkins, mourut en 1647, mais il eut un véritable impact sur le fait que les sorciers de Grande-Bretagne décident de se cacher. De la façon dont je vois les choses, il était un Cracmol qui en savait long sur les sorciers et les sorcières. Par exemple, il savait que si on prenait sa baguette à une sorcière, c'était chose facile de la torturer et de l'exécuter, et il prenait beaucoup de plaisir à le faire. (Peut-être aussi qu'il savait que le bûcher ne servait à rien contre elles.) Imaginez un Rusard à qui le gouvernement aurait donné carte blanche pour tuer tous les sorciers et sorcières qu'il pourrait attraper. Une légende dit que Hopkins avait tellement mis en colère la population d'un village que celle-ci la soumis au même test de l'eau qu'il utilisait sur celles qu'il accusait de sorcellerie. Comme il flottait lui aussi (comme le ferait un Cracmol), ils le tuèrent.

La Grande Sécession de 1648 s'est produite quand un certain nombre de sorciers de la cour de l'Electeur des Saxons ( ? ) entendit parler de la clause secrète du Traité de Westphalie, qui mit fin à la guerre de Trente Ans en Allemagne. (Le fait que ces sorciers étaient des hommes rendaient leur position mieux acceptée socialement, et ils étaient incontournables dans beaucoup de cours à la Renaissance. John Dee était le sorcier attitré d'Elizabeth Première.) Catholiques et Protestants avaient enfin fait la paix, mais ils s'étaient secrètement mis d'accord pour concentrer leurs forces pour combattre leur ennemi commun : les sorciers et les sorcières. A ce moment, il y avait suffisamment de population dans le monde magique pour que leur petite communauté soit viable, et qu'ils soient capables de se gouverner eux-mêmes. L'idée même de 'monde magique' a dû être un concept révolutionnaire pour les sorciers et les sorcières, parce que même si les choses se passaient très mal, beaucoup avaient du mal à envisager de ne plus faire partie du monde tel qu'ils l'avaient toujours connu. 1692 est l'année du Procès des Sorcières de Salem, mais c'était quasiment la fin de la chasse aux sorcières, qui était passé de mode en Europe quand elle atteignit les rivages de Nouvelle-Angleterre. La Grande Sécession fut le point où le monde magique Européen comprit enfin que sa longue histoire d'intégration parmi les moldus devait prendre fin si les sorciers et les sorcières voulaient simplement survivre. Il y a vraiment eu un Holocauste des sorciers : des milliers de personnes issues d'un population déjà réduite furent exécutés (sans parler des dizaines de milliers de moldus innocents.) Les sang-purs sont là depuis longtemps et ils entretiennent la mémoires de leur histoire. Ils ont sans aucun doute mis en garde les plus jeunes d'entre eux en leur racontant des histoires. JKR n'a pas l'air de pleinement reconnaître qu'il existe de véritables raisons pour que le monde magique craigne et haïsse les moldus. Les préjugés ne sont pas toujours aveugles ou stupides. Quand je lis les compte-rendus des méthodes utilisées pour obtenir des confessions de la part des sorcières, et la mort lente et douloureuse qu'ont connue même de jeunes enfant, j'ai plutôt peur des moldus moi aussi.