Auteur : Arsinoé de Blassenville
Traduction : benebu, avril 2005
Chapitre douze : débat à Serpentard.
« Pourquoi es-tu allée à cette saleté de fan club de cette saleté de Potter ? »
« Calme-toi, Drago, je ne discuterai pas avec toi tant que tu ne seras pas capable de me parler poliment. »
« Ne me tourne pas le dos quand je te parle ! » Drago attrapa Lily par l'épaule pour la forcer à se retourner. Sa baguette était sortie et pointée sur lui avant qu'elle n'ait fini de se retourner.
Blaise était entré dans la salle commune de Serpentard derrière Lily, et juste devant Millicent Bullstrode et les cinquième année. Il sortit sa baguette avec une langueur feinte, et sourit comme un prédateur. « Ce n'est pas malin de contrarier une sorcière qui vient de s'entraîner au duel, Malefoy. »
Pansy rejoint Drago, une grimace rapprochant ses sourcils jusqu'à ce qu'ils se touchent. « Nous ne nous mélangeons pas avec cette engeance, Jones. Même toi, tu aurais dû le comprendre depuis le temps. »
La colère de Drago se déplaça vers Blaise. « C'est toi qui l'y as entraînée, pas vrai, Zabini ? Elle était curieuse, et tu y as vu l'opportunité de l'éloigner de moi. »
Le sourire de Blaise s'élargit. « Crois ce que tu veux. J'ai mes raisons. »
Les Serpentards appelèrent ceux qui étaient dans les dortoirs. En quelques minutes, un cercle de visages hostiles ou simplement curieux entourait le petit groupe de nouveaux membre de l'Association de Défense. Millicent avait le dos contre celui de Lily, penchée en position d'attaque. Lily trouva ça rassurant. Millicent lui exprimait sa gratitude depuis le bal d'Halloween. Avec la farouche loyauté de quelqu'un à qui ni ses pairs, ni quiconque, n'avaient jamais montré tant de gentillesse, elle était devenue une fervente admiratrice de Lily, et sa partisane.
Lily, cependant, n'était pas du genre à se cacher derrière Millicent, ni derrière Blaise, d'ailleurs. Articulant clairement, elle déclara, « J'ai pensé qu'il valait mieux savoir ce qu'il se passait, plutôt que de l'ignorer. Potter à reçu la meilleure note de BUSE en Défense de toute l'histoire de Poudlard. Il est connu pour avoir combattu Voldemort » (il y eut une vague de murmures de panique à ce nom) « au moins cinq fois. Qu'on l'aime ou non, c'est une sorte de génie en matière de Défense, et pour ma part je ne veux manquer aucune opportunité d'apprendre à me protéger. »
Drago la dévisageait, le visage blanc d'horreur. « Tu oses prononcer le nom du Seigneur des Ténèbres. »
Lily sentait son sang-froid diminuer. Quand elle et Blaise avaient lancé un ballon d'essai, un jour après le cours d'Histoire, ils s'étaient rendus compte que le fait qu'ils assistent à la réunion du club de Défense créerait une controverse. Maintenant, son emploi insouciant du nom d'un malade avait attisé les flammes pour de bon. Elle dit, les dents serrées. « Il n'est pas mon seigneur. Il n'est seigneur de rien du tout. »
Pansy était en colère et effrayée. « Tu vas trop loin, Jones. Tu peux venir d'un école perdue et penser que tu es maligne, mais nous connaissons les pouvoirs du Seigneur des Ténèbres, et nous respectons son nom. »
C'en est trop. Lily sentit sa colère monter en elle comme une vague, et essaya de ne pas crier. « Quel nom ? Il s'est peut-être fabriqué un titre, mais tout le monde sait qu'il n'est que Tom Jedusor, ancien préfet en chef de Poudlard, et maintenant prétendu Génie Maléfique du monde magique. »
Elle fut surprise du silence absolu, puis elle réalisa que ses paroles avaient choqué les autres élèves de la pièce. Elle saisit l'occasion, et continua. « C'est ironique, non, que le leader du mouvement des sang-purs soit un demi-sang, fils d'une sorcière et d'un moldu ? »
Drago était toujours horrifié. Il dévisageait fiévreusement ses amis : Nott, qui lui renvoya son regard, abasourdi, Goyle et Crabbe, qui étaient incapables de comprendre la portée du débat, et étaient irrémédiablement perdus, les plus vieux Serpentards, Montague, et les cousins Rosier, qui avaient l'air stupéfaits qu'une telle discussion ait pu même avoir lieu. Les baguettes étaient sorties, mais elles ne visaient plus personne.
Montague commença, « Ca ne peut pas être vrai… »
« C'est vrai, » confirma Blaise avec sérénité. « Le secret de sa naissance est toujours connu de quelques anciens, en Italie et dans le sud de la France, sur le territoire de ma famille… Il n'est pas parvenu à les tuer tous pour cacher la vérité. Il est de demi-sang, et, apparemment, il en a maladivement honte. »
« Qui n'en ferait pas autant ? » demanda un plaisantin anonyme.
Lily, sachant qu'elle était maintenant impliquée, décida de partager ce qu'elle savait avec eux. « Voldemort… Ou Tom Jedusor si vous préférez, a grandi dans un horrible orphelinat moldu. Sa mère était morte, et sa famille moldue ne voulait pas entendre parler de lui. Bien sûr qu'il déteste les moldus. Il est venu à Poudlard, et il était un Serpentard… certains d'entre vous doivent le savoir, » (il y eut quelques hochements de tête timides) « et il y fut un élève modèle » ( sauf quand il a libéré le basilic, se dit-elle, mais ce n'est pas le moment de nous égarer), « et il y a un trophée à son nom dans l'enceinte de cette école. »
Le premier choc de Drago était passé. Il se tenait debout, sérieux et concentré, forçant sa voix à rester à un niveau raisonnable. Il venait d'entendre des allégations désagréables, d'une source inattendue et surprenante, et il essayait de les faire cadrer avec son ancien modèle de pensée.
« Très bien, » commença t'il, assez froidement. « Admettons pour le moment que ces histoires sont vraies. Elle remettent peut-être en cause l'ascendance qu Seigneur des Ténèbres, mais elles n'ont rien à voir avec sa politique et ses idées. »
« Je ne suis pas d'accord, » répondit Lily avec conviction, également avec un calme forcé. « Je crois que sa naissance et ses jeunes années ont tout à voir avec ses idées, sa politique, et ses motivations. On parle d'une personne qui a été maltraitée par des moldus, et qui, bien que de demi-sang, est venu à Poudlard pour être accepté à Serpentard. Mon avis, c'est qu'il a dû passer de sales moments pendant ses premières années ici. Imaginez un peu. Un demi-sang dont les fournitures étaient certainement payées par une caisse de charité du Ministère. Il ne devait rien posséder, et devait porter les vêtements les plus râpés. Comment pensez-vous qu'il ait été traité dans sa propre Maison ? » Elle marqua une pause pour laisser ses mots les pénétrer.
Drago était blanc de tension et de rage. « Où veux-tu en venir, alors ? »
Lily prit une inspiration sèche. « Je veux en venir, Drago, exactement à ça. Peut-être que Voldemort déteste les sang-purs tout autant qu'il déteste les moldus. En fait, il doit probablement détester l'intégralité du monde magique pour l'avoir abandonné chez les moldus, et maltraité quand il était à l'école. Voldemort promet à ses initiés 'des récompenses dont ils ne peuvent rêver'. Peut-être que c'est une bonne blague qu'il leur fait. Qu'ont obtenu ses fidèles partisans pour leurs services rendus ? Voyons… Des années à Azkaban, la confiscation de leurs biens, de devoir se cacher pour survivre… Et n'oublions pas le Baiser. Ça c'est drôle. Je suis sûre qu'aucun de ses sympathisants n'a rêvé d'aucune de ces récompenses. Pendant ce temps, le Génie Maléfique n'a rien risqué, parce qu'il n'a rien de valeur à perdre. »
La pièce était étrangement silencieuse. Lily connaissait les noms des Mangemorts capturés au Département des Mystères. Elle savait que leurs fils et filles, leurs neveux et nièces, lui faisaient face. Certains étaient blancs et éprouvés comme Drago, d'autre avaient le visage rouge et étaient en colère comme Crabbe. Quoi qu'il en soit, ils ne leur lançaient pas de sorts pour le moment. La nuit est jeune cependant. Je me demande si nous sortirons d'ici vivants tous les sept. Mais si on ne leur dit pas ces choses, qui le fera ?
Pansy rompit le silence. « Tu pense que les idées du Seigneur des Ténèbres sur les enfants de moldus et la pureté du sang sorcier ne sont qu'une couverture pour son véritable but, alors ? »
Blaise lui répondit. « Quel meilleur moyen de diviser le monde magique, de créer le chaos, et de nous dénoncer aux moldus ? Les Aurors deviennent fous à essayer de lancer des 'Oubliette' aux moldus qui ont vu la Marque des Ténèbres. Si ça continue, notre secret sera répandu irrémédiablement, et nous verrons venir des jours qui feront ressembler la chasse aux sorcières à un temps de paix. »
Lily ajouta tranquillement, « Quel meilleur moyen de détruire les sang-purs pour toujours, que de tromper et de discréditer leurs leaders naturels ? » Elle ne pouvait pas savoir si c'était vrai, mais c'était si tortueux et byzantin que ça lui semblait raisonnable. Plus important, ça semblait raisonnable aux Serpentards. Et c'était une consolation pour la fierté de Drago. Ça laissait voir son père adoré comme une pauvre victime, et non comme un ennemi.
Théodore demanda à Blaise. « Alors tu te prononces en public contre le Seigneur des Ténèbres ? »
« Oui, » répondit simplement Blaise. « Le temps est venu pour ceux d'entre nous qui ne veulent pas être considérés comme des Mangemorts de se faire clairement connaître. Voldemort » (les Serpentards s'entre-regardèrent, mal à l'aise) « ne peut pas gagner. Il peut créer le chaos, il peut tuer et torturer, il peut détruire notre monde ; mais il ne peut pas en créer un autre qui fonctionne. Même si il détruit ses ennemis actuels, une société construite sur la terreur et la torture, même de ses propres partisans, se désagrégera à la fin. Ça s'est toujours produit, au cours de l'histoire. Quelques uns d'entre nous restent éveillés dans la classe de Binns. » Il y eut quelques rires. Il continua, avec une intensité inhabituelle, « Les Zabini ont toujours fait des affaires. Nous voulons un monde dans lequel nous pouvons continuer à en faire. On ne peut pas traiter avec un fou qui demande qu'on embrasse le bas de sa robe, et qui vous lance des sorts si vous lui dites des vérités déplaisantes. Pour finir, » conclut-il fièrement, « Voldemort n'a rien à m'offrir que je ne puisse trouver moi-même. »
Lily ajouta, plus doucement, « Si Voldemort était réellement sincère à propos de se idées, il ne se comporterait pas comme il le fait. Il n'est pas cohérent. Il tue les sang-purs aussi souvent, plus souvent même que n'importe qui d'autre. Ordonner à ses partisans de tuer quelques moldus par-ci par-là ne fait pas avancer sa politique. » Elle vit l'expression perdue de Drago, et il n'était pas le seul, et se sentit gênée. « Est-ce que l'un d'entre vous connaît le nombre de moldus ? Combien sont-ils ? Ils sont des millions, littéralement des millions de moldus rien qu'en Angleterre. Et à combien se monte la population magique des îles britanniques ? » Elle attendit.
Améthyste Grimstone, qui se tenait derrière elle, répondit instantanément. « Douze mille trois cent quarante cinq individus, au décompte d'hier. En comptant les Cracmols »
Vingt points pour toi, Améthyste, pensa Lily. Tu aurais dû être à Serdaigle !
Lily enchaîna immédiatement. « Nous sommes une population restreinte, désespérément surpassée en nombre. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre qui que ce soit. »
Goyle, toujours perdu demanda, « Tu veux dire que ça ne sert à rien de tuer des moldus ? » Lily était malheureuse de voir les expressions amusée de ses camarades.
« Je comprends pourquoi Voldemort demande à ses partisans de tuer des moldus. Ça fait penser aux vrais croyants qu'ils font avancer la cause. C'est un moyen de prouver son contrôle, et d'atténuer la sensibilité de ses partisans face aux actes de violence. Après tout, une fois qu'un Mangemort a tué un moldu, pourquoi pas un enfant de moldus, et puis un demi-sang, et finalement un sang-pur. La violence est un outil de Voldemort, mais c'est un outil qu'il utilise à son avantage, pas au notre. »
Drago ne se laissait pas distraire de ses pensées. « Rien de tout ça ne résout le problème des sang-de-bourbe. Même si Voldemort se sert de nous, c'est toujours le seul à vouloir préserver la société magique de la contamination. »
Je ne veux vraiment pas parler de ça maintenant, pensa Lily, commençant à transpirer un peu. Ça va être le problème le plus délicat à régler. Sachant qu'elle marchait sur des œufs, elle demanda timidement, « Est-ce qu'il y a un problème des sang-de-bourbe ? Si c'est le cas, quel est le problème exactement ? » Voyant les regards outragés, elle dit rapidement. « Je n'essaie pas d'être délibérément obtuse, mais et si c'était un problème que Voldemort avait créé pour servir son propre agenda ? »
Pansy explosa, exaspérée. « C'est un vrai problème ! Cette école est remplie d'ignorants, de vulgaires sang-de-bourbe qui ne savent rien de la tradition magique. Ils se pavanent dans Pré-Au-Lard avec leurs affreux, communs vêtements de moldus qui portent de stupides slogans de moldus. Ils amènent leurs musiques et leurs danses, et ils parlent de nous à leurs connaissances moldues. » Elle prit une profonde inspiration, et déclara, « Ce n'est pas sûr ! » Des cris d'approbation la soutenaient.
Drago approuva. « La culture sorcière est en danger ! Nos premières années sont simplifiées pour expliquer les principes les plus simples de la magie aux sang-de-bourbe. » Il rougit de colère. « Oh, je te l'accorde, il y a des monstres de foire comme cette Granger ! Mais ce n'est pas mieux. Elle ne comprend pas la culture sorcière du tout, à toujours lever la main et crier les réponses de cette manière grossière et vantarde ! »
Lily réfréna son envie de défendre son amie. En toute honnêteté, elle devait admettre que la description de Drago, bien que marquée par les préjugés, n'était pas si loin de la vérité. Le comportement agressif et compétitif d'Hermione en classe venait de son farouche désir de réussir, et Lily pouvait comprendre que d'autres élèves, bousculés dans sa course à l'excellence, la trouvent insupportable. Elle pouvait manquer de tact, de sensibilité, et si Lily ne l'avait pas rencontrée et n'était pas devenue amie avec elle hors des classes, le comportement d'Hermione l'aurait horripilée également.
Elle dit, « Je suis d'accord pour dire que le monde magique n'intègre pas les nouveaux-venus convenablement, mais il existe de moyens efficaces d'y remédier. En Amérique, Il existe des programmes pour orienter précocement les enfants de moldus ; leurs familles sont surveillées pour vérifier s'il y a des risques de sécurité, et les enfants maltraités sont retirés à leur famille, qui subissent une Oubliette. » Elle vacilla intérieurement. Oh, bien joué, Lily. Convertis les enfants de Mangemorts au kidnapping plutôt qu'au meurtre. Je m'inquiéterai de ça plus tard. Elle éleva la voix pour se faire entendre, « Les enfants de moldus sont peut-être là pour une bonne raison. Quand Améthyste vous a donné la population du monde magique, je ne crois pas que vous ayez réalisé qu'elle n'augmente pas, elle diminue. C'est la véritable crise, et c'est ce que Voldemort et sa manie des enfants de moldus laisse dans l'ombre. »
Son auditoires calma, intéressé. Quelques uns s'étaient assis par terre, comme s'ils regardaient un spectacle. Elle continua, plus sûre d'elle sur ce terrain. « Combien d'entre vous sont enfant unique ? » Un grand nombre de mains se levèrent, dont celle d'un Drago réticent. « Combien avec un seul frère ou sœur ? » Le reste de la salle leva la main. « Quelqu'un avec plus d'un frère ou sœur ? » Une seule troisième année leva une main. « Le monde magique anglais ne se reproduit pas très bien. Les enfants de moldus sont la seule chose qui empêche notre population de plonger. »
« Ca, et les Weasley ! »fit remarquer hargneusement Pansy. Il y eut des rires dégoûtés.
Lily continua. « Il y a de nombreux facteurs, je le sais : le fait que la coutume veuille qu'on n'ait que peu d'héritiers, pour ne pas diviser les fortunes familiales, la guerre, le fait que beaucoup de sorcier et de sorcières ne se marient jamais, regardez un peu nos professeurs ! (il y eut des grognements et des rires) « Peut-être que les enfants de moldus sont une ressource importante à laquelle nous ne faisons pas attention. » Elle confia impulsivement, « Je travaillais sur un étude des enfants de moldus dans mon ancienne école, pour voir quels effets ils avaient vraiment. Il y a beaucoup de choses que nous ignorons, pourquoi ils apparaissent soudain dans une population, avec quelle fiabilité ils transmettent la magie à leurs enfants. Je pense que nous avons besoin d'en savoir plus, avant de rejeter un groupe de personnes qui seraient potentiellement utiles. »
Blaise l'interrompit mielleusement, « Laissons ça de côté pour le moment. Nous pourrons nous occuper des moldus, des enfants de moldus, et des demi-sang quand nous serons en position de force. Jusqu'à la chute de Voldemort, beaucoup d'entre nous, issus de familles au sang-pur, serons soupçonnés. Si Voldemort est vaincu sans notre aide, notre pouvoir et notre prestige seront irrémédiablement compromis. Si nous laissons les Gryffondors mener cette bataille, nous aurons un futur avec Arthur Weasley et ses semblables comme Ministres de la Magie. Et, » clama t'il, en haussant la voix par dessus les clameurs outragées, « c'est pour ça que nous avons décidé que la Maison Serpentard devait être une présence visible dans le combat contre lui. Enfin, c'est malavisé de laisser le reste de l'école apprendre qui-sait-quoi en matière de sort, de malédictions et charmes de protection sans que certains d'entre nous en fassent autant pour équilibrer la balance. »
Drago se relaxa visiblement. Cet argument lui semblait logique, à la fois immédiat et concret, et nombre de ses camarades en pensaient autant. Il l'admit, à contre-cœur. « Je comprends. Mais on parle toujours de Potter. »
« Oui, eh bien, c'est malheureux, » dit Blaise sans expression, « mais Potter est presque une institution, et il faudra qu'on le supporte si nous voulons maintenir notre influence. Je dois dire qu'il s'est montré étonnamment décent face à notre venue ce soir. C'est Weasley qui a failli faire une attaque. »
Des sourires et des rires moqueurs accueillirent cette remarque. Drago était encore pensif. « Potter à mis au pas Weasley, alors. »
Lily expliqua, « Granger l'a calmé, et Potter l'a ignoré. Je pense que tous les deux ils reconnaissent la valeur de la coopération avec Serpentard. » Drago grimaça, mais ne dit rien. Elle ajouta, « Et le Professeur Lupin a rappelé que tous les élèves avaient le droit de participer. »
« C'est notre meilleure chance de gagner le respect et de prendre avantage de la guerre qui s'annonce, et de l'inévitable flottement du pouvoir qui s'ensuivra, » fit remarquer Blaise impitoyablement. « Elle ne se représentera pas. »
Théodore suggéra nerveusement, « Peut-être qu'on devrait parler de tout ça au Professeur Rogue… »
Drago le coupa sèchement. « Non ! » Il se calma un peu, et dit d'une voix profonde, « Tu sais combien le Professeur déteste Potter et ses amis. Aucune chance qu'il y réfléchisse objectivement. De plus, peut-être qu'il a ses propres loyautés. »
Des regards gênés furent échangés. Lily savait que la plupart des élèves pensaient que Severus était un partisan de Voldemort. Elle aurait voulu pouvoir le défendre. Même si sa position d'espion et de prétendu Mangemort était utile à Dumbledore, elle sentait qu'elle faisait du tort à Serpentard. Beaucoup d'entre eux le respectaient, et pourraient être leurrés par la rumeur de son engagement envers Voldemort. Beaucoup d'autres, effrayés d'affirmer leur opposition, prendraient le chemin de moindre résistance, et tomberaient sous la coupe de Voldemort, ou garderaient la tête baissée, espérant que la guerre ne les toucherait pas. Lily aperçut Daphné, dans un coin, essayant de ne pas se faire remarquer. Ça doit être terrible d'avoir peur tout le temps.
Les Serpentards se séparaient en petits groupes. Quelques uns, comme Daphné, se glissaient dans leur dortoir, pour être hors de la vue et des esprits. Les quatrième année, dont aucun n'avait de parents Mangemorts connus, étaient ouverts aux idées proposées par ceux qui avaient assisté à la réunion du Club de Défense. Plus, même, ils semblaient un peu jaloux de l'aventure.
Les garçons de septième année, apparemment désireux de dissimuler les divisions parmi eux, murmurèrent entre eux avec colère pendant un court instant, une discussion animée ponctuée de discrètes bousculades. Après quelques minutes de plus, ils se retirèrent dans leur dortoir, comme un seul homme, discutant toujours vivement.
Millicent, qui avait gardé un calme surprenant pendant tout le débat, parcourut la pièce du regard. Elle dit à Lily d'un ton bourru, « Nous devrions dresser des barrières anti-intrusion autour de nos lits ce soir. Je ne pense pas que Pansy ou Daphné tenteraient quelque chose. Mais on ne sait jamais. »
Blaise l'entendit, et sourit sans pitié. « Et n'accepte pas de chocolats… En fait, n'accepte rien qui se mange, se boive, ou soit absorbé par la peau. » Il regarda Lily avec amusement. « Je croyais qu'on ne devait pas soulever tout le problème 'Oldyfart' ce soir. »
Lily savait qu'elle avait failli tout gâcher, et regrettait amèrement son caractère emporté. « Je me suis énervée, » admit-elle. « Tu as sauvé la journée, Monsieur Mielleux. »
« C'est tout aussi bien que ces choses soient dites. J'aurais eu à les dire un jour ou l'autre de toute façon. Autant maintenant, quand ça peut encore avoir un impact, que plus tard quand il sera trop tard pour que ça fasse le moindre bien. » Il eut un rire clair. « Peut-être que tu aurais dû être à Gryffondor. Tu t'es lancée dans la bataille comme eux ce soir. »
Crabbe passa à côté d'eux, et lâcha, « Tu as peur de dormir dans la même chambre que nous ce soir, Zabini ? »
Blaise sourit doucement. « Non, » répondit-il. « Je n'ai pas peur. » Avec un signe de tête à Lily et Millicent, il s'éloigna.
Drago broyait du noir, avachi sur l'un des énormes canapés de cuir. Il leva les yeux quand Lily passa à côté de lui. « Il faut qu'on parle. »
Lily s'arrêta. « Qu'on parle, d'accord. Mais pas qu'on crie, » le prévint-elle. Il acquiesça gravement.
Lily toucha l'épaule de Millicent. « Ca va aller. Essaie de calmer Pansy, et dis-lui que j'arrive tout de suite. »
Elle s'assit dans le canapé qui faisait face à celui de Drago et attendit.
« Je ne peux rien contre mon père, » dit-il, enfin.
« Tu dois penser à ton avenir également, tu sais, » suggéra Lily.
Il s'humecta les lèvres, et continua, comme s'il ne l'avait pas entendue. « Notre famille a tant investi pour soutenir le Seigneur des Ténèbres. Mon père a perdu sa place au conseil d'administration de cette école, sa position au Ministère, sa liberté… Tout ça à cause de ce qu'il croit. Est-ce que tu penses vraiment, » demanda t'il à Lily, « que le Seigneur des Ténèbres voulait que toutes ces choses lui arrivent ? »
« Drago, je ne peux pas savoir ça, mais laisse-moi te dire ceci : je ne crois pas que ces sacrifices signifient quoi que ce soit pour Voldemort. Je peux facilement croire qu'il aime voir un homme tel que ton père ruiné et totalement dépendant de lui. Je ne crois pas qu'il s'intéresse à autre chose qu'à son propre pouvoir, et je crois qu'il ne voit se partisans que comme des pions. Ton père a peut-être été utile à Voldemort, mais je ne crois pas que Voldemort ne lui ait jamais été utile. »
Il énonça lentement, « La dernière fois, le Ministère ne l'avait pas puni parce qu'il avait dit qu'il était sous le contrôle d'un Imperius. Cette fois-ci, il ne lui ont même pas fait de procès. Je ne le blâme pas de s'être évadé. »
Lily y réfléchit. « Si Voldemort a déjà réussi à le contrôler par Imperius, ça lui serait plus facile de le refaire. Tout le monde le sait. »
« Il dit que personne ne peut résister au Seigneur des Ténèbres, que le mieux qu'on puisse faire est de rester essentiel pour lui. » Il se tut un moment. « Si Père était vraiment sous Imperius, ce serait terrible. Ça serait comme faire d'un Malefoy un pantin. »
Elle eut une idée, et demanda à Drago, « Est-ce que le père de ton père a étudié à Poudlard ? »
« Bien sûr. »
« Quand ? »
« Je ne sais pas. Il est mort dans les années 70. » Il comprit, et demanda, « Tu crois qu'il y était en même temps que le Seigneur des Ténèbres ? »
« C'est possible. Nous chercherons. Ça pourrait être important de le savoir si c'est le cas, et de connaître leurs relations. »
Drago se prit la tête dans les mains. Lily attendait avec appréhension. Elle savait que son hypothèse, que Voldemort détestait l'élite des sang-pur et orchestrait leur destruction, demandait à Drago qu'il change radicalement sa vision du monde. Il avait eu sa part de chocs les mois précédents, et c'en était un de plus. Quoi qu'il en soit, avec l'aide de Blaise, la situation avait été présentée d'une façon qui parlait à l'ambition des Serpentards, et qui était compatible avec les courants souterrains de paranoïa qui caractérisaient la Maison Serpentard.
Le feu baissait, envoyant des éclairs de vert et de bleu profond. Lily le regardait distraitement et pensait à Severus. Elle avait besoin de lui parler aussitôt que possible des événements de ce soir. Peut-être que des supporters de Voldemort parmi les élèves le mettraient au courant, mais il était possible qu'on le lui cache entièrement.
Il fallait qu'elle parle à Harry et Hermione, aussi. Le fait que Harry ait accepté la présence des Serpentards à la réunion de ce soir demandait un suivi immédiat. Si seulement Drago pouvait comprendre qu'il n'a pas besoin de rejoindre Voldemort simplement parce qu'il n'aime pas Harry. C'est incroyable, qu'une rivalité d'adolescents détermine des loyautés à la vie à la mort !
« J'ai besoin de dormir, » dit Drago, sa voix étouffée par ses mains. « J'y penserai plus clairement demain matin. » Il se leva, et il était à mi-chemin des escaliers quand il se retourna et demanda, avec un ton blessé, « J'ai juste besoin de savoir si tu aimes Potter. Est-ce que tu y es allée parce que tu l'apprécies ? »
« J'y suis allée parce que je ne veux pas que qui que ce soit en sache plus que moi dans un duel, » répondit-elle, en toute sincérité.
« Je déteste Potter, » marmonna Drago, à moitié pour lui-même. « Saint Potter. Il n'a pas daigné toucher ma main le premier jour. Il ne voulait pas être ami avec moi. » Il eut l'air encore plus désespéré. « C'est Blaise ? Tu y es allée pour lui ? »
Non, j'y suis allée parce que je veux tuer Oldyfart, imbécile. Lily décida qu'elle avait été suffisamment téméraire pour la soirée, et au lieu de lui dire ce qu'elle avait en tête, elle se leva et s'approcha de Drago. Elle le prit dans se bras et le serra fort. Ses bras vinrent finalement l'enlacer. Il était brûlant de fièvre, et son cœur battait comme s'il avait combattu une armée. Peut-être que c'était le cas. Il sentait les herbes à potion, un coûteux parfum de sorcier, et le garçon fatigué. Les mains de Lily étaient sur son dos, et elle pouvait sentir le mouvement de ses muscles affermis par le Quidditch sur ses côtes et ses épaules. Il soupira.
Elle le repoussa doucement. « Vas te coucher. » Il réussit à lui faire un petit sourire, et toucha sa joue de la main. Faisant demi-tour, il gravit les escaliers et disparut de sa vue. Lily était seule dans la salle commune, et elle retourna vers le canapé luxueux et s'écroula dessus, expirant profondément.
« Eh bien, » annonça une voix moelleuse de baryton. « Ca c'était du spectacle. »
Lily se pencha en arrière, et fut récompensée par la vue d'un Severus Rogue à l'envers. En grognant, elle se redressa pour lui faire face convenablement. Severus ne la regardait pas méchamment, mais il n'était pas content.
« Oh, mon Dieu, Severus, ne viens pas ricaner, te moquer, ou crier sur moi. Je suis absolument épuisée. Qu'est-ce que tu en as vu ? »
« Suffisamment. J'ai mes moyens de surveiller ce qui se passe dans la salle commune. » Il la regarda, ses yeux noirs ne donnant absolument aucune indication. « Ne m'appelle pas Severus ici, » la corrigea t'il à mi-voix. « On ne sait pas qui pourrait écouter. Viens à mon bureau après le cours de Charmes demain. Il faut qu'on parle. »
Elle acquiesça. « Oui, Monsieur, Professeur Rogue, Monsieur. »
Il la fixa avec un air mauvais, et fit remarquer à regrets, « Tu es vraiment une Gryffondor, après tout. Vas à ton dortoir et n'oublies pas les charmes de protection. Je ne veux pas avoir à remplir la paperasse si tu es assassinée dans ton sommeil. » Elle ne bougea pas. « Tout de suite, ou je retire des points. » Il baissa encore la voix. « A Gryffondor. » Il disparut dans un tourbillon de robes noires.
Lily étouffa un rire sans conviction, et monta les escaliers pour une nuit sans repos ni satisfaction.
----------
prochain chapitre : des invités inattendus. Poudlard devient un refuge pour des fuyards.
