Auteur : Arsinoé de Blassenville

Traduction : benebu, avril 2005

Les vainqueurs sont célébrés, on se souvient des morts, et un nouveau jour se lève pour le monde magique.

Chapitre 18 : L'Ordre de Merlin.

Le monde magique était euphorique. Lord Voldemort, (ou, comme tout le monde avait commencé à l'appeler, Tom Jedusor) avait disparu de la surface du monde. Après un mois d'enquête et de récupération, le Ministère de la Magie avait décrété trois jours de vacances, qui devaient se terminer le Jour de l'An, par une cérémonie destinée à honorer ceux qui avaient affronté Celui-Qui-Ne-Faisait-Plus-Peur-A-Personne. On n'avait pas souvent accordé d'Ordre de Merlin, Première Classe, mais Cornélius Fudge était d'humeur généreuse. Cet honneur fut accordé à Harry Potter, Severus Rogue, Lucius Malefoy (dont Fudge vanta particulièrement l'héroïsme pour avoir enduré une peine à Azkaban), à son fils Drago, à Remus Lupin et à Hermione Granger. C'était la première fois qu'une sorcière recevait un Ordre de Merlin Première Classe, et Rita Skeeter et ses collègues décrivaient son courage dans leur prose la plus sucrée, tout en disséquant sans merci le passé de la jeune héroïne, ses possibles engagements romantiques, et son apparence.

Pour ceux qui y avaient laissé la vie, on accordait des Ordres de Merlin, Seconde classe. Certains pensaient que le Ministère faisait preuve de mauvais goût en n'accordant qu'une décoration de seconde classe à la famille Zabini en deuil, qui avait refusé d'assister à la cérémonie. Ce nom fut annoncé avec celui de la mystérieuse Lily Jones, à propos de qui il existait tant de rumeurs incroyables.

D'autres participants furent récompensés également. Ronald et Ginny Weasley obtinrent un Ordre de Merlin, Troisième classe, pour leur aide à la coordination de la bataille depuis Poudlard, et leurs frères Fred et Georges reçurent la même récompense pour leur inventivité.

C'était un triomphe ambigu pour la Maison Serpentard. Parmi les huit personnes qui avaient pris part aux événements dans la maison Jedusor, cinq appartenaient à la maison du serpent. Deux d'entre eux étaient morts en combattant le Seigneur des Ténèbres. Pourtant, pour la plupart, leurs adversaires avaient été des Serpentards également. D'autres avaient essayé d'analyser la situation, mais ce fut finalement Hermione Granger qui offrit l'explication la plus notable. « Peut-être que les Serpentards sont prêts à tout pour atteindre leur but. Et peut-être que leurs buts ne sont pas toujours égoïstes. »

Drago Malefoy était distrait et de mauvaise humeur. C'était une victoire amère. Même si maintenant il était l'égal de Potter en terme d'estime du public, on lui avait pris ce qui lui revenait de droit. Lily était morte pour le sauver, et il chérirait sa mémoire pour toujours. Mais de tout son cœur il aurait voulu que ce ne soit pas nécessaire. Si seulement cette saleté de sang-de-bourbe avait eu du cran. Elle aurait pu distraire le Seigneur des Ténèbres, et elle aurait pu tomber sur la balustrade brisée. Il regardait les dignitaires rassemblés, un sourire supérieur contrôlé sur le visage. Il avait une mission à présent, continuer le travail de Lily Jones sur ses théories, et rien ne l'en empêcherait.

La cérémonie état terminée. Les photographes se bousculaient dans la foule d'admirateurs pour prendre la meilleure photo.

« Mettons les jeunes au milieu. Voilà. Pourquoi pas la fille entre Monsieur Potter et le jeune Malefoy ? »

Drago repoussa durement Hermione que l'on plaçait à ses côtés. « Je pense, » dit-il, en fronçant le nez, « que Potter devrait être au milieu. Après tout, c'est le-garçon-qui-a-survécu. » Il se plaça à la droite de Potter, le mettant entre lui et la sang-de-bourbe. Son père plaça une main sur son épaule. Ça ressemblait à un geste d'affection, pour la photo, mais Drago sentait l'avertissement de sa poigne de fer. Il fit un grand sourire, et le photographe ravi prit ses clichés. Il se relaxa. Il était plus en valeur à côté de Potter, de toute façon. Ils avaient le bon teint pour être photographiés côte à côte. Potter n'était pas si mal dans l'action. Et Drago éprouvait un immense réconfort de savoir que Lily ne l'avait pas préféré à lui. Quoi qu'il en soit, il valait mieux que Granger. Père avait raison : c'était une nouvelle ère, et il ferait de son mieux pour cultiver la compagnie du grand Potter.

Lucius Malefoy, parmi toutes les personnes honorées, était celle qui ressentait la joie la moins diluée. Il était disculpé, son opinion comptait de nouveau, il était un héros. Son fils et héritier était en sécurité, il avait retrouvé ses biens, et sa femme pouvait tenir la tête haute en public. Il savait qu'il était une personne différente désormais. Il avait été témoin d'un extraordinaire déploiement de magie. Quelque chose de si extraordinaire que ça avait changé sa vie, ses idées, et quelque part, lui-même.

Il était désolé, bien sûr, pour le deuil de son ami, et plus encore pour le chagrin de Drago. Mais même si c'était dommage pour la fille, il y aurait de nombreuses consolations dans le nouveau monde magique. La première d'entre elle était le bannissement éternel de Tom Jedusor, le demi-sang fou. Chaque matin et chaque soir, Lucius admirait la peau vierge de son avant-bras. Il avait regagné son siège au Bureau des Gouverneurs de Poudlard, et, son ordre de Merlin à la boutonnière, il avait retrouvé son influence au Ministère.

Ça ne servait à rien de regretter les erreurs de sa jeunesse. Il avait eu le temps de réfléchir à la situation politique, à la lueur de sa maturité. Drago était peut-être impatient de poursuivre le travail de Lily, mais Lucius savait qu'il faudrait du temps pour éduquer le public. La fille, d'après ce que Drago lui avait expliqué de ses idées, avait eu raison : les enfants de moldus n'étaient pas le problème.

Le grand problème auquel serait confronté le monde magique au 21ème siècle serait celui des moldus, bien sûr. Les moldus avaient toujours été le problème. C'étaient eux qui se reproduisaient comme des lapins, qui s'étendaient sur la planète comme un cancer, consommant ses ressources naturelles, détruisant des espèces vitales de plantes et d'animaux magiques. Les sorciers et sorcières aux parents moldus dans ce monde étaient une minuscule minorité oppressée, que les populations dépourvues de pouvoir magiques regardaient avec peur. L'abandon de Tom Jedusor dans un orphelinat moldu était clairement la racine de sa folie et de sa haine du monde magique. Il n'était pas le seul à avoir subi de pareils mauvais traitements.

Severus avait laissé échapper quelque chose au sujet de l'enfance de Potter. Apparemment, Dumbledore l'avait caché dans la famille de sa mère, et ces gens avaient un violent préjugé contre la magie, au point d'enfermer le gamin dans un placard. C'était une réaction typique des moldus, bien sûr, de détester ceux qui leur étaient supérieurs. Il avait l'intention de se faire raconter toute l'histoire. Ensuite, l'histoire des mauvais traitements subis par le Garçon Qui Avait Survécu serait la pierre fondatrice de la loi qu'il proposerait pour protéger les enfants de moldus en les faisant entrer dans le monde magique dès leur plus tendre enfance, et pour empêcher le monde magique d'être connu par des moldus si vicieux que la famille de Potter. Ça ne servirait à rien de critiquer les mauvais choix de Dumbledore de son vivant, mais le vieil homme n'était pas éternel. Lucius poserait les fondations, puis dans dix ans – dans moins de vingt en tous cas – il serait libre de poursuivre ses objectifs au grand jour.

Il soupira. C'était un travail important, ambitieux, digne d'un Malefoy. Tout se ferait publiquement. Tout serait légal. Dès que la loi le permettrait, lui et Narcissa montreraient l'exemple et accueilleraient un malheureux enfant de moldus dans leur foyer, pour l'élever dans la tradition séculaire du monde magique. Ils auraient besoin d'accéder au livre des sorciers nouveau-nés, écrit par la Plume de Poudlard. Ce ne serait pas impossible. D'ici dix à vingt ans, Minerva McGonagall serait directrice de Poudlard, et tenir le registre des naissances magiques serait une tâche dévolue au nouveau Directeur Adjoint. Severus jouerait une part essentielle dans son plan, et Lucius s'assurerait que Severus reçoive le poste qu'il méritait.

Certaines ruptures avec la tradition seraient nécessaires. Les enfants dotés de pouvoirs magiques ne pouvaient pas continuer à fréquenter des écoles primaires moldues. Ce genre de promiscuité ne pouvait que mener à un désastre. Bientôt, il répandrait l'idée d'école primaires sorcières. Un charmant cottage, construit par des sorciers, quelque part dans Pré-Au-Lard, peut-être, pour commencer. Il se dit que le temps était venu. Et c'était une idée que même Dumbledore pourrait approuver. Certainement, parmi ses récentes diplômées, qu'il se trouverait quelques sorcières gentilles et intelligentes qui aimeraient enseigner à des enfants pendant quelques années avant de se marier. Peut-être aussi qu'il y aurait des sorcières plus âgées, dont les enfants étaient déjà à Poudlard, qui seraient heureuses de suivre une telle carrière. Cette idée lui plaisait tellement qu'il ne la proposerait pas lui-même. Il en discuterait avec Severus, qui pourrait alors faire quelques remarques assassines à son assistante, Mademoiselle Granger, sur le manque de préparations des jeunes élèves. Lucius sourit. Il pouvait voir la scène : la jeune sorcière maladroite, mais pleine de conviction, qui parlerait avec excitation de son projet à Dumbledore. Quand la proposition serait faite publiquement, Lucius ferait mine de résister à un plan si radical. Il se laisserait convaincre peu à peu, et il veillerait à ce que Narcissa obtienne un poste au comité de l'école. Elle aimerait beaucoup s'en occuper, décida t'il. Elle aimait tant faire des choses pour les enfants.

Il sourit, sincèrement heureux. Il était sûr que leur petite Lyra ferait partie des jeunes élèves. Ça aussi, ce serait un bon exemple. La petite dernière des Malefoy serait une fille, la première sorcière de la famille depuis trois générations, et Lucius faisait part sans réserve à toutes ses connaissances de sa joie et de son excitation. Avec le sang des Malefoy et le caractère des Black, elle serait la princesse du monde magique, et le meilleur serait tout juste suffisant pour elle. Narcissa avait fait refaire la chambre d'enfant de la façon la plus exquise, et même Drago s'intéressait à sa future petite sœur. Narcissa parlait d'avoir un autre enfant après Lyra, mais peut-être que s'ils pouvaient trouver une prétendante convenable pour Drago, elle se contenterait de petits-enfants.

« Monsieur Malefoy ! On peut en prendre une autre ? » Gracieusement, Lucius se tourna pour offrir son bon profil aux photographes, qui prirent quelques clichés de lui seul, puis de Drago, puis d'eux deux ensemble. « Père et fils sont des héros ! » dirait le titre demain.

« Professeur Lupin ! Une photo de tous les Gryffondors ensemble ? »

Remus Lupin regrettait amèrement le destin de Lily, mais il était bien plus inquiet pour Harry. Lily était déjà morte. Nombre de personnes étaient mortes en combattant Voldemort, et il avait appris à se préoccuper d'abord des vivants. Le gamin avait beaucoup souffert de la disparition de Lily, mais il était vraiment réconforté par l'interprétation des événements par Remus. Il avait dit à Harry qu'elle était entrée dans un autre univers, qu'elle n'était pas morte au sens où on l'entendait habituellement. Cette façon de penser semblait l'aider, et Harry lui parlait avec un enthousiasme grandissant, imaginant ses aventures et celles de Blaise dans ce nouveau monde. Se l'imaginer en vie et heureuse, même en sachant qu'ils ne pourraient jamais se revoir, calmait une peu sa blessure. Remus soupira. Il était plus difficile de consoler le cœur brisé des Zabini.

Harry fit un petit sourire. C'était un belle photo, et une qu'il conservait précieusement : il était debout entre Remus et Hermione, les bras autour d'eux. Il y avait un chagrin au fond de lui qu'il ne pouvait pas laisser apparaître au public. Personne ne connaîtrait jamais la vérité sur Lily et sur ce qu'elle était pour lui. Il la connaissait, cependant : une fois de plus, elle avait donné sa vie pour lui. Il était fier de la Lily qui était sa mère. Et il était tout aussi fier de la Lily qui avait été son amie. Elle ne se serait pas sacrifiée en vain. Le monde magique serait meilleur, parce qu'elle y avait vécu non pas une fois, mais deux. Il pensait à elle en ce moment, se demandant ce qu'elle et Blaise voyaient, au delà de la salle des piliers. Il imaginait un soleil brillant, et un vaste territoire inexploré. Ils y trouveraient leur place, et veilleraient l'un sur l'autre.

Il y eut une autre photo, avec les quatre Weasley qui recevaient une médaille. Ginny passa un bras autour de la taille de Harry, et se serra contre lui. Il ressentit soudain un élan d'excitation. C'était peut-être difficile d'être un héros solitaire, mais être un héros parmi d'autres était plutôt chouette.

Une petite lueur de satisfaction se rappela à lui. Deux semaines après la chute de Voldemort, on avait retrouvé Bellatrix Lestrange. Sans sa baguette, blessée et incohérente, elle s'était cachée dans les bois, vivant à la dure. Puis, affamée et quasiment morte de froid, elle s'était aventurée jusqu'à la route, et avait été renversée par une voiture. Le conducteur, bouleversé, avait appelé des secours. Des moldus pleins de compassion, ignorant ses hurlements, l'avaient emmenée à l'hôpital et s'étaient occupés d'elle de leur mieux. En vain. Elle était morte malgré les soins de ceux qu'elle considérait comme moins qu'humains. La confusion et des erreurs administratives avaient empêché le Ministère de remarquer ce rapport sur la mort d'un inconnue pendant plusieurs jours. C'étai la fin ironique et sordide d'une vie gâchée. Harry ne pouvait pas savoir que Narcissa Malefoy en était encore plus ravie que lui.

Les photographes chuchotèrent entre eux. L'un d'eux, un Serdaigle de la promotion 58, trop vieux pour avoir connu Rogue comme élève ou comme professeur, lui demanda respectueusement s'ils pouvaient avoir une photo de lui. Rogue le regarda avec mépris, mais les photographes devaient bien gagner leurs vies, et puis de toute façon il se sentait plus à l'aise quand ils étaient derrière leurs appareils. Cette photo de Severus Rogue, prise par le photographe de la Gazette du Sorcier, fut la meilleure photo de lui jamais publiée. Il n'avait pas eu le temps d'accentuer son dédain, et sur la photo il avait seulement l'air grave et digne, peut-être même mélancolique.

Il y avait une sympathie immense pour le Professeur Rogue, même si elle restait muette et exprimée en privé. Lucius avait fait part de sa découverte sur la parenté de Lily à Drago, qui en fut grandement affecté. Drago en avait discrètement informé ses camarades de Serpentard. De là, la rumeur s'était répandue dans l'école, puis dans les familles, jusqu'à ce que chacun connaisse le tragique secret : Lily Jones était la fille du Professeur Rogue, qui avait été élevée au Canada pour sa propre sécurité, mais elle avait dû venir à Poudlard après la mort de sa mère. Il avait essayé de la protéger, mais elle avait été tuée dans la bataille finale, celle qui avait mis fin au règne de Voldemort. Les Poufsouffles pleuraient dans leurs dortoirs douillets, les Serdaigles en tiraient une leçon de morale, et les Gryffondors se sentaient désolés et un peu honteux. Rogue ignorait les regards de pitié comme il ignorait tout en dehors de son travail. Ses pensées étaient pour lui seul.

Quelle que soit la peine de perdre Lily juste après l'avoir retrouvée, il se disait qu'il aurait été encore plus difficile de la voir vivre pour épouser Drago. Il ne saurait jamais, désormais, comment Lily aurait agi, mais il doutait qu'elle ait été capable de résister au charme de toute la famille Malefoy concentrée sur elle. Peu de gens en étaient capables. C'était une pilule difficile à avaler, mais il soupçonnait que jamais il n'aurait été autre chose qu'un ami platonique. Lily n'aurait jamais été à lui. Dans les recoins les plus sombres de son cœur, il admettait qu'il préférait chérir la mémoire d'une amie qui était morte pour venir à son secours, plutôt que de la voir joyeuse et pomponnée au Manoir des Malefoy, son amitié se changeant peu à peu en une distance bienveillante. C'était loin d'être une réflexion plaisante sur sa nature, mais il avait peu d'illusions sur lui-même.

La cérémonie fut suivie d'une réception de gala. La Grande Salle de Bal du Ministère était illuminée et décorée avec le meilleur goût, et peut-être un peu au delà. Des hors d'œuvre, si élaborés qu'ils ne ressemblaient plus à de la nourriture, circulaient dans la salle. Le champagne coulait à flot. Les invités d'honneur ne restèrent pas très tard. Lucius, lui, serait volontiers resté jusqu'au petit matin, mais Narcissa semblait fatiguée, et Drago avait un peu trop bu, et commençait à faire des histoires.

Il avait recommencé à marmonner. « Je ne comprends toujours pas pourquoi elle a été attirée par la porte avec Jedusor ! La potion lui était destinée, à lui ! Cette sang-de-bourbe en était trempée, et elle n'a pas été touchée. Je ne comprends pas ! »

Lucius lui avait soufflé à l'oreille. « Arrête ! Tu te donnes en spectacle. Le Ministre te regarde. Fais lui un sourire. Oui, c'est bien. Je te l'ai déjà dit, et Severus te l'a déjà dit. La potion a fonctionné parce que Jedusor n'était pas totalement vivant. Elle et le fils Zabini étaient mourants, et couverts de potion. Personne ne pouvait rien faire. Si elle n'avait pas été aspirée à travers la porte, elle serait morte dans notre monde. C'est très triste, mais c'est la vérité. Viens maintenant. Severus va te ramener à l'école. Ta mère a besoin de rentrer à la maison et de se reposer. »

Rogue avait entendu cette conversation et fait un signe de tête dans leur direction. Lucius et Drago avaient cru son explication. Par chance, ils ne savaient rien de la réelle nature de la potion Seba. S'ils l'avaient connue, la relation de Lily avec le sang de Potter leur serait apparue. Elle était mourante, c'est certain, mais c'était la potion contenant le sang de Harry, le même sang qui l'avait ressuscitée au début, qui l'avait rendue sensible à l'incantation. Blaise était sous elle, avec des blessures ouvertes dans lesquelles elle avait saigné, et à son tour il avait été aspiré. Ils étaient noyés de potion comme le Seigneur… comme Jedusor, mais ce n'était toujours pas le point essentiel.

Le loup-garou le lui avait expliqué, quand il était à l'hôpital. Rogue aussi avait protesté devant cette injustice.

« Mais l'incantation ! Elle était contre un être maléfique ! Elle n'avait rien à voir avec Lily ! Ni avec Zabini, d'ailleurs ! Comment l'incantation a t'elle pu la toucher ? »

Lupin était assis à côté de son lit, dans la chaise des visiteurs, pensif et plein de compassion. Rogue lui aurait jeté un sort s'il avait eu la force de tenir sa baguette. Il était distrait par le fait que Lupin lui avait sauvé la vie sous sa forme de loup-garou. Il avait maintenant une Dette de Sorcier envers lui. Le Professeur de Défense contre les Forces du Mal le regarda tristement et cita :

« Car les Purs s'élèvent jusqu'au trône d'Isis,

Mais les âmes mauvaises sont dévorées. »

« C'est ça ? » avait demandé Rogue, incrédule.

« Les anciens Egyptiens étaient des personnes très sages, » fit remarquer Lupin. « Ils savaient combien il est dangereux de maudire quelqu'un en disant qu'il est mauvais, surtout s'il s'agit d'un mensonge. Dans une telle éventualité, le sort rebondirait de façon très désagréable sur le sorcier qui prononce la malédiction. L'incantation comportait un mécanisme de sécurité. Mais ça ne sert à rien d'en discuter. Si Lily n'avait pas franchi la porte vers ce qui attend les purs, elle serait morte dans notre monde, et nous enterrerions son corps. Dans ces circonstances, » remarqua t'il tranquillement, « il n'existe maintenant plus aucune preuve physique du fait que Lily Jones ait jamais existé. »

« Ce qui résout le problème de Granger, » répliqua hargneusement Rogue. Il détourna la tête, pour signifier que leur conversation était terminée. Lupin comprit l'allusion et le laissa.

Hermione et Harry avaient passé la plus grande partie de la réception avec les Weasley et Remus. Ginny, Ron, et Harry n'avaient jamais goûté de champagne auparavant, et ils le buvaient avec réserve. Ils admirèrent les décorations, et tous trinquèrent avec gravité. Les gens venaient les féliciter, et ils étaient reçus avec des sourires réservés, puis éloignés avec tact par Mr Weasley.

Hermione commençait à se sentir terriblement fatiguée, et elle voulait retourner à Poudlard. Elle se sentait comme une feuille de chou défraîchie. Lily était partie, et elle n'aurait certainement plus jamais une amie comme elle. Quelqu'un qui comprenait tous les aspects de sa vie. Pendant la cérémonie, elle s'était amusée à comparer Cornélius Fudge, qui débitait ses discours pompeux, au Monsieur Collins d'Orgueil et Préjugés. Lily aurait ri avec elle. Personne d'autre ne comprendrait la blague. C'était une chose formidable d'être débarrassée de Voldemort, mais c'était cruel qu'il ait emmené avec lui Lily et le beau et courtois Blaise. Presque avec colère, elle regardait les célébrations joyeuses de ceux qui ne connaissaient même pas les morts. Ils étaient adultes. C'était la génération qui aurait dû régler le problème Voldemort vingt ans auparavant. Et ils avaient laissé le travail à un garçon de seize ans, à ses amis, à deux Mangemorts qui avaient retourné leur veste, un loup-garou, et un beau parleur arrogant, gâté, de la haute. Ça n'avait rien coûté à ces joyeux fêtards.

Non, concéda t'elle avec lassitude. Je ne suis pas juste. Nombreux sont ceux qui ont perdu des proches pendant la guerre. Chacun d'entre eux a son histoire. Je voudrais seulement…

« Monsieur et Madame Weasley ! Est-ce que les jeunes gens ont goûté le champagne ? » Dumbledore, splendide dans une robe violette et or, approchait d'eux. Il souriait, c'est vrai, mais pas d'une façon qui ne faisait pas cas de leurs sentiments. Il remarqua le verre de Ron, toujours à moitié plein. « Et qu'est-ce que vous en dites ? »

Harry répondit rapidement, « Il est très bien, Professeur. Plein de… bulles. »

« Oui, » ajouta Ron. « C'est bon. C'est juste que nous sommes un peu fatigués. »

« Eh bien, dans ce cas, il est peut-être temps que nous retournions à Poudlard. Le Ministère nous a confié des Portoloins spéciaux pour l'occasion. » Il leva les yeux et prévint Rogue du regard. Rogue alla chercher Drago, et se dirigea vers le groupe de Poudlard. Lucius quittait les lieux, une Narcissa radieuse au bras, traversant la foule comme une rock-star moldue. Il marqua une pause et fit une gracieuse révérence à Dumbledore, qui la lui rendit avec un sourire énigmatique. Drago tituba vers le groupe de Poudlard, le visage plus coloré qu'à l'ordinaire. Ron fit une grimace, et Harry et Hermione gardèrent un visage sans expression. Drago sourit ironiquement en regardant leurs verres.

« Qu'est-ce qui se passe ? Vous n'avez pas l'habitude du champagne ? »

Harry sourit un peu. « Nous avons seulement porté un toast à la fin de Tom Jedusor. On a au moins gagné ça… Il n'y a plus de Seigneur des Ténèbres. »

« Ah, Harry, » soupira Dumbledore, avec un air grave. « Le Seigneur des Ténèbres est vaincu, c'est vrai… pour le moment. Quand tu seras aussi vieux que moi, tu réaliseras qu'il y a toujours un nouveau Seigneur des Ténèbres, ou une épidémie de quelque chose, ou une rébellion des Gobelins. Il y a toujours quelque chose, et c'est toujours quelque chose de juste assez différent pour qu'on ne s'en méfie pas. Ta vie, j'en suis sûr, sera jalonnée de nouveaux défis, tout comme l'a été la mienne. Mais , » dit-il d'un ton plus léger, « ce seront tes défis, et pour le moment, nous n'en connaissons rien. Alors, comme nous disions, retournons à Poudlard. A Poudlard ! Là-bas, vous n'aurez à vous inquiéter que de rendre un bon devoir de Transfigurations ! »

Il donna le second Portoloin à Rogue, et Drago s'approcha du Directeur de sa Maison. Ils étaient trop nombreux pour pouvoir tous toucher l'autre Portoloin facilement, et Hermione, avec politesse, alla partager celui des Serpentards. Drago fit une grimace de dégoût, et évita de lui toucher la main.

Instantanément, ils furent aspirés et se retrouvèrent dans le Hall d'entrée de Poudlard, à une cinquantaine de mètres de l'autre groupe. Lupin et Dumbledore discutaient de quelque chose avec Ginny et les garçons. Hermione trébucha, et Rogue la rattrapa par réflexe. Elle le remercia par un sourire surpris, et fut déçue quand son air inquiet fut remplacé par son habituel masque sévère.

« Eh bien, » dit-elle, faute de mieux, « nous voilà de retour. »

Drago était plus qu'un peu ivre, et il se montra désagréable. Sa colère était montée pendant la cérémonie et la réception. Avoir dû partager un Portoloin avec Granger était trop pour lui. « Oui ! Nous sommes de retour ! A Poudlard, où tu pourra redevenir la mademoiselle je-sais-tout de la classe. Maintenant que tu t'es débarrassée de Lily, tu n'auras plus à craindre la compétition. C'est plutôt pratique pour toi. »

« Monsieur Malefoy… » grogna Rogue.

Hermione protesta, « Ce n'est pas juste ! Lily me manque à moi aussi ! J'étais son amie tout comme tu l'étais, et elle… »

Drago explosa. « Tu n'étais rien pour elle ! Tu ne pouvais rien être ! Elle était puissante, elle était pure ! Une sale sang-de-bourbe comme toi n'aurait jamais pu comprendre une sorcière comme Lily. Je ne l'oublierai jamais, jamais ! Toutes ses idées, tous ses plans… Je veillerais à ce qu'ils soient menés à bien. On se souviendra de Lily Jones pour toujours. » Il tourna les talons vers les donjons, et tourna la tête vers elle, avec un regard froid. « Tu pouvais l'apprécier, à un certain degré, je te l'accorde. Au moins, tu étais capable de voir à quel point elle t'était supérieure. Mais n'oublie jamais que c'est toi qui aurais dû mourir, et pas Lily. »

Il s'éloigna à grandes enjambées déterminées. Hermione était figée, réfléchissant à ce qu'il venait de lui dire.

Elle dit, « Si horrible soit-il, je ne peux pas m'empêcher d'être désolée pour lui. Il aimait vraiment Lily. Que va t'il devenir ? »

Rogue ironisa. « Il aura bien mieux que ce qu'il mérite. Il voyagera par le monde, à la recherche de Lily, ou tout au moins, d'une sorcière au sang-pur qui lui ressemble, et bien sûr, il ne la trouvera jamais. Il finira par se marier, plus tôt que tard : Lucius et Narcissa insisteront pour qu'il fasse son devoir. Pour le reste, il sera riche, à l'aise, et chouchouté, et malheureux seulement dans la mesure où il veut l'être. »

Hermione demanda, « Mais qu'est-ce qu'il veut dire à propos des idées de Lily ? Je n'ose imaginer quelle version caricaturale et tordue de ses idées il pense connaître. Elle n'a pas eu la chance de finir ses recherches. Quelqu'un devrait le faire, mais ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Bref, » remarqua t'elle, en pensant à quoi ressemblerait la vie de l'épouse de Drago Malefoy, « je n'aimerai pas être la sorcière qu'il choisira. »

Rogue rit. C'était un petit bruit sec. « Vous ne risquez pas grand'chose de ce côté-là. Je pense que ses parents iront faire leur choix à Beauxbâtons. Il lui trouveront une jolie sorcière au sang-pur aussi gâtée que lui. Il s'occupera des affaires de la famille, et dans quelques dizaines d'années il sera une personnalité importante de noter monde. » Il plissa les yeux, et ajouta doucement. « Vous devriez faire attention à lui. Il n'est pas près de vous pardonner. »

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Rogue n'avait pas mis les pieds dans la salle des professeurs depuis des jours, préférant le calme de son propre laboratoire. Il n'était pas tout à fait à l'aise avec les acclamations et les déclarations de sympathie qu'il recevait de toutes parts. Même s'il conservait son masque d'indifférence, les hiboux indésirables qui lui apportaient les bons sentiments de personnes dont il n'avait rien à faire étaient irritants. Lucius pouvait s'épanouir comme une fleur au soleil, mais Rogue avait trop peu l'habitude de l'admiration du public pour l'accepter maintenant avec facilité. Sa marque des Ténèbres avait disparu. Plus jamais il n'aurait de sueurs froides en s'agenouillant devant Tom Jedusor. Il pouvait poursuivre son travail sans être distrait. C'était tout ce qu'il lui fallait.

Minerva McGonagall, qui voulait discuter d'une modification d'emploi du temps, finit par venir le voir dans les donjons, et l'informa gaiement des nouveaux plans. Elle était fière de ses élèves, passés et présents. Elle était ravie que l'ombre de Tom Jedusor ne pèse plus sur eux. Poudlard pouvait redevenir une école, et non plus un camp d'entraînement pour guerriers. Peut-être que Severus, enfin délivré des contraintes de sa vie d'espion, pourrait commencer une nouvelle vie.

Elle l'informa que les patrouilles nocturnes seraient réduites. Elles ne comprendraient plus que l'école même, et moitié moins de personnel y serait affecté.

« J'ai l'habitude de patrouiller les lundis, mercredis et samedis, » grogna t'il, en continuant à découper en rondelles des racines de durian. « Je ne vois aucune raison de modifier ces horaires. »

« Vraiment, Severus ! N'importe qui d'autre serait ravi de devoir en faire moins. »

« Je ne trouve pas plaisant de laisser les fous diriger l'asile. »

Minerva était de plus en plus énervée. « Eh bien, nous pouvons certainement vous débarrasser de Mademoiselle Granger. Je suis sûre que vous êtes fatigué de l'avoir dans les jambes. »

Rogue dévisagea Minerva, une terrible crainte le submergeant. « Mademoiselle Granger est mon assistante. Dumbledore me l'a assignée pour toute l'année. »

Minerva fit un signe impatient de la main. « Oui, oui, je sais. C'était important de lui donner une bonne leçon. Mais maintenant, bien sûr… » Elle vit la rage noire sur le visage de Rogue. « J'aurais cru que vous vouliez vous débarrasser d'elle. »

Rogue grogna, raidissant les épaules comme avant un duel. « Elle est mon assistante. J'ai du travail pour elle. On m'a promis qu'elle m'aiderait pendant toute l'année. Je l'attends vendredi soir à l'heure habituelle, Ordre de Merlin ou pas. »

La Directrice Adjointe soupira. « Comme vous voudrez. Mais je trouve vraiment mesquin de votre part de vouloir continuer cette punition. »

Rogue la fixa d'un regard glacial, et elle sortit, assez perturbée. Rogue continua à découper ses racines avec colère. Comment osent-ils ? Ils voulaient vraiment le priver de tout ? Il avait perdu Lily. Qu'il puisse garder Granger n'était que justice. Ils lui devaient bien ça. Elle était un grand atout dans un laboratoire, et pour elle c'était une expérience incomparable. Et avec qui d'autre pourrait-il parler de Lily ? De ce qu'il s'était réellement passé ces derniers mois ? Qui d'autre pourrait le comprendre ?

Il avait pensé à l'avenir avec complaisance, et il en avait tiré consolation. L'année prochaine, elle continuerait à l'assister et à étudier les potions médicinales. Quand elle aurait passé ses ASPIC, elle deviendrait une véritable apprentie, et pourrait dès le début enseigner aux première année. Ça le soulagerait d'un fardeau considérable, et se serait une excellente opportunité pour elle. Même avec le nombre actuel d'élèves, c'était presque impossible pour lui d'assurer tous les cours de potions. Après son apprentissage, qui serait couronné de succès sans l'ombre d'un doute, il serait judicieux pour le Directeur de lui offrir un emploi de façon permanente. Ça lui épargnerait des années d'esclavage au Ministère à un poste sous-qualifié, et, plus important, le risque d'un mariage inégal et malheureux. Elle aurait un travail important, pour lequel elle serait respectée, et lui aurait une collègue douée avec laquelle il pourrait discuter et collaborer. Pendant des années et des années et des années. Jamais il n'avait envisagé un futur plus attrayant. Il n'osait se laisser consciemment espérer plus. Pas encore, du moins.

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Remus Lupin était dans la salle des professeurs quand Minerva y entra, ses lèvres serrées de rage.

« Vous, vous revenez des donjons, » devina t'il avec un sourire.

« Cet homme est impossible ! Il a insisté pour que Mademoiselle Granger continue sa punition jusqu'à la fin de l'année. »

« Eh bien, » fit remarquer Lupin sans s'engager, « c'est ce que le Directeur avait dit. Et pour ma part, je ne peux que me réjouir de savoir qu'il y a une autre personne capable de préparer la potion Tue-Loup. Et qui me l'apporte sans cet air supérieur, » conclut-il avant de reprendre sa lecture.

Minerva n'en avait pas fini. « Je demanderai au Directeur de réviser cette décision. Les choses sont différentes. Et maintenant que cette abomination de revenant qu'elle avait fait apparaître a disparu, je pense que nous pouvons tous considérer qu'elle a été suffisamment punie ! On oublie souvent combien les enfants de moldus peuvent être ignorants de nos coutumes. Je comprends maintenant qu'elle ne pensait pas faire de mal. »

Remus posa son livre. « Une abomination ? C'est ce que vous pensez qu'était Lily ? »

« Cette chose n'était pas Lily Evans ! » Minerva lui lança un regard flamboyant, son accent ressortant plus que jamais dans sa colère. « Je connaissais Lily Evans, et la créature du portrait n'était pas l'élève dont je me souviens ! Je vous accorde la ressemblance physique. Je peux même admettre une certaine similitude dans leur comportement, et que la créature avait ses souvenirs. Mais elle n'était pas la vraie personne. »

« Elle était suffisamment vraie pour moi. »

« Et pour Severus aussi, j'en jurerais. » Elle s'assit à côté de Remus, et le regarda dans les yeux, avec fermeté. « Je ne suis pas sentimentale. Je ne suis pas du genre à me laisser aveugler par ce que je souhaiterais. Pour Severus, c'était un rêve qui devenait réalité. Je m'en rends bien compte. Pour vous et pour Harry, elle ressemblait à un cadeau, le passé qui revenait sous une formidable apparence. Mais vous aviez tort. Elle n'a jamais été plus qu'un fantôme, et c'est une bonne chose qu'elle ait été bannie. C'est mieux pour vous, pour Harry, pour Granger, et par dessus tout pour Severus, qui peut reprendre le cours de sa vie. » Elle lissa sa robe, et se leva. « J'ai cours avec les troisième année, maintenant. » Elle lui fit un brusque signe de tête, et quitta la pièce.

Remus resta assis à réfléchir, comprenant le point de vue de Minerva sans y souscrire. Est-ce que cet être qui avait le visage de Lily avait été la véritable Lily Evans ? Il n'aurait su le dire. Il y avait eu des différences, c'est vrai, mais peut-être qu'elles étaient dues au changement d'époque et de situation. Il était convaincu qu'elle avait été une véritable jeune fille. Elle était trop pleine d'opinions, d'idées, de sentiments… de vie pour qu'il en ait été autrement.

Les événements qui s'étaient produits à la maison Jedusor marquaient un tournant de sa vie. La nécessité et le désir farouche de protéger Harry lui avaient fait tenter l'inimaginable : Transplaner sous sa forme de loup-garou, avec sa baguette serrée entre ses crocs. Ne sachant pas s'il était capable de faire autre chose avec, il avait abandonné sa baguette à l'endroit où il avait Transplané, et il l'avait récupérée plus tard cette nuit-là. Il n'avait jamais entendu parler d'un autre loup-garou qui avait pratiqué un tel niveau de magie. Jamais. Il essaierait d'autres sorts à la prochaine pleine lune. Ceux qui demandaient des incantations à voix haute et des mouvements de baguette précis seraient impossibles, mais il en restait quand même toute une gamme à essayer, ce qui pourrait rendre sa vie un peu plus normale. C'était un projet excitant.

Il joua avec son Ordre de Merlin. Dumbledore insistait pour qu'il porte sa médaille. Le fait de recevoir un tel honneur avait un peu changé sa situation. Il était toujours un loup-garou, mais il était ce loup-garou. Les étrangers qui continuaient à débiter leurs idées préconçues se retournaient pour lui assurer que bien sûr, ils ne parlaient pas de lui. Ses connaissances pouvaient se réjouir et proclamer leur largesse d'esprit, en sachant qu'ils n'étaient pas des bigots : après tout, un de leur meilleurs amis était un loup-garou. Des sorcières attirantes le poursuivaient, voulant connaître le frisson du danger en toute sécurité.

Il chassa ces pensées. C'était idiot de se complaire dans le cynisme. Cette récompense rendrait sa vie plus facile. Ce serait une brèche dans la crainte aveugle des les loup-garous. La législation contre les loup-garous était en sommeil, et certaines clauses étaient révoquées. Et qui était-il pour se plaindre ? Il avait une position respectée, qui apparemment était à lui pour aussi longtemps qu'il la voulait. Il avait un logement confortable à Poudlard, et enfin suffisamment d'argent. Harry était en vie, et Voldemort n'était plus. C'était un nouveau monde.

Malgré le chagrin causé par la disparition de Lily, il avait veillé à ce que le Noël qui venait de passer soit le plus merveilleux de toute la vie de Harry. Il avait passé du temps au Terrier, du temps à Poudlard, et même quelques jours chez Hermione, pour que le gamin réalise comment vivaient des moldus normaux. Il y avait eu des cadeaux, bien sûr, mais par dessus tout il y avait eu un sentiment de paix, de sécurité, et de proximité avec des amis qui maintenant n'étaient plus menacés.

Harry n'avait plus besoin de jamais revoir les Dursley. Cet été, décida t'il, il louerait un cottage sur la côte de Cornouailles, et lui et Harry pourraient avoir de vraies vacances. Les amis de Harry pourraient venir, et le gamin pourrait enfin se comporter comme un gamin. Harry n'était jamais allé sur la côte. En fait, il n'était jamais allé nulle part. Ca changerait bientôt.

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Hermione s'assit dans la salle de lecture, pour regarder le tableau de la bibliothèque de Poudlard. Il était curieusement immobile maintenant, exactement comme un tableau moldu. Il y avait une chaise écartée de la table à un drôle d'angle. Quelques livres empilés sur le bureau. Le Livre des Morts était par terre, là où Lily l'avait laissé tomber le soir où elles avaient accompli le rituel. Il resterait là pour toujours, sans bouger, comme les particules de poussières qui brillaient dans la lumière peinte.

« Le livre qui est au milieu de la table, qu'est-ce que c'est ? »

Hermione sursauta au son de la voix de Rogue. Elle se demanda comment il était entré. C'était inutile de lui poser la question s'il ne souhaitait pas y répondre. Alors, elle répondit, « Orgueil et Préjugés. »

« Je n'en ai jamais entendu parler. »

Hermione ne put s'en empêcher. « De Jane Austen. La grande romancière du 19ème siècle. » Elle ajouta, « C'était le livre préféré de Lily. »

Il grogna.

« Comme toute grande œuvre, elle parle à toutes les sociétés et à toutes les époques. C'est l'histoire d'une jeune fille vive et intelligente, et de sa relation compliquée avec un homme fier et puissant qui la considère comme son inférieure à cause de sa naissance et de son éducation. »

« L'enfant de moldus et le sang-pur ! Epargnez-moi vos insinuations peu subtiles ! » Il prit une chaise et s'assit, étendant ses longues jambes.

Avec obstination, elle continua. « Mais il y a plus que ça ! Jane Austen était une romancière d'une grande subtilité et elle a dressé un tableau brillant de la société de l'époque ! »

« Mais à la fin, ils se marient et vivent heureux à tout jamais, pas vrai ? »

Hermione dut lui concéder ce point.

Rogue grogna de nouveau. « Une romance. McGonagall pense que vous pouvez arrêter de m'assister le vendredi soir. »

Hermione était horrifiée. « Mais je suis au milieu d'une potion très importante. Ça me retarderait terriblement si j'arrêtais maintenant. Le Professeur Dumbledore n'a certainement pas ordonné que j'arrête ? »

« Ce n'est pas à moi qu'il faut vous plaindre. Je voulais seulement vous informer qu'elle allait certainement en parler au Directeur. Je ne pourrais certainement pas ordonner à quelqu'un qui vient de recevoir un Ordre de Merlin de venir travailler dans les donjons contre sa volonté, quand il n'existe plus aucune preuve qu'elle ait fait quoi que ce soit qui mérite cette punition. »

« Mais je suis votre assistante ! » protesta t'elle. Puis elle bégaya, « Je le suis, pas vrai ? »

Il haussa les épaules, continuant de regarder le tableau. « Je n'ai aucune objection à votre présence, mais je ne peux pas ignorer les ordres du Directeur. Si vous voulez continuer votre travail, je vous suggère de le lui dire vous-même. De plus, vous devriez préciser à la Directrice de votre Maison que c'est vous qui souhaitez continuer ce travail. Apparemment, vous avez retrouvé ses faveurs. »

En un bond, elle était debout. « Allons-y maintenant, Monsieur ! Nous pourrons expliquer combien ce travail est important pour mon éducation, et il verra bien que je ne peux pas laisser tomber ! »

Rogue leva un sourcil. « Vous suggérez que je vous accompagne dans le Bureau du Directeur ? »

« Oui, Monsieur ! Je veux dire, s'il vous plait, Monsieur, vous voulez bien ? Si j'y vais seule, il me répondra qu'il doit en discuter avec vous, de toute façon. »

Elle attendit, le regardant avec espoir. Elle rappela à Rogue un chiot, qui espérait qu'on était content de le voir, mais sans en être sûr. Il la laissa attendre un peu, jusqu'à ce que son expression se tende un peu, puis il abdiqua.

« Peut-être que c'est tout aussi bien de régler cette affaire une fois pour toutes. Venez. » Il ouvrit la marche dans les couloirs, sans prendre en compte ses pas plus courts. Elle se rendit compte qu'elle apprenait à marcher à son rythme, et elle fit des signes de tête ravis aux personnes qu'ils croisèrent en chemin.

A l'entrée du bureau, il y eut un peu de confusion. Rogue pensait que le mot de passe était 'Mars' (ce qu'il trouvait bizarrement astronomique pour quelqu'un qui avait une telle passion pour les sucreries) et Hermione pensait que c'était 'kinder surprise'. Ils avaient tort tous les deux, et ils durent énumérer une demi-douzaine de douceurs qui donnaient des caries avant que l'escalier ne s'ouvre à eux.

Dumbledore les avait entendu se chamailler, et il se prépara à une discussion des plus intéressantes. Alors que tous deux ils entraient dans son bureau, avec des protestations, des plans, des idées, des suggestions, il sourit avec bienveillance, sachant qu'il aurait bien d'autres occasions de les voir dans cet état.

Vraiment, se dit le Directeur, c'est une de mes idées les plus prometteuses. Il les fit asseoir, leur offrit une tasse de son Earl Grey préféré, une plateau d'argent sur lequel étaient disposés ses bonbons au citron les plus délicats, et il s'installa pour regarder voler les étincelles entre eux.

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FIN

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ndt : voilà, c'est fini. Je ne sais pas pour vous, mais j'adore vraiment cette dernière scène. Elle permet de finir sur un ton optimiste malgré tout, non ?

C'est le moment des derniers remerciements : d'abord et avant tout Arsinoé de Blassenville, merci d'avoir écrit cette histoire, de m'avoir laissé la traduire, et de m'avoir donné ton avis sur ce que je faisais. Et merci à tous ceux qui ont laissé une review (malgré mon manque de réponses…) tout particulièrement zazaone et trinity1412, qui gagnent la palme de la fidélité.