Okinawa mon Amour
Chapitre 4
Après avoir posé leurs affaires dans leurs chambres, et les avoir soigneusement ranger par couleur et par ordre alphabétique selon les injonctions pleines de bonne volonté du numéro 11, et après un repas peu mouvementé, la dinde étant connue pour ensommeiller les esprits, le coach Turner les emmena non pas sur un stade, mais sur une plage, vaste étendue de sable et de cailloux qu'un chat qualifierait de gigantesque toilette.
Il y avait quelques promeneurs que les mouettes perchées sur des rochers amoncelés et verdâtres, toisait avec une expression, si tentait qu'elles puissent avoir une expression différentes, de suffisance idiote caractéristique à ces grands oiseaux blanchâtres aux cris d'alarme anti-incendie si plaisant à ouïr au réveil. Un battement d'ailes malhabile, un coup de bec et voici la plage vide.
Le soleil faisait briller la mer et le sable digne de la carte postale. Turner sourit largement et s'enfila une bonne rasade de quelque chose liquide mais très épais à la forte odeur de quelque chose qui n'était pas très bon pour la stabilité de l'esprit, même si l'on pouvait douter qu'un jour cet esprit là, fut stable. Ed et Danny déglutirent alors que Mark regardait la vaste étendue de sable avec nostalgie. 1
- Bon, les gars … On va commencer l'entraînement. On va faire léger pour commencer ok ?
- Oui.
- Bon, pour cette semaine, c'est "oui chef". Compris ?!
- Oui … Chef …
- Pourquoi tu rigoles ?! S'écria Turner.
- Pour rien monsieur, excusez moi monsieur …Chef. Répondit précipitamment Ed en essayant de reprendre son sérieux face à ce baba aux rhumes qui se voulait "chef".
- Alors pour commencer, vous me ferrez le tour de l'île à partir de cette plage, pied nu et dans l'eau jusqu'aux genoux.
- …
- Dépêchez vous, sinon vous ne serez jamais à l'heure pour le dîner. Je vous retrouverai à la cantine.
Trois heures plus tard :
Sous un soleil timide et l'œil vide de volatiles marins, trois jeunes garçons épuisés luttaient contre leurs jambes ankylosées, et se battaient pour tenir debout.
Soudain Ed et Danny s'écroulèrent. Mark ne les remarqua pas faisant la planche à l'envers, trop concentré sur ses propres jambes douloureuses. Sentant la fatigue le surmonter il se retourna pour proposer une pause …mais il ne vit pas ses compagnons. Rebroussant chemin, il les trouva échoué, tel des Crusoés, leurs corps inertes et entremêlés, battus par les vagues. Le tigre fronça les sourcils et avec le peu de ressource qu'il trouva au fin fond de nulle part, il éloigna Ed de Danny, puis s'allongea aussi légèrement qu'une baleine retombant dans l'eau après un majestueux saut dont les documentaires animaliers était friant.
Trois heures plus tard soit six heures depuis le paragraphe précédent :
Le goal keeper ouvrit les yeux brûlés par le sel et le soleil, il redressa la tête. Ses cheveux étaient entremêlés de sel et de sable et ressemblaient à un animal mort. Une douleur le piqua dans le cou. Serrant les dents il se releva… du moins il essaya car ce mouvement n'était apparemment plus de ressort de ses pauvres abdominaux torturés. Il rassembla toute sa volonté et son courage et se releva… mais la contraction musculaire n'avait aucun lien avec la volonté ou autre sentiment, ce qui expliqua la réaction négative de son corps à s'asseoir.
Ses bras lui faisant moins mal que le bas de son corps, endeuillant nombre de ses admiratrices - et admirateurs - il s'y appuya et enfin il réussit à se mettre debout. Il ne savait pas du tout comment il était arrivé là, il se souvenait qu'il courait, il avait mal, puis il y eu un goût de poisson trop salé et plus rien. A côté de lui Danny. Il tourna la tête aussi rapidement que ses cervicales enrouées le lui autorisaient. De l'autre côté Mark, délicatement humide, allongé de tout son long, les bras le long du corps, la tête légèrement inclinée comme une invitation à la débauche. Quelques mèches ensablées tombaient sur son front et ses yeux fermés dans un sommeil qui le rendait innocent, ce qui était dur, autant rendre un vieux tigre aux poils rêches et borgne vous regardant de son œil valide en se léchant les babines, aussi mignon qu'un chaton noir au grand yeux bleus assit sur vos genoux par temps de froid et de manque de chauffage.
Ed totalement liquide, tendit les mains, en souriant, vers le visage brun de son capitaine.
Une envie de goûter ses lèvres s'insinua dans sa cervelle engourdie par l'acide lactique qui avait du déborder de ses muscles vers son crâne. Il approcha son visage, sa bouche gercée et auréolée de sel, de celle entrouverte de Mark. Celui-ci, rêvant d'un match futur ou passé particulièrement violent, grinça de la gorge et fronça les sourcils, puis son visage reprit son air angélique.
Si Ed avait été à proximité d'un glaçon, celui-ci aurait aussitôt fondu pour se transformer en un nuage de vapeur libidineux.
Il respira un grand coup le bouquet marin qui s'offrait à lui et se calma. Mais ses bras tendus vers la mine endormie s'étaient dirigés inconsciemment vers les cheveux noirs et désirés, pour les caresser, à la façon dont on caresserait un chien au ralentit, et ses yeux s'attardaient à regarder sans le voir son vis a vis.
- Ed ? Qu'est-ce que tu fabriques ? Demanda une voix choquée, outrée, scandalisée, et autre adjectifs du genre.
- Rien, rien, je euh … Je recoiffe le capitaine, ce n'était pas convenable !
Ed frotta plus vigoureusement les cheveux poisseux de Mark. Le sel et le sable voltigèrent autour de sa tête comme des papillons et moustiques frénétiquement attirés par une flamme qui leurs brûlerait les ailes. Landers ouvrit les yeux et les graines de sable et de sels en profitèrent pour si précipiter et si frotter vicieusement. Dans son élan de surprise il bondit sur ses pieds avec la souplesse et la légèreté d'un bloc de granite. Debout, voûté tel un vieillard, il regarda un instant ces deux vis à vis au yeux de lapin myxomateux fixant les deux lumières blanches et rapides fonçant vers lui.
Il y eu un court silence, suivit d'un silence plus rapide encore, puis le tigre s'effondra en râlant de douleur.
Le goal ne bougea pas, non par décision mais pas impossibilité technique de faire bouger un quelconque membre – encore mille excuses aux fans fanatiques de Warner aux tendances les plus louches. Danny quand à lui, rendu invulnérable et stupide par la présence de son capitaine vénéré et qui selon lui devrait être élevé au rang de dieu descendu sur terre que même Jésus à côté de lui n'est qu'un rigolo, sauta sur ses pieds gonflés et se précipita vers Mark afin de lui tourner autour dans une inutilité fracassante en répétant :
-Capitaine ?? Est-ce que ça va ?? Qu'est ce qui se passe ??
Le dit capitaine, quant à lui se tordait allégrement de douleur, le visage si crispé qu'on pouvait imaginer que cette seule grimace le ferait paraître plus vieux de dix ans une fois décrispée.
-Capitaine ??
-Mark, respire calmement et arrête de bouger.
Reconnaissant la voix de son goal keeper, tel un enfant reconnaissant la voix, non de sa mère entité floue et au goût lacté, mais de Casimir ou Bozo le clown, il se figea, se calma et s'accrocha à cette voix qu'il appréciait tant et qu'il plaçait au même niveaux que la musique classique – ceux qui n'aime pas la musique classique, on peut aussi remplacer par chocolat, diamant ou porte de garage automatique.
- Qu'est ce qui s'est passé ?? Continua Danny.
- Ca va? Demanda doucement Ed.
- Mieux, je déteste avoir des courbatures. Répondit Mark allongé, immobile, imitant parfaitement le caillou en train de chasser.
- Comme tout le monde ...
- Moi non. Répliqua Danny.
Il y eu un silence dense de suppositions douteuses.
- Il va falloir rentrer. Quelle heure est-il ? Demanda le goal, décidant finalement et à juste titre d'ignorer la remarque de son ami.
- Je ne sais pas. Quelle heure il est Danny?
Celui ci, exhiba fièrement une montre carrée et noire, bardée de chiffres digitaux. Quel honneur de pouvoir donner l'heure à son capitaine, ce n'était pas la première fois mais il le faisait à chaque fois avec fierté et honneur.
- Il est 16h30 heure locale, 11 heures à Londres et 18 heures en Arizona, ah zut les actions de Banania on chutées de trois points !
- Euh ... Merci Danny.
- Comment allons nous rentrer, je ne pourrais pas marcher, j'ai des bouts de bois à la place des jambes, remarqua Warner.
Comme pour répondre à ses questions et pour sortir l'auteur de l'embarras dans lequel il s'était empêtré, une balle de golf s'en vient rebondir sur la tête de Danny. Un homme à la tenu du parfait petit golfeur, c'est à dire béret aux motifs écossais noirs et blancs assortis au polo à col démesuré et au pantalon bouffant enfoncé dans des chaussettes brunes, sans oublier les lunettes de soleil couvrant la moitié du visage.
- Désolé les gars ! Attendez ne touchez pas la balle ! S'écria-t-il en accourant vers les trois éclopés et moulinant l'air de son club de golf.
Mark sourit. Ed comprit. Danny fit semblant de comprendre. Avec la vitesse d'un paresseux chassant l'escargot sauvage, ils se levèrent et laissèrent la place au golfeur qui fixait amoureusement la boule de plastique blanc et dure méchamment enfoncée dans le sol dans un vain fruit. Ils remontèrent le chemin qu'avait pris l'homme à carreaux, et bénir le manque d'habilitée de celui-ci, car il leur fallu beaucoup de temps avant de fouler la pelouse gravée d'entrain du terrain de golf gigantesque de l'hôtel. Qui dit golf, dit trou, mais ça n'a rien à voir ici. Les trois jeunes garçons se précipitèrent, ou pour être plus juste, clopinèrent un peu plus vite en gémissant et jurant à chaque pas, vers le cadi de golf.
Le cadi de golf est une chose mystérieuse et terrifiante, compétée sur ces petites roues, couverte d'un toit qui procurait autant d'ombre qu'une passoire à nouilles, et qui vous fixait de ses petits phares inutiles, car le golf de nuit c'est pas terrible, avec un air de défi. « Monte et je m'écroule » Semblait-il leurs crier. Ed et Mark eurent un instant d'hésitation, alors que Danny sauta allégrement sur le siège en cuir blanc dans un grincement de rage. Le cadi avait soudain l'air moins méchant et plus vexé.
Ecoutant leurs jambes douloureuses, ils s'assirent à l'arrière, dans le même crissement de cuir rageur. Le moteur gronda. Danny conduisait... Danny conduisait ? La terrible vérité s'insinua dans leurs esprits paniqués et leurs corps étaient trop fatigués pour trembler de peur.
- D... Danny? Hasardèrent-ils.
- Vous inquiétez pas j'ai mon permis trottinette ! Dit-il avec une rare assurance, celle d'un homme qui ne sait pas ce qu'il fait mais qui va le faire quand même.
- Danny est ce ...
Ed n'eut pas le temps de finir sa phrase, que dans un vrombissement hargneux rappelant le blzz insoutenable d'un moustique au moment de dormir, il fut projeté en arrière le dos collé au dossier rembourré et son corps pressé contre celui de Mark. Mais cette position ne dura pas, le cadi furibond effectua un demi tour énergique. Mark se retrouva je ne sais comment, et je doute que la physique puisse expliquer ce phénomène, allongé sur le genoux de Ed assit sur tout la longueur de la banquette.
- Bouclez vos ceintures, ça va chauffer ! Hurla Danny pour surmonter le bruit du moteur qui, en fait, était inexistant.
- Tu aurais peu nous le dire plus tôt cr im de à la !!!
Les deux footballeurs s'exécutèrent en priant revoir un jour leurs ville d'origine.
Les joues noircies, les cheveux parsemés de feuilles mortes et de lambeaux de tissus, les yeux rouges façon myxomatose et les vêtement trempés de sueur, d'huiles de soja et de goudron, les trois garçons pénétrèrent dans le hall de l'hôtel détruisant à jamais le travail d'une dizaine de petits pakistanais battus chaque jour et nourris de quignon de pain. Je parle ici du tapis persan de plusieurs mètres de long qui ornait la salle et non pas de ballon de foot, ni d'habit ou de jouet.
- HA ! Je vous avais dit qu'en coupant par l'usine de retraitement de déchets, on irait plus vite.
- Et t'étais obligé de passer au travers du cadi de la clocharde ? Hein ? S'écria Landers furieux.
- Ouais, depuis quand les piétons on la priorité du le passage clouté ? ... Elle se croyait où ?
- Je vais me doucher... soupira Warner.
- On va pas manger?
- Dépêche-toi d'aller te doucher sinon on va se faire virer !
Les chambres que leur avait réservé Turner ne possédait ni douche, ni toilette ... Juste, un lit une télé et un mini bar. Les douches étaient sur le palier.
Ed ferma le robinet d'eau chaude, puis celui d'eau froide, il attrapa sa serviette et s'en frotta vigoureusement les cheveux. Il se sécha rapidement, ruminant des pensées meurtrières contre Danny. Il se noua la serviette autour de la taille. Il se recoiffa sommairement, utilisant ses doigts comme peigne. Il était plongé dans ses pensées, tellement qu'il n'entendit pas la porte claquer.
Il sortit en grognant et tomba nez à nez avec Mark à moitié nu comme lui mais sec. Il resta un moment immobile, saoul de cette image. Son vis à vis avait une expression de surprise sur le visage, puis une douceur espiègle passa sur celui-ci légèrement rougit. Il approcha du goal qui recula imperceptiblement, son dos heurta le mur froid et humide de la salle de bain. Il frissonna. Mark le toisa longuement, Ed fit de même. Il était proche.
- Qu'est ce que tu regardais? Demanda Mark sans vraiment regarder son goal keeper.
- Ses yeux croisèrent ceux de son vis à vis. Ce silence le rendait malade.
- Rien ... Rien, j'allais sortir.
Landers haussa les sourcils, détourna le regard pour cacher son air dessus. Il se recula, Ed se faufila vers la porte de sortit et s'en alla.
- On se retrouve en bas. Dis leur que j'arrive. S'écria Mark.
- Ok, à toute à l'heure. Répondit le dos de Warner.
Le tigre entra dans la douche exiguë. Il soupira longuement. Ed, dans le couloir, se pressait vers sa chambre, grinçant des dents et remuant bien d'autres pensées.
A suivre ...
