Chapitre 3

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Lorsque la mère et le petit frère d'Aya, la retrouvèrent le lendemain en se réveillant, rien ne fut plus grand que leur joie.

Mais bien qu'elle fût partagée, et malgré la chaleur familiale retrouvée, un vide irremplaçable s'était installé dans son âme.

Les jours passèrent et de moins en moins elle n'osait espérer en la promesse du yohko.

Sa vie reprit son cours de chez elle, au lycée, mais aussi avec les promenades près de la forêt... Tout cela ne s'était il jamais passé? Plus d'une fois elle fut tentée de le vérifier, mais n'en eut pas le courage.

Au lycée elle retrouva ses amies, à toutes, elle raconta la même histoire qu'à sa famille; l'histoire était vraie, juste légèrement retouchée pour sa crédibilité...

S'était bien plus simple.

Désemparée, elle trouva réconfort dans les études.

Elle fut cependant toujours rudement concurrencée par un garçon très populaire de sa classe.

Et s'était depuis donné un but; surpasser Shuichi Minamino.

Pour cela, tout les coups étaient permis; tant bien la comédie que la séduction. C'était devenu un jeu, une passion, tout ce qui comptait dorénavant.

Le kitsune qu'elle avait connu durant ces semaines magiques, elle ne l'oublierait jamais, elle en était convaincue et cela était quelque chose de merveilleux car elle y croyait.

Aya était heureuse.

Un soir qu'elle réfléchissait dans un parc, un des nombreux dont était pourvue la belle Kyoto, Auteur: J'ai oublié de préciser que c'est là qu'elle habite. Elle aperçut, à l'instant où elle décida de partir son rival debout, contre un cerisier.

Intriguée, elle s'en approcha: -Minamino...? Il se retourna et lui sourit, affectueusement comme à son habitude.

- Hinagiri...

- Que fais-tu? demanda-t-elle en suivant son regard.

- Je médite. Il était perdu en pensé et sa voix glissa comme le vent.

- À...?

- Au destin.

- ...? Tu vas bien? Il sourit à nouveau, lui proposa de s'assoire. Ils prirent place sur un banc.

- Autant que toi je l'espère. Aya?

- Hm?

- Aishiiteru. (je t'aime) murmura-t-il sans prévenir.

- Oh.. Bien sur! répondit-elle sans réaction conséquente.

- ...Tu ne comprends pas.

- Si si, mais ça ne marche pas.

Il demeura un long moment silencieux durant lequel, perplexe, elle le trouva un peu triste.

- Que dirais-tu si je t'invitais au restaurant? enchaîna-t-il.

- Je dirais que tu veux sortir avec moi ! répondit-elle stoïque, comme la réponse à une devinette.

- ...Sérieusement...onegai.

Elle tourna le regard vers lui puis, le trouvant sérieux, réfléchit rapidement:

- Je.. je n'en sais rien. Tu m'es cher, seulement...

- Seulement, soupira-t-il, c'est tout.

- ...C'est..

- Plus compliqué.

- Aa..hai.

- Explique-moi.

- ...J'attends quelqu'un.

- Qui n'est pas venu?

- ...Non.

- Et crois-tu qu'il reviendra?

- ...Non...

- Pourquoi, ne te l'a-t-il pas dit?

- ..Oui,...enfin non...peut être... Elle semblait confuse.

- ..Pourquoi me demandes-tu tout cela? Il eut un soupir de déception.

- ...Pour rien. Ta vie ne me regarde pas...tu as raison.

- ...

Il se leva.

- A...Attends!

- ...

- ...Je ne voulais pas... S'excusa-t-elle.

Aya réfléchit:

- Viens,...allons parler ailleurs.

Ils entrèrent dans le jardin des Hinagiri, des rosiers bien taillés le coloraient abondamment. Par-ci par-là, un citronnier, cerisier et autres arbustes aussi présents, tous en fleurs. Shuichi l'arrêta par le bras.

- Ça va nous sommes bien ici, non?

- ... Elle acquiesça d'un signe de la tête et s'assit sur une pierre.

- Aya... C'est plus compliqué que je ne l'aurais cru... Murmura-t-il.

- ...Tu dois trouver ça idiot, mais je... Commença-t-elle.

- Cela n'a rien d'idiot. ...Seulement il ne faudrait pas que tu l'attendes toute ta vie... Je ne supporte pas de te voir ainsi.

- ...

Il passa derrière elle et ferma ses bras sur ses épaules. Elle ne le repoussa pas.

- Koibito reviens-moi !... Murmura-t-il alors comme pour lui-même.

- Je n'ai jamais été à toi ! Répondit-elle soudain, se levant. Il se rapprocha, l'attrapa et l'embrassa à pleine bouche...

Stupéfaite, elle resta immobile. Puis ayant reprit le contrôle de ses membres, voulut le repousser à nouveau mais posa simplement une main sur son épaule...

...Il recula, un air triste au visage.

- Je regrette, mais je vais briser ma promesse..!

- ...De quoi parles-tu ?

- ... Il glissa sa main dans sa poche pour en sortir un petit mouchoir blanc... Soudain une voix se rapprochant derrière lui l'appela.

Il rangea le tissu et fit volte-face pour apercevoir trois étudiants. - Shuichi ! On t'a cherché partout! commença le jeune homme au blouson gris; - Ouais, y a quelqu'un qui te cher-

Il fut coupé par l'arrivée d'un grand homme étrange à la cagoule noir qui passa devant lui...

L'homme esquissa une moue satisfaite à la vue de Kurama.

- Bon, euh..aurevoir! conclut l'un des trois et ils s'en allèrent, laissant ce dernier et la jeune fille face à l'étrange personnage.

- Que me veux tu ?

- Suis-moi. Seul, ordonna simplement ce dernier.

Kurama la regarda et tenta de s'excuser.

- Peu importe! J'attendrai tes explications demain, résolut Aya.

Le regard vide, à sa fenêtre, elle fixait les deux hommes qui s'éloignaient au lointain.

Shuichi occupait principalement son esprit. Tout d'abord il y avait le baiser volé, et puis... Sa dernière phrase l'avait troublée.

Que cela signifiait-il...?

Aya renonça à toute compréhension, de peur que son vague espoir ne devienne assez fort pour être douloureux. Elle pensait une nouvelle cicatrice fatale.

Elle détourna résolument la tête et toucha distraitement son poignet. Etrangement son bras était nu, le bracelet qu'elle n'avait cessé de porter jusqu'alors avait disparu.

Inquiète, elle décida de redescendre le chercher au jardin.

Elle se hâta d'arriver près du rosier où ils étaient et fouilla l'herbe vainement quand elle aperçut un éclat près du grand portail de fer. Soulagée de l'avoir retrouvé, elle le ramassa promptement. Tout à coup, une idée folle lui vint. En y prêtant attention, elle pouvait encore voir au travers du portail, une cagoule noire dans le lointain...

Frappée d'une soudaine curiosité, elle revêtit une veste, referma silencieusement le lourd portail de fer et s'enfonça à leur suite...

Ils débouchèrent sur un vieux cartier et pénétrèrent dans un hagard. Vide et obscure, il semblait désert.

S'engouffrant à leur suite dans la pénombre, Aya resta tapisse derrière l'unique et énorme caisse de bois présente à l'intérieur. Sa vue gênée de l'obscurité dominante distinguait néanmoins distinctement les deux silhouettes.

- Je viens de la part de Koemma. Il ne te permettra pas d'abuses de sa patience plus longtemps.

- ...?

- Donnes-moi le miroir!

- Non. ..Mais qu'y gagnerais-je?

- Une mort rapide.

- ... Tu veux essayer de me tuer...", demanda Shuichi incrédule.

- Je n'ai pas l'habitude d'essayer.

- Vraiment!...

L'homme prit sa respiration:

- Je vais te passer l'envie de voler une bonne fois pour toutes!

- Ne te mêle pas de mes affaires ! menaça le yohko.

- Je crois bien pourtant en être obligé. Je suis détective et qu'on m'a chargé de te régler ton compte. Ecoute je vais te donner le nom de celui qui va te tuer : Jugen. Retiens bien ce nom, parce que je vais t'éclater, yohkai !

Jugen chargea et sa capuche de coton lui retomba sur le cou. Shuichi put alors apercevoir les crocs et les cornes de l'oni.

Il évita l'attaque :

- Tu n'es pas humain!

- Non, et alors? Ca ne m'empêchera pas de te tuer !

- Bien, montre-moi ça...

Jugen ricana:

- Bien sur, mais je vais encore te le proposer ; dis-moi où est le miroir et tu ne souffriras pas.

Shuichi soupira et secoua la tête :

- Tu es stupide... Si tu ne sais pas où je l'ai mis, même si tu me tues ; comment le trouveras-tu?

Le personnage resta muet.

- Il est évident que ce n'est pas Koemma qui t'envoie. Mais dis-moi, tu pensais m'impressionner avec un aussi pitoyable mensonge? J'ignore d'où tu me connais, mais saches que Koemma ne me fait pas peur !

Shuichi déploya la rose Whip, il avait été aisément capable de jauger le yohki de Jugen.

- Je ne perdrai pas mon temps avec toi !

- Quoi yohko, tu penses me battre?

Jugen retira complètement sa cagoule et saisit un grand katana sur son côté pour s'engager au combat.

Les premiers échanges de coups furent vains. Mais Shuichi finit par se blesser et perdit l'usage de son fouet qui redevint une simple fleur sans grand intérêt.

Il évita de près un nouveau coup de katana pour riposter de ses poings. Mais il fut alors que plus gravement blessé.

- Hahahahaha, tu n'as aucune chance, tu es déjà mort!

Il envoya encore son katana en quête d'une gorge mais cette fois manqua son coup. Et son bras toujours tendu, sentit une secousse à son poignet.

Jugen y jeta un coup d'oeil et aperçut sa main au sol tenant encore son sabre brisé.

Il hurla de douleur puis inquiet chercha à localiser son adversaire, soudain il se figea, et se retourna ; affublé d'un visage implacable, Kurama réprima une envie tenante et cruelle de sourire à cause de l'air désespéré de son adversaire.

Ce court silence ne faisait qu'affoler d'avantage Jugen qui n'avait pas prévu sa transformation ; Les blessures qu'il lui avait infligées semblaient déjà se refermer progressivement, bien qu'elles ne le gênaient en rien.

N'ayant pas le courage comme première qualité, Jugen voulut d'abord s'enfuire.

- ...Ah,... c'est donc à sa que tu ressembles... chuchota-t-il avant de se jeter aveuglément sur le yohko.

L'ayant dépassé, il s'étala dans une flaque de sang. Kurama resta là quelques instants, regarda sa main rougie qu'il essuya dans les habits du mort, puis fit demi-tour pour partir.

Il quitta le fond du dépôt en redevenant progressivement humain.

La nuit fraîche de Kyoto baignait dans les rayons d'une lune croissante, et il sortit, relaxé par le vent qui se jouait de ses cheveux et encore agité d'un sentiment de déception.

La cause ? Ce genre de combat n'étant pour lui ni le premier ni le dernier, ne pourrait sûrement pas perturber ainsi son tempérament.

Peut-être cette odeur agréablement familière mais détestablement distante, signe d'une certitude et d'un doute pour lui.

Alors, réalisant que son amie de classe ne connaissait pas ce coin retiré, il marchait lentement, pour lui permettre de suivre à distance, mais une fois suffisamment éloigné du hangar, il perdit cette odeur. Il fit donc demi-tour.

Aya immobile, attendit de ne plus pouvoir entendre ses pas avant de sortir.

Et pour elle aussi, le vent fut un soulagement, une bouffée d'air qui venait à manquer. L'esprit vide, elle ferma les yeux et fit quelques pas, mais au premier croisement elle s'arrêta, réalisant quelle était perdue.

Dans une nuit éclairée d'un croissant de lune, une femme de dix-neuf ans, était perdue dans un coin reculé de Kyoto.

Aya se mit à marcher au hasard.

Qu'est ce que je vais faire..?

Elle leva la tête, questionnant la voûte céleste.

Oh! ... Tout est de ta faute, kitsune! ... Oui tout est de sa- qu'est ce que je raconte? Elle baissa la tête et soupira. Il n'a jamais rien fait! Non, c'est juste toi, idiote!

Elle soupira encore et baissa finalement les yeux sur le jeune homme silencieux devant elle. Shuichi ne voulant pas la déranger attendit qu'elle le remarque.

« Comme tu n'es pas du cartier, peut-être devrais-je te raccompagner?

- ...

- Viens, c'est par là. » continua-t-il.

Aya ne bougea pas.

« ..Où m'emmènes-tu? »

Percevant l'hésitation de sa voix, il pencha la tête : « Chez toi. » suggéra-il d'une douce voix.

« Oh ? Alors tu...me laisserais partir? Ca ne te ressemble pas, ...Kurama. »

Son intonation perdit son effet au dernier mot prononcé mais cela ne l'arrêta pas : « Nous savons tout deux ce que j'ai vu, et je ne me priverait pas de le raconter-

- Et qu'as-tu vu? Un mythe? » dit il en se jouant visiblement de son irritation qu'il savait fausse/mimée, ses yeux verts luirent malicieusement. Mais elle ne trouva mot à dire.

Il tourna la tête et après un silence : « Aya?

- ..Hai?...

- Dépêche toi où je t'abandonne ici! »

Il lui fallut un méchant petit moment pour réaliser qu'il parlait du cartier. Elle rougit de son sens de l'orientation et le rejoignit.

Durant le trajet, elle s'imposa le silence et des souvenirs refaisaient surface dans cet esprit mouvementé...

Un flash d'argent, deux reflets d'or sereins et intenses. Des caresses, un baiser. Une promesse des voeux échangés. Et quantité d'autres choses...

Elle leva ses yeux noirs sur l'être qui tourmentait son esprit; il semblait si tranquille, si inchangé celui qu'elle avait couramment appelé Minamino... Shuichi Minamino, qui était-ce réellement? Un fantôme? En tous cas, dans l'instant présent, elle pouvait se sentir jalouse de son calme imperturbable. Elle détourna le regard quand des yeux verts se posèrent sur sa face.

Puis à son tour, il soupira doucement avant de fixer à nouveau l'endroit où il marchait.

Un bout de chemin plus loin, il décida de briser le silence pesant : « Aya-

- Comment dois-je t'appeler s'enquit-elle de suite, d'un ton neutre, avant qu'il ne puisse parler.

Il soupira :

-Shuichi... Si tu veux m'éviter quand même pas mal de problèmes... »

Ils allaient traverser une large voie quand une voiture y apparut. Distraitement, elle continuait à marcher...

« Quant à moi, reprit-il, en capturant sa taille dans son bras sur pour la remmener à lui. Le véhicule passa à tombeau ouvert sous son nez. ...Je continuerai à te sauver la vie puisque c'est de venu mon hobby. Sais-tu que tu as faillit mourir trois fois ? » lui rappela-t-il avec un chaleureux sourire. Et ta longévité humaine est déjà bien trop courte à mon goût.

Ne prenant garde qu'à la chaleur apaisante de son corps qui, seule, bouleversait ses repères, Aya entendait vaguement sa voix sans en discerner mot. Car le monde pour elle avait stoppé sa course en cet instant inestimable.