Il était tard, et Draco était sur un fauteuil dans la chambre d'Harry. Ce dernier était remonté du scanner depuis quelques minutes, mais personne ne lui avait dit les résultats. Il avait informé Remus du numéro de chambre, mais sans vraiment savoir quand ils allaient arriver.
Allongé dans le lit, son camarade avait maintenant une blouse d'hôpital, laissant apercevoir son torse musclé. Son visage, malgré les hématomes, était beau, et il était persuadé que s'il se mettait à porter des lentilles plutôt que ses lunettes rectangulaires, cela ferait ressortir ses yeux émeraude. Des lèvres fines. Il avait des cheveux qui lui arrivaient aux épaules, qu'il attachait parfois en chignon. Il avait des doigts longs, des mains de pianiste comme dirait sa mère.
Cela ne faisait que quatre mois qu'ils se connaissaient. Mais depuis qu'il l'avait heurté dans le couloir le jour de la prérentrée, il n'avait pas arrêté de penser à lui. D'abord en mal, en moquerie, de son style démodé, du fait qu'il soit boursier, et qu'il soit venu avec ses parents à la prérentrée, comme un enfant. Il voulait le rabaisser, lui prouver qu'un Malfoy était supérieur à lui.
Mais Harry lui avait tenu tête. Il se fichait de savoir sa filiation, son héritage, la renommée de son nom, et son classement au concours d'entrée. Et étrangement, cela lui avait plu. Alors peu à peu, son jugement avait changé, d'autant plus quand il l'avait invité au café. Pas un café huppé, chic, bon chic bon genre, comme il avait l'habitude d'aller avec ses amis ou ses ex qui l'invitait pour se faire bien voir, et où il était reçu comme un prince.
Non, un vrai café, avec d'autres jeunes, des rires, de la musique un peu forte et des plateaux à venir chercher et débarrasser soi-même. Un endroit où il n'aurait jamais mis les pieds habituellement. Mais cet endroit lui avait fait se sentir vivant. Où il pouvait être Draco, et non l'héritier Malfoy. Où personne ne lui avait demandé de manière détournée de payer l'addition, car après tout il était l'héritier d'une des plus grosses fortunes d'Angleterre et il avait déjà une carte bancaire platinum. Harry avait simplement payé pour tous, comme si cela était tout à fait normal.
Cependant quand Blaise avait commencé à draguer Harry, et que ce dernier ne repoussait pas ses avances, un sentiment nouveau avait pris place.
Fatigué, il rapprocha le fauteuil du lit, prenant la main du blessé, la caressant doucement. Peut-être qu'il avait eu le coup de foudre dès le premier jour et il lui avait fallu tout ce temps pour s'en rendre compte.
— C'est ici.
La voix inattendue lui fit lever les yeux vers la porte. Deux personnes entrèrent, suivies de près par le médecin. Retirant vivement sa main, mais pas assez vite pour ne pas être aperçu, il se leva pour serrer la main aux deux adultes.
— Je suis Remus Lupin-Black, et voici mon mari Sirius.
— Enchanté, je suis Draco Malfoy, un camarade d'Harry.
— Camarade, hein? Lança Sirius avec un sourire en coin.
Draco eut bien du mal à ne pas rougir à ce sous-entendu. Heureusement, l'intervention du médecin le sauva du regard inquisiteur de ce Sirius Black. Il fallait qu'il réfléchisse à tête reposée, mais il lui semblait que sa mère avait un lien avec lui. Il se concentra sur les paroles du médecin, voulant savoir pourquoi Harry n'était toujours pas réveillé.
— …pommette cassée, nez fracturé, lèvre éclatée. Une légère commotion cérébrale, donc nous voulons le garder en observation pour 24 heures. Ses blessures sont impressionnantes, mais il n'y aura pas besoin de chirurgie, juste un contrôle pour vérifier la guérison. Il devrait reprendre connaissance dans quelques heures, mais il lui faudra beaucoup de repos.
Après les remerciements, le médecin sorti de la chambre, laissant le petit groupe, même si ce n'était pas du tout les horaires de visite.
— Tu n'as rien eu ? demanda Remus, un peu maladroitement.
— Je suis arrivé qu'après. Je voulais aller le chercher au travail, mais il avait dû finir un peu avant que j'arrive.
Draco soupira, se passant une main dans les cheveux, les décoiffant un peu plus, ayant l'impression d'avoir passé les dernières heures en avance rapide. Il vit Remus et Sirius regarder son poignet qui était maintenant dans une attelle.
— C'est quand j'ai mis une droite au mec.
— Merci de l'avoir secouru, déclara Sirius. Hum, je vais aller chercher des cafés à la machine, tu en veux un ?
— Je veux bien, merci, déclara-t-il, trop déphasé pour s'indigner du goût qu'aura ce café instantané.
— Bon, plus qu'à attendre, déclara Remus en s'asseyant lui aussi.
.
Un gémissement sortit Draco de son demi-sommeil. Il se releva brusquement, retenant son souffle.
— Où est ce que je suis ? gémit Harry en plissant les yeux.
— Tu es à l'hôpital. Un connard a essayé de voler ton portable et ton argent quand tu as fini ton service.
— Je suis resté inconscient longtemps ?
— Pas mal ouais, il est bientôt onze heures.
— Putain merde le partiel de Sinista ! s'exclamât vivement Harry en se redressant, avant de se tenir la tête.
— Rallonge-toi. C'est déjà arrangé, on passera avec d'autres sujets quand tu iras mieux. J'ai déjà envoyé les certificats médicaux. Tes parents sont venus, mais ils avaient une réunion très importante donc ils ont dû repartir, mais ils vont revenir dès qu'ils peuvent. Ils m'ont donné tes anciennes lunettes, je suppose que la correction n'est pas optimale, mais c'est mieux que rien.
Doucement, Draco déposa les lunettes sur le nez teinté de mauve. Se reculant, son cœur rata un battement. Il retirait ce qu'il avait dit. Avec ces lunettes rondes, il était tout simplement magnifique.
Maintenant que le monde était à peu près net, le Serpentard détailla son environnement, puis son camarade. Les yeux cernés, les cheveux en bataille, la chemise de l'école froissée, la cravate disparue. La fatigue ne faisait que ressortir sa beauté brute.
— Tu m'as secouru.
Ce n'était pas une question. C'était une affirmation. Mais cela entraînait une autre question.
— Tu voulais aller au restaurant ?
— Non, avoua Draco. J'avais eu envie de me promener en ville, et je me suis dit que tu aurais peut-être eu envie d'aller boire un verre au brossdur pour décompresser plutôt que de rentrer directement. Donc je suis venue te chercher.
— Tu l'aimes bien, hein, au final ce bar, rit doucement Harry. Tu es resté ici toute la nuit ?
— Je ne voulais pas que tu te réveilles sans personne pour t'expliquer pourquoi tu es là.
— Pourquoi ? demanda simplement le blessé, sachant qu'il allait comprendre.
Pourquoi être resté ? Il n'était pas tout seul, il y avait le personnel médical. Pourquoi avoir prévenu Remus et Sirius, car il se doutait que c'était lui. Pourquoi prendre le temps de l'aider, de rater son partiel, alors qu' il aurait pu reprendre sa vie comme si de rien n'était ? La seule chose qu'ils avaient en commun était ce devoir qu'ils avaient fait. Et pourtant, il le saluait chaque matin, lui souhaitait une bonne soirée, un bon service, lui proposait de refaire une sortie entre eux.
— C'est ce que les amis font. Et je voudrais être ton ami.
Harry secoua légèrement la tête. Draco eut le cœur pincé. Oui, il aurait dû s'en douter. Ils étaient trop différents.
— Tu l'es déjà, Draco. Même avant-hier soir.
