Titre : Réputation
Auteur : Naomi (site de l'auteur à visiter absolument… si vous avez envie que je traduise certaines autres fics n'hésitez pas à me le dire)
Traducteur : Séraphin
Genre : UA sur Gundam Wing, shounen-ai
Couples : 2/x1
Disclaimer : Pas à moi, etc...
Site, duoxheero com
Merci à tout le monde pour les nombreuses reviews, en espérant que ce chapitre-ci vous plaira encore plus.
Réputations
Chapitre 3 :
Il ne fallut pas attendre très longtemps pour que les élèves se rendent compte de la petite surprise dans leur thon. En un rien de temps, la cafétéria résonnait de jurons et de cris, sombrant dans le chaos le plus total. Les adolescents, découvrant des INSECTES grouillant dans leur repas, le vomissaient à qui mieux mieux. Ils se bousculaient en hurlant, tentant de s'enfuir au plus vite de la cafétéria dans un désordre indescriptible.
Vingt-deux minutes plus tard, Duo et Heero s'assoyaient devant le bureau de la proviseure, attendant la sentence. En arrivant, Duo posa ses mains à plat sur ses genoux et, la tête contre le mur, resta immobile. Il s'absorba dans la contemplation du plafond, incapable de croiser le regard de Heero. Il l'avait entraîné avec lui au devant de graves ennuis et si, lui, était un habitué de ce genre de "visite de courtoisie au proviseur", ce n'était pas le cas de Heero. Il n'aurait jamais dû se trouver là ; il était innocent.
Duo s'était attendu à ce que Heero lui dise quelque chose, lui crie dessus,l'accuse de tout ce désordre, n'importe quoi, mais qu'il réagisse. Cependant il se contentait de rester assis sans bouger, la tête inclinée, le dos vouté, le visage d'une pâleur cadavérique. C'était si étrange. Duo était habitué aux rires et aux plaisanteries nerveuses de ses vieux potes "voyous" qui fusaient en pareil cas, mais, cette fois, il n'y avait rien de cela. Le silence de Heero lui donnait l'impression qu'il attendait sa propre exécution.
Après une attente aussi longue que pénible, la porte au bureau de la proviseure s'ouvrit et la femme au regard strict sortit de la pièce.
— Yuy, veux-tu te donner la peine d'entrer, s'il te plaît ? ordonna-t-elle froidement avant de retourner dans le bureau.
Duo releva les yeux et voyant Heero se lever, il saisit sa main et la pressa légèrement
— Soit un homme, okay ? réussit-il à lancer dans un sourire qui s'évanouit presque aussitôt.
Heero se contenta de retirer sa main et pénétra dans le bureau sans plus prêter attention à Duo.
— Assieds-toi, Heero, s'il te plaît, proposa la proviseure avec gentillesse, s'installant elle-même dans son fauteuil de cuir, derrière le large bureau.
Heero obtempéra, s'assoyant sur la chaise qu'elle lui désignait. Il croisa sagement ses mains sur ses genoux, les yeux baissés, n'osant pas la regarder en face. Il inclina encore la tête, semblant se préparer dès lors à son châtiment.
Après quelques longs instants d'un silence lourd et angoissant, la proviseure se leva et soupira. Elle contourna lentement le bureau, afin de se retrouver devant Heero. Elle posa ses fesses sur le rebord du meuble, croisant les bras sur sa poitrine et soupira de nouveau.
— Heero, commença-t-elle brusquement, faisant sursauter le jeune homme. Je sais que ce n'est pas toi qui a fait ça.
Heero clôt lentement ses paupières et se recroquevilla encore un peu plus sur lui-même. Il garda le silence, s'efforçant de ne pas trembler.
— Je sais que tu es un bon garçon. Tu es un excellent étudiant et tu n'as jamais provoqué le moindre problème.
Elle étudia le garçon silencieux, les sourcils légèrement froncés. Il ne la regardait pas et continuait de fixer ses mains de son regard. Elle soupira de nouveau, en se rasseyant sur le bureau.
— Heero, je le sais, mais ce n'est pas assez, tu comprends ? Tu étais responsable de la cuisson du repas et donc, à moins que tu ne confirmes mes soupçons, c'est toi qui écoperas de la punition.
Heero déglutit avec difficulté et inspira lentement, essayant de calmer ses nerfs.
La femme fit la grimace devant le mutisme du jeune homme.
— Madame Doris est furieuse. La punition ne sera pas bénigne.
Elle s'attendait à ce qu'il clame son innocence, qu'il lui désigne sans plus tarder le véritable coupable, mais le japonais resta une fois de plus silencieux et immobile.
— Heero, reprit-elle, adoptant un ton plus pressant. Heero, il n'y a aucune raison de tout gâcher. Comme je viens de te le dire, tu es un très bon élève et un atout pour ce lycée. Ne gâche pas tout cela sur un coup de tête. Je sais très bien qui l'a vraiment fait.
Cette fois-ci, Heero ne put conserver son impassibilité. Il releva brusquement la tête et, avec défi, lança à la proviseure un regard furieux.
— La seule chose que tu aies à faire, c'est de me confirmer cette hypothèse et tu pourras oublier cette histoire. Mais je ne pourrais rien faire pour toi tant que tu n'auras pas dénoncé le véritable coupable.
Les lèvres de Heero se serrèrent jusqu'à ne plus formé qu'une ligne fine et il fixa ostensiblement son regard sur le mur. Il ne parlerait pas.
— Heero, tu ne peux pas permettre à Duo de s'en sortir aussi facilement.
Heero l'ignora, regardant toujours derrière elle.
— Heero !
— Je ne suis pas un cafard ! lâcha-t-il avec un certain mépris.
Cette fois, c'était au tour de la proviseure de lui lancer un regard furieux. Elle croisa les bras sur sa poitrine, les sourcils froncés.
— Réalises-tu ce qu'une telle décision signifie pour toi ? cracha-t-elle.
— Oui.
— Parfait, alors ! lança-t-elle en se levant du bureau. Je n'ai donc pas d'autre choix que de vous punir.
Elle poussa un grognement en s'assoyant derrière son bureau, et saisit un stylo et un papier.
— Ton oncle étant pour l'instant en déplacement, je l'informerai de tout ceci plus tard.
Heero sursauta et fit pivoter sa tête pour la regarder, une lueur d'effroi brillant au fond de ses yeux écarquillés.
Mais la femme ne remarqua pas sa réaction et poursuivit son monologue :
— ... mais, jusque-là, tu es exclu de la cafétéria. J'annule ton droit d'aller manger à la cafétéria jusqu'au retour de ton oncle.
Les yeux d'Heero s'écarquillèrent de nouveau. Un mélange de peur, de douleur et de détresse brillait au fond des prunelles bleu foncé. Il étouffa un gémissement. Une furieuse envie de crier s'était emparée de lui. Son visage était devenu brûlant et son coeur se serrait douloureusement. Ses mains tremblaient, ainsi que ses jambes, mais il réussit à lever les yeux sur la femme.
— Mademoiselle... ne faites pas ça, s'il vous plaît, mademoiselle... ne le faites pas, je vous en prie... Je ferai n'importe quoi ! J'irai faire... n'importe quoi ! Mais ne m'excluez pas, je vous en supplie...
Une lueur de colère brilla dans le regard glacial de la proviseure. Elle s'adossa à son fauteuil et croisa ses bras sur sa poitrine.
— Tu protèges un voyou, Heero. Ce lycée n'encourage pas une telle conduite. Si tu ne veux pas me livrer le nom du coupable, alors tu écopes de la punition à sa place. C'est aussi simple que ça.
— Mais ... mais ... vous ne pouvez pas...
— Et pourquoi pas ? s'enquit-elle, en relevant un sourcil.
Heero semblait complètement perdu. Il ne savait que dire ou que faire pour adoucir la sentence.
La proviseure se redressa dans son large fauteuil, le foudroyant toujours du regard.
— Nous en rediscuterons quand ton oncle sera de retour en ville. Nous verrons alors en quoi consistera exactement ta punition. Tu peux disposer, maintenant.
— Mademoiselle, ne lui dites pas, s'il vous plait. Ne lui dites pas, je vous en prie..., supplia Heero frottant involontairement son bras meurtri.
Il plongea son regard dans celui de la proviseure, les lèvres tremblantes, les larmes lui brouillant la vue.
— Il ne doit pas savoir, Mademoiselle. Je ferai... Je ne viendrai plus jamais à la cafétéria... Je ferai... Je ferai n'importe quoi. Vous.. . Vous n'avez qu'à ordonner et j'obéirai... s'il vous plaît !
— Tu peux partir, répondit froidement le chef d'établissement, regardant froidement le jeune homme tremblant assis de l'autre côté de son bureau. Les larmes ne t'aideront pas, Yuy. Tu apprendras qu'on ne joue pas avec moi ! Quitte cette pièce et emmène cet attardé de Maxwell avec toi. Il ne sera pas puni, j'espère que tu es content de toi.
Heero essuya ses larmes d'une main tremblante et inspira profondément, essayant de se calmer. Les épaules plus basses que jamais, il hocha légèrement la tête en signe d'au revoir et sortit précipitamment du bureau.
Une fois à l'extérieur, Heero passa devant Duo en silence, l'ignorant superbement alors que le jeune homme bondissait sur ses pieds et lui lançait :
— Heero ! Hé ! Heero ! Attend !
Cinq jours s'étaient écoulés depuis l'Incident de Cafétéria. Heero n'avait pas adressé la parole à Duo depuis. Ce dernier avait été surpris lorsqu'il avait vu le jeune homme sortir en trombe du bureau de la proviseure sans qu'on lui demande à son tour d'y entrer. Personne ne l'avait mis au courant de ce qui s'était passé et tout ce qu'il pouvait supposer, c'était que Heero avait payé à sa place.
Il n'arrivait pas à déterminer avec exactitude ce qu'il ressentait. D'une part, il se sentait coupable, incroyablement coupable, même, et n'avait pas de désir plus cher que de s'excuser auprès de Heero. Peut-être même le remercier d'avoir sauvé ses fesses cette fois-ci. Mais, d'autre part, la situation actuelle présentait bien des avantages : tout le monde l'adulait et le félicitait pour ce dont tout un chacun savait qu'il était responsable. Et le fait d'avoir, en prime, réussi à faire punir Heero à sa place avait rendu sa farce encore un peu plus délectable aux yeux de l'élève moyen. Désormais, il était une véritable star et, plus important encore à ses yeux, un membre important de La Bande. Il avait prouvé sa dévotion profonde et sa loyauté envers Jack et cela lui promettait un bel avenir au sein du microcosme du lycée. En un sens, ce que Heero avait fait pour lui avait contribué à cette ascension sociale aussi fulgurante que réjouissante et il se demandait s'il ne serait pas judicieux d'aller l'en remercier.
Mais Heero était dur à coincer ces derniers temps. Il évitait Duo, l'ignorant, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour le tenir éloigné de lui. Mais Duo était têtu. Il cherchait le jeune homme pendant les pauses, mais ne parvenait jamais à le trouver. Il le cherchait à l'heure du déjeuner, mais il n'était nulle part aux alentours de la cafétéria. Il DISPARAISSAIT juste après la classe.
Quelques jours après l'Incident, Duo apprit quelle en était la raison. On lui avait rapporté que la punition de Heero était une exclusion temporaire de la cafétéria ainsi que de menus travaux à effectuer durant les pauses : de la maintenance et ce genre de truc. Il avait aussi eu vent d'une rumeur affirmant que Heero avait passé un accord avec la proviseure : en échange de travaux à faire pendant les pauses et après les cours, son oncle ne serait pas informé de ses exactions. Duo se demanda pourquoi Heero avait fait une telle affaire. Il aurait choisi sans l'ombre d'une hésitation une semaine entière passée à se faire crier dessus et emmerder par Joanna plutôt que de travailler comme un esclave pour cette vieille salope de proviseure !
Ce jour-là, le cinquième jour de la punition de Heero, ils jouaient au basket-ball en EPS. C'était la dernière heure de cours de la journée. Les élèves étaient impatients de regagner leurs pénates et la plupart d'entre eux jouaient n'importe comment. La touffeur de l'été n'arrangeait rien : ils étaient tous épuisés et assoiffés.
— Yuy ! Lève tes fesses ! lança l'entraîneur en direction des bancs où deux ou trois gars se reposaient en buvant de l'eau. Bouge toi, Yuy ! Amène toi si tu ne veux pas être puni ! Maintenant !
Lentement, le garçon obtempéra. Il se leva et traîna son corps fatigué sur le terrain. Il essuya la sueur qui perlait à son front et inspira profondément. Le simple fait d'avoir franchi la courte distance séparant les bancs du terrain de basket avait suffit à le faire haleter.
— Prêts ? cria l'entraîneur à l'intention du groupe.
Heero prit sa place, le corps vacillant un peu alors qu'il tentait de se redresser. Mais la chaleur était trop forte et il était ivre de fatigue. Il essaya d'avaler sa salive, mais sa gorge était désespérément sèche. De nouveau, il essuya la sueur de son front, utilisant pour ce faire la manche longue de son sweatshirt. Ses yeux se rétrécirent, essayant de se concentrer son regard sur un point précis. Mais les points noirs qui dansaient devant ses yeux ne disparurent pas. Les voix autour de lui semblaient n'être qu'échos d'un rêve lointain...
— Allez ! cria l'entraîneur en soufflant dans son sifflet.
Duo, qui était attaquant dans l'autre équipe, avec Jack et les gars, plissa les yeux en remarquant que Heero se tenait toujours tranquille alors que le jeu avait déjà commencé. Il l'avait observé pendant tout le cours et il avait remarqué que quelque chose n'allait pas. Heero semblait plus pâle qu'ordinaire. Plus fragile aussi, comme si une petite brise aurait suffit à le faire vaciller. Il se demandait ce qui n'allait pas chez lui.
— Hé ! Duo ! Réveille-toi ! lança quelqu'un en lui passant le ballon.
Duo le ratrappa avec brio et dribbla en direction du panier de l'équipe adverse avant de marquer un magnifique panier. Le jeu continua ainsi et Duo ne put que constater la léthargie de Heero : il n'attrappa pas une seule fois le ballon et ne se rendait d'ailleurs même pas compte lorsqu'elle allait dans sa direction. Duo l'avait heurté à un moment et Heero s'était écroulé sur le sol. Le jeune homme aurait sincèrement voulu l'aider à se relever, mais il n'en aurait pas eu le droit.
C'était vraiment étrange, la façon dont Heero jouait. Duo l'avait déjà vu en EPS à plusieurs reprises et il savait que Heero était assez bon au basket, même s'il n'était pas toujours choisi pour faire partie d'une équipe. Cette démonstration de faiblesse ne lui ressemblait pas. Qu'est-ce qui n'allait pas ?
L'entraîneur souffla une nouvelle fois dans son sifflet, indiquant ainsi la fin du jeu.
— Bonne partie, les gars. Maintenant virez vos culs suants d'ici et allez lesplacer sous la douche ! lança-t-il en retroussant les narines.
Quelques rirent fusèrent et les joueurs obéirent sans demander leur reste.
Duo fouilla la foule des élèves du regard, essayant de distinguer parmi eux la silhouette menue de Heero. Il se retourna et le vit, s'approchant lentement des bancs, ne parvenant pas à marcher droit, semblant pris de vertige. Il tendit le bras devant lui, comme s'il voulait se rattrapper à quelque chose, mais il ne trouva que le vide sous ses doigts et le jeune homme s'effondra sur le sol.
Quelques rires s'élevèrent.
— Le jeu est fini, Yuy, tu peux arrêter de te vautrer, maintenant ! lança Jack en riant de bon coeur en balançant son sac sur son épaule.
Duo ignora le rire moqueur. L'inquiétude l'avait submergé lorsqu'il avait remarqué que Heero ne bougeait plus.
— Merde, mec, je crois que quelque chose ne va pas ! chuchota quelqu'un du groupe.
— Espèce d'enculé ! Tu l'as frappé trop fort !
— C'était pas moi ! C'est Jack qui...
— Ta gueule ! brailla Jack, se retournant pour lancer un regard furieux à l'importun.
— M'sieur !
Avant que les autres élèves aient eu le temps de faire revenir l'entraîneur, Duo s'était déjà agenouillé aux côtés de Heero et faisait doucement rouler son corps pour qu'il se retrouve couché sur le dos. Il semblait inconscient.
— Heero ? chuchota-t-il, la voix tremblante. "Heero, tu peux m'entendre ?"
Pour toute réponse, le jeune homme gémi faiblement en détournant la tête, le visage tordu de douleur. Sa main tremblait, comme s'il essayait de la faire remuer et qu'il ne parvenait pas à la contrôler.
Ignorant la petite voix dans sa tête qui lui rappelait que toute sa classe le regardait, Duo prit la main pâle de Heero dans la sienne et la serra doucement entre ses doigts.
— Heero ? chuchota-t-il de nouveau, effrayé.
Il serra un peu plus fort la main moite du jeune homme, écartant la frange de cheveux sombres qui cachaient le front du japonais de sa main libre.
De nouveau, Heero gémit et ses lèvres s'entrouvrirent alors qu'il prenait une lente et difficile inspiration. Il semblait à Duo que ses lèvres bougeaient maintenant, comme s'il avait voulu parler, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il s'approcha un peu plus de Heero, jusqu'à ce que son oreille ne soit plus qu'à quelques centimètres du visage de Heero.
— ... douche...
Les yeux de Duo s'écarquillèrent de surprise.
— ... besoin d'une... douche..., répéta faiblement le jeune homme — sa voix n'était pas plus qu'un chuchotement. Sa bouche formait lentement les mots. Ouvrant partiellement les yeux, les orbes bleus fixant Duo d'un air d'excuse. J'ai... maintenant ... ou... je... j'ai...
— Chhhht... C'est bon, le calma Duo, dirigeant de nouveau sa main vers les cheveux sombres trempés de sueur de Heero. Ne dis rien. Je t'emmène à l'infirmerie.
— Je... non... dou... che... essaya une dernière fois le jeune homme avant de renoncer.
Ses yeux se fermèrent, sa main se détendit et sa tête bascula sur le côté. Il avait de nouveau sombré dans l'inconscience.
— M'SIIIIEEEEUUUR ! cria Duo, courant jusqu'à la porte du vestiaire à la recherche de l'entraîneur. M'SIEEEEEEUUUUUUUR.
Duo attendait nerveusement le verdict alors que l'infirmière d'école examinait Heero. Il s'était laissé tombé sur une chaise de l'infirmerie après que l'entraîneur et lui y aient transporté le japonais. Tous les étudiants et le personnel enseignant étaient déjà sur le chemin de leur maison et l'infirmière le serait elle aussi, si Duo ne lui avait pas intimé d'aider Heero MAINTENANT !
Après avoir installé Heero sur un lit qui tenait plus d'un empilement de matelas que d'autre chose, l'infirmière, qui pouvait avoir une vingtaine d'années, avaitrallumé toutes les lumières à l'intérieur du local qu'elle s'apprêtait à quitter et commença à examiner son jeune patient toujours inconscient. Elle constata tout d'abord qu'il s'était foulé la cheville en tombant. Duo la surveillait attentivement alors qu'elle prenait sa pression, sa température, etc... Une fois que toutes les vérifications habituelles furent terminées, la jeune femme rangea ses instruments et entraîna Duo de l'autre côté de la pièce, poussant un profond soupir.
La gorge de Duo se serra et il sentit son estomac se crisper alors qu'il lançait un regard à Heero. L'infirmière soupira de nouveau en secouant la tête. Elle se retourna pour faire de nouveau face à Duo, les yeux emplis d'une profonde inquiétude.
— Que... qu'y a-t-il ? interrogea Duo d'une voix étranglée.
— Duo, sais-tu quand Heero a mangé pour la dernière fois ?
Manger ! Duo resta immobile, trop choqué pour répondre. Il pensa un instant qu'il avait mal entendu, mais il n'en était pas sûr. Son corps était engourdi alors qu'il réalisait qu'un morceau de plus venait d'être ajouté au puzzle que constituait, à ses yeux, la vie d'Heero.
L'infirmière poussa un profond soupir et alla s'asseoir à son bureau, griffonnant quelques annotations sur un carnet.
— Il semble que Heero n'ait pas mangé depuis plusieurs jours, expliqua-t-elle tranquillement à Duo, en continuant d'écrire. Il s'est tout simplement effondré de fatigue. La déshydratation et la malnutrition ont par avoir raison de ce jeune homme.
— Est-ce que... Est ce qu'il va s'en remettre rapidement ?
L'infirmière reposa son stylo leva sur Duo un regard sévère.
— Il faudrait qu'il soit transporté à l'hôpital. Là-bas, ils pourraient le mettre sous perfusion et lui administrer le traitement adéquat. Moi, je ne peux rien faire pour lui.
— Alors pourquoi ne les appelez-vous pas ?
Une fois de plus, l'infirmière soupira tout en se renfonçant dans son fauteuil. Faisant tournoyer son stylos entre ses doigts, elle répondit d'un ton ennuyé :
— Le problème, vois-tu, c'est que Heero n'a pas de mutuelle. L'hôpital n'acceptera jamais de le prendre en charge (Note de Mahra (recopieuse sur ordi attitrée de traductions et de fics de Séraphin) : Ceci ne se passerait heureusement pas ainsi en France (et heureusement, ce qui me pousse à dire, une fois de plus : vive la France ! tant pis pour le chauvinisme !), mais Naomi est israëlienne. Cette histoire se déroule dans un endroit (comme les États-Unis, par exemple) où tout un chacun n'a pas la possibilité de recourir à une Sécurité Sociale. Ce qui n'ont pas souscris d'assurance maladie ne peuvent donc pas se faire rembourser leurs soins... Pauv' petit Roro !).
— Quoi ! éclata Duo, prêt à lui sauter à la gorge. Vous voulez dire que cesenculés refuseraient de l'aider ! Mais il a besoin d'aide ! Vous avez de la merde dans les yeux ou quoi ?
— En premier lieu, il a besoin d'argent, répliqua l'infirmière d'un ton égal.
Duo avait l'impression que ses entrailles étaient en train de geler. Les yeux écarquillés, il se sentait sombrer.
— Il n'a pas d'argent !
Il se retourna et lança un regard à Heero qui était encore inanimé.
— Nous avons besoin d'appeler son oncle. Lui seul peut prendre soin de lui, conclut l'infirmière en décrochant le combiné.
— Mais il n'est pas chez lui !
De frustration, Duo envoya un coup de pied dans le bureau.
— Alors nous attendrons ici qu'il revienne, répondit la jeune femme en approchant le téléphone de son oreille;
— ... Non...
Duo se retourna vivement en entendant le faible filet de voix s'élever dans son dos. Il courut au chevet de Heero.
— Heero ? Heero !
Il saisit la main de Heero.
— Heero, tu es réveillé ! apela-t-il, heureux, en souriant d'un air idiot.
— Ne... Ne l'appelez... pas..., implora faiblement Heero en secouant légèrement la tête. mais, déjà, ses yeux se fermaient de nouveau ? S'il... S'il vous p... plaît...
— Je suis désolée, Heero, s'excusa la voix de l'infirmière derrière Duo et le jeune homme se demanda pourquoi elle semblait si attristée. Mais je dois l'appeler.
Une grosse larme perla au coin de l'oeil de Heero et roula sur sa joue pâle.
Duo pouvait entendre la jeune femme composer dans son dos le numéro de téléphone. Il continuait de fixer Heero avec compassion. Les yeux de ce dernier papillonnaient, comme s'il ne parvenait pas à les maintenir ouverts. Duo sentit son coeur se contracter douloureusement en discernant l'angoisse qui se reflétait dans l'océan bleu des yeux du japonais. Il ne pouvait pas l'aider. Il se contenta donc de caresser doucement le visage ravagé par la souffrance du jeune homme.
— Chhhht... Ne t'inquiète pas... Tout ira bien..., essaya-t-il de le rassurer dans un murmure.
Heero ferma ses paupières et laissa aller sa joue contre la paume douce qui le caresssait. Il émit un petit gémissement étouffé. Un frisson agréable lui parcourait le corps, semblant le réchauffer de l'intérieur. Il oublia tout ce qui l'entourait, ne pensant plus qu'à la douce caresse sur son visage et à la main vigoureuse et tiède qui pressait la sienne...
... Et il plongea doucement dans un sommeil profond.
Trois heures plus tard, Duo, assis sur le rebord du lit de Heero, trempait un petit bout de tissu dans l'eau froide. L'école était maintenant complètement abandonnée, même l'infirmière était finalement rentrée chez elle, laissant les deux jeune hommes à la garde du concierge. Ce dernier étant pour le moment en train de laver et de remettre en ordre les classes, à l'étage, Duo et Heero étaient seuls dans l'obscurité de l'infirmerie. Seule la lumière de la lune filtrait par la petite fenêtre, conférant un côté étrangement intime à la pièce.
Bien que la nuit soit tombée depuis un petit moment, il faisait encore très chaud à l'intérieur de l'établissement et en particulier dans cette infirmerie mal aérée. Duo s'était autorisé à ôter le sweat de Heero, le pauvre transpirant tant et plus. Il essayait de faire baisser sa température en appliquant un tissu mouillé sur son visage pâle et malade, faisant de son mieux pour que l'attente lui soit la moins douloureuse et la plus confortable possible. Heero n'avait plus repris connaissance et le silence recouvrait la pièce comme une lourde chape de plomb.
Après avoir jeté le tissu dans le bol d'eau, Duo se releva et alla se placer au pied du lit. Il marmonna une série de jurons à mi-voix, le nez retroussé par l'odeur, tandis qu'il défaisait les lacets de Heero et qu'il lui ôtait ses chaussures et ses chaussettes. Il n'était certes pas docteur, mais il n'était pas difficile de se rendre compte que la cheville du jeune homme était foulée. Elle avait atteint la taille d'un oeuf d'autruche !
Après avoir retroussé précautionneusement le bas de pantalon de Heero, Duo reprit le bout de tissu mouillé et le plaça sur la cheville enflée. Heero gémit faiblement, mais ne se réveilla pas. Duo soupira. Il ne se rendait pas vraiment compte de ce qu'il faisait. Il laissait courir son regard sur les chevilles délicates de Heero. Elles étaient comme ses poignets, si frêles, si délicats... Et cela avait, sur Duo, un étonnant pouvoir de séduction. Une fois, il avait lu un poème parlant d'une femme et de ses douces chevilles mais il n'avait pas compris comment l'on pouvait tomber amoureux d'une cheville... Maintenant, il pensait qu'il comprenait... Il y avait quelque chose de très doux, de très mignon, quelque chose de presque féminin dans les chevilles de Heero... Et Duo trouvait cela irrésistiblement attirant...
Retenant son souffle, il tendit la main et caressa doucement la cheville svelte de Heero, ne se lassant pas de dessiner son contour. Un doux sourire s'épanouit sur ses lèvres alors qu'il sentait la peau fine et tiède du jeune homme palpiter sous ses doigts. Heero était presque glabre et sa jambe pâle n'en parut que plus attirante encore à Duo.
Les lèvres de Heero, légèrement entrouvertes, laissaient s'échapper un faible gémissement. Duo continuait de caresser la peau douce, lentement, doucement, tout en contemplant le visage de Heero, fasciné. Il étudia les traits finement ciselés qui se crispaient de souffrance, les fines gouttelettes de sueur perlant à ses tempes et ses lèvres, douces et sentant la rose, qui se séparaient un peu plus quand il inspirait. Un mot s'imposa dans l'esprit de Duo et, cette fois-ci, contrairement à d'habitude, il ne fit rien pour l'en déloger.
Beau.
Heero était beau.
Mais pourquoi était-il si effrayé ? Que se passait-il avec lui ?
Duo retira sa main et, s'asseyant, enfouit son visage dans ses paumes. Il se remémora tous les symptômes qu'il avait pu remarqué chez Heero. En se basant sur sa propre expérience, il ne pouvait conclure qu'à une chose. Mais cela ne tenait pas debout !
Heero ne semblait prendre de douche qu'au lycée, une fois par semaine, après le cours d'EPS, une fois que tout le monde était parti. Il ne devait pas se doucher chez lui. Sans compter qu'il lavait ses uniformes au lycée et qu'il n'emmenait même pas d'habits de rechange, ce qui laissait à supposer qu'il ne possédait pas d'autres vêtements chez lui. Et maintenant, exclu de la cafétéria, il tombait d'inanitions : il ne mangeait donc rien chez lui. En ajoutant à cette triste liste que Heero ne possédait pas de mutuelle ni d'argent pour payer un séjour à l'hôpital, et Duo ne pouvait en conclure qu'une chose : Heero n'avait PAS de maison ! Il vivait sans doute dans la rue, ainsi que lui-même le faisait quand il était jeune.
Mais c'était impossible ! Il avait un oncle ! Tout le monde disait qu'il en avait un ! L'infirmière avait appelé ce type. Il ne pouvait donc s'agir que d'une couverture inventée par Heero pour dissimuler ce qu'il vivait aux autres. Et les bleus ? Tous ces bleus sur le corps de Heero, d'où venaient-ils ? Il était certain que certaines blessures n'avaient pas pu être causées par Jack et la Bande. Et Heero semblait toujours effrayé... effrayé par quelque chose, non, par quelqu'un, plutôt... quelqu'un qui ne faisait pas partie de La Bande. Cela signifiait sûrement QUELQUE CHOSE!
Un léger gémissement distraya Duo de ses sombres réflexions, l'empêchant de parvenir à une conclusion plausible pour le moment. Il s'approcha de la tête de Heero. Penché sur le visage du jeune homme, il le regarda s'éveiller lentement en souriant.
Heero cligna des yeux pendant un petit moment, tentant d'ajuster sa vision à la demi-obscurité de la pièce. Il souleva un sourcil en découvrant le visage de Duo penché au dessus du sien. Que faisait encore Duo ici ? pourquoi n'était-il pas rentré chez lui ?
— Eh ben, Hee-chan, c'est pas trop tôt, dis-moi ! s'écria soudain Duo en prenant la main du jeune homme au creux de la sienne. Mec, je commençais à croire que tu ne te réveillerais JAMAIS !
Duo aurait-il attendu à ses côtés qu'il reprenne ses esprits ? Heero laissa lentement retomber ses paupières, épuisé.
— T'as la dalle, mec ? Mademoiselle Chappell, l'infirmière, m'a dit de te filer de quoi manger quand tu aurais fini de pioncer. Tu t'sens d'attaque pour bouffer ?
L'infirmière ? Manger ? S'il se sentait d'attaque ? Qu'était-il donc arrivé?
Soudain, Heero se mit à haleter et se yeux s'ouvrirent en grand sous l'effet de la peur.
— Jay ! s'étrangla-t-il en essayant de se redresser.
— Hé ! Hé ! Calmos, mec ! lança Duo en essayant de forcer Heero à rester couché.
— Je dois y aller ! s'essouflait le japonais, luttant pour se relever.
— Hé ! Hé ! Tu n'iras nulle part avec cette cheville ! lança Duo, appuyant une main sur chaque épaule de Heero. Alors tu te recouches bien gentiment et moi, je vais te chercher de quoi manger.
— Non ! Je dois..., essaya encore Heero, mais il était trop fatigué pour achever sa phrase.
Vaincu, il reposa sa tête sur l'oreiller moelleux et ferma les yeux. Il avait épuisé toute l'énergie dont il disposait dans sa lutte inégale avec Duo.
Heero soupira en entendant Duo quitter la pièce. Il força ses yeux à s'ouvrir et à regarder en direction de ses pieds. Sa cheville, qui pulsait encore douloureusement, était recouverte d'un tissu humide, qui soulageait quelque peu la douleur. Il fut surpris de découvrir qu'il était torse nu, ses côtes meurtries à découvert. Il mordit sa lèvre inférieure alors qu'une vague de honte le submergeait. Duo avait vu les contusions, encore une fois... Qu'allait-il penser à son sujet ? Personne ne devait savoir... Il ne voulait pas que l'on sache... et en particulier Duo...
Pendant un certain laps de temps, il avait pensé que Duo et lui pourraient peut-être devenir des amis, que, enfin, quelqu'un allait être gentil avec lui et l'accepterait comme il était. Cet espoir insensé avait perduré jusqu'à ce que Duo fasse s'effondrer en un quart de seconde tous ses rêves d'amitié. Il n'avait pas balancé Duo parce qu'il savait que ce n'était pas bien. Il avait considéré Duo comme un ami durant le peu de jours qu'ils avaient travailler ensemble et, en souvenir de cela, il ne voulait pas que le jeune homme ait des ennuis par sa faute. Il avait donc accepté d'être puni à sa place. Après tout, un coup de plus ou un coup de moins, quelle différence ?
Il avait espéré que Duo apprécierait ce qu'il avait fait pour lui, qu'à défaut de le remercier, il se montrerait gentil à son égard. Mais tout cela n'avait fait qu'accroître la popularité de Duo. Il n'osait plus s'approcher du jeune homme tressé et il était, au fond de son coeur, persuadé que celui-ci ne voulait pas de lui à ses côtés. Duo n'avait probablement été gentil avec lui que parce qu'il avait besoin de le mettre en confiance pour faire sa blague. De toute façon, il ne s'était montré sympathique à son égard que lorsqu'ils étaient seuls tous les deux. En présence des autres, il n'avait jamais cessé de l'ignorer ostensiblement. Alors pourquoi diable était-il là, aujourd'hui ? Pour quelle obscure raison prenait-il soin de lui !
— Me revoilà ! lança à tue-tête Duo en pénétrant dans la pièce, l'air joyeux. Je t'ai trouvé du frometon, du lait et un ma-gni-fi-que sandwich à l'ail ! ajouta-t-il, les narines pincées, déposant ses trouvailles sur le lit de Heero. Hm, ne te fie pas à son nom, je te promets que ce sandwich déchire ! D'ailleurs, c'est bien simple, c'est le plus cher du distributeur, ce qui signifie donc que c'est le meilleur, n'est-ce pas ?
Il rit à sa propre plaisanterie, mais retrouva rapidement son calme en voyant que Heero ne répondait rien. Le japonais ne réagissait pas. La tête tournée vers la fenêtre, il regardait au loin, ignorant complètement Duo.
Duo soupira en se laissant tomber sur une chaise.
— Hé ! Hee-chan ! Tu m'entends ?
— Pourquoi es-tu ici ? demanda brusquement Heero.
Duo fronça les sourcils.
— De quoi tu parles ? Je t'amenais la nourriture.
— Mais non, soupira Heero, ne se tournant pas pour autant vers lui. Pourquoi es-tu ici, avec moi ?
Pendant quelques instants, Duo resta sans voix. Il était incapable de croiser le regard intense que Heero fixait maintenant sur lui. Il déglutit, s'absorbant dans la contemplation du sandwich tandis qu'il bafouillait :
— Parce que... parce que je suis désolé et que je... Je suis ton ami.
— Mon ami ? s'exclama Heero, glacial.
— Ben... ou... ouais. Oui. Je suis ton ami.
Il se sentait de plus en plus mal sous le regard froid que Heero dardait sur lui. Il respirait avec difficulté.
— Heero, reprit-il très doucement, tendant la main vers celle du jeune homme.
Mais Heero s'écarta pour qu'il ne puisse pas le toucher.
— Je n'ai rien mangé depuis une semaine, Duo ! hurla-t-il en donnant une claque sur la main de l'adolescent qui tentait toujours de saisir la sienne. Je nettoyais les chiottes pendant que toi et tes potes bavardiez tranquillement. Et tu oses dire que je suis ton ami après ça ? Quelle sorte d'ami suis-je pour toi, au juste ?
— Non ! Non ! Heero ! Ce n'est pas ce que je... essaya d'expliquer Duo, les larmes emplissant ses yeux. Je ne pensais pas que tu te ferais punir à ma place pour cette connerie ! cria-t-il, essuyant ses larmes avec sa manche. Je ne savait pas que tu...
— Qu'est-ce qui te fais croire que je t'ai aidé de gaieté de coeur, hein ? Si je t'avais balancé, Je me serais fait cassé la gueule par tes potes ! Ose prétendre que tu ne savais pas ça quand tu as fait ta sale petite blague dans mon dos ?
Duo ne broncha pas. Il baissa la tête, honteux.
— Peut-être que toi, Duo, si les rôles avaient été inversés, tu n'aurais pas hésité à me balancer, mais, moi, je ne ferais jamais une chose pareille, ni avec toi, ni avec personne d'autre, d'ailleurs.
— Eh ben tu aurais dû le faire ! explosa Duo, sautant sur ses pieds. Si tu l'avais fait, Jack et la Bande t'auraient peut-être laissé tranquille ! Est-ce que tu as pensé à ça, dis-moi ?
Heero leva les yeux au ciel et renifla avec mépris.
— Penses-tu vraiment que ce que font ces crétins ont une quelconque importance ? Ce n'est absolument rien en comparaison de...
Il s'interrompit et plongea son regard sauvage dans celui de Duo, une lueur accusatrice brillant au fond des prunelles bleues.
— Je pensais que tu étais mon ami, Duo, je l'ai vraiment cru... Je pensais que peut-être, tu... que peut-être nous pourrions... que tu...
De grosses larmes roulaient maintenant sur ses joues creuses. Ses paroles s'étouffaient au milieu de ses sanglots.
— Je voulais... Je pensais... Bah ! lança-t-il soudain en passant une main sur ses yeux. Je me doute bien que je me trompais, n'est-ce pas ?
Il riait âprement, reniflant, essayant d'arrêter ses larmes.
— Baka ne... honto ni baka ne...
Duo gardait la tête baissée prosterné, incapable de regarder Heero en face. Il se sentait si désolé maintenant, si plein de culpabilité ; il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire pour réparer tout ce gâchis.
— Tu ferais mieux de partir, maintenant, Duo, lâcha Heero dans un filet de voix brisée après un long moment de silence. Je ne veux pas de toi, ici.
Mais il savait comment faire pour l'aider ! Il le ferait ! Il sortirait Heero de là. Il le voulais.
— Je ne pars pas.
Heero renifla, donnant une intensité encore plus meurtrière à son regard avant de crier :
— J'ai dit : CASSE-TOI !
— Et moi, j'ai dit : non ! répliqua Duo du tac au tac. Je ne pars PAS.
Cette fois-ci, Heero ne répondit rien.
Ils restèrent murés dans un silence buté pendant un long moment. Dans l'obscurité de la pièce seules leurs bruyantes respirations se faisaient entendre.
Au bout d'un certain temps, Duo se lassa de ce mutisme chargé de rancoeur et attrapa le sandwich. Il se fit ensuite un devoir de faire le plus de bruit possible en déchirant l'emballage.
Heero releva la tête pour savoir ce qu'était en train de faire Duo. Il haletalégèrement en voyant Duo arracher un morceau au sandwich et le lui tendre. Il commença à bouger lentement son bras sans mot dire.
— Chappell a dit que tu devais manger, expliqua gentiment Duo, suppliant du regard Heero d'accepter ce qu'il lui offrait.
Jamais le gouffre qui avait remplacé son estomac depuis quelques jours n'avait semblé aussi profond à Heero. Ce fut lui qui, en se crispant douloureusement, poussa le jeune homme à accepter le morceau de sandwich. Il tendit donc une main tremblante vers celle de Duo. Après une légère hésitation, il se saisit de la nourriture et la porta à sa bouche. Bizarrement, ce fut au moment précis où il commençait à manger que Heero réalisa pleinement à quel point il était affamé. Il se dépécha de se redresser et attrapa le reste du sandwich que Duo tenait toujours dans sa main.
Duo éclata de rire.
— Tranquille, mec. Prends-t-on temps. Avale lentement. Ce n'est pas une bonne idée de manger trop vite quand on a jeûné pendant une semaine. Sinon ton estomac va exploser.
Heero releva son regard sur lui, étonné de ces paroles. Il semblait parler d'expérience.
— Tu fais quoi de tes week-ends ? osa demander Duo quand Heero en fut à la moitié du sandwich.
Heero haussa les épaules.
— Tu ne vas quand même pas te contenter de manger ? lança Duo, un peu énervé.
Heero resta silencieux, mais il releva les yeux de son repas, croisant de nouveau le regard de Duo.
— Et pendant les vacances ? Tu fais quoi ?
— Jay m'envoie aux camps, répondit rapidement Heero en mordant dans son sandwich. C'est une sorte d'école estivale . Sauf qu'ils donnent trois repas par jour, là-bas.
Duo sentit son coeur se serrer douloureusement alors qu'il se rappelait son propre émerveillement lorsqu'il avait eu pour la première fois trois repas par jour.Il s'était cru au paradis après avoir passé si longtemps à vivre dans la rue. La nourriture de l'orphelinat n'était pas vraiment terrible, mais c'était toujours mieux que rien. Et, en plus c'était TROIS fois par jour ! C'était très difficile pour lui de se retrouver devant une autre personne, et en particulier celle-là, qui avait vécu le même genre de choses que lui.
— Qui est Jay ? osa-t-il demander, ressentant une pointe de culpabilité en voyant le visage de Heero se crisper à cette question. Tu as prononcé ce nom, tout à l'heure, quand tu voulais partir.
— C'est mon oncle, répondit sobrement Heero.
Il continuait à manger son sandwich tout en essayant d'avaler lentement.
— Oh, souffla Duo, ne sachant pas trop comment s'y prendre. C'est lui qui te bats ? finit-il par demander, décidant d'être direct.
Cette fois-ci, Heero réagit vraiment. Il lâcha son sandwich et baissa les yeux sur son corps meurtri. Il ne répondit pas par l'affirmative, mais il ne dit pas non plus le contraire. De toute façon, cela ne servait à rien de nier l'évidence. C'était tellement visible qu'il aurait fallu être aveugle pour ne rien remarquer. Duo avait donc sa réponse, maintenant, même si, à défaut d'être explicite, elle n'était qu'implicite. Il savait désormais ce qui n'allait pas chez Heero.
— Tu peux demander de l'aide, tu sais, poursuivit-il doucement, choisissant ses mots avec attention.
— Ce ne sont pas tes oignons, répliqua sèchement Heero en lui lançant un regard chargé de colère.
— Ce n'est pas normal ce qu'il te fait subir, insista Duo.
— Ta gueule, c'est clair ! Ta ! Gueule !
— Heero, essaya-t-il encore, tendant la main vers le jeune homme.
Mais Heero le repoussa sans ménagement.
— J'ai pas besoin de ta pitié, tu entends ! Je n'en ai pas besoin !
— Mais Heero, tu ne peux pas...
— Occupe-toi de tes fesses, okay ? Fiche-moi la paix !
— J'essayais seulement de...
— Va te faire mettre !
— Je ne veux pas !
— Jeunes gens !
Les deux garçons se retournèrent d'un bloc vers la porte, là d'où venait la voix. Le vieux concierge se tenait là, appuyé contre le chambranle de la porte.
— Allez, il est temps de partir. Il y a quelqu'un qui t'attend, annonça-t-il en désignant Heero de la tête. Tu devrais te dépêcher, le moteur de la voiture tourne.
Il se retourna ensuite vers Duo.
— Il y a aussi quelqu'un qui t'attends, mon garçon. Et la gonzesse me semble vraiment en colère. Tu ferais mieux de remuer tes fesses.
Duo leva les yeux au ciel en gémissant.
— Seigneur merci, exactement ce dont j'avais besoin maintenant... une Joanna en pétard !
Il imaginait déjà la scène à laquelle il allait avoir droit de retour chez lui. Elle n'était pas prête d'arrêter de le faire chier ! Il n'avait pas remarqué que Heero, qui avait déjà enfilé son sweat, essayait péniblement de tenir debout. Il tituba et Duo le rattrapa juste avant qu'il ne s'effondre sur le sol.
— Allez, viens, je vais t'aider à marcher jusqu'à ta voiture, proposa Duo avec un soupir, aidant Heero à se tenir droit.
Malgré leur dispute, Heero permit à Duo de lui prêter main forte. Il sentit une main se faufiler autour de sa taille pendant qu'il passait un bras autour des épaules de Duo. Il avança ensuite à cloche-pied, soutenu par Duo, jusqu'à ce qu'ils atteignent une grande Lincoln noire. Heero s'arrêta alors et se détacha de Duo.
— Je peux continuer seul à partir d'ici. Merci.
Duo était trop choqué par la vue de la voiture pour réussir à répondre intelligiblement. Aussi, sans un mot de plus, Heero se contenta de s'éloigner en boîtant vers la voiture. Avant de monter dedans, il s'arrêta et se retourna pour regarder Duo, ses yeux bleus chatoyant dans l'obscurité. Puis il ouvrit la portière et grimpa dans l'habitacle.
— Alors pourquoi ne les appelez-vous pas ?
— Le problème, vois-tu, c'est que Heero n'a pas de mutuelle. L'hôpital n'acceptera jamais de le prendre en charge.
— Quoi ! Vous voulez dire que ces enculés refuseraient de l'aider ! Mais il a besoin d'aide ! Vous avez de la merde dans les yeux ou quoi ?
— En premier lieu, il a besoin d'argent, répliqua l'infirmière d'un ton égal.
— Il n'a pas d'argent !
— Nous avons besoin d'appeler son oncle. Lui seul peut prendre soin de lui.
Pas d'argent ! Vraiment ! Et il supposait qu'il avait juste volé cette voiture ! Quelque chose n'allait pas dans cette histoire. Mais alors pas du tout.
— Duo Maxwell, tu ramènes tout de suite ton cul ici ! Et tu m'expliques ce que tu faisais ! cria la voix furieuse de Joanna dans son dos.
Duo déglutit avec difficultés et se força à se retourner pour lui faire face. Cependant, il eut juste le temps de voir, avant de commencer son mouvement, d'apercevoir le conducteur de la Lincoln noire. Dans un éclair, il vit un vieil homme barbu en costard portant des lunettes qui lui donnaient un air très sévère. Ses lèvres remuaient tandis qu'il conduisait et il paraissait très énervé. Mais il ne regardait pas la banquette arrière. S'il l'avait fait, il aurait pu voir ce que Duo vit à ce moment-là : Heero regardant par la fenêtre et faisant un petit signe d'au revoir à l'intention de Duo.
