Il a retourné mille fois les mots de Tousen dans sa tête, sans jamais en effleurer le vrai sens. Comment son capitaine aurait-il pu, en choisissant une autre voie, entraîner une issue pire que ces massacres ?

Non, Tousen s'est trompé, nécessairement. Il s'est fait manipuler par Aizen, comme eux tous. Et pourtant, Shuuhei caresse parfois le minuscule espoir qu'il aie un plan, qu'il puisse faire quelque chose contre Aizen de l'intérieur. Puis il se retrouve à nouveau furieux contre lui-même, il se dit qu'au moins les hommes de la troisième ou de la cinquième arrivent à être lucides, et il se demanderait presque s'il n'a pas été manipulé d'un bout à l'autre par une façade illusoire, lui aussi.

Ce n'est pas possible. Même si c'est ridicule, au fond de lui il ne peut s'empêcher de penser que ce n'est pas pareil. Tousen ne peut pas être quelqu'un de mauvais, n'est-ce pas ? C'est aussi ce que pense le capitaine Komamura. Mais alors pourquoi a-t-il laissé faire tout cela ? Qu'est-ce qu'Aizen a pu lui promettre ? De quoi a-t-il pu le menacer pour qu'il s'allie avec ces monstres, avec les hollows, et avec Aizen et Ichimaru qui ne valent pas mieux ?

Il ne devrait pas se poser ces questions inutiles et sans réponse. Il devrait agir pour atténuer les drames qui vont se produire. Il devrait reprendre en main la neuvième division. Mais il ne peut plus leur parler de paix et de justice, car c'étaient les mots de Tousen, et maintenant, malgré l'espoir qu'il essaie de garder, ce sont les mots d'un traître et ils lui salissent la bouche.

Pourtant, la vérité ne devrait pas dépendre de qui vous l'a vantée ! Mais pour l'instant, qu'on lui laisse juste oublier un peu les discours idéalistes de son capitaine. Une partie de lui en souffre trop, celle qui y croyait, admirait Tousen, et maintenant est perdue dans le doute.

Il ne parlera pas non plus à ses hommes de vengeance et de haine ; malgré le choc de la trahison, ce sont des sentiments qui ne font pas partie de lui. Mais il ne peut pas non plus leur dire ses espoirs, une crainte superstitieuse l'empêche de les partager. Il ne dit rien sur Tousen et se contente, plus froid et détaché que jamais, de transmettre les ordres des chefs.

Au fond, il sait que cela ne suffit pas. Sans capitaine, sans vrai but, sans esprit de groupe, ses idéaux massacrés par une trahison, projetée dans une guerre inévitable, sa division se décompose lentement.

De même que son monde est en train de se décomposer.

C'est honteux de le laisser ne tenir ainsi que par un espoir ténu et dérisoire. Mais il n'y peut rien. Il n'aurait jamais cru, jamais, être aussi dépendant ; mais il a besoin que le capitaine Tousen revienne, s'il veut croire encore, réellement, en la paix et en la justice.

oOo

Je soutiendrai la neuvième division jusqu'au bout, même si mon capitaine est un traître et mon vice-capitaine un objet décoratif !