-Hé, Rude, tu as entendu la nouvelle? 'Lena va être la petite pute de Rufus!
Je lance un des bibelots de mon bureau vers l'idiot de service, mais je le manque de peu.
-J'aimerais bien remplir mon rapport en paix, Reno, fous-moi la paix!
-Tseng m'a dit que Rufus était allé lui annoncer la nouvelle chez elle. Tu t'imagines bien la soirée torride qu'il s'est payé…
-MERDE, RENO, TA GUEULE!
Cette fois, c'est ma tasse de café qui lui passe à un cheveu de la tête.
-Quelle chance il a, ce mec, non? Pouvoir se payer ce corps de rêve… c'est ça quand on a de l'argent, on a toutes les femmes à nos pieds. Hé! Aïe! Ça brûleeeeeeeeeeee! Arrête çaaaaaaaaaaaaaa!
C'est dommage pour lui que je traîne toujours une Matéria de Feu sur moi. Hmpf! Ça lui apprendra à se moquer de moi, à ce fils de pute.
Je quitte le bureau commun à toute vitesse, je m'enfuis dans les couloirs sans regarder derrière moi, sans faire attention où je vais. Je hais Reno et ses idioties, je hais Rude et son silence approbateur, je hais Tseng qui a accepté de me donner cette « mission » idiote, et surtout, surtout, je hais Rufus!
Bang.
Merde.
Rufus. Je viens de faire basculer Rufus, et la pile de dossiers qu'il transportait. Les papiers volent dans les airs, et je tombe à plat ventre sur Rufus, nez à nez avec celui que j'ai actuellement envie de tuer.
Arrête de sourire, gosse de riche.
-Elena! Quelle bonne surprise! Justement celle que je voulais…
-LA FERME, RUFUS!
Ma voix tremble. Non, je ne dois pas pleurer. Pas maintenant… pas devant lui… mais j'en ai déjà assez, tout ce que je voulais, c'était me reposer et reprendre le boulot la conscience tranquille, ces choses-là, ma petite vie déjà assez compliquée de Turk au milieu de ces hommes crasseux…
Je me relève très, très, très rapidement, et je recommence à courir. Maintenant j'ai un but. L'ascenseur. Vite, très vite. Mes talons claquent sur le plancher de tuiles, on se retourne en me voyant, je dois être ridicule à voir. L'ascenseur, par pitié. J'appuie dix fois à la seconde sur le bouton. Je veux descendre de cette tour infernale, je veux regarder Midgar à mes pieds, et rejoindre la ville, tout simplement.
Ding! La porte s'ouvre, et je m'engouffre dans la cage vitrée. Je ferme les portes pour m'assurer que personne ne viendra m'importuner ici, et je…
Pleure.
Bordel, ça faisait longtemps. Pleurer. Je me rappelle à peine comment on fait. Je regarde la ville qui monte vers moi par la vitre ronde, de mes yeux qui me donnent une image floue et sombre de cette mégapole que j'aime tant. Je ne vois plus qu'un monstre sombre prêt à m'attaquer.
OoOoO
-Tu sais que ton comportement de ce matin a failli te coûter ton poste au sein des Turks?
-Parfaitement.
-Heureusement pour toi, Reno ne gardera aucune séquelle de ses brûlures. Il faudra tout de même l'hospitaliser durant quelques jours.
-Je suis navrée, Tseng-san.
-Attaquer un de tes collègues… Je me demande bien ce qui t'est passé par la tête, Elena!
-… il se moquait de moi.
-Il fait ça tous les jours.
-Il a dépassé mes limites.
-Et bien à l'avenir, tu te retiendras, d'accord? De toute façon, tu n'auras plus à le voir aussi souvent, puisque tu seras constamment avec Rufus. Tu seras sa protectrice à partir de ce soir.
-Ce soir? Déjà?
Ma voix faiblit.
-Il a une soirée sur le troisième plateau.
Il me tend une enveloppe.
-Tiens, il me demande de te donner ça.
Je l'ouvre. Un chèque de… 10 000 gils.
-C'est une prime?
-Pas du tout. C'est pour t'acheter une robe convenable.
Je crois que j'ai mal saisi un détail. 10 000 gils… pour me payer une robe?
-Tu vas t'acheter cela ce midi, et tu iras lui montrer le résultat à deux heures.
-Mais…
-Il t'a aussi laissé quelqu'un pour t'aider.
Il appelle, et sa voix me donne des frissons de terreur.
-Jazzie!
Nooooooooooooooooooon……….. Pas la… secrétaire de Rufus…
OoOoO
-Ce qu'il faut savoir de Rufus, c'est que c'est un homme à femmes. Il ne flashera sur toi que si tu portes une tenue vraiment…
-Je n'ai pas envie qu'il flashe sur moi. Tout ce que je veux, c'est le protéger.
Quelle salope, cette fille… et surtout… quelle idiote!
-Mais s'il ne s'intéresse pas à toi, il va te délaisser! Et alors, comment vas-tu le protéger, hein?
-Écoute, Jazzie, tout ce que je veux, c'est être capable de bouger dans cette robe…
Elle teint ses cheveux en roux, et porte des verres de contact qui lui donnent des yeux violets. Le résultat est horrible. Et comment est-elle autorisée à porter de tels décolletés au travail? Il me semblait qu'il existait un code vestimentaire à la Shin-Ra…
Nous marchons dans les rues bondées d'un recoin très chic du deuxième plateau. J'ose à peine regarder les vitrines de peur de devoir payer quelque chose à quelqu'un. Tout est si huppé, si élégant, et surtout… si cher! Et il y a tant de gens qui entrent et qui sortent des boutiques, tant de gens qui ont des sacs et des sacs à la main. Des fortunes s'échangent contre des biens inutiles… Des limousines passent dans la rue et nul ne s'en étonne sauf moi.
-Hé, la grande! On dirait que tu vois ce bout de pays pour la première fois!
-Ben… oui.
-Ah la la… Allez, viens, on va regarder dans cette boutique là…
Par Shiva… Je n'ai jamais rien vu de tel. Des vêtements, partout, partout…
-Mais qu'est-ce que tu as, à la fin?
-Il… il y a trop de choses.
-Mais voyons, 'Lena, il n'y a jamais assez de choses qu'on peut acheter! Tu n'es jamais venue ici, tu n'as jamais mis les pieds dans une boutique à la mode?
-Non. Je ne viens pas des plateaux. Je n'y vis pas, d'ailleurs.
-Chut!
Elle plaque sa main manucurée sur ma bouche. J'ai bien envie de la mordre.
-Il ne faut pas dire ça tout haut, me susurre-t-elle. Tu sais, ici, les gens ont certains… préjugés contre ceux qui vivent dans les profondeurs…
-Je m'en fous royalement, dis-je en enlevant sa main de ma bouche. Tout ce que je veux, c'est une robe dans laquelle je puisse bouger et m'en aller d'ici. Tout ça me pèse royalement sur les nerfs!
Elle me fixe un instant.
-T'es SPM ou quoi?
Je vais la tuer.
OoOoO
Robe : 6600 gils.
Souliers : 1000 gils.
Sac à main : 1100 gils
Petit collier de perles de Costa del Sol : 1300 gils.
Total : 10 000 gils.
-Elena, tu vas être magnifique.
-Ta gueule, Jazzie.
-Et en plus, je t'ai trouvé quelque chose de confortable, tu devrais être contente!
-J'ai dit : ta gueule, Jazzie.
Je n'ai jamais dépensé autant d'argent d'un seul coup de ma vie, et même si ce n'était pas le mien, je me sens horriblement coupable de l'avoir fait. L'argent de la compagnie, l'argent que les gens doivent payer à chaque mois pour leur énergie Mako… je dépense en un seul midi de quoi nourrir une famille entière pour un mois au moins.
-Bon, je te laisse en tête à tête avec lui, chantonne Jazzie en me laissant devant la porte du vice-président.
Je cogne très doucement.
-Qui est-ce?
-… Elena.
-Entre donc, ma chère!
J'ouvre la porte, il me fixe de ses yeux pers. Son sourire prend plutôt l'allure d'une moue déçue.
-Moi qui voulais te voir dans ta robe…
J'ai l'impression que le monde vient de mourir autour de moi, mais je ne comprends pas pourquoi. En fait, c'est plutôt lui que j'aimerais voir mourir…
Non, Elena, tu vas le protéger parce que c'est ton métier, parce que c'est ta mission, et parce que c'est ton supérieur. Tu vas aller à cette soirée avec lui, tu vas enfiler cette robe et ces chaussures hors de prix, et tu vas même le protéger. Tu as toujours voulu te rapprocher des puissants, Elena, tu as toujours aspiré à plus que ce qu'on t'offrait. Voilà ta chance d'aller dans de plus hautes sphères que celles des Turks… c'est une occasion en or qui en se présentera pas deux fois… ne la rate pas!
-Je peux bien aller la mettre si vous le voulez, Rufus-sama.
-Ça me ferait plaisir.
Je sors du bureau du vice-président et je me dirige vers la première toilette que je vois. J'enfile la robe, les souliers, le collier et je reviens dans le bureau.
-… Elena… tu es magnifique.