Chapitre Trois
Angel boutonna son gilet, manipulant soigneusement les boutons de baleine. Le poids des vampires pouvait varier au cours des années, bien que sur une marge étroite, mais il devait avoir eu presque précisément la même carrure quand il avait été maudit que celle qu'il avait maintenant. Ses anciens vêtements lui allaient parfaitement, et Angel était à la fois surpris et presque amusé de réaliser qu'il se souvenait mieux de la coupe de la veste, du tissage de la chemise, que du nom de Lord Dalton, sa victime prévue une nuit auparavant.
D'un autre côté, peut-être que c'était seulement parce qu'il se concentrait si fort sur l'habillement. Angel avait d'autre chose à l'esprit -- sa complicité à la destruction d'un monde, leur échec à comprendre le plan de Drusilla avant qu'il ne soit trop tard, comment ça avait été d'attaquer Wesley une nouvelle fois – et il savait que s'il se laissait s'éterniser sur n'importe lequel de ces sujets, il ne penserait plus à rien d'autre dans un avenir proche. Il avait besoin de rester concentré. Le futur de tout le monde dépendait de ça maintenant.
"Ca ne va tellement pas." dit Cordélia. Angel se retourna pour la voir debout sur le seuil de leurs chambres attenantes, portant une camisole, un corsaire et un corset qui, a en jugé par la manière raide dont elle se tenait, n'était pas très confortable. "Je veux dire, je croyais que les façonneurs de corps de DKNY étaient une punition cruelle et peu commune, mais ça c'est dingue!"
La camisole était aussi modeste qu'un T-shirt sans manche, et le corsaire dépassait les genoux de Cordélia. Angel l'avait vue dans des vêtements qui révélaient bien plus. Et cependant, comme elle se tenait là, elle lui semblait plus nue qu'elle ne l'avait jamais été, et il ne pouvait rien trouver à dire.
Evidemment, réalisa-t-il. Je pense à ceux-ci comme à des vêtements qu'un homme ne voit que s'il est sur le point de faire l'amour à une femme. Donc ça semble être plus révélateur pour moi que ça ne l'est – que ça ne devrait être --
"Terre au Colonel Angel," dit Cordélia, penchant la tête sur le côté. "Tu es l'expert des conseils de torture, pas vrai? Donc tu devrais comprendre ce corset."
Sa voix le ramena au fait actuel avec un sursaut. "Laisse-moi voir," dit-il, lui faisant geste de se tourner. Quand elle le fit, il rit tout bas. "Non, tu ne l'as pas bien fait."
"Je le savais," dit-elle, jetant ses cheveux courts sur son épaule. "Je savais que ça n'était pas censé être si serré."
"Non," dit-il. "C'est censé être beaucoup plus serré. Tu n'as même pas tiré les lacets."
"Tu te fiches de moi?" La bouche de Cordélia était ouverte comme elle le fixait par-dessus son épaule. "Comment est-ce que les femmes en ce temps-là -- maintenant -- respiraient?"
"Elles ne respiraient pas trop bien," dit Angel. "Tu as toujours lu au sujet des femmes Victorienne qui se pâmaient, non? Maintenant tu sais pourquoi."
Cordélia se recula d'un pas de lui. "Peut-être que je devrais trouver un autre look pour cette soirée," dit-elle. "Quand est-ce que le muumuu (un genre de robe Hawaii) est devenu élégant?"
"Je crois que ç'est jamais," dit Angel. "Tu sais, tu n'es pas obligée de t'apprêter maintenant. Fred et Gunn non plus."
"Tu t'habilles," fit remarquer Cordélia. "Soit c'est ça, ou les pyjamas de cette ère sont bien plus formels que je ne l'ai jamais supposé."
"Je dois m'occuper de certaines choses avec le personnel de l'hôtel au rez-de-chaussée," dit Angel. "Après ça, je vais aussi essayer de dormir. On devrait se reposer aujourd'hui si on le peut."
"Je vais dormir," promit-elle. "Je veux juste comprendre ce que je porte, c'est tout." Après un moment, elle dit, un peu plus calmement, "De tout ce à quoi on doit penser – c'est à peu près la seule chose de drôle, tu sais? Tout le reste est si --"
"Je sais," dit-il. Il posa sa main sur son épaule pendant un moment et ajouta, avec bien plus de conviction qu'il n'en avait, "On trouvera une solution, Cordy."
"Tu es un menteur," dit-elle doucement. "Et je t'aime pour ça."
L'estomac d'Angel une bascule bizarre et pas importune, mais le moment fut brisé par l'arrivée de Fred par la porte dans ses sous-vêtements volumineux d'époque. Le spectacle n'eut pas le même effet sur Angel que voir Cordélia avait eu. "Les corsets sont censés être serrant, pas vrai?" dit Fred, fronçant le nez. "Cette chose tombe de moi."
Angel dit, "Tu es plus mince que la plupart des femmes de la bourgeoisie de cette ère, Fred. Tu n'aura probablement pas besoin d'un corset." Il y réfléchi pendant un moment. "Tu peux réellement vouloir du rembourrage. Tu devrais trouver quelque chose dans ces coffres."
"Du rembourrage?" Fred rougit d'une couleur rose brillant.
"Ma nana n'a pas besoin de rembourrage," dit Gunn, suivant Fred par l'embrassure de la porte et l'enlaçant dans le dos. Elle sourit, rassurée, et se blottit contre lui comme il soulevait un bras enfermé dans une manche large. "Ce que je veux savoir c'est, c'est quoi ces saletés de chemises bouffantes? On ne pourrait pas rentrer ces choses dans --"
"Ce sont des chemises de nuit," dit Angel. "Pour dormir."
"Oh," dit Gunn, essayant de draper sa chemise autour de lui plus étroitement. "Tu sais, je dormirais en boxer s'il ne faisait pas si fichtrement froid ici."
Angel regarda sous le lit et en sorti une casserole en laiton avec un couvercle articulé. "Tu peux utiliser ça."
Gunn regarda l'object avec doute. "Pour quoi?"
"C'est un chauffe-lit," dit Angel. Il souleva le couvercle de la casserole en démonstration. "Tu mets des cendres chaudes du feu là-dedans et puis tu le mets entre les draps."
Gunn regarda le chauffe-lit, puis la chemise de nuit qu'il portait. "Donc je peux brûler à mort au lit ET avoir l'air stupide en même temps. Purée, j'aime plus le dix-neuvième à chaque minute."
Angel pensa personnellement qu'il prendrait une chemise de nuit au lieu des Dockers (c'est une marque de vêtements) de Gunn n'importe quel jour de la semaine, mais il décida de ne pas le mentionner. Remettant le chauffe-lit là où il l'avait trouvé, il dit, "Je dirais à un des domestiques d'apporter un plateau de thé et de le laisser à la porte; je pourrais l'apporter quand je remontrai à l'étage."
"Alors qu'est-ce que tu élabores avec le personnel?" dit Cordélia. "Un petit déjeuner continental? Les heures pour un sauna?"
"Il y a certaines choses dont on aura besoin pour ce soir," dit Angel. "Toi et Fred avez des robes de bal, mais Gunn a besoin d'un costume et d'un gilet s'il va se présenter en tant que—c'est quoi déjà?"
"Calife de Madagascar," dirent Fred et Gunn à l'unisson, partageant un autre sourire.
"Je peux te commander ce que je porte," dit Angel à Gunn, "mais je ne crois pas que tu aimeras beaucoup ça."
"Je n'arrive pas à y croire, à voir comme ces redingotes et cravates et tout ça ont l'air stupide ?" dit Gunn, secouant la tête. "Si ces choses sont considérées comme ordinaires, je ne veux même pas savoir ce qui compte comme fantaisie."
"On voudra tout de même gager -- louer – des bijoux pour Fred et Cordy," dit Angel. Les bijoux; naturellement, avaient disparu de la villa; Darla aurait pris ça et laissé le reste. Elle avait toujours aimé les bijoux. "Et Cordélia a besoin d'une perruque."
"Je suis si content que quelqu'un l'ait dit," dit Gunn. Puis il aperçu le regard noir de Cordélia et fit semblant d'être très intéressé par les attaches du corset desserré de Fred.
Quand Cordélia tourna son regard noir sur Angel, il dit, "Ta coiffure n'est pas contemporaine. C'est tout."
"Et la tienne l'est?" Cordélia fit un geste vers sa tête.
"Une fois que je les aurais coiffés en arrière, je n'attirera pas l'attention," dit Angel. "Les gens penseront que c'est bizarre que je n'ai pas de moustache ou une barbe, mais ça n'est pas inouï, et ça n'est pas comme si je ne pouvais rien y faire dans quelques heures. Mais tu peux porter une perruque."
Pendant une seconde, il cru qu'elle allait continué d'argumenter avec lui, mais l'épuisement prit le meilleur d'elle et elle bailla largement. "Très bien, alors. Dis-leur d'envoyer le dîner plus tard, Angel. Je suis plus fatiguée que je n'ai faim. Et vous?"
Fred acquiesça. "Je suis trop fatiguée pour avoir faim tout court."
"C'est la première fois que cette fille n'a pas faim en presque un an," dit Gunn, l'enlaçant encore. "C'est comme ça qu'on sait que c'est sérieux."
"Je le ferai envoyé dans quelques heure," dit Angel. "Ok, il y a quelque chose d'autre dont vous avez besoin dans votre chambre les filles?"
Gunn et Fred échangèrent un regard. "Hum, Angel?" dit Fred. "Charles et moi espérions plus ou moins que, tu sais, on pourrait, hé bien, partager."
Cordélia les balaya de la main. "Allez-y, vous deux," dit-elle avec désinvolture. "Angel et moi, on ira bien. On a déjà pioncé dans le même lit auparavant, pas vrai?"
"Ouais," dit faiblement Angel.
"On vous voit dans quelques heures," dit Gunn, tirant Fred dans ce qui était maintenant leurs chambres. Comme la porte se fermait derrière eux, Angel l'entendit murmurer, "Viens avec moi dans la casbah," et le gloussement de Fred en réponse.
Cordélia roula les yeux, mais elle souriait. "Les jeunes amours. TELLEMENT dégoûtant." Angel pensa que c'était un peu fort venant de quelqu'un qui appelait son petit copain actuel "Grooie," mais il laissa passer. "Je vais dormir, Angel. Sois silencieux au retour, d'accord?"
Ca serait bien plus facile de traiter la perspective de se mettre au lit avec Cordélia si elle était déjà endormie, pensa Angel; si elle ne le remarquait pas, alors peut-être qu'il pourrait prétendre de ne pas la remarquer. Ou du moins la pauvreté de sa simulation n'importerait pas. "Furtif, tu te rappelles?" dit-il, et elle sourit comme elle s'étirait sur le lit, sa tête tombant contre les oreillers.
Cette image mentale particulière resta avec Angel comme il allait au rez-de-chaussée, négociait avec le personnel de l'hôtel et décrivait exactement ce qu'il voulait – ou, du moins, s'en approchait autant qu'il le pouvait avec son Roumain rouillé. Quand ils lui demandèrent quels plats envoyés, Angel fut presque entièrement perdu; il n'avait jamais eu l'habitude de manger de la nourriture humaine en tant que vampire, et les noms des plats Roumains ne signifiaient pas grand-chose pour lui. Il se décida finalement sur ce qui sonnait le plus familier et espéra que ça serait du goût des autres.
Quand il remonta enfin à l'étage, il ouvrit la porte de sa -- leur – chambre aussi calmement qu'il le pouvait. Cordélia était étalée sur le ventre sur le côté éloigné du lit, enveloppée sous d'épaisses couvertures. Elle ne remua même pas dans son sommeil quand il ferma la porte derrière lui. Soulagé, Angel alla dans la petite antichambre et se déshabilla, ôtant ses habits du dix-neuvième siècle de son boxer du vingt et unième siècle, puis enfila une chemise de nuit. C'était bizarre – il n'avait jamais vraiment eu l'habitude de porter quoi que ce soit pour dormir – mais il ne pensait pas que Cordélia serait enthousiasmée de le trouver dormant nu à côté d'elle. Malheureusement.
Il se glissa dans le lit aussi doucement qu'il le pouvait, essayant d'ignorer la chaleur crée par le corps proche de Cordélia. Juste comme il ajustait l'oreiller à son goût et fermait les yeux, sa voix endormie dit, "Angel?"
"Ce n'est que moi," dit-il. "Rendors-toi."
'Mmmph." Cordélia se tourna sur le côté pour lui faire face. "Angel, je peux te demander quelque chose?"
Angel ne savait pas s'il devait se sentir consterné ou – contre toutes attentes – un peu a encouragé. "Tout ce que tu veux."
Cordélia était couchée là, clignant des yeux de façon somnolente, pendant assez longtemps pour qu'Angel se demande si elle était entièrement réveillée, ou si elle allait simplement se redormir dans un petit moment. Mais à la fin, elle dit, "Je ne prétend même pas de savoir à quel point tout ça à été dur pour toi. Je n'étais pas là. Je ne pourrais pas savoir."
"Je vais bien," dit Angel, essayant de l'apaiser jusqu'au sommeil. "Je te le promets."
"Je te crois," répondit-elle. Ses yeux étaient un peu plus alertes maintenant. "C'est justement ça, Angel. Quand tout ce truc avec Drusilla a commencé – tu étais toujours sur les nerfs. Ne le nie pas."
"Je ne le ferais pas."
"Toutes ces choses que tu as dis, sur comme tu étais fatigué. Comme tu ne croyais pas que tu pourrais supporté de tout recommencer – Je détestais t'entendre parler comme ça, mais je comprenais. Je comprenais vraiment." Cordélia se redressa sur un bras. "Voilà ce que je ne comprends pas. Quand on a tout recommencé, ça t'a fait aller mieux. Je ne veux pas dire tout mieux; je sais que ça fait encore mal."
Angel avait oublié comme sa voix pouvait être douce quand elle le voulait. "Evidemment," dit-il.
"Mais – tu vas mieux, n'est-ce pas?" Quand il acquiesça, elle dit, "Pourquoi?"
Il regarda le plafond – moulé dans du fer-blanc, couvert d'une peinture bleu ciel qui était probablement du fil pur. Il pesa soigneusement sa réponse avant qu'il ne parle. "Tu te souviens de ce que je t'ai dit au sujet du sort que la vieille bohémienne a essayé de me lancer?"
"Tu veux dire – celui où elle a essayé de prendre tous tes souvenirs? Oui."
"Pas tous mes souvenirs," dit Angel. "Mes souvenirs de Connor. Elle allait me les voler, et quand j'ai réalisé ça -- Cordy, j'ai réalisé que c'est tout ce que j'ai de lui, maintenant. Ces souvenirs sont la seule façon qu'il me reste pour être avec lui. Et je savais que je ne voudrais jamais les perdre, peu importe à quel point ça fait mal de se souvenir. C'est tout ce que j'ai." Les doigts de Cordélia caressèrent sa main, et il la regarda. "Connor a perdu la vie, je suppose. Je ne saurais jamais quand ou comment. Mais il – il avait cinq mois. Cinq mois où on a pris soin de lui et où on l'a aimé. Ca n'est pas beaucoup, mais c'est ce qu'il a eu. Mon fils mérite ces cinq mois. Si toutes les autres satanées choses qui me sont arrivées, sont arrivées pour qu'il puisse les avoir, alors – ça en vaut la peine. Tout ça en vaut la peine.
Cordélia serra fort sa main. "On va arranger ça, Angel," dit-elle, sa voix rauque. "On va stopper Dru. On va fait que ça arrive encore."
"On le fera," dit Angel. Il se souvint de Rome en ruines, du feu bondissant jusqu'au ciel, l'épave brisée du corps de Wesley Wyndham-Price. "On le doit."
Autrement, le coût du sauvetage du monde pourrait être la propre vie Angel – ce qu'il pouvait abandonner – et celle de Connor – ce qui serait tellement plus dur --
Il roula sur le côté, loin de Cordélia, pas pour la rejeter autant que pour se tourner vers lui-même. Elle ne dit rien, mais après un moment il sentit ses doigts dans ses cheveux, l'apaisant gentiment jusqu'au sommeil.
C'était une mesure de son épuisement que ça marcha.
Angélus n'avait pas dormi depuis -- combien de temps est-ce que ça faisait? Des semaines, des mois, des années? Il avait perdu la notion du temps. Mais la minuscule partie de son esprit qui se cramponnait toujours obstinément à la santé mentale soutenait que le soleil avait resplendit deux fois à travers la seule fenêtre de la grange depuis qu'il avait trébuché à l'intérieur, cherchant aveuglément un abri avant l'aube. Deux lever du soleil, et le soleil ne s'était pas encore couché une deuxième fois. Moins de deux jours étaient passés. Deux jours qui auraient très bien pu être une éternité.
("Je mourrais maintenant," avait murmuré l'homme, la main tendue vers le corps de sa femme. "Je chercherais la mort, de sorte qu'elle ne devra pas être seule un moment de plus au paradis." Des asticots étaient sortis de sous le voile nuptiale; la joyeuse plaisanterie d'Angélus avait été de montrer aux jeunes amoureux comme la chair était transitoire. Mais le jeune marié avait continué de professer son amour même quand Angélus l'avait forcé à regarder son épouse pourrir devant lui au cours des semaines, et maintenant la plaisanterie était devenue lassante. Il avait brisé le cou du jeune marié et fermé la porte de la cave derrière lui comme il partait, mais l'homme avait été souriant alors qu'il mourrait et Angélus n'avait pas compris jusqu'à ce moment pourquoi, ou compris l'étendue de sa défaite.)
("Montrez de la pitié, monsieur," avait supplié la fille. Elle avait été fraîche et légère, et il l'avait coincée à terre facilement. "Pour l'amour de Dieu, montrez de la pitié." Il avait répondu qu'il n'avait pas d'amour pour Dieu, mais qu'il lui montrerait de l'amour d'un genre différent, qui la ferait saigner. Maintenant il la sentait encore sous lui, cependant, d'une façon ou d'une autre, tout souvenir de plaisir dans l'acte était éclipsé par le regard dans ses yeux comme elle implorait pour sa dignité, sa vertu et finalement sa vie. Il n'avait même pas fait de pause.)
("Tu n'es pas mon fils," avait dit sa mère. Ses articulations avaient été blanches comme elle avait serré le chapelet; un geste inutile, aucun saint ne pourrait la sauvé maintenant. Il avait cillé à cause de cette vue, mais ça n'avait pas pu le faire se détourner. "Tu n'es pas mon fils," avait dit sa mère avec des yeux brillants, pleins de tristesse, "mon fils avait une bonne âme." Il lui avait rit au nez et l'avait vidée de son sang, mais maintenant ses mots ressemblaient à des aiguilles chaudes sous sa peau: Mon fils avait une bonne âme.)
Angélus frissonna et clapa ses mains sur ses oreilles pour essayer d'étouffer la clameur des voix qui menaçait de l'assourdir avec leurs cris et supplications. Ils ne devenaient que plus bruyants. Il ferma les yeux, mais les visages qui flottaient devant lui ne devinrent que plus vivants. Il se tordit et haleta sur le sol de la grange comme un homme se noyant, englouti par une marée croissante de révulsion et de culpabilité. Une fois, il avait regagné assez de sens pour voir qu'il avait déchiré sa chemise et lacéré son visage, son torse, ses mains, ses ongles laissant des marques profondes dans sa peau, comme s'il pouvait arraché l'âme à main nue. Il entendit hurler, et ce ne fut que des heures plus tard que la douleur écorchée dans sa gorge lui fit finalement réaliser que les cris étaient les siens.
Et quand sa force fut dépensée et sa voix réduite à un coassement, la parade d'horreurs dans son esprit avait à peine commencé.
Il devait y avoir un moyen d'arrêter ça.
Angélus leva les yeux et vit le large rayon de soleil qui était incliné à travers l'unique haute fenêtre de la grange, et réalisa qu'il y en avait un.
Lentement, délibérément, il commença à bouger vers la lumière. Il était faible, épuisé par les tortures physiques et mentales des derniers jours, et il n'avait pas la force de se lever. Donc il rampa à moitié, se porta à moitié vers le rayon de soleil, sentant sa peau piquer avec chaque centimètre de plus qu'il faisait.
A la fin, il se coucha à côté de la piscine de lumière de soleil. S'il restait là assez longtemps, le mouvement du soleil le réclamerait de son propre accord. Ou, s'il choisissait, il pouvait simplement rouler dedans tout de suite. Il resta immobile comme il contemplait les deux possibilités, sentant une sorte de soulagement que les voix se tairaient bientôt. Au-dessus de lui, des particules de poussière de foin luisaient comme elles traçaient paresseusement un chemin au hasard dans l'air. C'était un spectacle ordinaire qu'Angélus n'avait jamais consciemment remarqué auparavant, cependant soudainement il trouvait cela extraordinairement magnifique.
(Je suis un ange!" avait rit sa sœur. Elle avait dansé dans la lumière du soleil sous la fenêtre de la grange, tandis qu'il s'était couché sur le foin doux, nouvellement coupé et avait applaudit ses efforts. Sa foi avait été la simple croyance d'un enfant; elle avait cru que chaque rayon de soleil était une âme montant au paradis, les ailes des anges concernés. Elle l'avait aimé sans réserve ou condition, et le cadeau qu'il lui avait donné en retour avait été la mort.)
Chaque rayon de soleil une âme monte --
Le rayon de soleil se déplaça une fraction plus près de lui, et il sentit le bout de ses doigts commencer à brûler. Avec la douleur vint une émotion qu'Angélus n'avait pas connue en 150 ans – la peur.
Une créature avec une âme était une créature qui pouvait être jugée. Et le brûlage qui suivrait ne durerait pas des secondes, mais toute l'éternité.
Il ôta sa main de la lumière et retourna péniblement dans les ombres. Comme il se recroquevillait là, l'horreur intégrale de sa situation commença à se faire comprendre. Il n'y avait pas de choix qu'il puisse faire pour finir son tourment, pas de délivrance possible pour sa sentence. Il souffrirait pour toujours.
Pour toujours.
A moins que --
Darla le sauverait. Elle l'avait fait une fois; elle pourrait le refaire, le restaurer, le recréer. Et il serait reconnaissant, si reconnaissant, si seulement elle venait ici et faisait arrêter ça, faire tout ça partir --
("Ils t'ont donné une âme," avait dit Darla. Elle avait posé sa main sur sa joue, le bout de ses doigts doux contre sa peau. Puis ses ongles étaient devenus des serres comme elle griffait son mépris sur son visage. "Une âme immonde!" avait-elle craché. "Tu es dégoûtant!")
Il leva une main à sa joue, et toucha la griffure cicatrisante mais toujours fraîche. "Aide-moi," murmura-t-il. "Pitié aide-moi."
A la porte de la grange, quelque chose bougea. De la terreur le saisit, et il se poussa dans le coin le plus sombre, se blottissant comme un animal effrayé. Une forme humaine s'approcha de lui, mais Angélus était à moitié aveuglé par le soleil et il ne pouvait pas voir son visage.
La terreur de devint de l'espoir sauvage. Darla. Ca devait être Darla. Elle était venue pour lui, et maintenant tout s'arrangerait.
"Je suis désolé," dit-il, tendant ses bras vers elle. "Je suis désolé. Pardonne-moi. Je suis désolé --"
A cet instant, il vit que ça n'était pas du tout Darla -- juste un enfant, un enfant paysan, le fixant avec des yeux sombres, accusateurs. Abruptement, l'enfant se tourna et commença à partir. Désespérément, Angélus tituba vers l'avant, se cramponnant à ses pieds, mais il était faible et ne réussi qu'à s'étaler sur le sol. Quand il leva la tête, la grange était fermée.
"Aide-moi," dit-il encore, mais il n'y avait personne pour l'entendre.
Charles sourit à Fred. "Peu importe à quoi ressemble ta robe, je ne crois pas que tu puisses avoir l'air plus parfaite que tu ne l'es maintenant."
Fred – du côté éloigné de leur chambre, se versant de l'eau d'une cruche – rougit un petit peu. Etre nue devant Charles était encore une expérience très nouvelle: un peu embarrassant, mais plus agréable. Encore mieux était Charles étant nu devant elle; il était vautré sur le lit, plus relaxé qu'elle ne l'avait vu depuis que cette folie de voyage dans le temps avait commencé. "Merci," dit Fred, baissant la tête. "Mais je ne crois pas que ce soit une tenue de cérémonie appropriée en 1898."
"Tu pourrais probablement t'en tirer au MTV Vidéo Awards," dit Gunn. Il croisa les bras derrière sa tête comme elle revenait s'asseoir au pied du lit. "Dommage. Ces gars du vieux temps ne savent pas ce qu'ils ratent."
"Non," dit Fred. Puis elle commença à retourner la phrase dans sa tête. "Il y a tellement qu'ils ne savent pas, tellement qu'ils sont sur le point de découvrir. Les plus grosses révolutions dans l'étude de la physique – elles ne sont qu'à quelques années." Ses lèvres commencèrent à ses tirer en un sourire. "Charles, Einstein est là dehors. Il est en vie, à cette minute même! Il n'est même pas si loin. Il est -- oh, je ne sais pas quel âge il a, mais il est probablement un élève décevant en ce moment. Marie Curie. Niels Bohr. Ils sont tous là dehors, sur le point de faire tant de découvertes stupéfiantes. Et ils ne le savent même pas encore."
Elle se tortilla de bonheur et rayonna vers Charles. Il ne sembla pas partager son enthousiasme; il lui souriait, mais un peu tristement. "Est-ce que c'est ça que tu vas faire?" demanda Charles, sa voix à peine plus qu'un murmure. "Si on reste coincé ici? Aller voir Marie Curie?"
Fred secoua la tête. "Marie Curie va travailler avec du radium. Merci mais non merci." Puis elle se rendit compte de ce que Gunn avait dit et comment il l'avait dit. "Tu es inquiet que nous restions coincés ici."
"Evidemment que je le suis," dit Charles. Il remua avec gêne le dessus-de-lit. "Je sais que je rouspète à propos de l'agence, et qu'on n'a pas d'argent, et que l'Hypérion est une vieille grange pleine de courants d'air, mais – tu sais que j'aime être là, pas vrai? C'est le meilleur que j'ais jamais eu de toute ma vie, travailler avec vous. Etre avec toi."
Doucement, Fred caressa sa joue avec sa main. "Quoi qu'il arrive – tu m'auras toujours."
Le sourire se fana du visage de Charles. "Où est-ce que ça sera? Un endroit en 1898 où une fille comme toi et un gars comme moi peuvent être ensemble? J'en trouve pas un."
Fred hésita. Elle n'y avait pas pensé auparavant.
Charles continua, "J'ai du mal à penser à un endroit où je pourrais travailler et qui ne me donnerait pas envie de tuer quelqu'un, ou moi-même. Cette comédie du Calife est bien, mais il faut voir la vérité en face: On n'a pas l'argent pour continuer longtemps. Les options de carrière pour des gars comme moi durant ce siècle? Le métayage et être un bagagiste de Pullman. Je suppose que je pourrais essayer l'Afrique, mais ça signifie que je devrais survivre à un zillion de guerres civiles. Qu'est-ce que tu as dit? Merci mais non merci."
"Il y a des endroits en Amérique qui ne seraient pas si mal," protesta Fred. "Il y a des gens qui essaient de faire une différence. Tu pourrais aider. NOUS pourrions aider."
"Quoi? Copiner avec George Washington Carver? L'aider à trouver quelle substance on peut faire à partir de cacahuètes? Je ne crois pas que je serais très bon pour ça, tu comprends ce que je dis?" Charles cogna la tête du lit, ses lèvres pressées en une fine ligne.
Ils restèrent assis en silence pendant un moment. Puis Charles dit, "Ok. Du beurre de cacahuètes. Je pourrais probablement suggérer celui-là."
Contre sa volonté, Fred sourit. Charles sourit en retour. Puis ils se mirent tous les deux à rire et ne pouvaient pas s'arrêter. Fred gloussait de façon impuissante comme elle se terrait plus profondément dans ses bras. C'était tragique et terrible d'être coincé dans une époque qui ne reconnaîtrait pas qui était Charles, tout ce qu'il avait à offrir. Mais c'était aussi simplement si incroyablement -- stupide. Si stupide qu'on pouvait même rire de l'idée.
C'était stupide, mais c'était également réel. Et c'était là où ils étaient, en ce moment même, avec uniquement un espoir incertain de retourner là où était leur place dans un avenir proche, ou jamais.
Quand ils furent silencieux, entrelacés sur le lit, elle dit, "On pensera à quelque chose. Je ne sais pas encore quoi. Mais tu ne seras pas seul. On sera tous avec toi." Elle l'embrassa, juste sur la clavicule, avant de chuchoter, "Je serai avec toi."
"Ca signifie beaucoup," dit Charles, lui caressant les cheveux. "Mais tu sais ce qui signifierait encore plus? Ne pas rester coincé dans le passé en premier lieu."
"C'est définitivement le Plan A," approuva Fred. Mais elle ne pouvait plus éviter de voir leurs autres futurs, tous emmêlés dans le passé.
Cordélia réalisa, avec un sursaut, que le synthétique n'avait pas encore été inventé durant l'année 1898. Ce qui signifiait que les cheveux de la perruque qu'elle ajustait actuellement sur sa tête devaient avoir appartenus autrefois à quelqu'un d'autre. Probablement récemment.
A qui étaient ces cheveux? Pensa-t-elle. Est-ce qu'ils les avaient, genre, abandonné volontairement? Etaient-ils des cheveux de bandits? Est-ce qu'ils avaient été lavés? Ca pouvait être les cheveux d'une méchante personne.
Elle regarda son reflet un plus long moment, puis se relaxa. Oh, hé bien. Elle n'allait argumenter avec le résulta.
Au lieu des courts cheveux blonds auxquels elle ne s'était pas tout à fait accoutumée, Cordélia avait maintenant de longs cheveux sombres remontés en une progression élaborée de boucles. Le style semblait vraiment chargé au-dessus d'elle, mais Angel avait juré que c'était la mode. Qu'est-ce que c'étaient ces vieux dessins? Des filles Gibson? Elle étudia son visage dans le miroir et décida qu'elle aimait l'effet. "Je viens de réaliser que j'aime les gros cheveux," dit-elle à Fred, qui était assise à côté d'elle à la coiffeuse. "Si j'accepte jamais un autre élément de années 80 rétro, pitié, tire-moi une balle."
"J'aime plutôt bien le chauffe-jambe," confessa Fred. "Et j'avais l'habitude de penser que les couleurs à l'époque étaient trop lumineuse, mais là maintenant, elles n'ont pas l'air si mal."
Cordélia roula les yeux. "Sans blague." La robe de Fred pour la soirée était un magenta brillant, et la sienne était une couleur entre jaune et orange. Elevant sa voix pour porter dans l'autre pièce, elle appela, "Qu'est-ce qu'il y a avec ces gens? Est-ce que le monde vient de changer du noir-et-blanc, genre, l'année dernière?"
La voix d'Angel flotta en retour, "D'une façon, oui. Ils viennent juste de perfectionner les teintures anilines. Les gens aiment le nouvel effet. De plus, l'éclairage n'est habituellement pas aussi lumineux que celui auquel vous êtes habituée. Vos robes auront l'air mieux dans la salle de bal."
"Tu promets?" dit Fred. Cordélia entendit Angel rire.
"Vous avez une broche ou quelque chose?" dit Gunn de sa place dans le coin. Il portait un costume du soir noir, autour duquel il avait épinglé la draperie bleue en velours comme une sorte de toge-écharpe, un essai pour avoir l'air oriental. En ce moment, il luttait, avec un succès limité, pour créer quelque chose qui pourrait être un turban. "Ce truc ne veut pas rester plié."
"Laisse-moi travaillé là-dessus," dit Fred, se levant pour l'aider. "Tu crois qu'on pourrais épingler une plume sur le devant?"
Alors que Fred commença à s'occuper de la toge improvisée de Gunn, Cordélia mit ses boucles d'oreilles. Elle grimaça comme elle les vissait en place; elles étaient lourdes, et elles n'étaient pas faites pour de oreilles percées, ce qui signifiait que ça donnerait l'air qu'elles allaient étirer ses oreilles jusqu'à ses genoux avant que la soirée ne soit finie. Elles étaient jolies, cependant -- élaborée et étincelante, BIEN trop pour ses critères à elle, mais manifestement exactes pour la perruque et la robe.
Elle étudia son reflet pendant un moment. La robe avait un décolleté plus profond que ce que à quoi elle s'était attendue; est-ce que ces gens n'étaient pas censés être prudes? Les manches bouffantes étaient extrêmement -- extrêmes. Mais aussi extravagant qu'était tout ça, Cordélia aimait bien. Le style était quelque chose qu'on pouvait sentir, du moins si on grandissait en faisant des sauts à Milan pour faire du shopping. Les coupes et les couleurs changeaient, mais ce sens que tout marchait simplement.
Elle lança un regard sur le côté et fronça le nez; on pouvait également sentir que les choses ne marchaient pas du tout.
"Je ressemble à un gland de rideau," se plaignit Fred. Elle tira sur la dentelle dorée à sa gorge; sa jupe large et les ondulations à son décolleté engloutissaient sa petite carrure. Au moins ses cheveux étaient jolis; ils avaient fait qu'ils ressemblent approximativement à ceux de la perruque de Cordélia. "Comment se fait-il que la maigrichonne doit être celle sans goût?"
"Ca n'est pas si mal," mentit Cordélia. "Tu seras -- hum – très visible dans le noir. Hey, la dentelle dorée marche peut-être comme réflecteur ou quelque chose. Comme sur un vélo."
"Nous sommes quelques décennies avant les phares," dit Fred d'un air maussade. Elle retourna travailler sur le turban-en-cours de Gunn.
"Tu es magnifique dans n'importe quoi, Fred. Et, du bon côté – au moins tu ne ressembles pas à l'un de ces champignons dans Fantasia," dit Gunn. "Hey, Angel! Viens ici dans ta tenue de fantaisie à l'eau de rose. J'apprécierais avoir quelque chose de quoi me moquer à part de moi-même."
Angel avança dans la pièce, portant ses vêtements pour la soirée. Cordélia sentit un énorme sourire se plaquer sur son visage. Gunn eut l'air totalement indigné.
"C'est la nouvelle mode Américaine," expliqua Angel. "Ils l'appellent le smoking. Je pense que ça pourrait avoir du succès."
Son visage était sérieux, mais il y avait de l'humour dans ses yeux que Cordélia reconnu et accueilli avec soulagement. Il n'avait pas juste essayé de la rassurer quand il lui avait dit qu'il avait une raison de continuer à avancer; il avait dit la vérité. Angel allait vraiment bien allé.
"Tu as l'air super," dit-elle. "Très élégant."
C'était un compliment assez simple, mais Angel sembla apprécier. Cet homme est un tel idiot à propos des vêtements, pensa Cordélia. Pas étonnant qu'on s'entende bien. Il redressa le noeud de sa cravate, et elle se leva et pirouetta pour son inspection. Quand elle croisa à nouveau le regard d'Angel, il lui souriait chaudement. "Ce siècle te va à merveille," dit-il doucement.
"Je suis plutôt sceptique pour les manches bouffantes," dit Cordélia. "Mais j'adore les boucles d'oreilles. Très bling-bling." Comme elle s'y était attendue, le visage d'Angel se troubla avec confusion; le monde d'Angel et le monde du bling-bling ne se mélangeaient pas.
"J'aurais pu avoir un smoking?" dit Gunn. "Angel, tu as de très gros ennuis. Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu te procurais un smoking?"
Angel fronça les sourcils. "Quand on a été au ballet, tu t'es plains de ton smoking toute la soirée. J'ai pensé que tu n'en voudrais pas un."
Gunn souleva le velours bleu. "Tu as pensé que je préférais porter des rideaux?" Angel haussa les épaules.
Fred dit de façon apaisante, "Penses-y, Charles. Tu ne devras porter le turban qu'une fois, mais tu pourras raconter l'histoire pour toujours."
"Je ne raconterai rien de tout ceci à qui que ce soit," dit Gunn, épinglant en place un turban enfin moyennement compétent. "Et vous non plus. On est clair là-dessus?"
"Concoctons simplement un plan de jeu," dit Cordélia. Elle prit une autre gorgée de la liqueur douce et collante qu'Angel avait commandée, se résolvant à ne plus jamais boire de l'eau-de-vie à la prune. "Tout d'abord, prenons le pire scénario. Combien de temps on donne à ta famille de vampires pour qu'ils se montrent? Dix minutes? Deux heures?"
"Plus deux heures," dit Angel, redevenant instantanément sérieux. "Pas beaucoup plus que ça – mais après deux heures, on devra s'inquiéter."
"Darla aimait être en retard pour être à la mode?" supposa Cordélia.
Il eut l'air un peu mal à l'aise comme il secouait la tête. "On ne savait juste pas quand elle déciderait de tuer quelqu'un en chemin."
"Donc, s'ils ne se pointent pas, qu'est-ce qu'on fait ensuite?" demanda Gunn. "On commence à fouiller Sighisoara? Tu pourras peut-être utiliser ton radar pour vamp --"
"Ca sera plus dur à faire ici," dit Angel. "La Roumanie grouille de vampires, particulièrement durant cette ère. Je saurais tout de même savoir si un des vampires de ma lignée était très proche, mais ça va être plus difficile de les désigner hors de cette foule."
Cordélia n'aimait le son de ça, mais d'un autre côté, ça faisait un moment qu'elle n'avait plus aimé le son de tout ceci. "Ca veut dire – tu veux qu'on aille voir les bohémiens? Ca ne va pas marcher, Angel. ON a peut-être accepté qu'ils doivent mourir pour le plus grand bien du futur, mais je suppose qu'ils ne le verront peut-être pas de cette façon. Particulièrement venant de toi."
"Je réalise ça," répondit Angel. "On devra juste les surveiller. Attendre que Darla et Spike et Dru fassent leur démarche. Ensuite – on devra reprendre de là."
Fred baissa la tête. "Tu veux dire qu'il se pourrait qu'on doive tuer les bohémiens nous-même?"
Ils furent tous silencieux pendant un moment. Angel dit finalement, "Je n'en sais rien. La chose important est de s'assurer qu'ils ne suppriment pas la malédiction. Nous devrons peut-être juste être capable de tuer Drusilla et Spike."
Cordélia remarqua qu'il n'avait pas dit Darla.
"Bien, alors, regardons les choses d'un bon côté," dit résolument Fred. "S'ils se montrent, nous tuons simplement Drusilla, n'est-ce pas? Poof!"
"Mais ça changera le futur aussi," protesta Gunn. "Je ne dis pas que Dru a fait un grand bien au monde après ça, mais elle a fait quelque chose. Et on sait tous maintenant comme il est facile de foutre les choses en l'air."
Cordélia secoua la tête. "Mais le monde n'a pas changé tant que ça, vraiment – sans compter ce qu'Angélus a fait avec le Juge. C'est un gros 'sans compter,' mais sérieusement. Vous vous souvenez de toutes ces choses que Fred disait au musée, à propos de Picasso et Warhol et tout ça? Je veux dire, à partir de ce moment, nous n'allons pas nous en sortir sans changer l'histoire. C'est juste -- fait. On ne peut que choisir le moindre des nonante jillions de méchants, et tuer Dru semble être ça."
Fred acquiesça. "Le dommage sur la ligne du temps est fait, Charles. A partir de ce moment, nous ne pouvons que le minimiser."
"Je veux juste m'assurer que le dommage qu'on fait ne nous laissera pas coincé ici," dit Gunn.
"On ne tue pas Drusilla à moins qu'on y soit forcé," dit Angel. "On ne fait rien à moins qu'on y soit forcé." Sa voix était étonnamment ferme, et Cordélia le fixa.
"Je suppose qu'on verra ce qui se passera quand on y sera," dit Gunn. "Maintenant tout ce qu'on fait est passé deux heures d'un bal du 19ème siècle."
Fred dit, "Je suppose qu'un bal signifie danser. Je sais comment faire la valse, et quelques quadrilles écossaises – j'ai dû faire un sortie au lycée. Ma grand-mère a insisté." Quand les yeux de Gunn' s'écarquillèrent, elle ajouta, "Ca signifie que j'étais débutante." Il soupira de soulagement.
"J'ai fait tout le circuit deb aussi," dit Cordélia. "Donc, on est d'accord pour les danses, non?"
"Probablement," dit Angel. "Mais il y a beaucoup que vous devez savoir – par exemple, vous vous tenez mal. Vous devez être un peu moins libre avec votre langage corporel. Plus contrôlée, plus formelle."
Cordélia se redressa un peu plus droite; suffisamment pour que les baleines du corset lui entre un peu moins inconfortablement dans la peau. "Plus formelle. Compris."
Fred dit, "Est-ce qu'il y aura quelque chose à pour manger? Pas que ces, euh, saucisses bizarres n'étaient pas simplement super, mais – vous me connaissez moi et mon estomac. Trop n'est jamais assez."
"Ne dit pas ça," dit Angel. "Se référer à n'importe quelle partie de votre corps, sauf peut-être vos mains ou votre tête – ça serait incroyablement grossier. Il va y avoir des gens au rez-de-chaussée qui seraient consternés que tu ais dit le mot estomac en public."
"Tu DOIS te ficher de nous," dit Cordélia. Quand Angel ne fendit pas un sourire, elle commença à devenir encore plus inquiète. "Donc, jurer est complètement hors de question --"
"Complètement," dit Angel. "Gunn ou moi pourrions nous en tirer si nous parlions à un autre homme. Mais pas toi ou Fred. Vous deux avez besoin de savoir comment tenir vos éventails --"
"Il y a une mauvaise façon de tenir un éventail?" dit Fred.
"Les tenir de façon différente signifie des choses différentes," dit Angel. "Vous ne voulez pas offenser ou encourager les mauvaises personnes par mégarde. Gardez toujours vos gants sur vous. Si quelqu'un vous envoi une fleur, montrez-la moi. Elles ont toutes une signification; ça serait un message, pas un cadeau."
Ils commencèrent leur cours d'instruction sur les méthodes et les manières de la fin du 19ème siècle, et Cordélia écouta attentivement. Mais sous son attention était une sorte d'étonnement et de malaise. Elle était si accoutumée de penser à Angel comme celui qui était perpétuellement un peu hors du coup; maintenant c'était son rôle à elle. Il avait dû lui montrer comment allumer les lampes, ce qu'il fallait utiliser pour se brosser les dents, même comment porter ses sous-vêtements.
Elle plaça une main sur son abdomen, sentit le corset de confinement sous sa robe de bal. S'ils ne pouvaient pas retourné dans leur futur – s'ils restaient coincés dans cette ère, d'une façon ou d'une autre – ça serait comme ça pour toujours. Toujours être quelques pas derrière, toujours compter sur Angel pour les remettre sur le bon chemin. Des contraintes invisibles les maintenant à un endroit difficile. Cordélia n'était pas sure qu'elle pourrait le supporter. Est-ce que c'est comme ça pour Angel? se demanda-t-elle. Est-ce que le présent est aussi bizarre pour lui que le passé l'est pour nous?
Non, décida-t-elle. Rien n'est aussi bizarre que ce sous-vêtement.
Finalement, comme ils se levaient pour partir, Gunn – qui avait pris sa place devant eux, seyant une règle étrangère, dit, "Qu'est-ce que vous savez sur Madagascar?"
Cordélia regarda les autres, qui la regardèrent en retour d'un air assez déconcerté. Angel dit finalement, "Euh, c'est une île sur la côte Est de l'Afrique."
"Ouais, j'en savais autant," dit Gunn. "J'ai regardé Carmen Sandiego comme tout le monde. Mais je ne peux pas faire deux heures de conversation rien que sur ça. Quoi d'autre?"
"Ils ont des lémuriens là-bas," dit Fred. "Ce sont les primates les plus petits et primitifs."
"Lémuriens. Pigé." Gunn frappa ses mains ensemble. "Quoi d'autre?"
Tout le monde fut silencieux pendant un autre moment. Cordélia se rappela d'une excursion qu'elle avait faite au Zoo de San Diego. "Certains lémuriens ont des queues baguées?"
Gunn grogna. "Ca va être une longue nuit."
C'était un bon jour pour être vivant. Ou, dans le cas de Spike, un bon jour pour être mort.
Biensûr, le soleil était haut dans le ciel clair d'hivers, ce qui était difficilement les conditions idéales pour un vampire pour faire une ballade, mais l'irritation que Spike aurait pu ressentir au sujet de la nécessité de se baisser entre les zones d'ombres dans la forêt était plus que contrebalancée par sa bonne humeur. Angélus était parti – probablement à cause d'une dispute avec Darla, étant donné sa réticence au sujet de son départ soudain. Il serait probablement bientôt de retour – ces deux-là aimaient trop se réconcilier pour rester séparés longtemps – mais durant son absence Drusilla consacrait son entière attention à Spike, et Darla avait soudainement décidé de les laisser s'amuser pour une fois. En ce qui concernait Spike, le plus longtemps Angélus boudait quelque part bien loin d'eux, le mieux c'était.
Si seulement le soleil se dépêchait de se coucher, le jour serait parfait. En d'autres mots, la nuit.
Spike fit son chemin à travers la forêt, suivant un sentier qui aurait eu l'air fantasque pour des observateurs, jusqu'à ce qu'ils réalisent qu'il utilisait les ombres comme un chemin de pierres dans une mare de soleil. Il se dirigeait vers un endroit entre la forêt et la route principale de Sighisoara que ses enquêtes dans la ville avaient indiquées, était souvent utilisé comme campement par les bohémiens. 'Enquêtes' n'était pas exactement le bon mot pour avoir saisi des étrangers dans la rue et les avoir terrifiés jusqu'à ce qu'ils lui disent ce qu'il voulait savoir, mais Spike n'avait jamais privilégié les méthodes subtiles. De plus, ça avait marché.
Soudainement il s'arrêta, pénétrant dans les ombres avec une fluidité exercée. Quelque chose était différent dans l'air autour de lui : presque imperceptiblement, ça bourdonnait, un groupe vibratoire par un battement de cœur. Un battement de cœur qui était très proche. Proie.
Spike sourit pour lui-même. Son bon jour venait de devenir encore meilleur.
Le soleil commençait à se coucher, remplissant la forêt avec une obscurité agréable qui était plus convenue aux sens de Spike et à son but. Il se déplaça plus rapidement maintenant, moins inhibé par les plaques craintives de soleil. Le battement de cœur était plus fort dans es oreilles maintenant, mais son rythme était aussi régulier qu'il l'avait été quand il l'avait entendu en premier lieu. Le stupide idiot n'avait aucune idée qu'il était chassé.
C'était plus amusant quand ils le savaient.
Délibérément, Spike marcha sur une branche tombée, la brisant bruyamment en deux.
Le battement de cœur commença soudainement à s'accélérer.
C'était mieux comme ça.
Devant lui, Spike vit un jeune homme courir à travers la forêt, ralenti par les branches basses qu'il ne pouvait pas voir mais que Spike pouvait. La traînée qu'il laissait était marquée aussi clairement par le parfum enivrant de la peur que par la végétation dérangée.
Spike se mit à courir, égalant facilement et puis dépassant le pas de son gibier. Le martèlement du battement de cœur était un tambour dans sa tête maintenant, le pressant, le remplissant avec une montée de force qui n'avait jamais omit de l'enthousiasmer ou de l'enchanter.
Une seconde plus tard, ce fut fini. Le garçon – il était un peu plus qu'un enfant – haleta comme Spike le jeta sur le sol, puis essaya vainement de repousser son agresseur. Spike envisagea brièvement de le laisser partir, puis décida qu'il avait trop faim pour perdre du temps à jouer avec sa nourriture. Temps de manger.
Il laissa sortir un grognement et abaissa ses crocs vers le cou du garçon.
"Démon!" cria le garçon. L'oreille de Spike était près de sa bouche, et le bruit le fit reculer.
"Par l'enfer, évidemment que je suis un démon," confirma-t-il de façon irritable. "Quand quelque chose te saute dessus dans le noir et empoigne ta gorge, ça n'est habituellement pas le vendeur d'encyclopédie. Maintenant, tiens-toi tranquille pendant que je te tue."
"Démon!" hurla encore le garçon. Il y avait de la peur dans sa voix, mais également de la colère et une mesure de détermination qui aurait rendu Spike un peu inquiet, si la situation n'avait pas été si entièrement à son avantage. "Tu peux prendre ma vie, mais tu ne détruiras pas notre vengeance. Il souffre; je l'ai vu."
Spike n'écoutait pas; il se concentrait pour coincer sa victime à terre et exposer sa gorge. Il y avait la jugulaire, une source riche, mûre, suppliant d'être exploitée et vidée.
Une fois encore, Spike s'apprêta à mordre.
Il entendit quelque chose siffler dans l'air, et sentit une douleur aigue entre ses omoplates.
Avec un grognement, Spike se leva et se retourna, gardant prise sur sa victime d'une main tandis qu'il agrippait son dos de l'autre. Il avait été touché par une flèche; quand il la retira, il vit que c'était une seule pièce de bois aiguisée, faisant que ça ressemble plus à un pieu qu'à quoi que ce soit d'autre habituellement tiré d'un arc. Il le jeta au sol avec dégoût, et réalisa qu'il était rapidement encerclé par une foule d'homme armé, brandissant des torches.
Au moins, pensa-t-il avec aigreur, Darla serait contente qu'il ait trouvé les bohémiens.
Il y en avait au moins trente, et probablement plus arrivait. Spike savourait un massacre, mais il savourait plus sa peau, et ces chances n'étaient pas exactement idéales.
Il poussa son pied sur la poitrine de sa victime voulue. Au moins deux côtes se cassèrent sous son talon, et le garçon hurla de douleur. "Votre petit copain ici est toujours en vie," grogna Spike à la foule qui se rassemblait. "Un pas de plus par l'un de vous et il ne le sera plus."
La foule formait désormais un cercle autour de Spike, mais il n'était plus fermé sur lui. Spike garda fermement sa botte au centre du torse du garçon tandis qu'il envisageait quoi faire ensuite.
Un des bohémiens – un homme aux cheveux gris qui était mince au point de la maigreur – s'avança. Spike grogna vers lui, et bourra son pied vers le bas jusqu'à ce que le garçon au sol fasse un cri bas, gargouillant de douleur. "Je crois que je t'ai dit de rester en arrière."
L'homme mince s'arrêta. Puis, levant une main, il commença à parler, chuchotant des mots en une langue que Spike ne connaissait pas.
Les bohémiens et leurs superstitions. Spike rit et déclara de façon moqueuse, "Des bâtons et des pierres --"
Il s'arrêta abruptement. Le sol sous ses pieds devenait distinctement inconfortable.
Lentement, le bohémien mince abaissa sa main. Il sourit. Les semelles des pieds de Spike commencèrent à fumer.
Par l'enfer, ils étaient seulement venus consacrer le sol juste sous lui.
Spike sauta en arrière, perdit l'équilibre, et posa ses mains sur le sol pour se stabiliser. Ses paumes grésillèrent et il hurla. Maintenant il sautillait d'un pied à l'autre, comme un homme performant une danse bizarre et frénétique. Une flèche de bois se planta dans son torse, trop près de son coeur pour le bien-être.
Spike chancela en arrière, et les bohémiens se précipitèrent pour aider leur camarade. Pendant un bref moment, ils semblèrent plus absorbés par amener la victime voulue de Spike en sûreté que de poursuivre son agresseur.
Spike se sauva, boitillant sur des pieds cloqués et jurant libéralement. Derrière lui, il pouvait entendre les bohémiens célébrer.
Pas un si bon jour, après tout.
Le garçon – son nom était Ernst – tremblait toujours comme il s'asseyait près du feu; la tasse qu'il berçait secouait si violemment que la vieille femme craignit qu'il ne renverse son contenu et en rajoute à sa douleur déjà considérable en se brûlant. Mais ses blessures physiques cicatriseraient, en y donnant du temps. Que son esprit cicatriserait était moins certain, si le regard terne de peur dans ses yeux était une mesure honnête.
"Dis-moi ce que tu as vu," dit-elle.
La foule rassemblée tomba dans le silence – pas de petit accomplissement, comme chaque membre adulte du clan s'était rassemblé autour du feu ouvert qui avait été allumé au centre du camp aussitôt que la pénombre était tombée.
"Mère Yanna." Ca n'était pas le garçon qui lui avait répondu, mais Gregor. Une mesure géante parmi les Kalderash – et bien d'autres --, il avait presque une tête au-dessus de tous les hommes du clan, et était respecté pour plus que juste sa force physique. Mère Yanna avait été contente quand sa fille Ilsa l'ait choisi lui parmi tout le reste de ses prétendants; elle avait senti la justice du parti, avait senti que les enfants de l'union seraient forts et doués. Gia avait été les deux.
"Mère Yanna," répéta Gregor, "le garçon est passé par assez de choses ce soir. Ceci ne peut-il pas attendre jusqu'au matin?"
"Ca ne peut pas," dit sévèrement Mère Yanna. Gregor avait le luxe de considérer le bien-être d'une personne; le poids du clan reposait sur ses épaules à elle. "Le garçon a presque péri pour nous apporter des nouvelles. Il devrait au moins les livrer. Parle, garçon."
La note de commandement dans sa voix eu l'effet désiré. Ernst agrippa sa tasse plus étroitement et, levant à peine les yeux, dit, "Le démon souffre. Je l'ai vu moi-même."
Il y eu un murmure d'approbation autour du feu. "Dis-nous plus," dit Mère Yanna.
"Je l'ai trouvé se cachant du jour dans une grange. Ca frissonnait et se tordait comme un homme à l'agonie, et je l'ai entendu pleurer et gémir. Puis ça m'a vu, mais je n'ai pas fui." Comme il racontait son histoire, Ernst s'assit un peu plus droit. "Le démon s'est recroquevillé loin de moi, et ses yeux étaient sauvages, comme un homme avec de la fièvre. Ca m'a parlé."
"Qu'est-ce que ça a dit?"
"Ca a dit que c'était désolé. Ca a supplié mon pardon."
Mère Yanna sentit un sourire tirer sur ses lèvres plissées. "Comment as-tu répondu?"
Ernst dit, "Je suis rester silencieux, Mère Yanna."
"Alors tu lui as donné la seule réponse que ça recevra jamais," lui dit-elle. "Nous avons donné naissance à notre vengeance, et maintenant elle vit et grandit. Tu as bien fait, mon enfant." De l'autre côté du feu, Gregor hocha la tête avec satisfaction. A côté de lui, Ilsa leva la tête – elle avait à peine été capable de parler depuis la mort de leur fille. Gregor prit sa main fragile dans sa main puissante à lui et la serra fort, comme s'il pouvait lui transférer une partie de sa force. Puis, regardant le groupe assemblé, il dit, "Demain, si ça convient au clan, nous romprons le camp. Nous laisserons les cendres de ma fille ici, et prendrons son souvenir avec nous."
Tout autour du feu, il y eu des acquiescements d'approbation. Mais Ernst avait à nouveau baissé la tête; il y avait quelque chose d'étrange dans la façon dont son visage était caché, pensa Mère Yanna. C'était presque comme si --
"Il y a quelque chose d'autre que tu aimerais nous dire," dit-elle, plissant les yeux. "Mais tu as peur, parce que c'est un nouveau mal."
Ernst acquiesça muettement. Mère Yanna tituba autour du feu jusqu'à ce qu'elle se tienne devant lui. Elle posa une main sous son menton et le fit lever la tête de sorte qu'elle puisse le regarder dans les yeux. "Je suis âgée, mon enfant, et j'ai connu plus de tristesse et de douleur que toi. Ne m'épargne pas."
Précipitamment, Ernst dit, "L'autre démon – celui qui est venu nous voir et clamait être du futur – c'est toujours ici."
De tout autour du feu de camp, Mère Yanna entendit de bas halètement de colère.
"En es-tu certain?" demanda Gregor au garçon.
"Quand je suis parti d'ici avait la première lueur ce matin, je suis d'abord allée à la demeure dans la ville où les démons avaient fait leur antre. J'ai vu de la lumière par les fenêtres, et j'ai pensé qu'Angélus était retourné là-bas, donc j'ai attendu. Puis une charrette est venue, et ceux de l'intérieur sont sortis, Angélus était parmi eux."
"Quel était son aspect?"
Ernst la regarda d'un air déconcerté. "Mère Yanna?"
Impatiemment, elle dit, "Décris-le."
"Il marchait en se tenant droit," dit Ernst. "Il menait les autres à la charrette."
Une suspicion avait commencé à se former dans la tête de la vieille femme. "Où sont-ils allés?"
"A l'Hôtel Lebada, dans la ville. Ils avaient pris une suite de chambres là-bas. Je me suis caché sur le balcon et les ai observés à travers un trou dans les volets." Avec du dédain qui encadrait du mépris, Ernst dit, "Angélus était là, et l'homme mauresque et les deux femmes. Ils s'habillaient de parures. J'ai vu Angélus sourire et rire. Je ne pouvais plus regarder et suis parti."
Mère Yanna acquiesça sinistrement comme elle commençait à rassembler la séquence des événements. "Et ce fut quand tu revenais pour me dire cela que tu es tombé sur la grange, et as trouvé le démon que nous avons maudit se cachant là."
"Oui, Mère Yanna." Ernst secoua la tête avec confusion. "Si je ne l'avais pas vu moi-même, je ne l'aurais pas cru. Les deux étaient semblables dans chaque détail, mais l'un était honteux et l'autre heureux."
Oui, pensa la vieille femme, les deux démons étaient effectivement semblables. Si l'histoire que la créature qui était venue dans leur camp leur avait dit n'était pas entièrement un mensonge, la seule chose qui le séparait du vampire que Ernst avait trouvé dans la grange était une centaine d'années. Dans une centaine d'année, à peine une ondulation dans le large océan de l'histoire, la vengeance qu'elle avait soigneusement travaillée serait complètement érodée, et la preuve de cela résidait actuellement dans l'hôtel le plus chic de Bucarest et savourait la société de la ville.
Les mains de Mère Yanna commencèrent à trembler, pas avec l'âge. Elle tremblait de fureur.
"Le démon nous a menti," dit Gregor. "Ca a dit que ça retournerait à son époque aussitôt que notre vengeance serait assurée."
"En effet, le démon a menti," dit amèrement Mère Yanna. "Quels innocents nous sommes, d'avoir jamais cru que ça pourrait dire la vérité."
Sa voix tremblant d'émotion, Ilsa dit, "Pourquoi est-ce que ça ne peut pas nous laisser pleurer en paix? Qu'est-ce que ça veut?"
"Ca a l'intention de soulever la malédiction," cracha Mère Yanna. "De finir sa souffrance. Ca cherche a annulé notre vengeance."
Le visage de Gregor était sinistre comme il dit, "Les démons se sont ligués contre nous. Ils ont envoyés l'un de leur nombre pour tuer Ernst avant qu'il ne puisse nous dire cette nouvelle."
Ilsa prit le bras de son mari, son visage pâle. "Contre une foule de démons, quelle protection avons-nous? Quelques envoûtements ne les tiendront pas longtemps à distance."
Une autre des femmes acquiesça avec approbation. "Nous avons déjà assez à déplorer dans la perte de Gia. Nous devrions fuir, avant que tous nos enfants ne la rejoignent."
En même temps, une douzaine ou plus de voix commencèrent à argumenter et à débattre, et le crépitement du feu du camp fut rapidement noyé par la clameur. Même Gregor était en grand débat avec deux hommes assis le plus près de lui. Se détournant de Ernst, Mère Yanna marcha dans le cercle de lumière du feu, où tout le monde pouvait la voir. Puis elle attendit simplement que le silence retombe, comme elle savait qu'il le ferait.
"Fuiriez-vous?" demanda-elle. "Très bien. Mais jusqu'où? Montrez-moi un pays où le soleil ne se couche jamais, où les démons ne peuvent pas marcher, et je vous suivrai volontiers là-bas. Est-ce que l'un de vous connaît un tel endroit?"
Comme elle l'avait escompté, personne ne parla. Mère Yanna hocha brusquement la tête. "Nous sommes des Kalderash," dit-elle. "Nous ne fuyons pas."
"Il n'y a pas de lâches autour de ce feu," dit calmement Gregor. "Mais et si ce démon du futur annule notre vengeance? Que ferons-nous?"
Mère Yanna mit sa main dans son manteau et leva un pieu. Son bras, qui était faible avec l'âge, faisait mal avec l'effort, mais elle ne l'abaissa pas.
"Si nous ne pouvons pas avoir de vengeance," dit-elle, "alors nous aurons justice à la place."
