Chapitre Cinq
Darla souleva plus hauts les jupons de sa robe en un essai futile d'empêcher la boue de les toucher. Mais le sentier qu'ils suivaient à travers la forêt était à peine un chemin, et sa robe de bal était ruinée. Tout, pensa-t-elle amèrement, était ruiné.
"Si tu ne vas pas nous dire ce qu'il se passe, au moins dis nous où nous allons," dit Spike, tenant son torse et grimaçant un peu alors qu'il tentait de rester à sa hauteur.
Darla ne répondit pas à Spike parce que, pour une fois, elle n'avait pas de réponses. Confuse et désemparée, elle agissait un peu plus qu'à l'instinct, et ses instincts lui disaient que dans des situations désespérées, la meilleure réponse était de gagner du temps pour réfléchir, de se terrer quelque part de sûr et sombre. "Nous avons besoin d'un endroit où reprendre nos forces," dit-elle, expliquant ce que Spike aurait dû savoir depuis longtemps. "Un endroit loin des autres."
"Une grotte!" couina joyeusement Drusilla. "Une charmante grotte, humide et froide, avec des araignées et de petites choses rampantes. Je connais une jolie grotte où nous pourrons jouer. Si près, si près."
"La plus proche fera l'affaire," dit Darla. Assez sûrement, ils en atteignirent rapidement une, et malgré les protestations de Drusilla, elle fut capable de diriger ses troupes indisciplinées à l'intérieur.
"Je préférais quand nous projections de se terrer dans une suite d'un hôtel luxurieux," dit Spike.
L'intérieur de la grotte était effectivement humide et froid. Darla s'assit sur un bas affleurement de rocher et frotta les côtés de sa tête avec les doigts, souhaitant que les dernières heures aient un genre de sens. Mais c'était impossible de se concentrer, parce que Drusilla avait commencé à tourner et tourner au milieu de la grotte, ses bras tendus, chantant de façon discordante une de ses chansons inventées. "Blood on the dance floor, blood on the knife, Drusilla's got your number, Drusilla says it's right..." (chanson 'Blood On The Dance Floor' de Mickael Jackson revisitée : Du sang sur la piste de danse, du sang sur le couteau, Drusilla a ton numéro, Drusilla dit que c'est juste…)
Spike croisa résolument ses bras sur son torse. "Je ne bougerai pas tant que je n'aurai pas eu quelques RÉPONSES."
Darla leva la tête et les regarda, détestant que les accès de colère de Spike et les délires de Drusilla montent en elle. Ils étaient comme des enfants, pensa-t-elle avec dégoût. Non, ils étaient pires que des enfants, parce que au moins les enfants grandissaient éventuellement. Spike et Drusilla étaient d'éternels enfants en bas âges, naïvement et maladroitement sauvage, plus souvent des obstacles que des aides. Là tout de suite, Darla ne pouvait imaginer aucun autre plaisir plus grand que de se débarrasser d'eux deux, de façon permanente. Elle imagina le gravillon de leur poussière sous ses ongles avec une sorte de plaisir sinistre.
Mais elle serra les dents et mit sa main non blessée en un poing. C'était dur à admettre, même à elle-même, mais Darla avait besoin d'eux. Sans Spike, elle ne pouvait pas garder Drusilla. Sans Drusilla, elle ne pourrait pas récupérer à nouveau Angélus. Et ça n'était pas une possibilité que Darla était préparée à envisager. Juste quelques jours de plus, et elle pourrait se laver les mains d'eux. Juste aussitôt qu'elle aurait son amour chéri une fois de plus.
Maintenant un ton civil avec difficulté, elle dit, "Quelles réponses exiges-tu, Spike?"
Pendant une seconde, Spike sembla un peu choqué que son éclat de colère ait produit une réponse -- habituellement, Darla l'ignorait simplement. Puis, se reprenant, il leva une main et commença à faire une liste sur ses doigts. "Bien, voyons voir. Je veux savoir d'où venaient ces deux harpies de là-bas qui maniaient des pieux, pour commencer. Je veux savoir pourquoi Angélus se rangeait avec ELLES contre NOUS. Par-dessus tout, je veux savoir – ce que DIABLE est du vernis à ongle?"
Drusilla s'arrêta de chanter et prit Spike par les mains. "Des pots de peinture de fées, de minuscules petites pinceaux pour le bouts de doigts. Je peindrai les miens en rouge comme le sang et tu peindras les tiens en noir comme ton cœur noir, noir."
Spike rit. "Mince. J'espérais que ça avait quelque avoir avec des ongles en espèces de métal. Etant préférablement martelés dans les gens."
Drusilla secoua la tête vers Spike, le corrigeant d'un sourire taquin et un doigt remuant. Darla rétrécit ses yeux. C'était encore là – la même étrange lucidité que Dru avait montrée récemment. Darla l'avait remarquée quand Dru avait appelé son bracelet 'creux' à la villa, et encore elle vit Angélus au bal. En fait, pensa soudainement Darla, presque tous les cas de presque bon sens de Drusilla semblaient être liés à Angélus.
Spike stoppa de rire et enroula familièrement un bras autour de l'épaule de Drusilla. "De la peinture de fée – c'est une question de résolue. Et le reste?"
"Les femmes du bal sont sans conséquence," dit Darla, bien que comme elle le disait elle ne pu s'empêcher de se souvenir de la fille dans la robe orange et la façon dont Angélus l'avait regardée. "Elles mourront bien assez tôt. Angélus n'est – pas lui-même pour le moment."
"Pas lui-même," répéta Drusilla, et elle gloussa. "Pas lui-même, il est quelqu'un d'autre. Il est Angel."
En une seconde, Darla eu parcouru le chemin entre elles. Elle frappa Drusilla si fort qu'elle vola en arrière, se heurtant au mur de la grotte avec un craquement audible puis glissant jusqu'à ce qu'elle soit assise sur le sol. Darla s'abaissa de sorte qu'elle soit nez à nez avec Drusilla. "Tu ne l'appelleras plus jamais comme ça. Il est Angélus. Il est Angélus, mon Angélus. Son nom est craint sur trois continents, et il le sera toujours, ou je --" Darla s'interrompit avec un étranglement, soudainement consciente que le visage de Drusilla oscillait devant elle à travers une brume de larmes. Elle les refoula avant qu'elles ne puissent se verser.
Elle sentit une main sur son épaule, et la forte poigne de Spike la fit se retourner pour qu'elle lui fasse face. Son visage changea, montrant son aspect de démon, et il grogna, "Mets encore une fois un doigt comme cela sur Drusilla et je t'arracherai la gorge – et pour une raison ou pour une autre, je ne pense pas qu'Angélus ou Angel ou peu importe comment il veut être appeler rappliquera pour m'en empêcher."
"Spike..." La voix de Drusilla était douce. "Ne sois pas fâché contre Grand-mère. Elle est triste parce qu'il est parti."
"Mon coeur saigne," marmonna Spike, mais il se retrouva son visage humain et relâcha sa prise sur le bras de Darla.
Darla ne se souciait pas de l'air bravache de Spike; c'est typique, pensa-t-elle, qu'il la menace avec quelque chose de sale et tapageur qui ne lui ferait aucun mal du tout. Elle regardait toujours Drusilla. D'une voix calme, elle dit, "Tu sais, n'est-ce pas? Ces choses à propos desquelles tu babillais – la peinture de fée et les bracelets creux – ce ne sont pas des choses que tu as vues dans des fugues et des rêves, n'est-ce pas? Tu décris des choses qui sont réelles. Tout ce que tu as dit sur Angélus, sur ces maudits bohémiens --" Darla s'interrompit, consciente que Spike écoutait attentivement. "Dis-moi, Drusilla, comment sais-tu?"
"Je suis revenue," dit simplement Drusilla.
Darla sentit la colère monter jusqu'à la rage en elle. La vérité, elle en était certaine, était enfermée dans la tête de Drusilla, aussi brouillée et inintelligible que le reste de ses pensées. "Tu n'es jamais partie, espèce d'idiote stupide, démente --"
"Le futur," chuchota Drusilla. "Tout est du métal, tu sais. C'était dans le livre, tout était dans le livre!"
"Quel livre?"
"Le livre que j'ai trouvé. Le livre que je trouverai." Drusilla leva ses mains comme dans un haussement d'épaule. "Je creusais dans la plus jolie des tombes. Des fleurs défraîchies et de la peau sèche comme des petites feuilles de papier. Grise comme des colombes, et quand j'ai soufflé dessus, elles ont frémis comme de la soie." C'était juste le genre de chose qui donnait envie à Darla de gifler le visage de Drusilla, mais elle se força à écouter en silence. "Les mains tenaient un livre. J'ai pelé les doigts. Crac, crac. Puis j'ai eu le livre. Cet homme qui était mort avait voulu prendre le livre avec lui. Il ne voulait pas que quelque d'autre le lise. Vilain monsieur. Il ne voulait pas partager sa machine à voyager dans le temps."
Spike grogna. "Oh, pas CET effroyable bon à rien."
La tête de Darla se leva brusquement. "Tu sais de quoi elle parle?"
Spike haussa les épaules et sembla juste un peu embarrassé. "Je n'aurais même pas commencé à lire ce satané livre dans lequel le type à qui je l'ai pris était tant engrossé qu'il ne s'est même pas agité avant que je ne lui déchire la gorge. J'ai pensé que quelque chose de si absorbant devait valoir quelques heures. Ca c'est avéré être des sottises, cependant."
Darla sentit le faible espoir vacillant qu'elle avait nourri commencer à mourir. Elle avait presque été préparée à donner du crédit aux histoires de Drusilla – mais c'était tout ce que c'étaient: des histoires. Et même pas celles de Drusilla.
"Qu'est-ce que c'est ce livre?" demanda-t-elle de façon lasse. "Qui l'a écrit?"
"Un certain bon à rien sans talent appelé Wells. Ca s'appelle la Machine à Voyager dans le Temps." Spike se renfrogna. "Si j'avais une machine à voyager dans le temps, je retournerais en arrière pour l'empêcher de poser le stylo sur le papier."
"Est-ce que c'est vrai?" demanda Darla à Drusilla. "Est-ce que c'est juste une histoire?"
"Une histoire," dit joyeusement Drusilla. "Pas CETTE histoire. Une différente. Mais la même. La même et différente aussi. L'histoire de Spike n'est pas censée être vraie, mais elle l'est. Mon histoire est censée être vraie, mais elle ne l'est pas." Son visage s'embruma un peu. "Pas encore. Les pages changent."
Darla se tourna et commença à s'éloigner.
Derrière elle, la voix de Drusilla ajouta doucement, "C'est l'histoire d'Angélus. Je suis revenue pour la changer, Grand-mère. Nous devons rendre mon histoire vraie."
Darla s'arrêta. Elle regarda autour d'elle.
Une machine à voyager dans le temps, pensa-t-elle. Puis: Drusilla est revenue. Elle sait parce qu'elle est revenue.
Une machine à voyager dans le temps. Ca n'était pas possible – mais ça expliquerait tant de choses. Ca expliquerait l'Angélus avec qui elle avait dansé au bal, qui s'était tellement habitué à l'âme que les bohémiens lui avaient donnée qu'il méprisait Darla et prodiguait ses affections sur une femme humaine. Etait-ce comme cela que l'histoire d'Angélus finissait?
Mais ça pouvait encore être changé. Angélus pouvait être restauré. Et une fois qu'il le serait, avec la commande sur le temps lui-même – quelle puissance ils détiendraient ensemble!
Tremblant d'excitation, Darla regarda Spike. "Tu sais où est le camp des bohémiens, n'est-ce pas?"
Il s'éclaira immédiatement. "Oui, je les ai trouvés. Allons-nous faire un massacre ce soir?"
"Bientôt," dit Darla. "Très bientôt. Mais il reste un élément à mettre en place d'abord. Va trouver Angélus, Spike. Amène-le ici."
"Par l'enfer!" explosa Spike. "Décide-toi! Nous venons de QUITTER Angélus, ou as-tu oublier?"
Comment expliquer sans donner trop d'informations? Pendant une seconde, Darla fut perdue, jusqu'à ce que Drusilla dise utilement, "Ca n'était pas Angélus, idiot."
"Ca semblait fichtrement bien être le poing d'Angélus dans mon visage," dit Spike avec aigreur.
"Ca ne l'était pas," dit Darla. "J'ai parlé à cette créature. Ce n'était pas Angélus. C'était un – un spectre ou fantôme qui lui ressemblait simplement."
"Hé bien, si ça n'était pas Angélus, où est-il? Et comment comptes-tu que JE le trouve?"
Perdant patience, Darla cassa, "Avec un bâton divin si tu le dois! Tu es de sa lignée, Spike, tu peux le trouver. Et quand tu le trouveras – peu importe comment il se comporte, ce qu'il dit – AMENES-LE MOI."
Darla hurla les derniers mots avec tant de véhémence que Spike fit réellement un pas en arrière. Elle sourit pour elle-même, satisfaite qu'elle ait réaffirmé sa dominance. Pour l'instant, en tout cas.
"Ne monte pas sur tes grands chevaux, j'y vais." Spike se pencha vers le bas et embrassa légèrement Drusilla sur la couronne de sa tête. "A plus tard, amour."
"Au revoir," dit Drusilla. Comme Spike partait, elle leva la main et agita les doigts, faisant signe derrière lui comme un petit enfant. Elle leva les yeux vers Darla et sourit. "Les garçons ne sont pas là, et il n'y a que nous les filles."
"C'est exact," dit Darla. "Et tu peux me raconter les histoires du contenu de ton cœur."
"J'ai une bague," dit Drusilla, levant la main. Un anneau doré brillait sur un de ses doigts. "Ne suis-je pas une jolie mariée? Nous pouvons aller dans ma grotte et voir le feu sur le plafond. Le feu est une porte. Ding-dong! On sonne. La sonnette sonne. Ma bague."
Darla avait envie d'enlever la bague de Drusilla pour la faire se concentrer – mais ensuite elle réfléchi, est-ce que la bague pouvait jouer un rôle dans tout ça aussi? Que voulait-elle dire par plafond de feu? Rien de ce que Drusilla disait, toutefois bizarre, ne pouvait être écarté.
S'accroupissant près de Drusilla, Darla répéta, "Il n'y a que nous, et tu vas me raconter tout ce que tu sais sur les livres et la machine à voyager dans le temps et le futur. Et, crois-moi, cette fois j'écoute chaque mot."
La nuit était froide, et Fred frissonna comme elle se tapissait derrière un tronc d'arbre tombé, observant l'entrée de la grotte où ils avaient vu entrer les trois vampires.
Charles la regarda avec inquiétude. "Tu as froid? Tu veux emprunter mon turban?" Il le pensait sincèrement, mais il y avait quelque chose de tellement amusant à l'idée de Charles Gunn offrant de lui prêter un turban rouge vif fait de bandes de rideaux pour garder sa tête au chaud que Fred ne pu s'empêcher de glousser. Il lui sourit en retour. "Sérieusement. Ce truc fait griller. Ajoute des oreillettes, et on parle d'une protection de qualité contre les éléments."
"Ca va. Mais merci quand même." Elle regarda l'entrée de la grotte et redevint sérieuse. "Je ne comprends pas. Pourquoi viendraient-ils jusqu'ici dans la forêt pour se cacher dans une grotte?"
"Ca n'a pas de sens," approuva Charles. "Mais tant que Darla et le reste des relations vampiriques d'Angel se cachent dans une grotte et ne font pas de massacre de bohémiens qui change l'histoire, je ne vais pas me plaindre."
Fred regarda leur environnement, réalisant soudainement que la clairière où l'entrée de la grotte était située n'était pas complètement inconnue. "Oui, sauf que le portail que la machine à voyager dans le temps a fait – celui qui lie 1898 au futur – n'est pas loin d'ici."
"Ca n'est pas possible," dit Charles. "C'était, genre, à des miles d'ici. Dix miles ou presque."
"Je n'arrête pas de dire que ça n'était pas si loin. Je ne peux pas dire exactement dans le noir, mais nous sommes assez près." Une pensée non plaisante la traversa. "Charles, tu crois que c'est pour ça qu'ils sont venus ici? Peut-être que Drusilla a raconté à Darla pour la machine à voyager dans le temps."
Le visage de Charles était sinistre comme il dit, "J'espère vraiment que non. Le vingt et unième siècle vient juste de se débarrasser de Darla; il n'a pas besoin de la récupérer. De plus, si Darla savait qu'il y avait une machine à voyager dans le temps dans les parages, elle ne serait pas tout près d'elle – elle serait dedans." Il mit la main sur le bras de Fred. "Quelqu'un sort."
Ils se crispèrent, et regardèrent comme une silhouette sombre émergea de l'entrée de la grotte. Même dans les ténèbres, c'était possible de dire que la silhouette était distinctement mâle. "C'est Spike," chuchota Fred. "Devons-nous le suivre?"
Charles acquiesça. "Darla l'envoi peut-être trouver les bohémiens."
Ils rampèrent vers l'avant, marchant aussi légèrement que possible sur la terre douce. Suivre une personne inaperçus était dur, pensa Fred, mais suivre un vampire avec des sens accrus d'ouïe et d'odorat et une parfaite vue de nuit était encore une difficulté de magnitude différente. Pour être certains de rester non détectés, ils devaient rester si loin derrière Spike qu'ils le perdraient probablement avant qu'ils ne sachent où il allait --
"Par l'enfer," dit Spike et il se retourna.
Fred et Charles s'abaissèrent derrière un buisson dense. Fred retint sa respiration et mit sa main contre sa poitrine, comme si elle pouvait étouffer le son de ses battements de cœur. Spike avait dû les entendre, ou les sentir d'une façon ou d'une autre --
Mais Spike regardait l'entrée de la grotte, pas la cachette de Fred et Charles.
"Je devrais simplement retourner là-bas," dit-il d'une voix basse. "Dire à cette stupide gourde qu'elle ne peut pas me donner des ordres." Elevant sa voix en un fausset minaudé, il dit, "'Tu es de sa lignée, Spike, tu peux le trouver.'" Puis, d'un ton plus normal: "Même quand il est parti c'est Angélus par-ci, Angélus par-là. On croirait que tout le satané monde tourne autour de lui. Hé bien, d'accord. Si elle le veut, elle peut fichtrement bien l'avoir. Ils peuvent être heureux à se rendre misérable l'un l'autre, et Dru et moi pouvons nous amuser un peu."
Abruptement, Spike se tourna et parti d'un pas rapide le long du chemin de la forêt.
"Elle l'a envoyé à la poursuite d'Angel," dit Charles.
"Non..." dit lentement Fred. "Je crois – je crois que Darla a envoyé Spike à la poursuite de l'autre Angel, celui qui vient juste d'être maudit. Et il n'y a qu'une raison pour laquelle elle le voudrait."
Charles le regarda. "Elle va le faire – elle va forcer les bohémiens à ôter la malédiction. Allez." Il commença à courir – mais dans la direction contraire que celle que Spike avait prise.
Fred hésita, confuse. "On ne va pas suivre Spike?"
Charles secoua la tête. "Si on va arrêter ça, on va avoir besoin d'aide surnaturelle – blessée ou pas."
Dommage, pensa Cordélia de façon lasse. J'aimais plutôt cette perruque.
L'image qui lui faisait face dans le miroir était maintenant bien loin du prestige de quelques heures plus tôt. Au lieu d'une couronne de longs cheveux sombres, elle avait sa vieille coupe Chatoiement Doré, quelque peu aplatie par une nuit à porter la perruque. A la place de la posture correcte et royale qu'elle avait eue plus tôt, elle était affalée aussi loin que le corset le permettait. Ses manches bouffantes avaient été écrasée dans la mêlée et lui faisaient maintenant vaguement penser à un soufflé affaissé qu'elle avait vu une fois à une soirée. Ses gants étaient tachés de sang et chiffonnés sur le sol. Seules ses boucles d'oreilles, toujours éclatante et brillante, avaient le même scintillement.
"Tu es sure que rien n'est cassé?" Cordélia pu entendre l'inquiétude dans la voix d'Angel, était consciente de sa présence physique à côté d'elle, mais le miroir montrait uniquement un visage fatigué, légèrement contusionné, et c'était le sien à elle. Pour une fois, elle enviait le manque de reflet d'Angel.
Mais quand elle se tourna pour le regarder, elle vit que sa condition s'était déjà visiblement améliorée durant l'heure depuis qu'ils avaient trébuché en haut des escaliers jusqu'à leur suite. Au début ils n'avaient été capables que de s'effondrer (Angel sur le sol, Cordélia dans un fauteuil à proximité) et essayer de récupérer. Mais la régénération vampirique d'Angel avait vite fait son entrée. Il se déplaçait déjà plus confortablement; le sang qui détrempait sa chemise de smoking aurait très bien pu avoir été versé par quelqu'un d'autre.
"J'ai juste besoin d'un peu de sommeil," dit-elle d'un ton fatigué. "J'ai besoin de me déshabiller, Angel. Et je ne peux pas vraiment le faire moi-même." Elle souleva à moitié son bras blessé – grimaçant en le faisant – en démonstration.
Angel eut l'air complètement nerveux pendant un moment. Avant que Cordélia ne puisse même se demander pourquoi – ça n'était pas comme s'il ne l'avait pas vue en sous-vêtement auparavant, pour l'amour de Dieu – il s'était repris. "Je suis désolé," dit-il. "J'aurais dû y penser."
Elle se tourna pour lui donner un meilleur accès au dos de sa robe. Elle sentit Angel commencer à défaire les boutons qui couraient le long de son épine dorsale, étonnamment adroitement pour un homme avec des mains si grandes, pensa-t-elle. Puis elle fit un demi sourire, réalisant qu'Angel avait probablement fait ça nombres et nombres de fois auparavant.
Ses mains travaillèrent leur chemin jusqu'à sa taille douloureusement restreinte. "Tu veux probablement te débarrasser de ce corset, aussi," dit Angel. Elle sentit le bout de ses doigts attraper les rubans qui le fermaient si étroitement.
"Le mot 'duh' est si approprié, et cependant n'en dit pas assez," dit Cordélia. Quand Angel hésita, elle rit un peu. "Ca veut dire oui. Enlève ce machin vraiment très démoniaque de mon corps."
Angel tira ses manches le long de ses bras, travaillant lentement, faisant attention à son épaule blessée. Cordélia grimaça, et il hésita. "Je ne te fais pas mal?"
"Un petit peu," avoua-t-elle. "Mais pas autant que ce corset. Continue."
Angel glissa la robe jusqu'à ses hanches, et elle gonfla en tombant sur le sol, un éclat de couleur à ses pieds. Puis il commença à défaire le corset, boucle par boucle, et Cordélia sentit ses côtes reconnaissantes se développer. Elle prit une profonde respiration qui rempli ses poumons pour la première fois de toute la soirée. L'afflux d'oxygène frappa sa circulation sanguine, et la pièce vacilla autour d'elle pendant un moment.
"Cordy?" Cordélia réalisa qu'elle avait trébuché sur ses pieds; Angel l'avait attrapée autour de la taille, la soutenant contre lui. Elle se pencha contre son torse avec reconnaissance; il semblait être la seule chose immobile et solide dans la pièce. "Tu es plus blessée que je ne le pensais --"
"Non, vraiment, je vais bien," protesta Cordélia. Elle couvrit son bras avec le sien; le mouvement envoya une piqûre de douleur dans son bras, mais elle se força à ne pas gémir. "C'était juste beaucoup d'air en une fois. C'était bien. Hey, je suppose que je suis une autochtone maintenant – je me suis pâmée."
"J'aurais dû penser à mettre un ravitaillement de sels odorants." Elle pouvait dire qu'Angel souriait alors qu'il disait cela. Comme elle l'avait espéré, il recula un petit peu, rassuré, et finit de détacher son corset. Elle pensa qu'il allait l'ôter immédiatement, mais à la place il enleva gentiment ses boucles d'oreilles et les déposa sur la table de nuit, où elles brillaient dans la faible lumière de la lampe à huile. Puis il fit courir ses deux mains dans ses cheveux maintenant aplatis; c'était surprenant comme c'était rafraîchissant, d'avoir ses cheveux redevenir volumineux. Finalement, il lui enleva le corset et le jeta sur le côté. Cordélia l'aurait jeté très, très fort, mais il avait l'idée de base. Elle prit quelques autres profondes respirations, savourant la liberté relative de son corps. Mais elle pouvait encore sentir des bandes de douleur là où les baleines du corset avaient été.
Elle baissa les yeux avec consternation pour voir que sa camisole était coincée contre sa peau à cause de la sueur et de la pression; les lignes du corset avaient creusé sa chair de la manière dont les coutures le faisaient avec un jeans trop serrant, seulement bien plus brutalement. Soigneusement, elle prit le tissu dans sa main indemne et le pela loin de sa peau douloureuse. "Owww. Et ow. Toutes les bêtes choses que j'ais jamais dites sur let féminisme? Je les retire. N'importe quel mouvement qui se débarrasse de ces choses est très bien pour moi."
"Tu auras des marques pendant un moment," dit Angel. Il fit une pause pendant un instant, puis dit, "Je peux aider un peu. Couche-toi."
Cordélia s'assit gracieusement sur le lit et travailla prudemment pour avoir une position inclinée. Comme Angel se déplaçait vers elle, elle grimaça. "Angel, tu dois enlever ça." Elle fit un geste vers sa chemise. "Je pense qu'on a assez fait flippé la direction de l'hôtel sans mettre du sang partout sur le couvre-lit."
"Oh. Oui." Il ôta rapidement la chemise; bien qu'elle l'ait vu sans chemise d'innombrables fois, Cordélia réalisa que ça faisait un long moment depuis qu'elle ait été appelée à bander ses blessures, ou qu'elle ait bavardé avec lui après qu'il ne sorte de la douche. Elle sourit un peu comme il se tourna à moitié pour jeter la chemise ruinée sur le sol et la laisse entrevoir le tatouage gryphon pour la première depuis des mois. Angel bougea comme s'il allait s'asseoir à côté d'elle, vit son sourire, puis fit une pause. "Cordy?"
Les matelas en plumes étaient des choses magnifiques, pensa Cordélia. Des oreillers duvetés. Le lit était si douillet, si accueillant. "Oui, Angel?"
"Je réfléchissait – je veux dire, je me demandais --" Il lui lança un regard qui était bien plus dur et scrutateur qu'elle ne s'y était attendue. "Tu n'as pas du tout mentionné Groo. Tout ce temps. J'étais juste – tu ne t'inquiètes pas pour lui?"
Groo. Cordélia se souvint de son doux sourire en un flash de souvenir qui fut parti aussitôt qu'il était venu. Angel avait raison: Non seulement elle n'avait pas mentionné Groo, mais il ne lui avait même pas traversé l'esprit. De la culpabilité la piqua brièvement, mais elle se fana en un instant. "Si tu étais maléfique, je n'aurais jamais fini par travailler avec toi à L.A.," raisonna-t-elle. "Ca signifie que je n'ai jamais été aspirée à Pyléa, donc Grooie et moi ne nous sommes jamais rencontrés. Dans la réalité altérée, il est à Pyléa, étant un champion et ayant une vie affectueuse. En d'autres mots, c'est Groo le chanceux."
"Ouais," dit Angel, baissant les yeux sur elle. "Je suppose qu'il l'est."
Quelque chose à propos du regard sur le visage d'Angel l'a fit se sentir soudainement embarrassée. Qu'est-ce que Groo penserait s'il la voyait comme ça – dévêtue sur le lit, attendant Angel --
Hé bien, Groo ne pouvait pas la voir. Mais Cordélia roula tout de même sur le ventre.
Elle sentit le matelas s'enfoncer légèrement comme Angel s'assit à côté d'elle. Il commença à frotter son dos, ses doigts massant les lignes courroucées où le corset avait été. Ca faisait mal – mais d'une bonne façon. Cordélia pouvait sentir les renfoncements le long de son dos commencer à s'adoucirent comme il continuait. "Comment c'est?" demanda-t-il.
"Bien. Mieux que bien. Continue." Il le fit. Les muscles de son dos, tendus à cause de la blessure et du combat, commencèrent à se relaxer sous son touché. "Seigneur, c'est formidable. Où as-tu appris à faire des massages aussi géniaux?"
"Tu ne me croirais pas si je te le disais."
Cordélia sourit dans l'oreiller. Elle serait obligée de supplier ou de soudoyer pour qu'il lui raconte cette histoire un jour – un jour où elle n'aurait pas besoin qu'il continue autant qu'elle en avait besoin à cet instant. Puis elle reconsidéra leur situation, et le sourire disparut de son visage. "Je suppose qu'on a plutôt fichu les choses en l'air ce soir."
"Ca n'est pas encore fini," dit rapidement Angel. "Ils se sont enfuis, ouais. Ca ne veut pas dire que nous n'allons pas les rattraper à temps."
"Mais c'était notre meilleure tentative," dit lentement Cordélia. "Tu l'as dit toi-même." Les mains d'Angel furent immobiles pendant un moment, et elle savait qu'il peinait à trouver un moyen de la consoler. Quand il ne dit rien, elle sentit de la peur l'envahir, plus écrasant que tous les autres moments dans leur voyage dans le passé – parce que ceci était le moment où elle était finalement obligée d'affronter le fait qu'ils pourraient être coincés pour toujours. Elle avait évité de penser au pire scénario tout ce temps, mais elle ne pouvait plus l'éviter.
Doucement, elle murmura, "Tu ne peux pas tuer le toi du passé, Angel. Même s'ils bougent la malédiction. Tu ne peux pas."
"J'y serai obligé."
"Si tu disparais -- Angel, si tu meurs, si tu n'es pas dans le monde pendant les 100 prochaines années, ça pourrait aussi grave qu'Angélus étant dans les parages. Peut-être pire." Ca semblait pire. De la panique inondait le cœur de Cordélia.
Angel, sentant peut-être sa peur, recommença à lui frotter le dos. "Chut. Cordélia, ça n'arrivera pas. Si je dois tuer Angélus – hé bien, nous savons de l'exemple de Drusilla que je ne disparaîtrais pas simplement --"
"A moins que tu n'essaies de revenir avec nous," dit Cordélia. Puis elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. "Tu veux dire – tu ne reviendrais pas avec nous?"
Angel secoua la tête, un peu de son ancienne fatigue était de retour sur son visage. "Je sais ce que j'ai fais ces 104 dernières années. Ce que je n'ai pas fait. Si le seul moyen pour moi de protéger le monde est de tout refaire, alors – je suppose que je serai obligé de le faire."
"Tout? Juste répéter le siècle dernier?" L'esprit de Cordélia tourbillonnait à cette simple pensée.
"Ca ne sera peut-être pas si mal," dit Angel, de manière entièrement non convaincante. "Il y a beaucoup de choses supers au 20ème siècle. Le Jazz, et le 'V-E Day', et, euh – le dernier Masters de Jack Nicklaus."
Cordélia soupira lourdement. "Je peux voir en toi. Angel, tu n'as PAS envie de repasser par tout ça. Le 'Dust Bowl' et le Vietnam et, et -- " Elle se tourna à moitié sur le côté, ignorant la crampe dans son épaule. "Angel, iras-tu trouver Buffy comme tu l'as fait la première fois?"
"Biensûr," dit Angel. "Ca ferait partie de faire que tout redevienne bien. Une partie plutôt grande." Il la guida gentiment là où elle était couchée à plat sur son ventre, puis recommença à travailler sur ses muscles courbaturés. Ses coups étaient forts, presque douloureux comme ils descendaient sur son dos, et cependant son corps devint chaud et liquide comme il la touchait.
Elle murmura, "Est-ce que tu retomberas amoureux de Buffy?"
Angel fut silencieux pendant un moment. Finalement, il dit seulement, "Je ne sais pas. Je ne pourrais pas le savoir. Une centaine d'année dans le futur – c'est une longue période." Puis il lui tapota le dos, presque espièglement, et dit avec une gaieté forcée, "Tu crois que tu vas éviter de travailler pour moi à L.A.? Tu ne vas pas t'en sortir si facilement. Je ne te laisserai pas."
Cordélia sourit, se blottissant contre les oreillers douillets et le matelas. Elle pouvait voir la silhouette d'Angel sur le mur lointain; la chaude lumière dorée de la lampe à huile traçaient autour les ombres de son corps à lui, tout comme celles de son corps à elle, étendue sur le lit sous lui. Son menton était bas, ses yeux peut-être focalisés sur le bas de son dos. Pour une certaine raison c'était intéressant, le regarder en train de la regarder.
"Evidemment," murmura-t-elle, "on a peut-être totalement bousillé les choses, et alors on sera oblige de rester ici avec toi." L'éventualité aurait dû la terrifier; ça accéléra les battements de son cœur, fit s'enrouler ses doigts autour du bord du dessus-de-lit. Mais ce qu'elle ressentait n'était pas du tout de la terreur. "Peut-être qu'on sera tous ensemble."
"Je veux que vous soyez capable de repartir," dit Angel. "Mais -- Cordy – Vous me manqueriez. Beaucoup."
"Evidemment qu'on te manquerait," dit Cordélia. "Je dis juste, tu n'y seras peut-être pas obligé. On sera peut-être coincé ici ensemble." C'était trop pour être effrayant. Elle ne pu que sourire. "Quel genre de suffragette crois-tu que je ferais?"
Angel fit une pause, mais elle l'entendit rire un petit peu. "Je crois qu'il se peut que les femmes obtiennent le vote beaucoup plus tôt."
Cordélia se décida, avec la meilleure ferme résolution amenée par la crainte, qu'être coincée dans le passé avec Angel ne serait pas du tout être coincée. Ces corsets ne seraient plus à la mode très longtemps, et au moins elle aurait ses amis avec elle. La mission – hé bien, il y aurait une abondance de vampires et démons à arrêter dans les environs, pas vrai?
Elle se relaxa plus, laissant aller les derniers vestiges d'inquiétude. Le massage aidait certainement ça. Seigneur, Angel avait des mains supers.
Puis elle se souvint de ces mêmes mains enlaçant celles de Darla comme ils se contournaient sur la piste de danse.
"Angel?" dit-elle. "Voir Darla – ça a dû être bizarre."
"En quelques sortes," répondit-il. Il continua à travailler sur son dos, apaisant la douleur. "Elle a changé pour moi, à cause de Connor."
"Elle n'a pas vraiment changé," averti Cordélia. "Tu ne peux pas penser à elle comme à Lady Madonna. Je l'ai fait, et tu te rappelles où ça m'a mené?"
"Je le comprends très bien," dit Angel, d'un ton de voix qui suggérait qu'il le comprenait bien mieux que Cordélia elle-même.
"Ce n'est pas que je ne te fais pas confiance pour faire ce que tu dois faire," dit Cordélia. "Je te fais plus confiance qu'à n'importe qui d'autre, Angel. Mais je ne veux pas que tu sois encore blessé. Tu as été blessé assez."
Angel fut silencieux pendant un moment, et ses mains s'immobilisèrent sur son dos. Cordélia souhaitait qu'elle ne soit pas sur son ventre, de sorte qu'elle puisse voir son visage; était-il vexé? Etait-il fâché? Etait-il en train de faire son truc stoïque sans émotion?
Puis il commença à rire – très doucement, mais rire tout de même. "Cordélia, tu dois arrêter."
"Arrêter?" Elle tourna la tête pour qu'elle puisse le voir; il était toujours assis à côté d'elle, ses mains sur son dos, un demi sourire sur le visage. "Arrêter quoi?"
"Arrête d'essayer de prendre soin de moi tout le temps," dit Angel. "Tu viens juste d'être attaquée par Spike et Darla, tu t'es fait très mal au bras, et le corset tout seul t'a presque achevée. Et tu te fais encore du souci pour moi." Il leva une main à son épaule blessée. "En parlant de ça, laisse-moi y jeter un œil." Il ôta la bride de sa camisole de son épaule, découvrant une partie de son dos au bout froid de ses doigts.
Arrêter d'essayer de prendre soin d'Angel? Cordélia n'était pas sure du tout de comment prendre ça, donc elle resta juste couchée en silence, obéissant aux demandes d'Angel pour qu'elle agite les doigts, mette sa main en poing, hausse les épaules et ainsi de suite. Finalement, il dit, "Tu avais raison tout à l'heure – rien n'est cassé. Tu as probablement une entorse, mais pas plus."
"Ok," dit Cordélia, toujours incapable de savoir quoi dire. Angel reprit ses soins sur son dos, son touché frais à travers le fin coton de sa camisole, et ils furent silencieux jusqu'à ce qu'elle lâche, "Pourquoi est-ce que tu ne veux pas que je prenne soins de toi?"
"Cordy -- non. Ce n'est pas ça. Tourne-toi."
"Hein?"
"Ton ventre doit aussi faire mal, non?" Angel l'aida à se tourner sur le dos. Comme ses mains commencèrent à masser son ventre, il dit, "Je suis content de t'avoir pour prendre soin de moi. J'ai besoin de toi."
"C'est tellement vrai," dit Cordélia. "Contente qu'on soit clair là-dessus. Mais alors pourquoi est-ce que tu veux que j'arrête?"
"Je ne veux pas que tu arrêtes. Jamais," dit Angel. Il la regardait dans la faible lumière, son regard plus doux et ouvert qu'elle n'avait l'habitude de voir chez lui. Elle l'avait vu auparavant, mais si rarement. Trop rarement. Elle aimait ça. "Mais tu n'es pas obligée de le faire tout le temps. Je peux prendre soin de moi occasionnellement. Et parfois tu as besoin que je prenne soin de toi."
"Difficilement," protesta Cordélia, puis elle réalisa qu'elle était étendue sur le lit, laissant Angel masser sa peau pour qu'elle redevienne habitable. "Enfin, d'accord, quand je suis attaquée par des vampires, tu deviens plutôt pratique."
"Merci," dit Angel, pince-sans-rire. Sa paume balaya le long de sa taille. "Mais – je ne veux pas juste alterner entre être ton garde du corps et ton thérapeute. Tu es beaucoup là pour moi, Cordélia. Je veux juste que tu saches que je suis là pour toi aussi. Tu peux me laisser prendre soin de toi, de temps en temps."
"Comme maintenant," dit Cordélia. Ses mains étaient si agréables, et elle se sentit se relaxer encore plus. Elle sourit. "Je crois que j'aime que tu prennes soin de moi. Tu sais quoi? Etre coincée ne serait peut-être pas si mal que ça. Je parie que tu connais tous les endroits où aller et où ne pas aller. Tous les meilleurs trucs à faire. On voyagera partout, et tu pourras me montrer les vues. On aura des aventures. On s'amusera pour changer. Tu devras agir comme mon mari, ok? Je ne veux personne qui écrive sur moi en tant que vieille fille de 21 ans."
La voix d'Angel fut légèrement irrégulière comme il répondit, "Ton mari. Ok. Je -- ok."
"Quoi?" dit-elle, essayant d'attacher peu d'importance à la soudaine épouvante sur son visage. "Tu es gêné d'être vu avec moi?"
"Jamais." Ses mains s'immobilisèrent sur son ventre, et elle cru qu'il allait les bouger. A la place, il prit lentement l'une de ses mains dans la sienne. "J'aime prendre soin de toi," dit-il doucement.
L'intimité du moment l'a frappa en un éclair, et Cordélia sentit maladroitement qu'elle devrait retirer sa main, ou faire une blague, ou quelque chose. Quelque chose qui ferait bien comprendre que c'était juste leur même vieux truc, s'étreindre et faire des blagues et parler et n'en penser rien, Angel et Cordy, meilleurs amis jusqu'à la fin. Pas le faire bien comprendre à Angel, parce qu'il le savait, et pas le faire bien comprendre à elle, parce qu'elle le savait, mais il semblait que ça devait tout de même se faire bien comprendre.
A la place, elle sentit ses propres doigts se refermer autour de siens, comme par leur propre volonté. Angel jeta un oeil à leurs mains enlacées pendant un moment, puis la regarda dans les yeux. "Cordy?" murmura-t-il.
"CORDY!" La voix de Gunn retentit du corridor. Cordélia et Angel sursautèrent tous les deux, saisi d'étonnement. "ANGEL!" Gunn courait définitivement vers leur porte. Angel lui serra vite la main, puis se leva du lit juste au moment où la porte fut brusquement ouverte.
Le turban de Gunn était légèrement de travers. "On a de sérieux ennuis qui se préparent. Vous pouvez bouger?"
"Je vais bien," dit Angel. "Cordy?"
Cordélia se redressa assise. Pour une raison ou pour une autre, elle se sentit beaucoup plus dénudée devant Gunn qu'elle ne s'était sentie devant Angel; elle tira l'un des dessus-de-lits sur elle. "Je peux si je le dois," dit-elle. "Ne me demande pas de faire la roue. Qu'est-ce qu'il se passe? Où est Fred?"
"Fred est au rez-de-chaussée en train de nous voler un cheval et une charrette," dit Gunn, secouant la tête avec quelque chose qui était à la fois consternation et admiration. "Cette fille aurait été super dans mon ancien gang. On doit espérer qu'elle s'en sortira, parce qu'on doit retourner dans les bois, et vite. Darla a envoyé Spike à ta recherche, Angel – pas TOI toi, mais l'ancien toi. On pense qu'elle va poursuivre les bohémiens ce soir."
Le battement de coeur de Cordélia s'accéléra, et la douleur dans son épaule sembla s'atténuer.
Angel commença à se diriger vers la pièce d'à côté où ses vêtements étaient, mais s'arrêta en chemin pour fouiller dans le coffre où ils avaient caché leur petite cachette d'armes. Il sorti quelques pieux fais à la hâte et un poignard que Cordélia avait pris dans le musée à Rome et, d'une façon ou d'une autre, qu'elle n'avait pas perdu dans la course pour retourner à la machine à voyager dans le temps quand ce futur s'était autodétruit. Lui tendant le couteau, Angel demanda, "Cordy, tu peux t'habiller?"
"Je peux enfiler mon jeans et mon chandail," répondit-elle. "Ca n'a pas d'importance de quoi j'ai l'air maintenant. Soit on est sur le point de retourner dans le futur soit de faire exploser le passé en miettes."
Gunn grogna, "DÉPÊCHEZ-VOUS simplement."
"Le futur est fait de boîtes," dit Drusilla. "Tant de boîtes! Ils vivent dans des boîtes empilées les unes sur les autres, et s'asseyent dans des boîtes qui flottent sur les routes comme des rivières. Et il y a des boîtes pour les images et des boîtes qui font de la musique, et des petites boîtes qui contiennent des milliers de voix et font un son comme --" Elle ferma les yeux avec concentration et fit un bruit qui ressemblait, pour Darla, beaucoup à une grenouille étant torturée: "Brrrp! Brrrp!"
"Très bien, Drusilla," dit Darla impatiemment. "Maintenant dis m'en plus sur cette machine à voyager dans le temps. Que fait la bague exactement? Peux-tu me montrer si nous allons là-bas?"
"Je t'y emmènerais, si tu es une bonne Grand-mère et que tu attends," dit Drusilla, remuant sévèrement le doigt. Etait-ce son imagination, se demanda Darla, ou est-ce que Drusilla appréciait ce changement soudain dans la balance des pouvoirs entre elles? "Tu vas aimer le futur. Tant de choses merveilleuses! Arbeit macht frei, Agent Orange, la solution finale, le nettoyage ethnique, et le meilleur de tous, ils disent que le monde va se réchauffer encore et encore jusqu'à ce que nous fondions tous," finit-elle avec un air d'autorité.
"La fin du monde," dit Darla. Comme c'était charmant de faire partir la chair mortelle de ce monde en la faisant bouillir et ne laisser que les os blanchis. Elle se sentit commencer à croire en les rêves-visions de Drusilla – plus que croire. Elle savait déjà qu'ils étaient vrais, mais elle commençait à se languir de les voir par elle-même. D'y amener Angélus.
"Et oh! Un autre secret, un qui scintille et pétille et brille sur toutes les rues." Drusilla se pencha en avant très près, de sorte que leurs nez se touchaient presque, et chuchota, "C'est du Coca."
"Hey! Quelqu'un veut m'aider un peu, ici?"
Darla et Drusilla regardèrent toutes les deux en arrière; Spike se tenait à l'entrée de la cave, supportant avec difficulté un infect mécréant à moitié mort. Darla sentit un éclair de colère: Comment osait-il lui désobéir quand elle lui avait dit de trouver Angélus et de ne pas revenir sans lui --
La silhouette que Spike supportait leva la tête, et regarda Darla à travers des cheveux en queues de rats mal peignés. C'était Angélus. Spike l'avait amené, tout comme elle l'avait demandé.
La nuit où elle l'avait chassé de la villa, Darla avait pensé que ce n'était pas possible qu'il ait l'air plus pathétique, plus repoussant qu'il ne l'avait été quand il avait pleuré devant elle. Maintenant elle savait qu'elle s'était trompée – il avait toujours l'air aussi pathétique, mais maintenant ses vêtements étaient répugnants et déchirés, son visage plein de boue, ses cheveux emmêlés. Il avait dû dormir dans des fossés, pensa-t-elle avec dégoût. Et il était faible, s'appuyant sur Spike comme support; il ne s'était clairement plus nourri depuis qu'elle l'avait jeté dehors. Il ne pouvait pas se résoudre à tuer, réalisa Darla, et elle sentit de la révulsion renouvelée.
"Darla," dit Angélus. Sa voix était rauque, à peine un murmure, mais la note de supplication était indubitable. "Darla."
Darla ne dit rien. Elle ne bougea pas.
"Je l'ai trouvé blotti sous une haie. Satan seul sait ce qui ne va pas chez lui," dit Spike. Son visage tordu en quelque chose qui était à moitié un sourire, à moitié un ricanement de mépris. "Il pue certainement comme l'enfer. Tu le voulais, donc le voilà." Et avec ça, il poussa brutalement Angélus vers elle.
Darla se tint, clouée au sol, alors qu'Angélus trébucha vers elle. Ses bras étaient tendus vers elle, son regard fixé sur elle. Il ne semblait pas du tout être conscient de Spike et Drusilla.
D'une voie si basse que seule Darla pu l'entendre, Drusilla dit, "Le voilà, ni poisson ni volaille. Mais infect! Il pourrait être l'un ou les deux ou encore quelque chose d'autre. Choisi une porte, Grand-mère, et fais qu'il la traverse."
Epuisé, Angélus tomba à genoux devant Darla, ses bras toujours tendus. "Darla. Darla, pitié. Pitié..."
Il la suppliait de l'aider, pensa-t-elle avec dégoût.
Et puis: Il la suppliait. Il avait besoin d'elle.
Darla se souvint de l'Angélus avec qui elle avait dansé plus tôt cette nuit, celui à qui l'attention avait vagabondé d'elle et à l'humaine dans la robe orange. Celui qui s'était éloigné de Darla sans regarder en arrière. Soudainement, malgré sa saleté et sa dégradation, il y avait quelque chose de désirable chez l'homme à genoux devant elle.
Darla tomba lentement sur le sol et, contrôlant son dégoût, ouvrit ses bras. Angélus tomba dans son étreinte, s'accrochant à elle comme un enfant effrayé cherchant sa mère. Ce qui d'une certaine façon, pensa Darla, était ce qu'il faisait.
"Pardonne-moi," bredouilla-t-il. "Pardonne-moi, aide-moi, pitié, je suis désolé, aide-moi --"
Spike avait raison: Angélus puait. Darla plissa le nez, mais autrement dissimula sa répugnance. Après tout, qu'est-ce que le Maître aurait dû faire d'elle quand il l'avait trouvée? Elle n'avait été qu'une faible mortelle aveulisse, se décomposant à l'intérieur. Parfois la grandeur commençait avec d'humbles matériaux. Et Angélus avait déjà de la grandeur en lui; elle était juste entravée par sa malédiction avec des chaînes qu'elle avait le pouvoir d'ôter. Elle leva une main et caressa gentiment ses cheveux, les ôtant de ses yeux. "Là, mon doux amour. Tout s'arrangera bientôt. Bientôt tu nous seras restauré."
Angélus leva les yeux vers elle, son visage enfiévré de gratitude. "Tu feras que ça – s'arrête? Que ça s'en aille?"
"Je le ferai, mon amour."
"Merci," murmura Angélus. "Merci, merci, merci..." Il continua de marmonner des mots de remerciement à peine cohérents tandis que Darla le berçait, comme un enfant, contre son sein.
Durant le siècle et demi que Darla avait connu Angélus, elle avait été alternativement son professeur, son amante et -- aussi réticente qu'elle l'était de l'admettre – parfois son esclave. Maintenant pour la première fois, elle était son sauveur, et Darla trouva qu'elle appréciait le rôle pas seulement parce que c'était nouveau.
Drusilla frappa des joyeusement des mains. "Vous voyez, nous sommes à nouveau une famille, pleines d'étreintes et de sourires!"
"Pardonne-moi pendant que j'ai la nausée," dit Spike.
Les vampires étaient proches, et la force de leur proximité était presque écrasante.
Angel ferma les yeux, essayant de se concentrer. Quatre vampires, si proches, si familiers. L'énergie de Spike était vive et rapide, une fléchette brûlante vrombissant dans sa conscience. Celle de Drusilla était diaphane et informe, un voile qui embrumait ses pensées. La plus familière de toute était celle de Darla – froide et dure et magnifique, un barreaux en fonte qui formait une cage.
Et puis la quatrième -- étrangère et familière à la fois, lui-même et cependant pas lui-même. Angel sentit qu'il devrait être capable de lire son ancien lui mieux que les autres, mais l'inverse était vrai; tout ce qu'il pouvait sentir était de la souffrance distante.
"Angel, ce serait un mauvais moment pour un état de fugue," dit Cordélia.
"Quand serait un bon moment?" dit raisonnablement Fred. Elle dételait le cheval de la charrette, pour qu'il puisse retourner à son écurie et son maître. D'une manière ou d'une autre, ils n'en auraient plus besoin.
"Je vais bien," dit Angel. Il regarda dans la nuit, espérant que son autre lui masquerait sa proximité des autres vampires. "Ils se dirigent plus profondément dans la forêt. Allez."
"J'essaye pas d'être pessimiste là," dit Gunn comme ils commençaient à faire leur chemin à travers la forêt, "mais on est censé faire quoi exactement quand on les aura rattrapé? On n'était pas trop chaud contre juste les trois à la salle de bal, et avec un de plus – ce un étant toi – ça va être difficile."
Ils étaient si bruyants. Si bruyants. Les pas de Fred brisèrent une branchette. La manche de Gunn se prit contre les branches d'un buisson, envoyant frémir des échos à travers les bois. Cordélia trébucha sur une branche d'arbre, et il semblait que le son retentissait. Angel savait que ses sens étaient à leur maximum, prêt pour la bataille, mais il y avait toutes les chances pour que ceux des autres vampires le soient aussi.
"Soyez silencieux," murmura-t-il. "On les arrête de quelque manière qu'on peut. Mais --" C'était trop important pour ne pas le dire tout haut. "Personne ne tue Darla. Quoi qu'il arrive."
"Angel," dit Cordélia. Son visage était pâle dans la nuit, sa voix assez basse que même lui ne protesta pas. "Si ça en vient à ça --"
"Ca n'en viendra pas," murmura-t-il en arrière. "Je ne laisserai pas que ça arrive."
"Je reconnais cet arbre," dit Fred. Elle stoppa ses pas. "Angel – c'est près de la cave avec le portail qui ramène à la machine à voyager dans le temps. Très près."
Les yeux de Cordélia s'écarquillèrent. "Pitié, pour l'amour de Dieu, dis-moi que les vampires ne se dirigent pas vers la machine à voyager dans le temps."
"J'aime tout à fait Dieu," dit Fred. "Mais c'est vers là qu'ils se dirigent. Vous croyez que Drusilla a peut-être – aurait pu --"
"Elle leur a dit," dit Angel. Il avait cru que c'était impossible que ça soit plus désespéré, mais il s'était trompé. Il commença à courir après les vampires, se fichant du bruit. Les autres étaient juste derrière lui, leurs armes prêtes. Comme ils montaient la légère colline – pas loin du tout de la cave, réalisa Angel – il fut convaincu qu'ils avaient finalement atteint le moment le plus désespéré de ce voyage entier.
Puis ils atteignirent le sommet de la colline, et il vit les torches.
"C'est quoi ça?" dit Gunn. Ils furent tous gelés sur place, fixant les lumières venant vers eux dans la forêt distante. Peut-être huit ou neuf torches – les sons des pas tellement plus forts maintenant – plus qu'une douzaine de personnes -- Angel loucha, utilisant sa vue de nuit pour voir qui au juste approchait.
"C'est les bohémiens," dit-il.
"Je croyais que Darla les poursuivaient!" protesta Cordélia. "Depuis quand poursuivent-ils Darla?"
"Depuis maintenant," dit Fred. "Quand nous avons changé le flux du temps, les laissant savoir ce qui s'était passé – ils auraient pu découvrir plus que ce qu'ils savaient la première fois. Donc peut-être qu'ils attaquent Darla avant qu'elle ne puisse les avoir."
La vérité s'installa autour de lui, lourde et sombre. "C'est une possibilité," dit Angel, bien qu'il ne pouvait pas se résoudre à croire que c'était vrai. "Mais ça n'est pas nécessairement ce qu'ils font."
"Quoi, tu crois qu'ils sont dehors pour une promenade de minuit?" demanda Gunn.
"Il se pourrait qu'ils ne poursuivent pas Darla," répéta Angel. "Il se pourrait que ce soit nous qu'ils poursuivent."
