Chapitre Six
"Je croyais que tu avais dit que -- ce plan avait – du sens," haleta Charles.
"Il en a," pantela Fred, hasardant un coup d'œil par-dessus son épaule. Ce qu'elle vu n'était pas rassurant – la foule de bohémiens en colères était à peine à vingt mètres derrière eux, leurs torches dansant de haut en bas tandis qu'ils pourchassaient Fred et Charles à travers la forêt sombre.
"Oh ouais?" respira Charles. Il utilisait une main pour essayer de garder son turban en place, avec un succès seulement limité. Il commençait à se dérouler au sommet. "Bondir – devant les bohémiens – qui veulent nous tuer – a du sens?"
"Biensûr," dit Fred. Sa poitrine était serrée avec l'effort de prendre assez d'air pour courir et parler en même temps. "Nous les faisons nous poursuivre – les guidons jusqu'à Darla – puis les bohémiens et les vampires – se combattrons."
"Et ça aide -- comment?"
"Darla ne tuera pas les bohémiens -- car Drusilla lui aura raconté – que c'est pour ça que la malédiction d'Angel n'a pas été enlevée – la première fois."
Quelque chose qui aurait pu être une flèche fila si près du côté de la tête de Fred qu'elle sentit un souffle froid dans son oreille. Elle saisit la main de Charles, et ils commencèrent à serpenter et zigzaguer entre les arbres, se dirigeant tout de même dans la direction des grottes.
"Donc," haleta Charles, "Darla essaye de ne pas tuer les bohémiens – on essaye de ne pas tuer Darla – alors dis-moi – qui est-ce que les bohémiens essaient de ne pas tuer?"
Fred ne répondit pas, continua juste de courir.
"Je crois que je viens de trouver l'imperfection dans ta réflexion," dit Charles. "Cours plus vite. La prochaine fois – c'est moi qui – fourni les plans."
Des bruits dans la forêt. Des voix, des pieds martelant – une foule, n'essayant même pas de dissimuler leur approche.
Les vampires levèrent tous la tête, se tournant comme un vers le danger encore invisible. Spike frotta ses mains ensemble, ses yeux miroitant d'une façon jaune et prédatrice dans l'obscurité. "On dirait que nous allons voir un peu d'action tout compte fait."
"Non, non," gémit Drusilla. Elle avait levé ses mains à sa tête et traînait ses doigts dans ses cheveux, ruinant le style soigneusement épinglé et bouclé. "C'est mauvais, tout mauvais. Ils ne sont pas censés être là!"
A côté d'elle, Angélus frissonna. Il pouvait à peine se tenir debout, encore moins se battre.
"Va dans la grotte," ordonna Darla. Elle poussa Angélus vers Spike. "Prends-le."
"Je ne manque pas une émeute parfaitement bonne pour soigner la gueule de bois d'Angélus," dit Spike.
"Angel," murmura Drusilla. "Angel..."
"Je t'ai DIT de ne pas l'appeler comme ça!" explosa Darla.
"En fait," dit calmement la voix d'Angélus, "Je préfère comme ça."
Mais Angélus n'avait pas parlé.
Darla se retourna vivement. Angélus – l'autre Angélus, celui que Drusilla insistait pour appeler Angel – se tenait derrière elle. Darla masqua sa fureur avec un sourire. "Je suis si contente que tu ais pu nous rejoindre," dit-elle. Il y avait une femme avec lui, et il fallu une seconde à Darla pour la reconnaître; elle avait l'air très différente sans la perruque et la robe orange qu'elle avait portées au bal. Elle, comme Angel, portrait d'étranges vêtements – la femme avait l'air effrontée, même aux yeux blasés de Darla, en pantalon. "Et tu as amené ta petite putain aussi. Comme c'est aimable."
"J'aurai cru que quelqu'un avec ton histoire personnelle serait un peu moins désinvolte avec des mots comme ça," dit calmement la fille. "A propos, mon nom est Cordélia. Mes amis m'appellent Cordy mais, hey, que dirais-tu que de ne pas le faire."
La bouche de Spike était grande ouverte. Il regarda l'Angélus qui s'était effondré contre un tronc, le visage blanc et tremblant, et puis l'Angélus se tenant devant Darla. "Ca n'est pas un fantôme. Il est réel. Damnation, S'IL-VOUS-PLAÎT est-ce que quelqu'un voudrait juste m'EXPLIQUER ce que DIABLE il se passe ici? Parce que RIEN de tout ça n'a du SENS pour moi!"
Drusilla lui tapota le bras de manière réconfortante. "Ne sois pas vexé. Tu t'y habitueras, tout comme moi."
"Cordélia. Maintenant je saurais quoi leur dire de mettre sur ta pierre tombale." Ignorant la fille, Darla dirigea son entière attention sur Angélus. Il se tenait à quelques pas de son autre lui, cependant dans tous les autres sens, ils étaient des mondes à part. "Tu devais me suivre, n'est-ce pas? Tu vois, la flamme brûle toujours en toi."
"Ne te flatte pas," se moqua Cordélia, mais quand Darla regarda dans les yeux de l'autre Angélus elle vit un clignotement de quelque chose qui lui dit qu'elle n'était pas si loin de la vérité.
"Ils s'approchent," dit Drusilla. Ses yeux devenaient dorés aussi maintenant, avec la proximité de la rage et du sang humain. "Très proche maintenant, Grand-mère. Les bohémiens n'ont pas attendu que nous les trouvions. Tout le monde gâche l'histoire maintenant, et quelqu'un doit payer. Je veux MON histoire, et je l'écrirai dans du sang. Le sang bât plus près maintenant. Thump thump."
"Nous voulons peut-être nous concentrer sur la foule en colère s'approchant rapidement," dit Spike. "Ca pourrait être des ennuis. Plus d'ennuis que ces deux-là en tout cas – l'Angélus bonus étonnamment non voulu et la fille avec le mauvais travail de teinture de cheveux."
Cordélia le regarda de travers. "L'ironie va tellement venir te mordre les fesses sur celle-là." Mais Darla nota qu'elle aussi jetait des coups d'oeil aux bohémiens par-dessus son épaule.
"Spike, Dru." Elle claqua des doigts vers le son du tapage. "Allez voir les bohémiens. Vous ne les tuez sous aucun prétexte. Mutiler tant qu'il vous plaira."
"Je n'ai pas mutilé depuis des années," dit Spike, souriant avec anticipation. Lui et Drusilla déguerpirent dans la nuit.
"Cordélia," dit Angel. "Eloigne-le des bohémiens. Garde-le hors de ça si tu peux."
Il fallu un moment à Darla pour réaliser ce qu'il voulait dire. Quand elle vit Cordélia se diriger vers Angélus – est-ce qu'un seul n'était pas assez pour cette petite peste fouineuse? – elle eut envie de crier. Mais les bohémiens se rapprochaient encore plus, et tous ses mots chauds à propos de préférer voir Angélus en poussière s'étaient refroidis pour elle maintenant.
"Angélus?" dit-elle calment. "Va avec elle dans la grotte. Je viendrai te chercher plus tard."
"Je ne veux pas te quitter," dit Angélus. Il ne voulait pas détourner ses yeux du visage de Darla, et elle n'avait jamais trouvé son regard si accueillant.
"Tu es si pathétique," dit Cordélia. "Mais tu vas être assez pathétique pendant les cents prochaines années ou presque. Je vais passer." Elle saisit le bras d'Angélus et commença à le tirer vers la grotte, loin de Darla. Pendant un magnifique instant, Darla vit un clignotement de l'ancienne fureur de son cher amour dans ses yeux – mais ensuite elle disparut, perdue dans l'écoeurant bourbier de culpabilité et d'horreur. Il trébucha dans la grotte avec Cordélia. Au moins il obéissait encore.
A quelques mètres de là, un fracas dans les broussailles fut rapidement suivit par des cris et des hurlements. Les bohémiens -- et, d'après les bruits, certains des chouchous humains d'Angel aussi, -- avaient trouvé Spike et Drusilla. Darla et Angel regardèrent vers la clameur; elle pu entrevoir la lumière des flambeaux vaciller à travers les branches, la silhouette trop rapide d'une main levée s'abaisser brusquement. Avant qu'elle ne se détourne, Angel la fixait une fois de plus. Ils s'observèrent pendant un autre moment de silence.
Finalement il dit, "C'est mon tour de te demander de danser."
Darla fit une révérence. "Très bien," dit-elle. "Dansons."
Les branches bruissaient comme Drusilla courait à travers elles, des petits coups de fouet dans la nuit. Une forêt de fouets, comme c'était charmant. Si seulement elle pouvait les utiliser.
Les horribles bohémiens couraient vers eux, hurlant, et ça serait si doux de les moucher, des doigts mouiller sur la flamme. Mais ça n'était pas la fin de l'histoire.
"Attention!" cria une voix en Anglais. C'était l'homme sans cheveux, s'abaissant sur le côté, tirant la fille avec les longs cheveux avec lui. Les deux aimaient Angel comme il était. Lorsqu'ils virent Drusilla et Spike, leurs yeux s'écarquillèrent encore plus.
"Par l'enfer, pas celle-là encore," grogna Spike comme il vit la fille. "Et qui est l'excentrique avec le turban?"
"Oh, ce ne sont pas des bohémiens," dit joyeusement Drusilla. "Tu peux les tuer EUX."
Spike sourit. "Il est temps que quelque chose se passe à ma façon ce soir."
L'homme sans cheveux se mit entre la fille et Spike. "Tu vois, c'est une autre imperfection dans le plan," maugréa-t-il. "Deux imperfections et je continue de compter."
Puis les bohémiens jaillirent des broussailles. Tout le monde se fixa pendant un long moment. Trop de réflexion, décida Drusilla. Pas assez de saignement.
Drusilla hurla – une note longue, haute, tremblante, autant un chant qu'un cri. Tous leurs esprits devinrent blanc argenté. Elle chercha une peur qui les posséderait tous, la retint dans l'oeil de son esprit, la mit également dans leurs esprits.
A travers leurs yeux elle vit la forêt s'enflammer.
Les bohémiens commencèrent à crier comme ils s'abaissaient et se recroquevillaient. Une lumière orange surnaturelle sembla vaciller à travers les arbres, tomber comme des larmes sur des feuilles qui envoyèrent des étincelles. La fille avec les longs cheveux frappa son pantalon; l'homme sans cheveux essaya de l'aider. Les bohémiens couraient dans toutes les directions, confus et déconcertés. Spike eut aussi un mouvement de recul, mais elle prit sa main dans la sienne et la serra rapidement deux fois – leur ancien signal pour ses meilleures farces et attrapes.
"Ce n'est pas réel?" chuchota-t-il. Quand elle secoua la tête et sourit, Spike commença à rire et rire. "Oh, brillant. Sacrément brillant. Ma parfaite et vicieuse colombe."
Son Spike, avec elle à nouveau. Son Spike, aussi romantique et meurtrier que jamais.
"Je vais voir les bohémiens," dit-elle d'un air guidé. C'était tout comme jouer à Wendy Houses. "Tu peux tuer les autres."
"Tu crois que je ne sais pas ce que tu manigances?" dit Cordélia.
Angélus leva les yeux vers elle, dérouté, du sol de la grotte sur lequel il s'était effondré d'épuisement apparent. Elle soupira. "Pas TOI toi. L'autre toi. Angel. Je sais ce que tu – ce qu'il manigance. 'Eloigne-le des bohémiens.' Il veut simplement que je sois hors de la bataille. Il m'a entraînée, genre, quatre-vingt-dix zillions de fois, et il ne me fait toujours pas confiance pour le combat. Alors, dis-moi, as-tu toujours été si absurdement surprotecteur?"
Elle haussa les épaules comme elle le disait, et la douleur perçante dans son épaule lui rappela qu'Angel avait peut-être d'autre raisons légèrement mois ennuyantes pour la sortir de la bagarre. Angélus ne répondit pas; à la place, il retomba juste dans sa fixation muette du sol.
Cordélia fut déçue de sentir sa contrariété envers Angel se faner; ça avait été, de loin, la chose la plus simple à laquelle penser. C'était beaucoup moins effrayant que l'éventualité d'Angel devenant sentimental à propos de son ex amante qui était probablement contente de le tuer, maintenant qu'elle avait une pièce de rechange. C'était beaucoup moins incertain que de se demander ce qu'il arrivait à Fred et Gunn, prit entre des bohémiens meurtriers et des vampires à moitié meurtriers. Et c'était bien, bien moins douloureux que de vraiment regarder Angélus – l'Angel qui avait été.
C'est Angel, se dit-elle. Mon Angel. C'est plus facile de l'appeler Angélus, mais même s'il n'a pas encore changé le nom, le reste est le même. Il a son âme. Il peut aimer.
"Est-ce que tu veux vraiment être avec Darla?" lui demanda-t-elle doucement.
Angélus ne la regarda pas, mais après quelques instants, il dit, "Elle est mon seul espoir."
"Espoir? Espoir de quoi? D'être ce que tu étais avant?"
Il grimaça avec une douleur si arrachante que la première pensée de Cordélia fut qu'il était blessé d'une façon ou d'une autre, saignant d'une blessure qu'elle n'avait pas vue. Mais il dit seulement, "Je ne veux pas – je ne peux pas -- mais --" Angélus agrippa ses cheveux, tirant si fort que Cordélia pensa qu'il allait peut-être réellement en arracher une poignée par la racine. "Je veux que la douleur s'arrête. Je veux que tout finisse. Darla peut y mettre fin."
"En t'extirpant ton âme comme une mauvaise dent." Cordélia eut envie de le gifler. "Flash info, mon pote. Si tu fais ça, la douleur ne s'arrête pas. Elle s'arrête juste pour toi, et tu la passes à d'autres gens. Les gens qui ont survécus à ceux que tu vas continuer à tuer." Elle se rappela soudainement du visage de Giles comme le cercueil de Jenny Calendar était descendu dans sa tombe. Cordélia ne s'était pas permise de s'en rappeler depuis des années.
"Oh, Seigneur," dit Angélus. Il se laissa retomber sur le mur en pierre de la grotte. "Vous avez raison. Vous avez raison. Ca ne s'arrête jamais. Quoi qu'il arrive." Des larmes étaient dans ses yeux. Le voir pleurer n'était pas plus simple la deuxième fois.
Cordélia fut d'abord surprise – elle avait raillé Angel des milliers de fois, en plaisantant et en étant sérieuse, gentiment et brutalement et de toutes les manières entre. Elle connaissait ses réactions dans toutes leurs nuances et formes, pouvait prévoir les regards qui les accompagnaient toutes. Puis elle réalisa que ces réactions appartenaient à un siècle dans le futur; l'homme qui avait pleuré devant elle était encore trop écorché, trop angoissé, pour que n'importe quel coup soit moins que dévastateur.
Piquée par un sentiment entièrement inconnu de contrition, Cordélia s'agenouilla à ses côtés. "Je suis désolée. Ok? Je ne pensais pas ce -- non, je le pensais. Mais tu dois savoir que ça ne va pas toujours être comme ça."
"Non," dit Angélus. "Ca va finir."
Sa main se ferma autour de la sienne, et elle pensa pendant un moment étrange et troublant qu'il lui faisait une passe. Puis elle réalisa que ses doigts étaient enroulés autour de son pieu.
"Je ne serai pas ce que j'étais avant, et je ne peux pas être ce que je suis maintenant," dit Angélus. "Bientôt je ne serai plus du tout."
"Donc c'est ta fin," dit Darla. "Ma majestueuse créature, réduite à ça. Réduite à toi."
Angel avait de la pratique considérable pour ignorer les railleries de Darla. Il l'encercla silencieusement dans la nuit, se concentrant uniquement sur les cris proches des bohémiens. Et – ça ressemblait à Fred, en difficulté --
Darla vit son hésitation, l'interpréta mal et sourit. "Tu détestes ça, n'est-ce pas?" chantonna-t-elle. "Etant tellement moins que tu pourrais l'être. Qu'es-tu devenu maintenant? Un genre d'individu calme et doux, je prévois. Le genre d'homme dont les humains pourraient facilement se faire un chouchou, qui se dit qu'il est heureux avec son obéissante amante humaine."
Cordélia, obéissante. Angel ne pu s'en empêcher: Il rit.
"Et tu es si tranquille dans ta petite existence douillette que tu peux te moquer de moi," dit Darla. Ses lèvres sombres se tordirent en un air renfrogné qu'il savait être un misérable masque pour la douleur. Il avait blessé Darla des milliers de fois – délibérément et accidentellement, à sa demande et contre sa volonté et sans même y penser. Elle avait fait la même chose envers lui. Ca n'avait jamais beaucoup importé, d'une façon ou d'une autre. Leurs esprits restaient aussi anormalement non balafrés que leurs corps.
Mais c'était différent. Ca le blessait maintenant, de voir qu'il l'avait blessée. La peine de Darla était devenue réelle pour lui. Connor l'avait rendue réelle d'une manière qu'il n'avait jamais connu – d'une manière qu'elle n'avait jamais connu, jusqu'à la fin.
"Je ne me moque pas de toi," dit-il doucement. "Mais tu ne comprends pas le futur que je connais, Darla. Tu ne comprends pas l'homme que je suis devenu."
"Je le comprendrai," dit Darla. Elle leva la main. Le bracelet hologramme de Cordy était toujours bouclé autour de son poignet, mais ses yeux furent attirés loin de lui. A l'horreur d'Angel, la bague dorée de la machine à voyager dans le temps étincelait sur un doigt. "La seule pièce de joaillerie que tu n'as jamais donnée, mon cher – une alliance. J'ai dû m'en trouver une toute seule. Elle te plait?"
"Darla," dit Angel, ne s'attendant pas à ce qu'elle écoute, "Si tu comprends ce qu'elle fait --"
"C'est le cas." Il ne douta pas d'elle.
"—alors tu dois comprendre que tu ne vas pas aller dans le future que Drusilla connaît. En quittant cette époque et en me prenant avec, tu le détruiras, pour toujours."
"Pourquoi est-ce que je me soucie de ton futur?" dit Darla. "Je ne veux peut-être pas aller en avant. Je vais peut-être en arrière – t'apprendre La Volta pour de vrai cette fois. Ou plus loin, peut-être. Tu pourrais apprendre l'art des Borgias, plonger tes doigts dans ces peintures que tu essaies toujours de me faire admirer. Je pourrais étudier l'astuce des poisons des Claudians. Peut-être que toi et moi, nous descendrons le Nil sur une péniche, écoutant Cléopâtre nous raconter les histoires de la Cité de la Mort. Nous boirons dans les jarres albâtres qu'ils pensent détenir l'immortalité, et nous leur dirons si c'est vrai." Sa voix changea d'une douceur rêveuse en quelque chose de bien plus dur. "Ou peut-être que je te traînerai bien plus loin en avant. Des siècles. Des millénaires. Qui sait ce que nous trouverons là? Ca n'a pas beaucoup d'importance. Partout où nous irons, nous trouverons du sang, et tu le boiras avec moi, à mes côtés."
"Ca n'arrivera jamais," dit-il. Angel n'avait aucune intention de tuer Darla, mais elle ne le savait pas, et il ne comptait pas la laisser deviner. "Je vais t'en empêcher."
Darla rigola. "Comme si tu pouvais." Elle donna un coup vers lui, si vite qu'il l'esquiva à peine à temps.
Deux des bohémiens trébuchèrent hors de la forêt, et Angel et Darla se raidirent, se préparant à se défendre eux-mêmes, et l'autre, des intrus. Mais les bohémiens criaient, hurlaient, donnaient des coups sur leurs vêtements comme si – comme s'ils étaient en feu. Un des groupes d'hallucinations de Drusilla alors. Angel espéra que le cri de Fred qu'il avait entendu n'était basé sur rien de plus que la peur d'une vision.
Mais Spike et Dru étaient aussi dans les bois --
Le poing de Darla claqua contre sa mâchoire, l'envoyant en une spirale déséquilibrée. Au moment où elle se fendait vers lui, il se redressa, bloquant son cou et la repoussant dans la poussière. Elle se remit péniblement sur ses pieds, riant amèrement comme elle ôtait des boucles blondes de ses yeux.
Derrière eux, les bohémiens, toujours en prise à leur illusion, commencèrent à trébucher dans la grotte. Cordélia allait devoir s'en occuper, bras blessé ou pas.
"Alors c'est tout de ce que tu veux de moi maintenant," dit Darla. "Que je finisse comme ça. Poussière à poussière."
"Ta fin est une chose plus belle que tu ne le sais," dit Angel.
"Tiens bon!" hurla Charles à travers le vacarme. "Je te sors de là!"
Fred savait très bien que Charles ne pouvait pas plus voir un moyen de sortir de cet incendie qu'elle ne le pouvait. Il essayait seulement de la réconforter dans ce qui allait indubitablement être leurs derniers moments de vie.
Tous les arbres étaient en feu, toutes les branches, presque toutes les feuilles sur le sol. Les flammes étaient oranges et rouges, blanches et jaunes, même bleues. Dans la confusion, Fred pensa: tant de températures différentes. Elle avait passé trop de sa vie avec des becs Bunsen pour ne pas savoir les diverses significations de la couleur d'une flamme. Et ça avait pris feu si vite – est-ce que Drusilla aurait pu utiliser un accélérateur? Mais quoi? Et pourquoi tendre un piège avec quelque chose qui pouvait tuer les vampires aussi?
Avant que sa confusion stupéfaite ne puisse se modifier en quelque chose qui approchait une pensée, une silhouette apparu à travers la fumée et le feu, apparemment non troublé par l'enfer.
"Tiens, tiens," dit Spike. "Qu'avons-nous ici? Pas de bohémiens. Je suppose que ça veut dire que je peux vous tuer." Il sourit vicieusement. "Qui veut passer en premier?"
Le premier instinct de Cordélia, quand Angélus agrippa pieu loin d'elle, fut de l'agripper directement en retour avant qu'il ne puisse faire quelque chose de stupide comme le plonger dans son cœur. Mais son poing était fermé, aussi serré qu'un étau, et Cordélia se souvint une seconde trop tard que même un vampire faible et désorienté était toujours bien plus fort qu'une humaine. Surtout une humaine blessée, pensa-t-elle tristement, tandis qu'un éclair de douleur descendit le long de son bras. Pendant une seconde, elle paniqua – puis elle eut une idée.
Il avait pris le pieu, mais elle avait encore son couteau.
Utilisant son bras non blessé, Cordélia atteignit sa ceinture. Le manche du poignard glissa facilement dans sa main, et elle enroula rapidement son bras autour de celui d'Angélus. Maintenant ils étaient accroupis face à face sur le sol de la grotte, Angélus tenant le pieu contre son torse, Cordélia tenant la pointe du couteau contre sa poitrine.
"Si tu vas te tuer," dit Cordélia, "alors je pourrais tout aussi bien mourir."
Angélus la fixa avec une incompréhension absolue, essayant probablement de décider si sa menace était sérieuse. "Pourquoi?" dit-il finalement. "Vous ne – vous ne pouvez pas savoir comment c'est. Ce que ça signifie."
Il y avait des cercles sombres sous ses yeux, des entailles sur son visage où l'horreur l'avait fait utiliser ses propres ongles pour se lacérer et se griffer. "Non," dit-elle. "Je suppose que je ne peux pas."
"Vous me laisseriez le faire, si vous saviez," dit Angélus. "Vous ne me condamneriez pas à ce désespoir."
"Mais c'est justement à ça que tu me condamnerais. Ne vois-tu pas? Si tu meurs ici, dans cette grotte, alors tu emportes le futur -- MON futur, celui qui t'as dedans – pour toujours. Tout ce à quoi je tiens ne sera pas juste détruit, ça n'arrivera même jamais. Tu n'es pas le seul qui perds tout ton monde." Cordélia le regarda dans les yeux, et serra sa prise sur le manche du poignard. "J'ai beaucoup de raisons pour désespérer. Alors, qu'est-ce que t'en dis? Allez. Je suis prête quand tu l'es."
La main d'Angélus se serra autour du pieu, et pendant un moment écoeurant et tordant les tripes, Cordélia cru qu'il allait le faire de toute façon. Puis sa prise se relâcha de façon infime et il baissa la tête. "Lâchez. Lâchez et laissez-moi finir ça."
"Non."
"Pitié," dit Angélus. Ca ressemblait plus à un gémissement de douleur qu'à un mot. "Je ne peux pas le faire si --"
Cordélia attendit qu'il finisse la phrase, puis réalisa qu'il n'avait probablement pas de mot pour ce qu'il ressentait, donc elle le dit pour lui. "Tu ne peux le faire parce que tu sais que ça fera du mal à quelqu'un d'autre."
"Je ne peux pas," murmura Angélus. Elle ne pouvait pas dire s'il était d'accord avec elle s'il se répétait simplement.
"Ecoute-moi," dit Cordélia. "Tu as déjà eu la leçon numéro un d'avoir une âme: Ca te fait souffrir pour toutes les mauvaises choses que tu as faites. Voici la leçon numéro deux: Avoir une âme signifie se préoccuper des gens. Et ça n'est pas une malédiction." Adoucissant sa voix, elle continua, "Je sais que tu ne le comprends pas maintenant. Tu ne vas pas le comprendre pendant un long moment. Mais un jour tu seras avec des gens à qui tiens. Des gens qui tiennent à toi. Et là tu comprendras."
Lentement, il releva la tête et rencontra son regard. "Vous ne savez pas ce que je suis."
"Non," dit fermement Cordélia, "mais je sais ce que tu seras."
Angélus la regarda pendant un long moment. Puis il relâcha lentement sa prise sur le pieu, et Cordélia laissa sortir un long soupir tremblant. Elle lui prit le pieu et le posa hors de sa portée. "Ok. C'est bien. Maintenant on va rester juste ici dans cette jolie grotte sure, hors du chemin du combat jusqu'à --"
Il y eu un bruit fracassant derrière elle, et Cordélia tourna brusquement la tête juste au moment où deux bohémiens trébuchèrent dans la grotte.
"— Jusqu'à ce que le combat vienne à nous," finit-elle, bondissant sur ses pieds et se mettant entre les bohémiens et Angélus. Les bohémiens ne virent pas immédiatement Cordélia et Angélus – ils étaient occupés à frapper leurs vêtements comme pour essayer d'étouffer un feu, ce qui était bizarre parce que Cordélia ne pouvait voir aucune flamme. Pas le temps de se poser des questions sur ça maintenant. Les bohémiens étaient frappés d'incapacité, et il n'y en avait que deux. Avec ces facteurs en sa faveur, elle était sure qu'elle pouvait les tenir à distance. Puis l'un des bohémiens arrêta de frapper ses vêtements et secoua la tête comme pour l'éclaircir. Il regarda Cordélia et poussa son compagnon du coude. Puis il cria quelque chose en Roumain à la foule à l'extérieur de la grotte. En quelques secondes, plus de bohémiens traversaient l'entrée de la grotte. Quatre -- sept – quand les chances devinrent trop désespérées, Cordélia arrêta de compter.
A travers l'entrée de la grotte, elle pu voir des mouvements à l'extérieur. Partout dans la clairière de la forêt, des gens se bousculaient, mais dans l'obscurité et la confusion ce fut impossible de dire si Angel était l'un d'eux. Si elle pouvait avoir une meilleure position avantageuse, peut-être qu'elle serait capable de le voir, d'attirer son attention --
Elle hurla son nom, mais le raffut du combat à l'extérieur noya presque complètement sa voix. "Angel!" cria-t-elle encore.
Les bohémiens avançaient vers elle et Angélus maintenant. Cordélia envisagea brièvement d'empoigner Angélus et de s'enfuir par l'entrée de la grotte, puis rejeta cette idée aussi imprudente. Ils n'arriveraient jamais dehors.
Si seulement elle pouvait voir Angel – aller quelque part où il pourrait la voir --
Elle baissa les yeux sur les bohémiens, et réalisa soudainement qu'ils ne se rapprochaient plus. En fait, ils semblaient être gelés sur place, la fixant avec un mélange de respect et de peur.
Attendez une seconde. Elle BAISSAIT les yeux sur les bohémiens?
Et pourquoi est-ce que c'était soudainement plus simple de voir l'entrée de la grotte?
Cordélia tourna la tête et se la cogna contre le plafond rocheux de la grotte. Il ne s'était pas soudainement abaissé; elle s'était élevée. Quand elle baissa les yeux, ses jambes et pieds pendaient simplement sous elle. Elle flottait à plusieurs mètres au-dessus du sol.
"Oh, non," dit-elle. "Pas ENCORE."
Fred et Charles trébuchèrent en arrière comme Spike avançaient vers eux. Il semblait à Fred que tout brûlait maintenant – toutes les feuilles et brindilles et branches autour d'eux et au-dessus d'eux et sous leurs pieds éclatant avec des flammes brillantes et affreuses. Une petite voix dans sa tête essaya d'insister que ça n'était pas possible que l'incendie se propage si rapidement, mais le crépitement, le bruit grondant du feu dans ses oreilles étouffait la pensée rationnelle.
"Il y a un chemin à travers," dit Charles. La fumée le faisait tousser. "Derrière toi --"
Fred se retourna et vit un passage hors du brasier, derrière deux arbres largement espacés qui formaient une porte de feu.
Mais avant qu'ils ne puissent y courir, une silhouette apparut devant eux, bloquant le chemin. C'était Drusilla, sa robe plus blanche que la plus chaude de toutes les flammes.
"Dru, poussin," dit Spike. "Viens rejoindre l'amusement."
Le reflet du feu brilla dans les yeux dorés de Drusilla. "Voleurs de livres," dit-elle à Fred et Charles. "Gâcheurs d'histoires. Vous verrez comment l'histoire doit se terminer. Sa dernière ligne sera la mort. La vôtre."
Cernée par le feu et les vampires s'avançant, Fred réalisa avec horreur qu'il n'y avait nulle part où aller. Et elle n'avait même pas d'arme – d'une façon ou d'une autre, dans la confusion, elle avait perdu son pieu.
Elle regarda frénétiquement autour d'elle pour quelque chose d'autre qu'elle pourrait utiliser pour se défendre, et vit une des torches que les bohémiens avaient portées, brûlant toujours où quelqu'un l'avait laissée tomber. C'était mieux que rien, décida Fred, et elle tendit la main pour la ramasser.
La torche crépita quand elle la souleva, envoyant une averse de braises chaudes sur ses mains. Quand elles la touchèrent, elles brûlèrent sa peau et Fred gémit de douleur. Pendant un instant, la panique et la terreur se vidèrent de son esprit, débusquées par la réalité de la douleur physique.
Et la forêt changea.
Où il y avait eu une forêt, Fred en voyait maintenant deux, posée l'une sur l'autre comme des peintures sur verre. Dans l'une, le feu faisait rage hors de contrôle. L'autre forêt était calme et sombre et la seule chose brûlant près d'eux était la torche qu'elle tenait. Fred su immédiatement laquelle était réelle.
"Esprits fragiles de mortels," dit Drusilla comme elle s'approchait. "Comme le verre tourné, si délicat. Regarde-les se briser!"
"Charles," chuchota Fred de manière pressante. "Charles, ça va faire mal. Fais-moi confiance."
Elle toucha son bras avec la torche.
Charles hurla et retira son bras. Il cligna rapidement des yeux, et Fred vit ses yeux s'éclaircir, comme si quelque chose bloquant sa vue avait soudainement été ôté.
"Donne-moi ça," dit-il à voix basse. Fred lui céda la torche.
"Parce que je me sens généreux," dit Spike, flânant vers eux, "Je vais vous laisser choisir comment vous allez mourir. Sur le menu de ce soir nous avons des nuques brisées, la suffocation et la perte de sang. Qu'est-ce que ça sera?"
"Que dirais-t du spécial?" dit Charles. Il jeta la torche. Elle navigua dans l'air, droit sur Spike, qui ne fit aucune tentative pour l'esquiver. Il pense que ça fait partie de l'illusion de Drusilla, réalisa Fred. Il ne peut pas voir la différence non plus.
Spike rigola. "Les bâtons et les pierres peuvent peut-être casser mes os, mais le feu de Drusilla ne va jamais --" Il attrapa la torche: " – me blesser --"
Comme la main de Spike se referma autour de la fin rougeoyante de la torche, son visage inscrivit du choc, puis presque immédiatement se déforma en douleur agonisante. Des flammes grimpèrent le long de son bras, et il sembla à Fred que ça n'était pas ses vêtements qui prenaient feu surnaturellement vite, mais son corps lui-même. Biensûr, c'était pour ça que le feu était une arme tellement efficace contre les vampires – pour ça qu'ils le craignaient tant --
Spike essayait désespérément d'éteindre le feu avant qu'il ne se propage plus haut sur le bras. "Dru!" hurla-t-il. "Drusilla! J'ai un problème ici!"
"Spike!" La voix Drusilla était suraiguë et tremblante, comme un enfant confrontée à son pire cauchemar.
Spike se jeta sur le sol en un effort pour étouffer les flammes. Drusilla hurla et passa devant Fred et Charles en courant, les ignorant dans son désespoir d'arriver à Spike. Mais quand elle l'atteignit, elle ne sembla pas savoir quoi faire, et ne pu que se tenir au-dessus de lui, gémissant et se balançant frénétiquement, tandis qu'il s'agitait. "Fais que ça s'arrête!" hurla-t-elle. "Pas mon histoire, pas mon histoire, pas mon histoire!"
La torche gisait sur le sol où Spike l'avait laissée tomber; elle avait atterrit sur la terre humide et s'était éteinte. Fred la souleva et, avec toute sa force, frappa carrément Drusilla à l'arrière de la tête.
Pendant une autre seconde, peut-être plus longue, Dru continua de gémir. Puis, très lentement, elle bascula en avant, atterrissant sur Spike.
Tout autour de Fred, l'enfer imaginaire que Drusilla avait créé disparu, aussi soudainement que si un interrupteur avait été basculé. La forêt fut simplement à nouveau la forêt.
Spike se tordit, essayant soit d'éteindre les flammes ou simplement de douleur. Fred le regarda pendant un moment, puis commença à frapper les flammes du mieux qu'elle pu. Charles soupira lourdement avant de la rejoindre. En quelques moments, le brasier fut éteint, et Spike et Drusilla restèrent couchés roussis et inconscients sur le sol de la forêt. Charles baissa les yeux sur les deux vampires. Ils étaient couchés en un tas désordonné sur le sol de la forêt, brûlant encore un peu. "Ca vous apprendra à jouer avec le feu," dit-il.
Angel se fendit vers Darla, son pieu manquant son épaule. Elle tournoya, riant. Son amour était devenu négligent dans sa vie ultérieure. Il ne pouvait même pas sembler viser directement son cœur.
"Très négligé. Peut-être que tu manques de pratique. Ou peut-être que tu ne peux supporter de me tuer," ronronna-t-elle. Ses yeux clignotèrent pour regarder les siens, puis au loin. Aha, pensa-t-elle, c'est vrai. Il ne me veut pas morte. Il me veut encore, profondément. Il veut encore être ce qu'il était autrefois.
Darla su qu'elle pouvait gagner ce combat maintenant, quiconque étant disposé à détruire son ennemi triompherait en fin de compte sur quiconque ne l'étant pas. Mais elle ne voulait plus juste tuer cette copie pathétique. Elle voulait l'entendre admettre ce qu'il était toujours vraiment à l'intérieur, comme il avait eu tord d'avoir jamais pensé à quitter ses côtés.
Angel pivota vers elle, feintant à gauche au dernier moment; son pieu érafla son bras, glissant à travers la peau, et Darla grimaça comme elle trébuchait en arrière. Elle ne pouvait pas se permettre de devenir négligée elle-même; Angel n'était peut-être pas la magnifique créature qu'Angélus avait été, mais ça aurait été facile de le sous-estimer.
Elle lui envoya un coup de pied, s'attendant à ce qu'il esquive le coup, se gagnant juste du temps pour penser. Et si elle pouvait le regagner, âme et tout? Pourrait-elle convaincre les bohémiens d'enlever la malédiction chez les deux Angélus? Est-ce que ça pourrait possiblement marcher?
Une brève vision d'une nuit au lit lui traversa l'esprit et elle sourit. Avoir deux versions d'Angélus pourrait encore s'avérer impossible, mais ça valait la peine de le découvrir. Rien ne pourrait plus jamais les arrêter alors.
"Je t'ai manquée," dit-elle alors qu'ils s'encerclaient. "Ce que nous étions autrefois t'a manqué."
"Parfois tu m'as manquée," dit simplement Angel. "Je suis même revenu vers toi, deux fois. Mais je n'ai jamais eu assez envie de toi pour payer le prix de rester."
La pensée de cela -- un Angel qui pouvait revenir et simplement choisir de repartir, qui pouvait mettre une limite à combien il avait envie d'elle -- outragea Darla. Elle hurla, "Et c'est tout ce que tu as pour moi? Je t'ai créé! Tu ne penses pas que je vaux le prix?" Darla apprêta son propre pieu. Deux Angélus était un rêve agréable, mais voir celui-ci se transformer en poussière l'était tout autant. "Tu m'as dit que nous serions ensemble pour toujours, Angélus. Tu m'as fait une promesse. Une promesse que tu n'as pas pu tenir."
Il gela sur place. Angel se tint immobile à cause du choc, la fixant, l'angoisse écrite sur son visage. Quand il parla, sa voix fut basse et incertaine. "Je t'ai faite une promesse," dit-il. "Je t'ai promis que je prendrais soin de lui. Et je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas pu. J'ai essayé – j'ai essayé si fort, Darla, et j'ai échoué. Je lui ai fait défaut et je t'ai fait défaut."
Lui? Prendre soin de qui? Rien de tout ça n'avait de sens. Mais Darla pouvait voir que ce qu'Angel disait était maintenant vitalement important, du moins pour lui. Elle sentit sa curiosité commencer à prendre le dessus sur sa colère. "Qu'est-ce que tu veux dire?"
"C'est la seule promesse que j'ai jamais faite qui avait vraiment de l'importance," dit Angel. Il secouait la tête d'un côté à l'autre, la douleur dans ses yeux et sa voix plus profonde qu'elle ne l'avait jamais vue en lui. "Je n'aurai plus jamais la chance de te le dire, Darla, alors je te le dis maintenant. Je suis désolé. Je suis si désolé."
Désolé de l'avoir quittée? Désolé de ce qu'il était devenu? Pleine d'espoir, Darla s'avança juste un petit peu. "Angélus?"
Elle sentit le coup avant même qu'elle ne le voit – son poing se claquant contre le côté de sa tête, puis sa mâchoire, puis encore. Le monde devint gris, puis noir, et elle sentit le sol se soulever pour la rencontrer.
"Je suis désolé," entendit-elle une fois encore, et puis elle n'entendit plus rien.
Darla était couchée sur le sol, les jupons de sa robe de bal pliés autour d'elle. Angel se tint immobile et continua de la regarder pendant une minute ou plus, au cas où elle feignait l'inconscience. Ca n'était pas le cas.
Regardant autour de lui, il vit un plan d'ombre entre deux arbres qui était à moitié dissimulé et hors du chemin du combat. Saisissant Darla brusquement par les chevilles, il traîna son corps mou vers là.
Quand il arriva là-bas, il trouva qu'il n'était pas le seul à avoir eu cette idée. Fred et Gunn gardaient les corps inconscients de Drusilla et Spike.
"Très BIEN," dit Gunn quand il vit Angel. Sa parure de bal était lacérée et déchirée, la draperie bleue velours partie depuis longtemps, et son turban s'était presque complètement défait. "Ca fait trois sur trois."
Fred avait l'air également battue, la dentelle dorée déchirée à sa gorge reflétant faiblement la lumière de la lune. "Toutes ces dures décisions que nous n'arrêtons pas de dire que nous y réfléchirons quand nous y serons? Hé bien, nous y sommes." Elle fit un geste fatigué vers Spike et Drusilla. "Darla doit continuer d'exister, pour que Connor naisse," dit-elle, avec la voix de quelqu'un qui voudrait discuter mais qui n'allait pas le faire. "Mais est-ce que le futur devient plus faussé avec un Spike et une Dru qui connaît le futur, ou avec pas de Spike et Dru du tout?"
Angel baissa les yeux sur les trois vampires sans connaissance couchés sur le sol de la forêt. "Drusilla doit être là pour retransformer Darla. Spike doit être dans les parages pour amener Drusilla à Sunnydale pour qu'elle redevienne forte. Et il y a beaucoup de choses qu'ils ont faites, ou n'ont pas faites, que nous ne pouvons même pas supposer. Pour le meilleur ou pour le pire – enfin, surtout pour le pire – ils font partie du monde que nous essayons de récupérer."
Fred pensait manifestement la même chose. "Nous devons garder les choses aussi proches que nous pouvons de ce que nous savons qu'elles doivent être. C'est notre meilleure chance d'arranger le futur."
"Si on ne peut pas les tuer, qu'est-ce qu'on va faire avec eux quand ils se réveilleront?" demanda Gunn. Son turban glissa sur un œil, et il termina rapidement le travail de déroulement que la chasse à travers la forêt et le combat avait commencé.
"Je ne sais pas," dit Fred. Elle vit la longue bande de vêtement que Gunn se préparait à jeter. "Ne te débarrasse pas de ça."
Gunn la regarda. "Je ne remets pas cette chose. Plus de Califage pour moi. En ce qui me concerne, Madagascar peut être une démocratie dorénavant."
Fred pointa Spike et Drusilla. "Je voulais dire, nous pouvons l'utiliser pour les attacher le temps que nous trouvions quoi faire."
"Oh. Ouais." Gunn tendit à Fred un bout du vêtement ressemblant à un bandage qui avait anciennement été son turban, et ensemble ils commencèrent à attacher les vampires.
Angel regarda autour de la clairière, vit la bouche de la grotte et sentit son ventre se nouer. "Oh, mon Dieu," dit-il. "Cordélia."
La clairière de la forêt était presque vide maintenant, et avec un sens croissant de peur Angel réalisa pourquoi -- presque tous les bohémiens étaient partis dans la grotte, conduit là par l'hallucination de feu de Drusilla. Il avait cru qu'il s'assurait que Cordélia était en sécurité; en fait, il l'avait envoyée dans un piège.
Il chargea dans la grotte, ôtant rudement les gens du chemin comme il luttait pour passer à travers la foule. Il était si concentré pour atteindre Cordélia qu'il fallu plusieurs secondes avant qu'il ne réalise qu'aucun des bohémiens ne l'attaquaient.
Angel s'écrasa hors de la foule, trébuchant presque comme la résistance des corps cessa soudainement. Il se tenait seul dans un endroit vide près du fond de la grotte. Directement devant lui il vit Angélus, tapi contre le mur du fond de la grotte, ses mains sur son visage. Les bohémiens semblaient avoir peur de se rapprocher de lui, bien que Angel ne pouvait pas comprendre pourquoi; son ancien lui était clairement incapable de se défendre.
Puis il entendit la voix de Cordélia. "C'est ça, vous avez intérêt à faire du sérieux tapissement. Parce que, comme vous pouvez le voir, c'est de la magie effrayante à un haut niveau que je fais à l'instant."
Angel se retourna, s'attendant à voir Cordy. A la place, il vit ses pieds, balançant devant lui au niveau des yeux. Il tendit le cou pour lever les yeux vers elle: Elle se renfrognait, mais Angel la connaissait assez bien pour reconnaître que ce qui semblait être de l'irritation était plus probablement un masque pour la peur. Elle pointa les bohémiens et dit, "Il y en a encore plus, les gars. Cette lévitation complètement intentionnelle est juste le commencement. Vous feriez mieux d'espérer que je ne me fâche pas VRAIMENT." Puis elle jeta un coup d'œil vers le bas et vit Angel, et elle lui fit un sourire nerveux. "Hey salut!"
"Tu vas bien?" demanda-t-il.
Elle pendait en plein air, dérivant légèrement d'un côté à l'autre dans le dessin de l'entrée de la grotte. "Oui, sauf que --"
"Sauf que quoi?"
Cordélia abaissa la voix. "Je crois qu'il se pourrait que je brille. Peut-ête. Est-ce que je brille?"
Il y AVAIT plus de lumière à l'arrière de la grotte qu'il n'y aurait dû en avoir. Bien que ce n'était pas possible de dire exactement d'où ça venait, Angel cru qu'il détecta une faible luminosité dans l'air autour de Cordy. "Euh, peut-être un peu."
Un des bohémiens fit un pas en avant. Angel se tourna, mais pour une fois Cordélia fut plus rapide. Son pied se déplaça, et elle frappa l'homme sur l'épaule, le faisant tituber en arrière.
"Recule, mon pote! Je suis du futur, et je peux flotter et -- et – vous ne savez pas ce que je peux faire d'autre. Comme – je peux sauter sur de hauts bâtiments d'un seul bond – sauf que vous pensez probablement que trois étages est haut pour un bâtiment, et sauter trois étages est impressionnant mais peut-être pas terrifiant --" Elle lança un regard de désespoir à Angel et chuchota, "Aide-moi là."
"Elle peut lancer des rayons lasers avec les yeux!" hurla Gunn. Angel se tourna à moitié pour voir que lui et Fred poussaient leur chemin à travers la foule pour rejoindre Angel aux pieds de Cordélia.
Fred dit, "Je ne pense pas qu'ils savent ce que sont des rayons lasers, Charles." Les bohémiens commençaient à chuchoter entre eux, et certains se rapprochaient.
Ils étaient dans une impasse, réalisa Angel. Les bohémiens avaient l'avantage du nombre, mais ils ne savaient pas comment répondre au pouvoir surnaturel de Cordélia. Maintenant aucun côté ne pouvait risquer d'attaquer l'autre.
"Qui est votre meneur?" demanda-t-il fort.
"C'est moi," dit l'un des bohémiens, s'approchant. C'était un homme grand avec une barbe grise; Angel se souvint de lui de la brève période qu'ils avaient passé dans le camp bohémien. C'était le père de Gia -- Mère Yanna l'avait appelé Gregor, se rappela Angel. Gregor tenait son bras maladroitement et sentait fortement le sang frais. "Tu avais dit que tu nous quitterais, et tu es encore là. Ta fourberie brise notre trêve, vampire. Toutes vos vies en sont le prix."
"Nous ne vous avons jamais menti," lui dit Angel. "Nous avons promis que nous vous aiderions à obtenir votre vengeance, et nous l'avons fait."
La bouche de Gregor se tordit avec mépris. "Notre vengeance exige de la souffrance."
"Regardez-le!" s'exclama Cordélia, pointant où Angélus se tapissait derrière elle. "N'est-ce pas assez de souffrance pour vous?"
Gregor jeta un coup d'œil à Angélus, puis décala son regard sur Angel. "Il souffre peut-être maintenant, mais ça ne sera pas toujours comme ça. Celui-ci en est la preuve."
"J'ai l'âme avec laquelle vous m'avez maudit," dit Angel. "C'est ce que vous vouliez tout le long."
"Non. Nous voulions que tu connaisses la douleur. Ton âme n'est que le moyen à cette fin. Si tu en es venu à tenir à ton âme, ça ne peut être que parce qu'elle t'a apporté du confort. Nous aurions pu te tuer la nuit où nous t'avons maudit. Nous t'avons laissé vivre seulement pour que tu puisses souffrir tandis que les générations de notre clan se lève de la terre et y retombe. S'il y a un moment où ton âme ne cause plus de souffrance, que ce soit à cent, mille ou dix milles ans d'ici, alors notre vengeance est terminée et tu dois mourir."
"Mince," dit Gunn d'une voix basse. "Ces gens savant comment tenir une rancune, pas vrai?"
"Regarde-toi," dit Gregor. "Regarda ceux qui t'entourent. Des gens stupides pour être tes amis, une femme stupide qui t'a aimé. Tu ne tiens pas devant nous avec honte. Tu agis comme si tu as le droit de nous faire des exigences, le droit d'être quoi que tu souhaites être. C'est le droit de n'importe qui d'autre avec une âme, mais pas toi, Angélus. Jamais toi."
"Je comprends ça," dit Angel, sentant ses mains se serrer en poings. "Je comprends ça mieux que vous pourriez jamais l'imaginer."
Le bohémiens lui rit au nez. "Tu te tiens aussi avec tes amis, et tu veux que je croies que tu souffres? Tu veux que nous croyions que tu ressens de la douleur? Tu n'en sais plus rien."
Les autres en position d'attaque bougèrent sur leurs pieds, commencèrent à agripper leurs armes plus étroitement. Ils perdaient leur crainte de Cordélia et leur terreur du feu, et leur rage commençait à monter à nouveau en eux. Dans quelques moments, réalisa Angel, la situation s'intensifiera en une bataille. Est-ce qu'eux quatre pourraient s'en sortir?
Non, pensa-t-il. Eux cinq.
Angel regarda en arrière vers où Angélus se blottissait au fond de la cave et expérimenta soudainement un peu de sympathie pour lui – la première fois il n'avait rien senti au-delà du mépris pour son ancien lui. En 1898 il avait déjà été plus vieux que le plus vieux des humains, il avait traversé les continents et s'était considéré comme un homme d'une large expérience. Et cependant il n'avait rien su de ce qui rendait les vies humaines réelles – pas l'amour ou l'amitié ou la peine ou le chagrin. Pour l'Angélus de 1898, tout ça l'attentait toujours; à cet instant, son ancien lui de 150 ans était comme un enfant à qui la vie venait de commencer. Le futur était devant lui, un pays inexploré grand ouvert de possibilités.
A ce moment, son ancien lui avait tout ce qu'Angel avait voulu pour Connor. Tout ce que Connor n'aurait jamais maintenant.
Angel dit, "J'ai eu un fils, et il est mort."
La grotte fut silencieuse. Gregor le fixa -- non, pensa Angel, le père de Gia le fixa. Il essaya d'imaginer Gia petite fille, emmitouflée dans les bras de cet homme, puis se souvint d'elle comme du corps brisé qu'il avait créé et dont Darla s'était familièrement débarrassé. Il se demanda si Gregor essayait d'imaginer Connor, su que l'homme ne pourrait jamais saisir le caractère unique et la joie de son fils – tout comme Angel ne connaîtrait jamais la femme qu'il avait détruite.
Leurs yeux se rencontrèrent. Gregor prit une profonde respiration, et Angel réalisa – un père connu un autre.
Finalement, Gregor dit, "Alors tu connaîtras assez de souffrance pour notre vengeance. Et encore plus que ça, vampire. Tu comprends cela?"
Angel acquiesça. Gregor leva la main, et les rangs réunis derrière lui commencèrent à sortir de la grotte. Angel les regarda partir sans vraiment les voir, su que Cordélia avait placé sa main de manière réconfortante sur son épaule sans vraiment la sentir.
"J'ai eu un fils," dit-il encore. "Je comprends maintenant."
