Reverse
par Eleawin

Dico :
- Gaki : sale gamin, petit démon
- Konoha no Kiiroi Senkô : l'éclair jaune de Konoha, surnom de Yondaime
- Senkô : éclair

Merci à Koyomi pour la beta !


« On ne peut pas dire que le temps coule et que quelque chose se passe, car tout a déjà eu lieu. »
Viktor Pelevine

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Chapitre Deux : Persuasion

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Parmi tous ses élèves, Jiraiya était le plus fier de celui qu'il considérait presque comme son fils, ce garnement blond qui malgré ses quinze ans arrivait toujours à se fourrer dans des situations impossibles.

« Gaki ! » hurla t-il de sa plus grosse voix, destinée à effaroucher même les belles demoiselles qui se prélassaient dans le lac à côté. « Viens ici tout de suite ! »

Il attendit quelques instants sur la pierre où il était assis mais perdit vite patience. Cet idiot avait beau être un des meilleurs ninja du village, il n'en restait pas moins un imbécile chronique et Gamabunta n'était pas en reste ! Son sourcil sauta quand trois troncs d'arbres furent projetés dans sa direction, manquant sa tête de dix centimètres. C'en était trop.

« Gamabunta, laisse le tomber, tu peux rentrer ! »

L'énorme grenouille laissa échapper un grognement exaspéré mais ne fit pas de manière, s'évaporant dans un 'pouf' de fumée qui recouvrit toute la forêt pendant quelques secondes. Jiraiya écouta avec satisfaction le cri de son élève pendant qu'il chutait du haut de l'invocation disparue, à travers les arbres qu'il avait précédemment piétiné avec la grenouille. Quelle douce musique à ses oreilles...

« Maître ! » cria le blond, apparaissant devant lui en un clin d'oeil.

Le ninja fit un petit geste victorieux.

« J'ai tenu plus de deux heures sur le dos de Gamabunta, record battu, » dit-il, riant comme un imbécile.

Jiraiya abattit son poing sur son crâne blondineux, évacuant tout son agacement dans ce coup purificateur. Ca faisait vraiment du bien.

« Quelle idée de déraciner tous les arbres de Konoha alors que dans quelques heures, tu es censé devenir le sensei de trois malheureux gamins ! Les pauvres, je les plains d'avance, » ricana t-il, imaginant déjà la situation dans son esprit.
« Jiraiya-sensei... Je pense sincèrement que vous êtes mal placé pour en parler... »
« QUOI ? Petit impertinent ! »

Le blond soupira, laissant un petit sourire indulgent jouer sur ses lèvres. Jiraiya-sensei n'était peut-être pas un maître exemplaire, mais c'était quand même un bon professeur... si on oubliait son côté pervers, dépravé, immoral, immature, et complètement inconscient. Bref. Il jeta un coup d'oeil sur les dégâts qu'il venait de causer et sentit une goutte de sueur dévaler sa tempe. Ho ho. Il avait pourtant pensé que c'était une bonne idée d'évacuer son stress dans une bonne séance de rodéo... Il n'avait jamais eu l'intention de déboiser Konoha. Jiraiya dut comprendre, car il lui donna un grand coup dans le dos, lui coupant à moitié le souffle.

« Ca va bien se passer, gaki ! Qui seront tes élèves déjà ? »
« Et bien... » Le ninja sortit un petit carnet de sa poche qu'il parcourut des yeux. « Il y aura déjà la petite Rin, vous savez, cette adorable petite fille qui vous a soigné le jour où vous êtes tombé du haut d'un immeuble pendant que vous espionniez le vestiaire des femmes. Vous donnez vraiment le mauvais exemple Jiraiya-sensei, c'est vraiment... »
« Oui bon ça va ! » le coupa le pervers. « Et ensuite ? »
« Ensuite, il y aura Uchiha Obito. Je ne l'ai encore jamais vu. »
« Un Uchiha ne ? Un génie sans doute. »

Jiraiya hocha pensivement la tête, essayant de creuser ses souvenirs. Il en avait connu pas mal durant ses années de service, mais il ne se souvenait pas d'avoir entendu parler d'un Obito. Les Uchiha n'étaient pas réputés pour cacher leur génie pourtant. Son élève se racla doucement la gorge.

« D'après ses notes, il serait plutôt... un dernier de classe, mais ça ne veut rien dire. Enfin, pour équilibrer l'équipe, on m'a assigné un garçon récemment promu Chuunin... Le fils Hatake. »

Un petit moment de silence s'écoula pendant que les deux réfléchissaient à l'implication de ce nom à Konoha ces derniers mois. Ils connaissaient tous deux très bien Hatake Sakumo, surtout Jiraiya. Sakumo avait été son frère d'arme depuis bien longtemps, jusqu'à cet accident...

« Tu te débrouilleras bien, gaki, » dit Jiraiya, se levant de son rocher. « Il est temps pour toi d'aller récupérer tes gosses à l'académie. Pendant ce temps, je vais payer une visite à Sakumo... Je ne l'ai pas revu depuis un bout de temps. »


Sakura n'avait jamais trouvé un silence aussi long de sa vie. Le stress commençait à lui engourdir l'esprit, et elle se força au calme, récitant un mantra que lui avait appris Tsunade. La sensation de fraîcheur qui l'envahit la soulagea instantanément, rendant ses idées plus claires. Elle ne vit pas le regard surpris que lui lança Sandaime, occupée à lorgner vers Naruto qu'un gros scotch collé sur la bouche empêchait de parler.

« Hmmm ! »

Elle retourna son attention vers l'Hokage, qui avait écouté leur histoire en silence. Ils étaient seuls dans la pièce ; Sandaime avait fait sortir tous les autres quand Sakura le lui avait demandé, ne semblant pas du tout craindre les deux jeunes gens attachés. Avec raison, pensa la kunoichi. Elle avait décidé de coopérer et de dire la vérité, aussi farfelue que ça puisse paraître. Si elle n'avait pas connu Sarutobi par le passé, elle aurait pu craindre de se faire exécuter immédiatement, pour se payer sa tête.

« Je sais que c'est difficile à avaler, » murmura t-elle prudemment. « Mais c'est la vérité ! »
« Je vous crois, » dit Sandaime, et Sakura manqua de tomber de sa chaise.

Comment osait-il porter crédit à ce genre de chose ? Hurla Sakura en son for intérieur, épouvantée par tant de crédulité et de naïveté – bien que leur histoire soit vraie, évidemment, mais elle s'épouvantait pour le principe. Enfin, ça les arrangeait si Sandaime les croyait, il pourrait peut-être rester en vie un peu plus longtemps. A côté, Naruto parvint enfin à se débarrasser de son bâillon qu'il cracha par terre, à moitié machouillé.

« Comment pouvez-vous savoir qu'on dit la vérité, vieil homme ? » lança t-il comme le crétin qu'il était. « Je n'y aurais pas cru à votre place. »
« NARUTO ! »

Si Sakura n'était pas attachée, elle l'aurait frappé, frappé et encore frappé jusqu'à le réduire en une pulpe sanguinolente. On n'avait pas idée d'être aussi bête ! Naruto lui jeta un coup d'oeil effrayé, sentant parfaitement l'aura meurtrière qui irradiait dans sa direction.

« Hé hé, je plaisante, Sakura-chan... » marmonna t-il, un sourire hypocrite aux lèvres, ratatiné sur sa chaise comme un pruneau desséché.
« Vous êtes amusants, » lâcha Sandaime, et il éclata de rire, ce qui eut pour effet de faire suer les deux jeunes ninja.
« Sakura, » chuchota Naruto. « Je crois qu'il se moque de nous. »
« Boucle la, imbécile ! » grinça la kunoichi, sur les nerfs. « Ne dis plus rien, je ne veux plus entendre ta voix ! »

Ils attendirent un instant que l'Hokage ait la bonté de cesser de glousser, sentant leur fierté de ninja doucement défaillir devant le peu de sérieux qu'on leur accordait. Un Anbu passa rapidement sa tête par la porte pour voir ce qu'il se passait, visiblement perturbé par l'hilarité de Sandaime. Il ressortit quand le vieil homme lui fit signe que tout allait bien.

« Je vous crois, » répéta Sandaime, essuyant les larmes qui lui perlaient aux yeux. « De toute façon, je ne pense pas qu'un de nos ennemis ait la folie d'envoyer deux des leurs en infiltration sous un couvert aussi peu crédible !.. Sauf si vous ça fait parti de votre plan, » dit-il, redevenu sérieux, ses yeux noirs ancrés tour à tour dans ceux des jeunes gens lui faisant face.

Naruto et Sakura ne répondirent rien, n'ayant aucun autre argument que leur parole pour prouver leurs dire. Sandaime sourit soudain.

« Mais j'en doute. Parce que si c'était le cas, Konoha serait déjà mené à sa perte puisque cette jeune fille connaît centimètre par centimètre non seulement le plan du village, mais aussi celui de cette base et celui de notre future académie, dont le bâtiment que vous avait peut-être pu voir en venant ici n'a rien à voir avec celui que nous prévoyons de construire dans les années à venir. Et vous ressemblez énormément à votre mère, Mademoiselle Haruno. »
« C'est ce que tout le monde me dit, » murmura Sakura, rougissant un peu.

Elle sursauta quand les chaînes qui la retenaient prisonnière tombèrent au sol, dans un petit cliquetis métallique. N'ayant aucune idée sur la marche à suivre, elle resta assise sur sa chaise et regarda Sandaime, qui continuait à leur sourire. Naruto avait adopté la même attitude, et ils attendirent la suite des évènements, un peu anxieux.

« J'aimerais entendre votre analyse de la situation, » dit Sandaime, regardant plus vers Sakura que vers le blond, qui s'en trouva soulagé.

Il n'y comprenait rien du tout et comptait bien sur la kunoichi pour les sortir de là. Sakura se racla la gorge.

« Au départ, nous pensions que c'était un genjutsu, peut-être un doujutsu comme celui d'Itachi qui... »
« Une minute. » Sandaime lui lança un regard pensif, ses yeux noirs pétillant d'intelligence. « Vous devez vous rendre compte du lieu où vous vous trouvez, n'est ce pas ? »
« Du temps où nous sommes, vous voulez dire... Oui, je l'ai compris, et Naruto aussi je pense, hein Naruto ? »

Gros silence. Sandaime et Sakura se tournèrent vers la troisième personne présente dans la pièce, qui semblait avoir de nouveau adopté le rôle du poisson sorti hors de l'eau.

« Hein ? »

Pendant que Sakura se frappait le front d'un air fataliste, Sarutobi tira une bouffée de sa pipe et lui dédia un sourire indulgent.

« Je vais t'expliquer, Naruto-kun... Mais il va falloir me promettre de ne rien dire avant que je n'aie fini. »


La première chose que fit Jiraiya quand il entra dans la maison fut d'ouvrir de grands yeux abasourdis, devant le désordre qui régnait dans toutes les pièces. Depuis combien de temps n'avait-on pas fait le ménage dans ce lieu ? Le Sannin passa un doigt sur un meuble, qu'il ramena couvert de poussière, et espéra ne jamais trouver la réponse à sa question.

Des emballages de nourriture vides traînaient par terre, au milieu d'un capharnaüm indescriptible de kunai émoussés, de coussins éventrés et d'habits d'enfant jetés de part et d'autre dans la pièce. Jiraiya ferma les yeux et se dirigea tout droit vers le fond de la maison, où il espérait trouver Sakumo, se préparant au pire sur son état. Et il n'avait pas tort.

« Sakumo ! »

L'homme répondit à peine, recroquevillé dans son futon, si pâle et misérable que Jiraiya eut du mal à reconnaître son ami. Désemparé, il regarda un instant autour de lui, pour seulement voir des bouteilles de sake roulant sur le parquet poussiéreux.

« Bon sang, Sakumo ! » rugit le Sannin, perdant le peu de patience qu'il avait rassemblé en traversant la maison jusqu'à la chambre. « Reprend toi, Hatake, t'es un homme ou quoi ? Ressaisis toi ! »

D'un geste brusque, il attrapa le ninja comateux par le pan de son kimono maculé de tâches et le traîna jusque dans la salle de bain, où il le poussa dans la baignoire, ignorant ses hurlements. Le jet d'eau froide qu'il fit jaillir réduisit immédiatement Sakumo au silence, qui cessa un instant de se débattre. Ce n'était peut-être pas la méthode la plus douce qui soit mais elle avait le mérite d'être efficace, pensa Jiraiya. Il ne relâcha l'autre homme que quand il fut certain qu'il avait bien retrouvé tous ses esprits.

« Tu n'avais pas une bonne qui s'occupait de la maison, Sakumo ? » demanda t-il, observant l'état de la salle de bain et de la maison en général.
« Elle est partie, » grogna Hatake, s'enveloppant dans une serviette propre trouvée dans une commode. « Ils sont tous partis... »
« Tu divagues, » commenta Jiraiya, lui prenant son coude pour l'empêcher de tomber. « Tu as aussi maigri, » constata t-il avec inquiétude, dévisageant son visage décharné. « Ecoute... Va te changer, je vais appeler quelqu'un, cette maison est un vrai foutoir, je ne sais pas comment tu peux vivre ici ! Et venant de moi, ça veut vraiment dire que c'est grave ! »

Sakumo ne l'écouta pas, titubant jusque dans le couloir, se raccrochant aux murs pour ne pas tomber.

« Où est... mon fils ? Kakashi ? »
« Il doit être à l'académie... Il rentre dans une nouvelle équipe en tant que Chuunin, tu sais ? »
« Chuunin ? Déjà ? »

Jiraiya roula de gros yeux, franchement inquiet. Il regrettait de ne pas être passé plus tôt, pris par les dernières missions que lui avait confié l'Hokage. Ca faisait plusieurs mois déjà, et Sakumo ne semblait toujours pas être sorti de cet état pathétique où il était entré quelques mois avant.

« Tu le verras ce soir, Sakumo. En attendant, je t'emmène à l'hôpital, tu es beaucoup trop maigre ! »


« Nous devons être retournés environ vingt ans en arrière, » termina Sakura, s'appuyant doucement contre le dossier de sa chaise.
« Genjutsu ? »
« Non. » La fille aux cheveux roses était formelle. « C'est impossible pour un genjutsu, même d'un niveau supérieur comme celui d'Ita... comme celui d'une certaine personne, » se reprit-elle rapidement, lançant un regard furtif vers Sandaime.

Pendant leur discussion, ils étaient parvenus à la conclusion qu'ils valaient mieux pour eux tous de ne pas évoquer le 'futur', pour ne pas prendre le risque de le modifier par inadvertance. Naruto n'avait pas bien compris au départ, mais quand Sandaime lui évoqua les accidents qui pourraient arriver – empêcher sa propre naissance ou celle d'un de ses amis par exemple, le blond avait promis de ne rien dire qui pourrait modifier l'avenir... qui n'était rien d'autre que leur présent. Vraiment perturbant.

« Il est impossible pour celui qui contrôle le jutsu de créer un monde aussi élaboré, aussi fidèle et proche de la réalité, » continua la kunoichi. « Nous devons donc rejeter cette option. »
« Cette grotte au Pays de la Pluie... N'y avait-il pas un sceau devant l'entrée ? » demanda Sandaime, le front plissé.
« Il n'y avait absolument rien, nous avons pu y entrer sans problème, » répondit Sakura.
« La grotte existe peut-être déjà à cette époque. J'enverrai mes hommes faire quelques recherches... »

Sarutobi contempla les deux ninja un instant.

« Mais vous comprenez, je ne peux pas vous laisser quitter le village. Même si j'accepte de vous croire, je n'ai aucune garantie qui me prouve que vous n'êtes pas des agents d'un pays voisin. Nous sommes en guerre, après tout. Vous resterez à Konoha, » décida l'Hokage. « Je prendrai les mesures nécessaires pour que vous puissiez circuler dans le village. Sous surveillance, bien entendu... »


(TBC)