MUTANT X appartient à TRIBUNE et MARVEL.

RATING : K+

RAR : Merci à mon seul reviewer (Jay) et aussi à tous les lecteurs anonymes (surtout n'hésitez pas à me laisser un comm', ça me ferait vraiment très plaisir !)


... DEUX SOEURS...


MARINE :

« L'Océan sonore

Palpite sous l'œil

De la lune en deuil

Et palpite encore,

Tandis qu'un éclair

Brutal et sinistre

Fend le ciel de bistre

D'un zigzag clair,

Et que chaque lame,

En bonds convulsifs,

Le long des récifs

Va, vient, luit et calme,

Et qu'au firmament,

Où l'ouragan erre,

Rugit le tonnerre

Formidablement. »

P. Verlaine.


CHAPITRE 3 : Orage dans le ciel, orage dans les cœurs.


Pour la énième fois depuis le début de la soirée, un éclair aveuglant traversa la chambre de Brennan illuminant l'intérieur de la pièce comme en plein jour. Immédiatement, la lumière blanche fut suivie d'un formidable roulement de tonnerre, assourdissant, encore amplifié par les falaises qui entouraient le Sanctuaire. Un orage en décembre, à quelques jours de Noël ! Quelle m..de ! À croire que le tempsse détraquait ! Dehors, la pluie fouettait les fenêtres et les tôles du bâtiment avec violence tandis que le vent, lugubre, mugissait dans les conduits d'aération.

Brennan se retourna entre les draps de son lit, cherchant en vain une position qui lui soit plus confortable. Rien à faire… Le sommeil semblait définitivement vouloir le fuir… Il soupira longuement dans le noir, envoyant valser à terre un oreiller qui traînait. Pour dire vrai, ce n'était pas le bruit de l'orage qui l'empêchait de s'endormir. Depuis qu'il était couché, il ne cessait de penser à Shalimar – et, pour une fois, ce n'étaient pas des pensées coquines –. Voilà déjà de nombreuses heures qu'elle avait enfourché sa moto pour aller rendre visite à son père, à Matha's Vainyard. Elle avait insisté pour que Brennan ne l'accompagne pas, prétextant qu'il s'agissait d'une affaire de famille. Et maintenant, la féline était seule, dehors dans la nuit, quelque part sous le déluge… Elle aurait dû être rentrée depuis longtemps déjà…

L'inquiétude de Brennan, toute irrationnelle soit-elle, montait d'un cran supérieur à chaque nouveau coup de tonnerre. Et si… Et si elle avait un accident ? Brennan ne remettait pas ses aptitudes de conductrice en cause. Bien au contraire, en temps normal, Shalimar était la meilleure. Mais ce soir, avant qu'elle ne parte, Brennan l'avait sentie bouleversée par les révélations autour de sa sœur, par l'épouvantail de son père honni subitement ressorti du placard… ou plutôt d'un cercueil…

… Alors, les yeux grands ouverts dans l'obscurité, le cœur serré par l'angoisse, le mutant électrique guettait le retour de son amie…

… il avait dû finir par s'assoupir quelques instants…

Brennan émergea progressivement de l'inconscience avec l'impression agréable d'une caresse sur son visage. Il ouvrit les yeux. Shalimar était là, visiblement épuisée et dégoulinante de pluie, mais saine et sauve. Et souriante. Elle se tenait assise sur le bord de son lit, penchée vers lui et la pointe de ses longs cheveux dénoués effleurait son torse découvert, laissant au passage des petits sillons d'eau sur sa peau. De sa main, elle traçait doucement le contour de ses lèvres, la courbe de sa mâchoire, afin qu'il s'éveille. Brennan lui sourit à son tour.

- Bonjour, beau brun.

- Shal… Tu es revenue…

- Oui. Excuse moi de t'avoir réveillé…

Brennan se hissa sur un coude pour mieux la voir. Il étudia le visage familier, ravagé par la fatigue. Des frissons de froid parcouraient le corps de la féline : elle avait dû rouler toute la nuit sous la pluie. Peut-être même neigeait-il, à présent ? Elle n'en menait pas large, mais elle semblait apaisée. Du moins pour le moment…

- Shal, est-ce que tu vas bien ?

Sa question contenait plus qu'une simple formule de politesse : tout le souci qu'il se faisait pour elle, sa sollicitude aussi. Il n'avait pas besoin d'en dire plus, ils se comprenaient à mi mots, savaient déchiffrer les sentiments dans les yeux de l'autre. C'était pour cette raison que sitôt rentrée au Sanctuaire, Shalimar était venue directement ici, dans la chambre de Brennan. Pour lui raconter… Et aussi parce qu'elle savait qu'il s'inquiétait pour elle…

- Oui. J'ai été là-bas, à Matha's Vainyard. Mais en revenant, j'ai du attendre dans une grange que la pluie et l'orage se calment un peu. Brennan… Je ne l'ai pas vu, il n'était pas chez lui. Mais avant mon arrivée la maison avait été fouillée de fond en comble. Et je doute que ce soit l'œuvre de cambrioleurs ordinaires … Ils n'ont emporté aucun des objets de valeur. Ils ont seulement retourné les tiroirs, comme s'ils cherchaient quelque chose de précis…

- ça n'a servi à rien, alors ?

Il se sentait sincèrement déçu pour elle. Soulagé aussi que la confrontation qu'il redoutait tant n'ait pas eu lieu. Il pressentait confusément que les morceaux auraient été difficiles à recoller cette fois-ci. Un cœur, même celui d'une féline, ne pouvait se briser indéfiniment sans dommages irréparables… Au plus profond de lui-même, Brennan regrettait que Nicholas Fox ne soit pas réellement décédé dans l'explosion de la Naxcon Corporation. Il voulait construire un avenir commun avec Shal' – un avenir souriant – et pas que la jeune femme fut toujours rappelée par son passé sordide…

- Si. Brennan… Il savait que je viendrai…, répondit finalement Shalimar tout en fouillant la poche intérieure de son manteau dont elle extirpa un petit boîtier plat. Une disquette. – Il l'avait laissée à mon attention, avec mon nom écrit dessus.

- Et ça , demanda-t-il en désignant un sac de voyage trempé que Shalimar avait négligemment déposé au pied du lit. Elle haussa les épaules, pour signifier son ignorance :

- Je ne sais pas. C'est pour Sammy. Des affaires personnelles, des vêtements, je suppose… J'ai trouvé les deux dans… dans mon ancienne chambre…

Sa phrase resta en suspens dans l'air. Même à Brennan, Shalimar avait honte d'avouer la curiosité avide, le besoin presque physique, qui avaient délibérément conduit ses pas jusqu'à la dernière porte du couloir du deuxième étage de la maison de Martha's Vainyard… Jusqu'au seuil de sa chambre d'enfant… Elle n'y avait jamais remit les pieds depuis l'année de ses 10 ans… Comment expliquer à son ami l'immense dépit qu'elle avait ressenti en constatant que la pièce avait été entièrement transformée ? Comment expliquer la bouffée de haine pure qui l'avait si brutalement submergée lorsqu'elle avait vu la disquette et le sac qui l'attendaient, signifiant que cet homme, son père, avait anticipé sa démarche ?

Debout dans cette chambre étrangère et pourtant si familière, Shalimar avait essayé de rappeler à elle ses souvenirs passés. Mais c'était impossible : la plupart avait disparu dans les profondeurs de son esprit, comme son lit et ses jouets d'enfant avaient disparu de la pièce. À présent, il s'agissait visiblement de la chambre d'une jeune fille. Sammy. Bien sûr. Un instant, Shalimar avait observé avec envie toutes les choses dont elle avait été privée parce que ses parents l'avaient lâchement abandonnés dans un établissement psychiatrique : les beaux meubles en bois massif, les jolis rideaux fleuris, la coiffeuse coûteuse avec ses flacons de cristal et ses brosses en argent ouvragé, les tapis précieux … Des photos de famille à foison dont elle était évidemment absente… Et partout sur les murs : des dessins, des aquarelles représentant des portraits d'inconnus, des paysages de lande mélancolique et de mer déchaînée… Ils étaient jolis et – autant qu'elle puisse en juger – réalisés avec talent. Tous étaient signés S. Fox. Samantha – Sammy – Fox. Ça aurait tout aussi bien pu être « Shalimar Fox »… Sauf qu'au même âge, elle avait déjà tué plusieurs hommes de sang froid…

Assurément dans cette chambre, sa jeune sœur avait été heureuse. Une question s'était alors insinuée avec force dans le cœur amer de la féline : pourquoi elle et pas moi ? Qu'avait-elle donc de plus, cette enfant timorée et chétive ? Et une seconde question avait suivie, toute aussi fulgurante : quelle genre de femme serait-elle devenue si elle avait eût droit à tout cela ?

- Shal ?

La jeune femme sursauta. La voix inquiète de Brennan venait de la ramener brusquement dans la réalité. Elle lui adressa un petit sourire rassurant et, comme pour se convaincre elle-même, dit :

- Tellement d'années ont passé depuis… ça n'a plus d'importance, maintenant… Brennan ?

- Oui ma douce ?

- Tu me fais une petite place à côté de toi , demanda-t-elle, câline.

Déjà, elle soulevait les couvertures pour le rejoindre sous les draps. Toute habillée.

- Non, non, non, Shalimar !

Elle stoppa net son mouvement, vexée. Le mutant électrique s'amusa un instant de la surprise qu'il lisait sur le visage fatigué de son amie et ajouta, l'air satisfait de lui :

- Shal', au cas où tu l'aurais oublié, tu es trempée. Si tu viens dans mon lit, je ne pourrais certainement pas m'empêcher de te faire l'amour. Et tu sais comment ça se passe quand je perds le contrôle… Penses-y : je ne voudrais pas être responsable de notre électrocution à tous les deux… D'autant plus qu'après ça, les autres seraient automatiquement au courant de notre liaison… Alors, il faut que tu retires tes vêtements , acheva-t-il d'un air angélique.

- Mais…

Shalimar se sentait exténuée – tant physiquement que moralement –, frigorifiée de la tête aux pieds et surtout particulièrement vulnérable émotionnellement et absolument pas d'humeur à entrer en conflit avec Brennan. Dans l'immédiat, son seul souhait se résumait à s'allonger à ses côtés et qu'il la prenne dans la chaleur de ses bras… Alors, elle obtempéra.

S'éloignant maladroitement du lit, butant contre le sac de voyage qui se trouvait par terre, elle déboutonna son manteau et envoya valser ses bottines d'un habile coup de talon. Brennan ne la quitta pas des yeux tandis qu'elle ôtait successivement son pull-over côtelé et son étroit jean noir. En dépit de ses efforts pour le cacher, la lassitude de la féline éclatait dans chacun de ses gestes. Mais le regard de son amant sur son corps dénudé agissait comme une caresse voluptueuse et bientôt, Shalimar se prit au jeu… S'asseyant sur le bord du lit, elle fit doucement glisser ses bas le long de ses jambes minces. Brennan frissonna – et ce n'était pas de froid – : sa fatigue et sa subite excitation rendaient Shalimar adorablement maladroite… et extraordinairement désirable. Alors qu'elle s'attaquait fébrilement aux agrafes de son soutien-gorge, Brennan l'arrêta. Les yeux de la féline se dorèrent. Un bras noué autour de sa taille, il l'attira dans le lit et, d'une voix rauque, chargée de désir, chuchota :

– Non… ça, c'est moi qui m'en charge !


Dans l'une des chambres voisines de celle de Brennan, une toute jeune fille luttait également contre l'insomnie. Les larmes avaient fini par sécher sur ses joues et le goût du sel sur ses lèvres, mais la peine et la peur restaient tenaces dans son cœur effarouché.

Allongée seule dans le noir hostile de cette chambre inconnue, l'air surchargé d'électricité à cause de l'orage grondant au loin, Sammy Fox se sentait plus vulnérable que jamais auparavant. Plus vulnérable encore que ce jour funeste où les hommes armés l'avaient prise en chasse dans la lande. Ce jour où sa vie avait définitivement basculé… Au moins à l'époque était-elle encore ignorante de certaines choses qu'elle aurait préféré ne jamais apprendre…

Du dehors, les branches des arbres agités par la tempête couvraient le plafond de la chambre d'ombres effrayantes, toutes plus monstrueuses les unes que les autres… Sur les murs, les photos abandonnées par la mutante qui avait habité là avant sa mort, « Emma » comme l'avait appelée Jesse, grimaçaient des sourires déformés par la lumière blanche et hachée des éclairs. Sammy détestait sentir cette présence étrangère flotter autour d'elle, dans chaque objet, dans chaque meuble que contenait la pièce. D'anciennes légendes celtes d'âmes torturées revenant hanter les vivants, d'animaux cauchemardesques et sanguinaires, entendues les soirs de veillée au collège de Sainte Catherine, affluaient dans l'esprit enfiévré de l'enfant.

Si des êtres tels que les mutants existaient bel et bien, pourquoi pas aussi les fantômes, les loups-garous et même les vampires ? À cette dernière pensée, un énorme frisson parcouru le corps de Sammy : comme elle regrettait maintenant d'avoir écouté Isobel lorsque celle-ci lui avait assuré que le livre de Bram Stocker (1) qu'elle avait volé à une des surveillantes du collège et qu'elles avaient ensuite dévoré en cachette sous leurs pupitres ou dans leurs lits à la lueur d'une bougie, était une « merveilleuse histoire d'amour » ! Certes, il l'était. Et bien plus encore… Ensemble, les deux jeunes filles s'étaient tour à tour mises dans la peau de la sage Mina Murray et de l'échevelée (mais tellement séduisante) Lucy Westenra, essayant d'agir dans leur vie quotidienne de la même manière qu'elles pensaient que l'aurait fait ces deux femmes du siècle passé… C'était un jeu amusant.

Or, rétrospectivement, le roman de Bram Stocker apparaissait à Sammy beaucoup plus angoissant que romanesque… En fait, ce soir alors qu'elle se tournait et se retournait dans son lit en quête de sommeil, seul le passage crucial (qui sonnait alors délicieusement noir et excitant aux oreilles naïves des deux collégiennes) – celui où les héros surprennent le Comte en train de vampiriser la pauvre Mina dans sa propre chambre à coucher – lui revenait en tête, amenant une fine pellicule de sueur froide sur son front juvénile. Il semblait presque à Sammy deviner les yeux flamboyant de colère qui la fixaient, les larges narines palpitantes et les longues dents pointues du Comte parmi les ombres peuplant l'obscurité de la pièce…

Au fond d'elle-même, Sammy savait bien qu'il s'agissait seulement d'un conte (et que se concentrer là-dessus était pour elle un moyen d'éluder d'autres sources d'effroi, bien réelles cette fois-ci). Mais au final, qui lui garantissait que certains mutants n'étaient pas comme le Comte Dracula ? Ce Brennan avait bien la capacité de lancer des courants d'électricité sur ses ennemis… Cela donnait à réfléchir… Certes, les Mutants X semblaient souhaiter qu'elle reste avec eux, au Sanctuaire, exactement comme l'avait prédit son père, et Sammy aurait du s'en réjouir : elle allait être en sécurité.

Mais contre toute attente, elle se sentait en pleine révolte contre ces adultes qui régissaient sa propre vie sans jamais la consulter. Sans jamais rien lui expliquer… Personne n'avait la moindre idée de ce qu'elle laissait derrière elle, de toutes les choses qu'on l'obligeait à abandonner, sous prétexte que des savants fous s'étaient amusés avec ses gènes voilà 15 ans maintenant : sa petite existence tranquille et bien réglée de Sainte Cath', ses livres et ses dessins qu'elle aimait par-dessus tout, ses camarades de dortoir et leurs potins ridicules, ses enseignantes… Et bien sûr, Isobel, qui lui manquait déjà furieusement. Sa seule et meilleure amie depuis son entrée à Sainte Cath'. Sa sœur de cœur. Sa moitié… Comment faire comprendre aux quatre autres le tendre sentiment qui l'unissait à la jeune métisse ? Peut-être que si elle arrivait à en parler à Jesse, lui donnerait-il la permission de lui écrire ? Au moins pour faire savoir à son amie qu'elle était bien en vie et qu'elle pensait à elle. Pour lui demander de veiller sur ses affaires jusqu'à ce qu'elle revienne au collège.

… Si jamais elle y revenait un jour…

Cette pensée négative ne trouva cependant pas le chemin du cœur triste de Sammy car, l'espace d'un instant, le joli sourire d'Isobel s'imposa à elle, éloignant toutes les autres peurs. Pourtant, il fut rapidement remplacé par un autre sentiment, très désagréable celui-ci : le doute. Comment réagirait la jeune fille si elle apprenait que Sammy était une mutante ? Une erreur de la nature ? Est-ce que le sourire se fanerait sur ses lèvres douces ? Est-ce qu'elle détournerait de son amie son beau regard soyeux, de dégoût, de honte d'avoir été si proche d'elle ? Lui jetterait-elle l'opprobre parce qu'elle était un monstre ? Le front de Sammy se couvrit à nouveau de sueur tandis que dans sa tête, la spirale des questions restées sans réponses tourbillonnait : pourquoi tant de mensonges ? Pourquoi son père ne lui avait-il jamais rien dit de sa condition de mutante ? Pourquoi voulait-on la tuer ? Pourquoi était-il au courant ? Et la plus douloureuse d'entre elle : pourquoi sa sœur la détestait-elle à ce point ? Que lui avait donc fait leurs parents pour qu'elle devienne si dure ?

Soudain, un formidable coup de tonnerre éclata dans le ciel, juste au dessus de sa tête. De surprise, Sammy poussa un petit cri étranglé. Assurément, la foudre venait de s'abattre dans la forêt et ce, tout proche du Sanctuaire… Recroquevillée dans le grand lit en position fœtale, sa chemise de nuit réglementaire étroitement serrée contre elle – dernier rempart contre l'inconnu qui l'environnait –, l'enfant imagina l'arbre magnifique et solitaire prendre feu. En guise de feuilles, ses flammes dansaient dans le vent, laissant s'envoler derrière elles de longues traînées rougeoyantes… Et une terreur violente, aigue, sauvage, une terreur proprement animale s'empara de l'enfant.

Alors, impitoyables, les paroles que Jesse avait prononcé dans l'après-midi lui revinrent en mémoire : « les tests ADN sont formels » « Tu possèdes certains dons » « caractéristiques des félins » « Tu es aussi une mutante »

Une mutante.

Mutante.

Mutante.

Et pour la première fois depuis qu'elle savait, Sammy sentit, dans son propre corps, qu'il avait raison. Elle pouvait sentir cette autre part d'elle-même, celle qui craignait le feu et qui pouvait faire des choses incroyables…


Tard dans la matinée, Shalimar inséra la disquette laissée à son attention par Nicholas Fox dans un des lecteurs de la salle des ordinateurs. Son appréhension était grande ; c'est pourquoi Brennan avait tenu à être présent, près d'elle. Délaissant leurs activités respectives, Lexa et Jesse s'étaient bientôt joints à eux. Quant à Sammy, elle se tenait timidement dans l'encadrement de la porte – ne sachant si elle devait rester ou au contraire, sortir – mais curieuse de revoir son père chéri, qu'elle savait en difficulté.

Pendant plusieurs minutes, l'écran noir de l'ordinateur central se couvrit de neige, tandis que les enceintes crachaient de pénibles grésillements ininterrompus. Enfin, le visage émacié et soucieux de Nicholas Fox se matérialisa devant leurs yeux. Visiblement, il s'était filmé lui-même, dans son luxueux bureau de la Naxcon Corporation, comme en témoignaient les affiches murales et la grande baie vitrée dans son dos. Il avait l'air sur le qui-vive, jetant d'incessants regards par dessus la caméra comme s'il craignait que quelqu'un ne vienne le déranger – ou comme s'il était surveillé – Lorsqu'il commença à parler, tous notèrent que sa voix sonnait beaucoup plus stressée qu'à l'accoutumée :

« Shalimar, si tu es en possession de cet enregistrement, cela signifie qu'à l'heure qu'il est j'ai été contraint de quitter Martha's Vainyard et les États-Unis. Ne tente surtout pas de me retrouver, ce serait inutile. Tout ce que tu as besoin de savoir, c'est qu'il était nécessaire que je disparaisse en attendant des jours meilleurs. Pour ma propre sécurité. Pour faire simple (et parce que je sais que tu vas chercher à te renseigner par toi-même), disons que… que certains investissements réalisés par la Naxcon Corp. m'ont entraînés dans une situation quelque peu délicate. Depuis l'explosion…depuis l'explosion, certains m'ont rendu coupable du démembrement de Génome X et de la disparition d'Eckhart…Mon nom a été mis en avant dans un certain nombre d'affaires qui auraient dues rester secrètes…Des gens hauts placés avec qui j'ai traité m'ont trahi et… »

- Bah voyons , renifla dédaigneusement Lexa. Elle n'avait jamais rencontré Nicholas Fox en personne, mais même par écran vidéo interposé, cet homme ne lui inspirait aucune confiance. – Dis plutôt que tes petits trafics illégaux se sont retournés contre toi ! Naxcon Corp ? Un cocktail de génétique et de pharmaceutique ? Je parie 10 contre 1 qu'il est mêlé à une vilaine histoire de terrorisme intérieur… Et qu'il doit être caché quelque part en Amérique Latine…

- Chut !

« …Shalimar, tu es la seule à qui je peux encore faire confiance. Il faut me pardonner de t'avoir fait souffrir. Ce… Tout ce que j'ai fait, c'était pour ton bien, crois-moi. Si je t'ai envoyé Sammy, c'est parce que je ne peux pas veiller moi-même sur elle. Je n'avais plus d'autres choix que de faire appel à toi et à l'équipe des Mutants X. Il faut que vous la protégiez. C'est bien votre travail d'aider les innocents, non ? Jusqu'ici, j'avais réussi à leur cacher son existence, à leur cacher qu'elle était toujours en vie, quelque part en Angleterre. À la préserver de tout ça. Ils la croyaient morte depuis longtemps…Mais maintenant, ils savaient…Je…je ne sais pas comment c'est possible, mais ils ont retrouvé sa trace ! Shalimar, si tu ne me crois pas, demandes-toi pourquoi la maison de Martha's Vainyard a été fouillée : c'est elle qu'ils cherchaient ! Elle… Sammy… représente tellement de choses pour eux…Je t'en pris, protège la ! C'est mon trésor, la plus belle chose qui me soit arrivée, la personne qui compte le plus au monde à mes yeux… Et c'est ta sœur, Shalimar. Elle…»

L'image disparut subitement du terminal comme si l'homme avait été surpris au milieu de son monologue. Puis l'écran redevint intégralement vide. Sans se concerter, Brennan, Jesse et Lexa se tournèrent d'un seul mouvement vers Shalimar : elle était livide.

- Je … je crois que pour le moment, je suis bien trop fatiguée pour comprendre un seul mot de tout ça , balbutia-t-elle précipitamment en hochant la tête de droite à gauche en signe de dénégation. Elle semblait être en colère. – Je préfère encore aller me coucher pendant que vous y réfléchissez… Vous me raconterez !


A suivre ...
(1) Bien sûr, tout le monde aura reconnu l'excellent livre dont il est question ici : Dracula, du non moins formidable Bram Stocker...