MUTANT X ne m'appartient pas.

Rating : Petit (ou plutôt assez grand) changement, passage du K à T.

RAR : Salut Bony (oui, oui, je t'endends déjà grogner que je mets plus de temps à poster sur ffnet que sur le forum, désolée...) ! Ton commentaire m'a fait très plaisir (comme d'habitude) et surtt cette petite phrase qui est un merveilleux compliment : "Tu sais creuser leurs personnalités et les rendre bien moins plats et lisses que ne le faisait la série" Que demander de plus ? Merci !

Merci aussi à tous les lecteurs anonymes (si seulement vous me laissiez un tout petit comm', ça serait tellement gentil...)


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« Ce soir nos deux corps se mêlent
Fiers d'une étreinte parfaite
Et si elle veut la vie
Moi je lui donne la mienne »

Ce soir Kyo.

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« De la douceur, de la douceur, de la douceur !

Calme un peu ces transports fébriles, ma charmante.

Même au fort du déduit parfois, vois-tu, l'amante

Doit avoir l'abandon paisible de la sœur. »

Lassitude, Poèmes Saturniens.

Paul Verlaine

(1844 – 1896)

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CHAPITRE 6 : UNE SI LONGUE NUIT…

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- Argh ! Ça suffit : j'en ai assez , s'exclama soudain Jesse. – J'abandonne !

D'un vigoureux coup de talon, le moléculaire fit rouler sa chaise loin de la table, éteignant d'un même mouvement l'ordinateur qui lui faisait face. Abandonnant sa tête blonde contre le dossier rembourré de son siège, il se laissa aller à la douce torpeur qui le gagnait petit à petit.

Contrairement à dehors, une chaleur bienveillante baignait la salle des ordinateurs où le chauffage avait été poussé au maximum. Jesse songea que l'on pouvait indubitablement considérer cette pièce comme le cœur du Sanctuaire – et comme son endroit préféré. Celle-ci lui rappelait la grande cuisine de la maison de son enfance où il aimait se réfugier lorsqu'il avait un chagrin ou que le salon de ses parents regorgeait d'invités. Il lui fallait alors faire attention de ne pas gêner les cuisiniers et les femmes de service, aussi allait-il s'asseoir discrètement près de l'âtre flambant, prenant le moins de place possible, observant, fasciné, l'activité frénétique de ce petit monde, jusqu'à ce que sa mère (ou bien sa nurse) ne se rendent compte de sa disparition et ne viennent le chercher. Parfois, s'il avait de la chance, l'enfant avait droit à une pâtisserie ou un petit morceau de pain tout droit sorti du four et tout doré.

Or, présentement, avec ses dizaines d'écrans allumés, ses voyants multicolores à perte de vue et le sapin de Noël fièrement dressé au milieu, la salle des ordinateurs apparaissait au jeune homme exactement aussi chaleureuse et enluminée que la cuisine de ses souvenirs. Autour de lui les ordinateurs tournaient à plein régime, l'enveloppant de leur ronronnement régulier et réconfortant. Jesse pensa alors qu'il aurait facilement pu s'endormir sur place, malgré le manque de confort de son siège, tellement il se sentait bien. Réchauffé. Et ce n'était pas seulement une sensation physique… La perspective de sa mort prochaine et programmée semblait à des années lumières de la réalité …

- Ok ! Mais qu'est-ce que tu proposes de mieux ?

La voix rauque de Lexa rompit une seconde fois le silence serein de la pièce, jusqu'alors simplement troublé par le petit chuintement sourd qui se faisait entendre à chaque fois qu'une guirlande électrique décorant le sapin clignotait.

Se tournant vers la jeune femme, Jesse rouvrit les yeux et les plongea directement dans les siens. Elle ne semblait pas vraiment en colère, ni même impatiente. Juste en quête d'une réponse de sa part. Il haussa les épaules.

Tandis que depuis plusieurs jours, Shalimar et Brennan jouaient au chat et à la souris, s'évitant, se fuyant, se blessant mutuellement…, de leur côté Jesse et Lexa partageaient un secret et travaillaient de concert pour le résoudre et, de fait, se rapprochaient l'un de l'autre.

En effet, la similitude parfaite des ADN de Shalimar et de sa sœur mise en évidence par les examens approfondis de Jesse, laissait entrevoir une hypothèse tellement inimaginable et improbable, tellement dérangeante aussi, que ni le Moléculaire ni Lexa n'étaient encore prêts à l'accepter… Pourtant, il fallait être honnête : la vidéo envoyée par le contact de Lexa au Dominion ainsi que le dossier médical de Shalimar constitué par Adam à ses débuts allaient dans le sens de cette hypothèse. Les prises de sang incessantes, les prélèvements tissulaires répétés, toujours la fameuse année 1985… tout concordait et portait à croire que la féline avait été l'objet d'expériences insolites durant son séjour dans l'hôpital psychiatrique. Mais c'était impossible pourtant : personne n'avait encore réussi ça et encore moins il a 15 ans …

Pour ces raisons, Jesse et Lexa avaient décidé de cacher leurs recherches aux autres : Shalimar et Sammy semblaient déjà suffisamment perturbées par leurs nouvelles situations respectives pour rajouter encore à leur trouble et Lexa craignait que Brennan ne révèle par inadvertance la vérité à la féline s'ils lui confiaient leur secret. D'ailleurs, jusque ici, cela n'avait pas été trop difficile de travailler en se cachant d'eux…

Chaque soir, dès que les autres habitants du Sanctuaire gagnaient leurs chambres, Jesse et Lexa oeuvraient à trouver une explication logique sur la mystérieuse identité des ADN des deux sœurs. Ensemble, ils avaient fouillé Internet de fond en comble, multipliant à l'infini les recoupements des bases de données existantes. Ils avaient épluché les dossiers d'Adam (plus par acquis de conscience qu'autre chose) et tous les fichiers de l'ASG dérobés par Lexa lors de son départ de Génome X. Mais malgré leur recherche effrénée d'un quelconque lien entre Shalimar et Samantha Fox ou d'une expérience commune qui remonterait à 15 ans, au bout d'une semaine de prospection, ils n'avaient toujours rien de solide à se mettre sous la dent.

Le plus étrange était d'ailleurs cette absence totale de sources : Samantha Fox, née le 11 septembre 1985, n'apparaissait absolument nulle part. C'était positivement comme si elle n'avait jamais existé. Même dans son dossier d'inscription à Sainte-Catherine (que Jesse avait obtenu en charmant d'anciennes relations – d'avant sa mutation –), l'état civil de l'enfant était erroné. Pas étonnant dans ces conditions que personne, pas même le Dominion, n'ai retrouvé sa trace jusqu'alors… Probablement était-ce l'œuvre de Nicholas Fox pour protéger sa fille et brouiller les pistes… Et dans ce domaine, apparemment, il excellait.

- Il nous reste encore ça…, avança Jesse désignant devant lui un léger dossier en papier constellé de tâches, ne contenant que quelques feuilles abîmées par le temps et la moisissure.

- Oui…, approuva Lexa sans même regarder dans la direction pointée par Jesse : ça n'était guère nécessaire, elle savait déjà de quoi il parlait, hésitant elle-même à aborder le sujet depuis quelques minutes. Puis : – Je crois que nous n'avons plus le choix.

- Non.

Jusqu'ici, d'un commun accord, ils avaient repoussé cette piste, conscients que le dossier en question renfermait plus que des mots : des mensonges et des blessures qu'ils ne pourraient pas indéfiniment cacher aux principales intéressées. Cependant, c'était leur dernier recours, la seule chose qu'ils pouvaient tenter d'établir avec certitude : qu'était-il arrivé à Madame Fox, la mère de Shalimar et Sammy ? Sur ce point là, au moins, il semblait que Sammy disait vrai et que Nicholas Fox avait encore abusé Shalimar en prétendant que sa mère l'avait quitté et s'était établie sur la côte Ouest, puisqu'ils avaient déniché un acte d'inhumation à son nom, dans le cimetière de Martha's Vineyard remontant à 15 ans.

- Rendez-vous dans l'Hélix dans 30 minutes, alors , annonça Lexa en se levant. – Et Jesse ? Mets quelque chose d'un peu plus discret…, ajouta-t-elle en scrutant le pull beige clair de son coéquipier.

- Ok !

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… Un bruit de pas dans sa chambre plongée dans le noir… Ses yeux qui s'ouvrent instinctivement en grand… Son cœur qui bat la chamade… Comme toutes les nuits … Et si c'était elle ? Ou bien était-ce un nouveau rêve, une nouvelle illusion qui le laisserait comme chaque nuit pantelant de désir et complètement brisé ? Encore ensommeillé Brennan interrogea l'obscurité, sa voix pleine d'espoir :

- Shal ?

- Désolé Brennan ! Ça n'est que moi…

- Jesse ? Mais qu'est-ce que tu fiches là ? T'as vu l'heure ? Il est … putain ! Il est 1 heure du matin Jesse ! Puis, se souvenant des confiances de l'après-midi, la voix du matérial électrique se fit angoissée : - Est-ce que tu vas bien ?

- Moi aussi je t'aime Brennan ! Et oui, je vais bien, alors ne me pose pas la même question 50 fois par jours, ok , répondit Jesse, visiblement un peu agacé. – Je voulais juste te prévenir que Lexa et moi on sort. Et qu'on prend le double Hélix. Normalement on sera rentré avant demain matin. Mais au cas où, ne t'inquiètes pas, d'accord ? C'est pour une mission… Enfin, d'une certaine manière…

- M'est égal , lança Brennan, cependant momentanément rassuré sur la santé de son ami.

Insidieusement, la jalousie se mêlait à la déception dans le cœur du jeune homme : il en voulait à Jesse de passer la nuit avec Lexa et, d'une manière plus générale, de les voir devenir si évidemment proches l'un de l'autre. Même si ce n'était pas ce qu'il imaginait (et il savait que ce n'était pas cela) au moins, cette nuit, ils seraient ensemble. Et Brennan ne connaissait que trop bien les sentiments de son ami pour la brune. Même si c'était injuste, il en voulait à Jesse de ne pas être Shalimar…

- Bon bah j'y vais alors. Ah, au fait ! Brennan ? Très joli dessus-de-lit… Charmante couleur… Elle te va bien au teint, je trouve , pouffa Jesse ignorant du malaise de son ami et désignant l'étoffe chatoyante oubliée par Shalimar la dernière fois qu'elle était venue dans la chambre de Brennan et dans laquelle celui-ci était présentement enroulé.

Brennan se sentit subitement très ridicule. Très ridicule et très profondément pitoyable. En effet, chaque nuit, il se pelotonnait dans le dessus-de-lit de Shalimar pour essayer de retrouver sa chaleur et son odeur qui lui manquaient tellement… C'était comme une drogue : sans la douceur de l'étoffe multicolore entre ses doigts, le matérial électrique ne pouvait même pas espérer trouver le sommeil… Pour cacher son trouble, Brennan balança un oreiller vers l'endroit où se tenait Jesse, qui répliqua toujours riant :

- Ok ! Je sors !

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- Enfin , s'exclama Lexa en voyant entrer Jesse par la porte latérale du Double Helix.

Elle-même était déjà assise aux commandes de l'appareil, ceinture bouclée, mains sur le levier de vitesse, prête à décoller. Comme de coutume, la jeune femme était intégralement vêtue de noir mais elle avait troqué ses chaussures à talons hauts contre une paire de chaussures tout terrain. Chaudement emmitouflée dans un long manteau doublé d'une jolie et douce fourrure couleur taupe, un bonnet, une écharpe et des moufles – noirs également – complétaient son camouflage. À ses pieds trônait un matériel assez insolite, composé de plusieurs pelles, de bobines de corde ultra solide, de deux lampes torches et autres sacs en plastique.

Jesse nota que Lexa semblait assez mécontente d'avoir dû attendre, mais il savait que c'était son appréhension de ce qu'ils s'apprêtaient à faire qui s'exprimait ainsi. Par ailleurs, lui aussi se sentait un peu nerveux…

- Désolé ! J'ai dû me changer, s'excusa-t-il en prenant ses habits noirs à témoin. Il portait également un anorak épais et des gants. – Et puis, j'ai été prévenir Brennan qu'on sortait.

Tandis qu'il s'installait aux côtés de Lexa et qu'ensemble ils effectuaient les manœuvres de décollage, Jesse prit conscience de ce qui le chagrinait.

- Lex' ?

- Hm ?

- Tu ne trouves pas que Brennan est un peu… un peu bizarre en ce moment ? Agressif ?

Devant eux, la porte du garage du Sanctuaire s'ouvrit largement dans le flanc de la montagne pour les laisser sortir. De gros flocons de neige dansaient derrière les vitres de l'Helix et bientôt, le givre y fit apparaître une constellation d'étoiles microscopiques et transparentes. Lexa enclencha finalement le pilotage automatique : ils n'avaient plus qu'à se laisser porter jusqu'à leur destination. Une demi-heure suffirait, malgré les conditions climatiques.

- Hm… Je te rappelle que Brennan est toujours agressif avec moi, Jesse , souligna Lexa, dès qu'elle pu éloigner son attention du tableau de bord. Puis, pour répondre à la question de son coéquipier : - Oui, tu as raison, c'est vrai qu'il est un peu plus sur les nerfs que d'habitude en ce moment. Mais c'est la faute de Shal' et, si tu veux mon avis, c'est normal qu'il se sente un peu tendu, vue la situation ...

- La faute de Shal' ? Normal ?

- Oui, normal ! Mais…, commença Lexa. De compréhension, ses yeux s'écarquillèrent en grand devant l'air perdu de Jesse. – Mais… Jesse, tu n'es quand même pas naïf à ce point-là ?

- …

- Brennan et Shal' ! Ils couchent ensemble… Du moins jusqu'à ce qu'ils se disputent et qu'ils commencent à s'éviter comme on cherche à éviter la peste , énonça la jeune femme comme s'il s'agissait d'une évidence ou comme si elle s'adressait à un enfant particulièrement obtus.

- Quoi ?

- Enfin, Jesse… Ne me dis pas que tu n'en savais rien !

Pour Jesse, ça n'était pas une évidence. Certes, depuis le début, le matérial électrique et la féline avaient toujours été très proches l'un de l'autre, se provoquant, se chamaillant sans cesse par jeu ou par défi… Mais il n'y avait jamais eût de sous-entendus sexuels entre eux ! Pour preuve, ils avaient chacun eut leur lot de petits amis ou petites amies respectifs. Du moins, c'était ce que Jesse pensait jusqu'à ce jour…

Or maintenant que Lexa avait insinué le doute dans son esprit, des détails, des petits riens qui émaillaient leur vie quotidienne au Sanctuaire, lui revenaient en mémoire : des coups d'œil furtifs par-dessus la table du petit déjeuner, des frôlements de corps provoqués indûment, Brennan et Shalimar qui disparaissaient mystérieusement en même temps, tous les deux injoignables sur leurs coms rings pendant plusieurs heures… Soudain, l'image d'un certain dessus-de-lit bariolé tout récemment entrevu dans la chambre de Brennan se matérialisa devant ses yeux et Jesse se sentit idiot de n'avoir rien deviné, pas même soupçonné. Pourtant c'était effectivement plus qu'évidement. Comment ai-je pu être si aveugle ? pensa-t-il, tandis qu'il sentait ses joues se colorer de dépit. Lexa, qui ne les connaissait que depuis peu et n'était certainement pas dans les confidences de Shalimar et Brennan, savait. Et pas lui.

Jesse croisa le regard outremer de la jeune femme fixé sur lui. Elle semblait suivre chaque rouage de son cerveau tandis que celui-ci assemblait progressivement les détails qui amèneraient son esprit à accepter l'indubitable vérité. Visiblement, Lexa lisait en lui comme dans un livre ouvert et la rougeur de Jesse s'intensifia encore. Un léger sourire s'accrocha fugitivement aux lèvres de Lexa puis disparut aussitôt mais Jesse était sûr que le pétillement dans ses yeux n'était pas uniquement dû à l'éclairage : elle se moquait de lui.

- ça dure depuis combien de temps ? Et puis, comment se fait-il que toi, tu sois au courant , contre attaqua-t-il.

- Je ne sais pas, depuis quelques mois, il me semble. Et pour ta deuxième question : il suffit de les observer Jesse, toujours à se dévorer des yeux, à se tripoter pour un rien !

- Je… Je ne savais pas…, avoua Jesse comme s'il en était encore besoin.

Lexa aurait probablement préféré se faire écorcher vive plutôt que d'avouer à quelqu'un combien elle trouvait la candeur de son coéquipier touchante. C'était quelque chose qu'elle n'avait encore jamais rencontré chez un homme et encore moins chez un homme qu'elle appréciait et qui semblait l'apprécier. Même Léo, dans sa jeunesse et avant qu'il ne développe ses problèmes psychologiques, n'avait pas cette pureté de sentiment, cette gentillesse…

- Mais pourquoi n'ont-ils rien dit ? Et pourquoi ce sont-ils disputés ?

- Héo, Jesse, du calme ! Je n'en sais rien du tout, moi ! Tu n'auras qu'à leur demander. Et puis… Et puis je doute qu'ils apprécient beaucoup que nous discutions de leurs histoires de cœur… De toute manière, nous sommes arrivés, ajouta-t-elle pour clore la conversation.

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Après l'intrusion inopinée de Jesse dans sa chambre – et dans son sommeil – , Brennan ne parvint pas à se rendormir. Il avait besoin de s'éclaircir les idées et, plutôt que de ruminer dans son lit, il préféra une bonne douche qui l'aiderait peut-être. Ou peut-être pas d'ailleurs, mais il avait besoin de s'occuper à quelque chose et les possibilités à 1 heure un matin étaient d'autant plus restreintes que la presque totalité des habitants du Sanctuaire était dehors…

Lorsqu'elle entra dans la salle de bain, simplement vêtue d'un peignoir transparent, Brennan venait juste de sortir de sous la douche.

- Shal'…

Il avait murmuré son nom. L'espace d'un instant, le temps sembla se figer autour d'eux. Croyant à un nouveau rêve, Brennan n'osa ni bouger ni même respirer de peur que la merveilleuse apparition de celle qu'il aimait ne s'efface et ne le laisse seul encore une fois… Se fut donc Shalimar qui s'avança jusqu'à lui. Cela faisait plusieurs jours que Brennan ne l'avait vue de si près et son cœur se serra péniblement dans sa poitrine lorsqu'il remarqua sa mine affreuse et les cernes incroyablement prononcés qui entouraient ses yeux.

- Pardonne-moi, Brennan…

Comme pour ne pas profaner le silence du sanctuaire qui accueillait leurs retrouvailles, elle aussi avait chuchoté son prénom… Le léger tissu de son peignoir glissa à leurs pieds tandis que la jeune femme s'accrochait à son amant retrouvé, enroulant ses longues jambes minces autour de sa taille.

- Hé ! Tout doux Shal' ! Tu vas te tremper…, s'exclama Brennan, étonné, surpris, la retenant de justesse entre ses bras puissants.

La scène lui paraissait tellement surréaliste – la tenir enlacée, nue, alors qu'hier encore Shalimar refusait de lui adresser la parole – que Brennan se demanda s'il ne rêvait pas quand même… Mais non. Indécis, il oscilla entre l'amusement et la perplexité, s'interrogeant s'il devait se réjouir de sa venue ou au contraire, s'inquiéter de son impatience. Tout allait bien trop vite… Alors, Brennan tenta de la repousser loin de lui pour ne pas qu'elle se mouille. Pour étudier son visage. Pour calmer le jeu. Mais déjà, d'une habile saccade, Shalimar fit tomber la serviette qui ceignait les reins du matérial électrique. Celle-ci vint instamment rejoindre son peignoir. Par terre.

- ça m'est égal…, répondit-elle, couvrant sa bouche de la sienne et son corps dénudé par la pression de son propre corps.

Son premier baiser fut si sauvage que Brennan sentit le sang perler sur sa lèvre inférieure et leurs dents s'entrechoquer violemment.

Shalimar ne voulait pas parler. Pas maintenant, pas encore. Juste sentir la force de l'homme qu'elle aimait contre elle. En elle. Son étreinte s'était intentionnellement faite douloureuse : elle voulait qu'il lui rende sa brutalité en retour. Après tant de jours passés loin de lui et de toute caresse masculine, elle voulait souffrir dans ses bras à lui pour se sentir revivre …

En effet, depuis l'arrivée de sa sœur au Sanctuaire, une partie d'elle-même était morte, comme une partie d'elle était déjà morte lorsqu'elle avait eu 10 ans… La trahison de cet homme qu'elle appelait 'son père', l'abandon silencieux mais néanmoins consenti de sa mère, l'effroyable asile psychiatrique, les tortures, la douleur, toujours la douleur… Son cœur s'était à nouveau brisé lorsqu'elle avait entendu les mots « trésor, amour » dans la bouche même de celui qui disait d'elle « un monstre, une malade »…

Pourtant, Shalimar pensait avoir oublié, tellement de choses s'étaient passées depuis – en bien comme en mal –… Elle se trompait. Les images, les sensations, les odeurs, les souvenirs avaient resurgis du passé, toujours incroyablement nets, et ils tournoyaient dans son esprit à une vitesse folle, perturbant ses sens et sa perception du présent… Elle avait eût beau fuir, épuiser physiquement son corps dans des combats à la vie à la mort, la douleur qui étreignait son cœur semblait ne jamais vouloir la quitter. La haine aussi. Poignante, profonde. La haine sans merci du félin qui la saisissait aux tripes à chaque fois qu'elle songeait à son géniteur. Et une infinie tristesse : tout ça, pourquoi, pourquoi, pourquoi ? L'interrogation hurlait en elle, résonnant comme dans le vide. Folle. Devenait-elle folle ? Quelle ironie…

Shalimar ne savait pas vraiment ce qu'elle avait, sinon qu'elle allait mal et que seuls le sexe et l'orgasme pourraient la remettre dans son état normal. Et l'amour de Brennan. Peut-être…

- Brennan…, implora-t-elle entre deux baisers fiévreux, - Brennan… Je t'en prie, empêche moi de sombrer…

Le cœur de Brennan, déjà largement mis à l'épreuve depuis l'arrivée de Shalimar dans sa salle de bain, se cambra dans poitrine, ratant plusieurs battements de suite. Il suffoqua un instant, luttant pour reprendre son souffle tandis qu'il essayait de stopper les embrassades de la féline. Sur ses lèvres, se mêlant au goût douceâtre de son propre sang, il sentit le sel de ses larmes à elle. Elle avait l'air si désespérée, si vulnérable entre ses bras…

- Shal', s'il te plait, attends…

Mais elle ne semblait pas vouloir s'arrêter, griffant son dos et sa nuque de ses ongles assassins, cajolant le lobe de son oreille dans une caresse proprement affolante. Cela faisait tellement longtemps que Brennan attendait ça, tellement longtemps qu'il espérait le retour de Shalimar vers lui, qu'il ne pu s'empêcher de répondre à son tour à son étreinte. Tant pis, les mots, les explications, viendraient plus tard…

Alors, guidé par une longue expérience du corps de son amante, Brennan retrouva le chemin familier de la poitrine de Shalimar, s'enivrant de sa saveur merveilleuse, titillant le petit bouton de chair rose de sa langue, arrachant à la féline un premier gémissement…

… Gémissement qui ressemblait incontestablement plus à un sanglot qu'à un soupir de plaisir… Cette plainte ramena Brennan sur terre à la vitesse grand V, avec l'impression d'un homme qui vient de désaouler sous l'effet d'une douche froide…

Les caresses entreprenantes de la féline, le frottement suggestif de son bassin contre son bas ventre, ses baisers brûlants, risquaient à tout moment de lui faire perdre le contrôle de lui-même. Si Shalimar continuait ainsi, Brennan allait la prendre sans attendre, sans plus de préliminaires, dans la lumière crue et aveuglante de la salle de bain, adossée au marbre glacé de la vasque de toilette comme une vulgaire conquête de passage …

Non. Il ne voulait surtout pas lui faire mal, la faire souffrir plus qu'elle ne souffrait déjà. Il se refusait à profiter de son état, de sa détresse qu'il lisait dans ses yeux noyés, pour obtenir à ses dépends un plaisir personnel vite pris… Même s'il brûlait d'envie de la posséder enfin à nouveau. Même si ses reins irradiaient tout son être d'un désir douloureux.

Alors, sans prendre garde aux protestations étonnées de la jeune femme, Brennan la souleva dans ses bras, la conduisant doucement jusqu'au lit où il déposa son précieux fardeau avec précaution. Immobile au-dessus d'elle, il contempla un instant la féline, tandis qu'elle semblait calmer ses élans : malgré sa fatigue, malgré sa pâleur et ses larmes, elle était toujours aussi belle… Alors, il s'allongea à ses côtés. Avec mille tendresses, mille caresses sans cesse renouvelées, Brennan lui fit l'amour, ne s'autorisant à se laisser aller à sa propre jouissance que lorsqu'il fut sûr que Shalimar avait elle-même atteint le seuil du plaisir…

Alors, pour la première fois depuis si longtemps, les deux amants chavirèrent simultanément, emmêlés dans les bras l'un de l'autre.

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Au même moment, mais à plusieurs centaines de kilomètres du Sanctuaire et de la chambre qui abritait les retrouvailles de leurs deux amis, Lexa et Jesse posaient le Double Hélix dans un champ isolé de la petite île de Martha's Vineyard…

- Voilà ! C'est ici , annonça Lexa en désignant un point dans la nuit au moléculaire qui suivait, portant sur son dos le sac contenant leur encombrant matériel.

Un petit nuage de buée s'échappa de sa bouche tandis qu'il marquait sa surprise. Devant eux, se dressait un immense portail rouillé – quelques restes de peinture écaillée suggéraient qu'il avait dû être blanc, à une certaine époque –, lequel portail était encadré par deux monstres de pierre aux grimaces repoussantes. à travers les ronces grimpantes et les feuilles de lierre qui envahissaient une petite plaque de cuivre sur le mur d'enceinte, on pouvait lire l'inscription suivante : « Cimetière communal de Martha's Vineyard, compté d'Oak Bluffs ».

La grille vétuste ne résista qu'une seconde sous l'assaut du rayon lumineux de Lexa et s'ouvrit dans un grincement lugubre pour laisser passer les deux mutants. Côte à côte, ils progressèrent lentement au milieu des pierres tombales brisées, des bancs tordus couverts de mousse et des herbes hautes qui s'accrochaient comme des bras d'enfants noyés aux pans du manteau de la jeune femme… Du moins, c'était ce qu'elles lui évoquaient… Un frisson d'horreur parcouru le corps de Lexa : Seigneur ! Qu'elle détestait les cimetières !

Non loin d'elle, Jesse s'était arrêté à proximité de la silhouette baroque d'une vielle église et se démenait silencieusement pour attirer l'attention de sa coéquipière : visiblement, il venait de découvrir la tombe qui les intéressait… Les sourcils de la jeune femme s'arquèrent de mécontentement au fur et à mesure qu'elle le rejoignait : en effet, en dépit de ses vêtements noirs, la pâle blondeur du moléculaire brillait sous le clair de lune, indiquant leurs présences à d'éventuels témoins aussi sûrement qu'un feu de joie …

Certes, ce qu'ils s'apprêtaient à faire n'était pas fondamentalement un crime – du moins pas au regard des lois humaines et si l'on exceptait le fait qu'ils venaient de pénétrer dans le cimetière par effraction –. Mais mieux valait se faire discret, d'autant plus qu'ils auraient pu obtenir une autorisation officielle d'exhumation, s'ils l'avaient voulu. Cependant, Jesse et Lexa avaient rapidement écarté cette hypothèse : la procédure était longue, il aurait fallu justifier leur requête aux autorités et surtout (surtout), en l'absence de Nicholas Fox, il aurait fallu que Shalimar donne son accord… Ce qui, pour le moment, était absolument impensable.

Arrivée à la hauteur de Jesse, Lexa enleva son bonnet de laine, provoquant quelques étincelles d'électricité statique autour de sa longue chevelure noire, et le tendit à Jesse :

- Tient ! Mets ça sur ta tête, Boucles d'Or ! Tu en as plus besoin que moi…

Puis, détourant son regard amusé du visage ahuri du Moléculaire, Lexa s'agenouilla devant la tombe qu'éclairait le rayon tremblotant de sa lampe torche et déchiffra à voix haute :

« Susan Catherine Fox

1949 – 1985

Épouse aimante,

Mère dévouée.

Repose en paix »

En fait de tombe, il ne s'agissait que d'un simple bloc de pierre lézardé, dressé au milieu d'un carré de terre battue envahi par les mauvaises herbes et le sable que le vent amenait de la plage toute proche. Tout indiquait qu'elle était laissée à l'abandon depuis déjà de nombreuses années : décidément, Nicholas Fox était passé maître dans l'art de dissimuler les membres de sa famille (qu'ils soient décédés ou non) aux yeux des autres… Chacun de leur côté, Jesse et Lexa se promirent mentalement d'arranger un peu l'endroit, si jamais, un jour, Shalimar émettait le souhait de venir se recueillir sur la tombe de sa mère…

Sauf qu'en l'occurrence, la féline ignorait même que celle-ci fut morte… Pourtant, Sammy disait vrai et leur mère n'avait apparemment jamais eu l'occasion de se promener le long des plages ensoleillées de Californie ou de refaire sa vie avec un éminent chirurgien de la côte Ouest. Elle était morte ici, à Martha's Vineyard, quelques quinze années auparavant…

Dans le dossier d'inhumation, le rapport du médecin légiste indiquait que sa patiente, Susan Fox, avait succombé des suites d'une hémorragie massive consécutive à un accouchement difficile. Il n'y avait cependant qu'un seul moyen de vérifier…

- Et maintenant , demanda Jesse, en se coiffant du bonnet de Lexa.

- Chut ! Parle moins fort, Jesse ! Maintenant ? Et bien, tu creuses et moi, je monte la garde , répondit celle-ci en lui tendant diligemment le manche en bois d'une pelle qu'elle venait d'extraire du sac, un léger sourire accroché aux lèvres pour atténuer la brutalité de ses paroles.

Jesse jeta un regard torve à sa coéquipière, ravalant les mots peu amènes sur le partage des tâches, le travail d'équipe et autres notions d'équité apparemment peu connues de Lexa, qui lui venaient spontanément à l'esprit. Mais, il se contenta finalement de cracher dans chacune de ses mains ouvertes puis de les frictionner l'une contre l'autre avant de se saisir de la pelle qu'elle lui présentait et de se mettre à creuser. Après tout, ils étaient venus là pour ça…

Au début, le sol résista, exactement comme s'il refusait de laisser violer l'intimité de la demeure qui lui avait été confié. La pelle butait contre la terre gelée sans l'entamer d'un pouce, produisant un son métallique infernal dont le choc résonnait jusque dans les épaules nouées du jeune homme qui serrait les dents à chaque fois que le manche lui meurtrissait les paumes. À côté, Lexa l'éclairait tant bien que mal avec sa lampe torche, tapant nerveusement du pied pour se réchauffer un peu. La neige s'était remise à tomber et les petits flocons, légers comme des plumes, s'accrochaient dans ses cheveux … À ce rythme, Jesse fut rapidement couvert de sueur et lorsqu'il tendit son anorak devenu superflu pour lui à la jeune femme frissonnante, elle s'en couvrit les épaules en silence, reconnaissante.

Finalement, le sol céda sous les coups répétés du moléculaire et fit progressivement place à une terre molle et imbibée d'eau – l'eau de la mer toute proche – infiniment plus maniable. À partir de là, la tâche devint beaucoup plus aisée pour Jesse qui disparu rapidement du champ de vision de Lexa à mesure qu'il s'enfonçait dans la fosse béante.

Plusieurs fois alors qu'elle scrutait l'horizon, il sembla à celle-ci distinguer des silhouettes humaines se glisser subrepticement dans la nuit, comme quelques fantômes errants en quête de compagnie des vivants… Jamais encore, la frontière entre le domaine du réel et celui du rêve, de la fantasmagorie, ne lui avait parut si ténue… Pourtant, un clignement d'œil après, les ombres semblaient s'être à nouveau fondues dans les ténèbres…

Soudain, un oiseau nocturne frôla la joue de la jeune femme de ses ailes déployées, lâchant au passage un hululement sinistre. Lexa réprima difficilement un hurlement d'effroi. Autour d'elle, un silence lancinant régnait en maître depuis que Jesse et elle avaient renoncé à toute conversation. Seuls, lui parvenaient les battements assourdissants de son propre cœur et le flux affolé du sang dans ses veines, qui tapaient en cadence à ses oreilles en alerte… à peine, lui parvenait encore le souffle court et rassurant du moléculaire, au fond de la fosse…

Chaque motte de terre s'écrasant sur le sol spongieux dans un chuintement mat lui rappelait douloureusement celle qu'elle-même avait laissé tomber sur le cercueil de Léo, lors de son enterrement. Alors, malgré l'épaisseur des deux manteaux qu'elle portait sur elle, Lexa se sentait glacée de la tête aux pieds… L'idée lui vint de partir, de quitter immédiatement le cimetière en abandonnant Jesse dans son trou de malheur et d'aller se réfugier dans la chaleur bienveillante de l'Hélix… Mais bien sûr, elle ne pouvait pas lui faire ça… Quoique…

Brusquement, la pelle de Jesse heurta un objet solide avec un drôle de bruit sourd qui tira Lexa de la torpeur dans laquelle elle était tombée. Plusieurs heures avaient déjà du s'écouler depuis leur arrivée… La jeune femme se leva précipitamment, ses membres tout engourdis par le froid et une trop longue position assise.

- Jesse , appela-t-elle en chuchotant, - Jesse ? Est-ce que ça va ? Jesse, répond-moi bon sang ! Qu'est-ce qui se passe ?

À tâtons, Lexa chercha la lampe qui avait roulé à ses pieds. Lorsque sa main se referma enfin sur le manche de caoutchouc, il était glacé…

- ça y est…, annonça une voix lointaine et comme étouffée. – Lexa ! ça y est ! Je le vois…

Alors, Lexa s'agenouilla au-dessus de la fosse pour voir à son tour …

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Après l'amour, ils reposaient enfin, immobiles et silencieux dans la chambre enténébrée comme des statues de marbre, leurs deux corps toujours intimement imbriqués l'un dans l'autre. Brennan savait qu'il ressentirait leur séparation comme une déchirure et il voulait retarder le plus possible ce moment… Quant à Shalimar…

Nichée au creux des bras de son partenaire, Shalimar pleurait sans retenue. Elle pleurait sur le passé et sur l'avenir. Sur le plaisir incroyable que Brennan venait de lui donner et sur la tristesse infinie de son cœur meurtri. Sur ses propres blessures et sur celles qu'elle avait causé. Elle pleurait sans pouvoir s'arrêter – sans vouloir s'arrêter –, comme si quelque part en elle, la vanne d'un chagrin trop longtemps étouffé – réprimé – avait enfin cédé et ne semblait jamais vouloir se refermer…

- Pleure ma douce, pleure…

À ses oreilles, le souffle de Brennan murmurait une apaisante litanie et les grandes mains rassurantes effleuraient sa chevelure mousseuse avec tendresse.

- Pleure et je te promets que tu te sentiras mieux, après…

Contre son torse dénudé, le jeune homme percevait les battements irréguliers de son cœur à elle et sa douce poitrine se soulever au rythme saccadé des sanglots qui la traversaient. À cet instant, il aurait tout donné, tout sacrifié par amour pour elle, pour prendre sur lui une partie de son chagrin… Mais il savait que c'était quelque chose que Shalimar devait affronter elle-même et qu'il pouvait seulement la soutenir de son mieux.

- Brennan… Ne me laisse pas…

Elle s'accrochait à lui comme une naufragée sur le point de se noyer – et c'était ce qu'elle était –. Inconsciemment, ses ongles imprimaient de petits croissants de lune sanglants sur la peau du matérial électrique. Mais il n'en avait cure… Doucement, il embrassa son visage rougit par les larmes, écartant du pouce quelques mèches rebelles qui lui barrait les yeux.

- Chut ma douce ! Ne t'inquiète pas : quoi qu'il arrive, je te promets que je serais toujours là pour toi… Toujours…

Et après un silence, il ajouta :

- Je t'aime Shalimar.

Elle ferma les yeux. Ses paupières nacrées ornées de délicats cils bruns chassèrent de nouvelles larmes qui virent couler le long de sa joue veloutée. Brennan déposa un baiser sur le petit lac salé au-dessus de sa lèvre supérieure. Peut-être n'avait-elle pas entendu son aveu, peut-être ne l'acceptait-elle pas… Il ne dit rien de plus : il était résolu à attendre, mais son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine…

Après un moment qui lui parut durer une éternité, la jeune femme rouvrit les yeux et les plongea directement dans les siens. Sans le quitter du regard, elle prononça d'une voix rauque mais parfaitement assurée, où perçait une vive émotion :

- Oui, je sais, Brennan. Merci… Et… Moi aussi, je t'aime.

Elle ne pleurait plus. Alors, sans rompre ni le contact physique de leurs chairs enlacées ni le contact de leurs yeux embués, Brennan ramena le dessus-de-lit bariolé sur leurs deux corps frémissants de froid et d'un désir de l'autre déjà renouvelé…

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… Lexa s'agenouilla précipitamment au-dessus de la fosse obscure où la pelle de Jesse venait de buter contre ce qui semblait bel et bien être le couvercle du cercueil de Madame Fox…

De ses mains nues – parce qu'il ne voulait pas prendre le risque d'en entailler le bois poli en se servant de sa pelle aux bords si tranchants – le moléculaire achevait concencieusement de déblayer la terre qui dissimulait encore toute la longueur de cercueil à leurs yeux.

- Vas-y, Jesse ! Ouvre-le , s'impatienta Lexa en voyant son coéquipier s'interrompre, muet, immobile, sa tête blonde obstinément fixée sur le cercueil, comme hypnotisé.

- Je… Je ne peux pas…, articula-t-il finalement dans un chuchotement étouffé.

- Quoi ?

- J'ai dit : « je ne peux pas », répéta-t-il, plus audiblement cette fois-ci. – Je suis désolé, Lexa. Mais je ne peux pas faire ça !

À chacune nouvelle parole prononcée, la voix du jeune homme montait crécendo, brisant de manière incongrue le silence du cimetière. À reculons, maladroitement, il se hissa promptement hors de la fosse, comme s'il craignait que le cercueil ne s'ouvre de lui-même. Enfin libéré de l'espace réduit, l'afflux d'air pur dans ses poumons saturés de terre le surprit et il du lutter quelques instants avant de reprendre son souffle, ses yeux papillonnants sous le faisceau de la lampe de Lexa braqué sur lui.

Hors d'haleine, ses cheveux tout emmêlés et souillés par la terre qu'il avait remué pendant plusieurs heures – dont une large traînée barrait également sa joue gauche –, ses vêtements maculés de transpiration sous lesquels palpitaient encore ses muscles bandés par l'effort physique, Jesse courbait l'échine sous le vent froid qui balayait le cimetière… Ainsi, il paraissait épuisé et aussi pitoyable qu'un chiot apeuré ayant perdu sa mère. Lexa s'avança vers lui, posant d'autorité sur ses larges épaules l'anorak qu'il lui avait confié. Comme elle-même l'avait déjà fait plus tôt dans la nuit, il ne dit rien, se contentant simplement de se blottir dans le vêtement encore tout chaud de sa chaleur à elle. Impulsivement, Lexa ébouriffa les cheveux dorés d'un geste tendre, presque maternel, et dit :

- Je comprends, Jesse. (Puis, lui tendant la lampe) : - éclaire-moi, s'il te plait. Je vais y aller.

Pas mécontente d'avoir enfin quelque chose à faire, la jeune femme franchit le petit rempart de terre amassée autour de la tombe et se laissa habilement glisser jusqu'au fond du trou, sans pitié pour ses vêtements propres. Il y régnait une effroyable odeur de moisissure – et également, remarqua-t-elle en souriant, celle, puissante et rassurante, de la sueur de Jesse –.

Contrairement à ce que laissaient présager le dénuement et l'état d'abandon de la pierre tombale, le cercueil était de bonne qualité et le bois – un joli bois de merisier, sombre et solide à souhait – n'avait apparemment pas subit les outrages du temps. En outre, le crucifix et les poignées étaient visiblement fondus dans de un alliage d'or assez précieux. Une petite plaque sur l'avant du couvercle confirmait l'identité de son hôte.

Après avoir habitué ses yeux à la pénombre qui l'environnait, Lexa localisa rapidement le mécanisme d'ouverture, discrètement dissimulé sur le côté droit. Elle tira dessus à pleines mains, mais la rouille avait entamé trop profondément le métal pour qu'il cède aussi facilement. Pestant lorsque l'un de ses ongles manucurés se retourna, la blessant légèrement au doigt, elle fit machinalement jaillir un rayon lumineux de sa main et le métal céda enfin.

Lexa n'avait pas conscience de trembler tandis qu'elle soulevait lourdement le couvercle scellé depuis de si nombreuses années, pourtant, même de là où il se trouvait – c'est-à-dire quelques mètres au-dessus d'elle – Jesse pouvait s'en rendre compte. Une nouvelle odeur, douceâtre et pestilentielle à la fois, s'échappa du cercueil entrouvert. Prise de nausée, Lexa se recula précipitamment contre le mur – pour s'y retrouver acculée –, une main couvrant son nez et sa bouche. Sous le choc, le cercueil acheva de s'ouvrir en grand.

- Lexa ? Est-ce que ça va , interrogea la voix angoissée de Jesse.

C'était une chose de devoir livrer bataille afin de protéger les Nouveaux Mutants – bataille où, irrémédiablement, les Mutants X étaient amenés à tuer des hommes et des femmes – mais c'en était une autre que de se trouver nez à nez avec un cadavre vieux de 15 ans…

- Oui… Oui, je crois que oui…

Visiblement, il ne restait plus grand-chose de Madame Fox si ce n'était les os, à peine cachés par des vêtements devenus désormais trop larges pour elle. Quelques longs fils jaunis pendaient encore de chaque côté de son crâne cireux, élégamment étalés au niveau des aisselles sur le capiton mauve du cercueil. Lexa frissonna d'horreur tandis qu'elle les identifiait aux belles boucles blondes de Shalimar et de Sammy. Par ailleurs, pour autant que Lexa puisse en juger à la vue de ce cadavre décharné, les deux sœurs semblaient avoir hérité de la même morphologie que leur mère : mince et longiligne.

- Alors ? Est-ce tu vois quelque chose , l'interpella Jesse. – Lexa ?

Rassemblant tout son courage, Lexa se força à regarder le visage de la morte – ou plutôt, ce qu'il en restait –, absolument peu désireuse de rencontrer les deux cavités vides braquées sur elle… Mais puisqu'il le fallait…

Un nouveau sursaut d'effroi, accompagné d'un cri rauque, lui échappèrent tandis que la vérité lui sautait aux yeux dans toute sa violence : en plein milieu du front dépouillé du cadavre se trouvait un trou, un trou tout sauf naturel. Parfaitement rond, parfaitement net, comme seul pouvait en produire l'impact d'un projectile tiré par une arme à feu… : la mère de Shalimar n'était certainement pas morte des suites d'un accouchement, mais bel et bien d'une balle en pleine tête ! Qu'elle fut alors enceinte ou non, il était impossible de le dire…

- Jesse , appela Lexa, plus secouée par sa découverte qu'elle ne s'y attendait. – Jesse ! Fais-moi à remonter !

Percevant le sentiment d'urgence dans la voix de sa coéquipière, Jesse attrapa son bras tendu, enfermant sa main tremblotante dans la sienne et aida Lexa à sortir le plus rapidement possible de la fosse. Une fois arrivée à la surface, les jambes de la jeune femme se dérodèrent sous elle, l'obligeant à s'accrocher au moléculaire pour ne pas tomber – lequel, gardait sa main fermement serrée dans la sienne –. Leur étreinte se prolongea quelques secondes de plus qu'il n'était utile, mais aucun des deux n'y fit cependant attention. Ils se séparèrent enfin, s'éloignant lentement l'un de l'autre comme à regret. Puis, retrouvant l'usage de la parole, Lexa raconta ce qu'elle avait vu au jeune homme.

- C'est un peu ce à quoi on s'attendait, non , interrogea-t-il après qu'elle eu terminé.

Lexa acquiesça d'un signe de tête : oui, c'était bien ce qu'elle avait imaginé… Pourtant… À présent, elle était à nouveau frigorifiée : autour d'eux, la neige tourbillonnait à gros flocons dans le vent et ne semblait pas vouloir s'arrêter en si bon chemin. Tant mieux : demain, elle recouvrirait complètement l'objet de leur délit… Déjà, Jesse commençait à combler la fosse. À son tour, la jeune femme saisit une pelle et ensemble, ils eurent bientôt achevé leur travail.

- Partons, maintenant… Dans quelques heures, le jour va se lever et le gardien ne va sûrement pas tarder d'arriver … Et puis, j'ai dit à Brennan qu'on serait de retour avant le matin.

- Oui…

Ce fut le bruit discret d'une respiration sifflante qui constitua le signe avant-coureur d'une troisième présence dans le cimetière, proche d'eux. Trop proche, et malgré tout trop tôt pour qu'il ne s'agisse du gardien du cimetière… Jesse et Lexa l'entendirent en même temps. Instinctivement, la jeune femme retira ses gants, faisant jaillir un rayon de lumière de ses doigts dénudés, prête au combat, tandis que le moléculaire se plaçait devant elle, en bouclier.

- Mademoiselle Pierce ! Monsieur Kilmartin ! N'ayez aucune crainte en ce qui me concerne, je suis là pour vous aider , annonça leur interlocuteur.

Lentement, ses mains levées en signe de paix, il sortit de l'ombre du bois dans lequel il s'était réfugié, révélant ainsi son identité aux deux autres. Il paraissait essoufflé d'avoir dû courir – ce qui, pour un homme de sa corpulence, n'avait rien d'étonnant –. Et malgré le froid qui régnait dans le cimetière, son front était baigné de sueur.

- Vous !

- Oui : moi, chère Lexa , répondit l'homme au catogan, vaguement amusé par la surprise qu'il lisait sur le visage de la jeune femme.

- Qu'est-ce que vous faîtes ici ? Depuis quand le Dominion nous fait-il suivre ?

- Vous faîtes erreur, Lexa : tel que vous me voyez là, j'agis de ma propre initiative.

- Que voulez-vous ?

- Je… Je ne peux pas vous le dire ici, c'est trop risqué ! J'ai réussit à les semer mais…

Comme pour justifier son état d'alerte, quelque part derrière eux, la branche d'un sapin céda soudain sous le poids de la neige amassée et tomba sur le sol gelé dans un craquement mat qui les fit sursauter tous les trois. L'œil aux aguets, l'homme au catogan porta précipitamment la main à la poche de son imperméable gris, prêt à dégainer une quelconque arme…

- Je vous en prie, Lexa ! Ne restons pas ici : emmenez-moi avec vous au Sanctuaire et je vous expliquerais tout là-bas ! (Puis, devant l'air dubitatif des deux mutants) : - Je… J'ai quitté le Conseil du Dominion et maintenant ils sont à mes trousses ! J'ai réussi à me débarrasser de leurs hommes pour venir vous parler, mais le temps presse !

Immobiles au milieu du chemin enneigé, Lexa et Jesse échangèrent un regard. Finalement Lexa – pour laquelle l'état d'indécision ne durait jamais guère plus que quelques secondes –, enfila à nouveau ses gants, prête à suivre l'homme.

- Attends , lui enjoignit Jesse en la retenant par le bras. – Une minute. Comment êtes sûr qu'il ne s'agit pas d'un piège , continua-t-il en s'adressant à leur interlocuteur : - Et pourquoi donc voulez-vous nous aider ?

- Je lui dois un service, assura l'autre en désignant Lexa d'un geste du menton.

Laquelle répondit d'un même mouvement :

- Je croyais que nous étions quittes…

- Si vous voulez que nous vous fassions confiance, dîtes-nous maintenant ce que vous attendez de nous (Après un instant pendant lequel la tension monta d'un cran, Jesse ajouta) : - Vous savez que votre arme ne peut strictement rien contre moi, n'est-ce pas ?

- Lexa , interrogea l'homme.

Il semblait à la fois particulièrement irrité contre les deux mutants qui allaient contre sa volonté et de plus en plus nerveux. Sa tête effectuait d'incessants allers retours vers la forêt.

- Hum… Non, asséna Lexa en hochant la tête. – Jesse a raison, ça ne serait pas la première fois que vous vous servirez de nous…

- Très bien, d'accord , accepta l'homme de mauvaise grâce. – Vous l'aurez voulu ! Bien, soyons brefs : voici une disquette qui vous expliquera tout en détail au cas où… au cas où, il m'arriverait quelque chose… Prenez-la, dit-il en la tendant à Lexa. - C'est la seule de son genre qui existe. Vous y découvrirez que votre nouvelle protégée, Samantha, n'est pas à proprement parler la sœur de Mademoiselle Fox… Mais… Puisque vous êtes ici, j'imagine que vous vous en doutiez déjà ?

Ça n'était pas vraiment une question. Pourtant, il s'interrompit un instant – peut-être pour reprendre haleine, peut-être parce qu'il attendait une réaction, une réponse quelconque, de la part des deux mutants –. Cependant, aucuns des deux ne prononça le moindre mot.

- Samantha est le clone de votre amie, Mademoiselle Fox.

- Le clone ?

- Oui… Il y a quinze ans, Génome X était à la pointe de la recherche biogénétique dans le monde entier. Le premier pas consista à créer des enfants avec des ADN modifiés. Vous n'avez pas idée des expériences qui se sont ensuite déroulées : Adam Kane lui-même l'ignorait. Si cela n'avait pas été le cas, il aurait vite pris conscience que le but de Génome X n'était pas de sauver des vies… mais bien au contraire la concurrence avec les états étrangers… Le clonage n'a été que l'étape supérieure… Le plus ironique dans l'histoire, c'est qu'il n'y avait même pas de motivation spécifique, aucun programme… Juste la recherche scientifique pour la recherche scientifique… à l'époque, c'était une technologie trop mal maîtrisée pour que l'on puisse imaginer l'exploiter dans le domaine médical. Ou militaire…

Une violente rafale de vent passa entre les trois interlocuteurs, mais aucun n'y prêta attention.

- Peut-être… Mais, pourquoi Shalimar ? Pourquoi elle ?

- Et bien… C'est simple : les premières expériences sur le clonage de mutants concordèrent avec les premières manifestations du pouvoir de votre amie. Et Génome X avait besoin de nombreux cobayes…

- Vous voulez dire que …

- Je veux dire que Nicholas Fox leur a livré sa fille, oui ! Ils lui ont fait miroiter une nouvelle fille, identique à celle qui était « malade » mais dont il serait facile de brider les pouvoirs dès la naissance, ce qui empêcherait à tout jamais leur développement… Et il a accepté, bien sûr.

- C'est ignoble…

- Oh, tout dépend du point de vue, jeune homme ! Mais, me croyez-vous, maintenant, si je vous dis que le Dominion est prêt à tout pour récupérer cette enfant ? Elle est le seul spécimen qui ait survécu et c'est pour cette raison qu'ils ne voulaient pas que vous sachiez… De plus, le temps lui est compté et

Mais il n'acheva jamais sa phrase. Une détonation assourdissante explosa dans la nuit et une fraction de seconde après, l'homme au catogan fut projeté en arrière. Tandis qu'il s'affaissait lourdement dans la neige, une seconde détonation retentit…

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Une nouvelle fois – une seconde fois – , Brennan et Shalimar avaient fusionné dans un échange ardant d'amour et de caresses… La tendre complicité de leur première étreinte avait fait place à une passion dévorante comme si, après tant de nuits passées loin l'un de l'autre, ils avaient éprouvé le besoin exacerbé de redécouvrir le corps de l'aimé, un besoin impératif, presque animal de rattraper le temps perdu et de se prouver qu'ils ne rêvaient pas…

Sa tête abandonnée contre le torse de Brennan, Shalimar réfléchissait, ses doigts jouant distraitement le long de la bouche de son amant, retrouvant le velouté de sa joue rasée de près. C'était dans l'ordre des choses : Brennan mettait toujours quelques minutes de plus que la féline pour reprendre son souffle, après leurs ébats nocturnes… Shalimar savourait ce moment de calme. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait bien, presque en paix avec elle-même. Aimée.

- Brennan… Je voulais te dire… Je te demande pardon. Je… Je t'ai fait souffrir et je le regrette. J'ai blessé Jesse, aussi. Et j'ai été détestable avec Lexa.

- Ce n'est rien. Et puis… Et puis, tu avais des circonstances atténuantes, pour ça. Mais tu oublies Sammy. Tu t'es mal comportée avec elle aussi…

- Oui…

Brennan sentit le corps de son amie se tendre tout contre lui. Un instant, il hésita à poursuivre sur le même sujet. Peut-être était-ce encore trop tôt… Peut-être n'était-elle pas prête… Mais il réalisa soudain combien c'était nécessaire : pour Shalimar, pour lui, pour leur vie commune, faite d'amour, de respect, de confiance, qui ne pourrait reprendre comme avant que lorsqu'il aurait exprimé tout ce qu'il avait sur le cœur… Et qu'elle l'aurait compris et accepté.

- Shal'… Je sais que tu n'as pas envie de parler de Sammy… Mais, écoute-moi au moins, c'est important.

Il prit le mutisme de la jeune femme pour un assentiment et continua :

- Tu ne dois pas la tenir responsable des erreurs de ton père, ou la punir à cause de ça. Elle n'y est pour rien. Elle n'a pas cherché ce qui lui arrive, pas plus que nous tous d'ailleurs. Et… Et c'est une chouette gosse, vraiment… Gentille et intelligente en plus de cela…

Brennan jeta un rapide coup d'œil vers Shalimar pour s'assurer qu'elle l'écoutait toujours. La douce caresse sur sa joue avait cessé et ses yeux étaient grands ouverts, obstinément fixés vers un point invisible. Au moins n'étaient-ils pas incendiés…

- Mais elle est intimidée, elle n'arrive pas à s'intégrer parmi nous, au Sanctuaire. Lexa et moi lui faisons peur et Jesse…, Brennan s'interrompit une seconde, à la pensée du moléculaire et des révélations qu'il lui avait faites sur sa santé : - Et bien… Jesse ne peut pas passer ses journées à s'occuper d'elle… Shal', Sammy a besoin de toi, de sa sœur. Et elle a aussi besoin d'un guide pour l'aider à développer ses nouvelles capacités…

À nouveau, il sentit la féline bouger contre lui. Pourtant, la tendre chaleur de son corps ne s'écarta pas du sien : Shalimar voulait juste pouvoir le regarder en face, cette fois-ci.

- Oui… Je sais ça, Brennan. Mais… Demande-moi tout ce que tu veux, sauf ça : je ne sais pas si j'en serais capable… C'est difficile…

- Pourquoi est-ce si difficile ? Pourquoi ? Explique-moi…

Il savait qu'il était à deux doigts de percer enfin le mur qu'elle avait élevé autour d'elle et de ses sentiments… Il était tout proche. Si seulement elle se livrait un peu…

- à chaque fois que je la vois, je ne peux pas m'empêcher de me revoir au même âge tellement la ressemblance physique entre nous est forte ! J'étais à peine plus jeune qu'elle quand Adam m'a recueillie… Brennan ! J'étais une sauvageonne, une vagabonde, violente, complètement paumée, sans aucune éducation… Une moins que rien…

Enfin libérés, les mots – tristes, amers – sortaient de sa bouche en se bousculant.

- Et elle… Elle, elle a tout… Alors je ne peux m'empêcher de penser que moi aussi… si…

- Tu te trompes, Shal'… Ce n'est pas parce que Sammy porte de jolis vêtements et qu'elle peut citer tout Keats de mémoire qu'elle a tout, qu'elle est heureuse ! En ce moment, elle est totalement perdue, exactement comme toi tu l'étais avant qu'Adam te trouve …

- Tu ne peux pas savoir comment j'étais Brennan , répliqua la jeune femme, sur la défensive.

- Oh, si ! Je peux , répondit-il sur le même ton, sans concession.

Même s'il souffrait de devoir lui parler aussi durement – dans le lit même qui avait accueilli leurs retrouvailles – il ne voulait pas lâcher prise : certaines choses gagnaient à être dites. Pour leur bien à tous. Aussi continua-t-il :

- Je te connais suffisamment bien pour le deviner… Et puis, n'oublie pas que l'on est tous passé par des périodes de galère, tous les Nouveaux Mutants ! Shal', tu n'es pas la seule… Et toi, contrairement à d'autres, tu as eu de la chance. Tu as eu Adam pour veiller sur toi et maintenant… maintenant tu m'as moi , ajouta-t-il après un silence : - Mais Sammy, elle, elle n'a personne, personne hormis toi !

Un instant, il lut dans son beau regard farouche le combat difficile, toute la tension nerveuse qui habitait la féline. Puis, au furtif scintillement amusé qui traversa ses yeux chocolat, il devint évident que sa raison – qui lui dictait pourtant de repousser à nouveau Brennan – venait de chavirer et que dorénavant, c'était son cœur qui parlait – et qui capitulait –.

- Je… Tu as raison, évidemment. Mais je ne pourrais pas le faire seule.

- Je t'aiderais, ma douce…, murmura Brennan, soulagé, euphorique, d'avoir enfin su vaincre les résistances de son amante. Il déposa un baiser dans ses cheveux, avant de la serrer dans ses bras. – Je t'aiderais.

- Merci.

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Tout ce passa très vite et le pittoresque petit cimetière de Marta's Vineyard bascula dans la violence en une fraction de seconde… La première balle toucha l'ex-membre du Dominion de plein fouet, le projetant près d'un mètre en arrière. Aucun son, aucun cri – de surprise, de douleur, de protestation – ne franchirent ses lèvres. La deuxième et la troisième balle sifflèrent aux oreilles de Jesse, le frôlant dangereusement tandis qu'il se jetait à terre, conscient qu'à côté de lui, Lexa en faisait autant. Puis ce fut à nouveau le silence…

Reprenant ses esprits, Jesse rampa dans la neige jusqu'à l'endroit où il avait vu tomber l'homme au catogan. Son imperméable gris étalé autour de son gros ventre comme la toile d'un parachute ouvert après un vol, sa main droite encore crispée contre la crosse de son arme, il semblait grotesque – et terriblement pathétique –. Visiblement, il avait reçu une balle en pleine poitrine : le sang et la vie s'en écoulaient déjà à gros bouillons. Dès que Jesse se pencha au dessus de lui, l'homme articula :

- C'est fini…

Comme pour lui donner raison, une écume sanglante lui monta aux lèvres et, ce fut dans un atroce gargouillis de gorge qu'il continua péniblement, ravalant sa douleur :

- J'avais… réussi… à m'en… débarrasser… C'est… c'est… vous qu'ils… suivaient… Sammy… elle va… elle va… si …mourir

Mais, il ne pu aller plus loin. Sa tête s'affaissa lourdement sur le côté, ses petits yeux larmoyants révulsés : il était mort. Il n'y avait plus rien à faire pour lui.

Jesse chercha Lexa du regard pour savoir ce qu'elle pensait des derniers mots du mourrant – pouvait-on accorder une quelconque crédibilité à ses dires ?– et interrogateur quant à la marche à suivre : après tout, elle connaissait cet homme mieux qui lui… Mais elle n'était nulle part. Le cœur de Jesse se figea brusquement dans sa poitrine lorsqu'il s'aperçu que la jeune femme était toujours allongée dans la neige, les yeux clos, inconsciente. Elle aussi avait été touchée… La surprise et l'incompréhension ne retinrent le jeune homme qu'une seconde : déjà, à genoux, il se précipitait à ses côtés.

- Lexa , appela-t-il doucement, tâtant son pouls, guettant un souffle. – Lexa !

Jesse observa le visage exsangue de son amie, la pâleur de ses joues encore accentuée par le maquillage sombre autour de ses yeux. Ses lèvres étaient bleuies par le choc qu'elle venait de subir. Autour d'elle, à hauteur de son buste, une mare pourpre souillait déjà la blancheur immaculée de la neige, s'agrandissant de minute en minute, inexorablement. Avec des gestes tendres et désespérés à la fois, Jesse chercha à localiser sa blessure, glissant ses mains engourdies sous le tissu humide et tâché des vêtements de Lexa. Alors il paniqua : c'était tellement bête… Elle ne pouvait pas… Pas de cette manière… Jesse ne parvenait plus à penser de façon cohérente. Le désespoir et la culpabilité le submergeaient. Non… Elle ne pouvait pas mourir ainsi… Pas à cause de lui… Pas avant lui ! Pas avant qu'il ne lui ait dit combien elle comptait pour lui !

Pourtant, sous ses doigts, la peau de la jeune femme était encore chaude et souple. Soudain, le cœur de Jesse s'emballa à nouveau – de soulagement, cette fois-ci – lorsqu'il trouva enfin : Lexa avait été blessée au bras, rien de plus ! Il soupira d'aise. Seigneur, qu'il avait eu peur ! S'il pouvait la ramener au Sanctuaire rapidement, avant qu'elle ne perde trop de sang, tout irait bien pour elle…

- Lexa ! Lexa, je t'en prie, réveille-toi , appela-t-il encore, plus fort cette fois-ci, secouant vivement la jeune femme inanimée entre ses bras. – Lexa !

Finalement, elle ouvrit les yeux, visiblement totalement désorientée. Sous l'effet de la douleur, ses pupilles étaient à peine plus grosses que des têtes d'épingles, noyées au milieu de l'iris outremer. Prenant conscience qu'elle était allongée sur le sol, elle eût un mouvement machinal pour se lever mais… un long gémissement lui échappa malgré ses lèvres serrées et elle retomba en arrière, ses longs cheveux à nouveau étalés dans la neige.

- Attention Lex', ne fait pas de gestes brusques ! Tu as été touchée ! Accroche-toi à moi, je vais te ramener au Sanctuaire… Mais il nous faut faire vite : je les entends, ils approchent…

Répondant à la question muette de la jeune femme, il ajouta en désignant la dépouille de l'homme au catogan :

- Il n'y a plus rien à faire pour lui : il est mort.

Puis joignant le geste à la parole, Jesse souleva doucement Lexa : plaçant son bras autour de sa taille, il l'aida à passer son propre bras intact autour de son cou. En dépit de ses attentions pour ne pas heurter son bras blessé, la jeune femme grimaça de souffrance et – si c'était encore possible – pâlit de plus belle.

Claudiquant – lui sous le poids de Lexa, elle sous à cause des vagues de douleur qui la traversaient à chaque pas –, ils arrivèrent jusqu'à l'orée du bois. Cela semblait à Jesse la meilleure des choses à faire : là, au moins, sous le couvert des arbres, leurs poursuivants auraient plus de difficultés à suivre leurs traces – sauf s'il s'agissaient de mutants psioniques ou organiques, auquel cas, ils ne pourraient éviter un combat rapproché –. Mais, Jesse en doutait : si tel avait été le cas, les agents du Dominion – puisque apparemment c'étaient bien eux –, ne leur auraient pas tiré dessus de si loin, prenant le risque des les rater…

Un groupe d'une demi-douzaine de soldats s'orienta rapidement, s'arrêtant quelques instants à côté du cadavre abandonné puis, comme il ne leur apportait rien d'intéressant, repartirent, arrivant presque immédiatement à la hauteur des deux membres de Mutant X.

- Lexa, est-ce que tu crois que tu peux nous faire disparaître , demanda Jesse en l'obligeant à s'accroupir maladroitement derrière un amas de rocher, qui constituerait un dérisoire abri, le cas contraire.

La jeune femme ne dit rien, se contentant de saisir la main du Moléculaire dans la sienne – qui au passage, remarqua combien celle de sa coéquipière était dangereusement glacée – et ferma les yeux. Autour d'eux, des éclats de voix résonnaient sous la haute voûte des arbres et le piétinement des hommes sur les feuilles mortes se faisait de plus en plus proche.

- Vite…, souffla Jesse à l'oreille de Lexa. – Dépêche-toi…

Le moléculaire n'eu pas conscience qu'ils étaient devenus invisibles, mais quand le premier soldat – visage dissimulé sous une cagoule et arme au poing – entra dans son champ de vision, celui-ci passa devant eux sans s'arrêter, bientôt imité par ses semblables. À peine le dernier homme passé, Jesse sentit le corps de Lexa s'abandonner contre son flanc : la jeune femme venait de reperde connaissance, l'effort fournit pour les faire disparaître ayant épuisé ses ressources, elle était à bout de force.

S'ensuivit pour Jesse une longue marche solitaire à travers la forêt : peinant sous le poids encombrant du corps de Lexa à présent aussi désarticulée qu'une poupée de chiffon, s'inquiétant sans cesse de la direction à prendre pour retrouver le Double Hélix, il craignait à tout moment d'être découvert. Finalement, il toucha au but, se félicitant mentalement d'avoir posé l'appareil en mode furtif : personne ne l'avait trouvé avant lui.

Une fois à l'intérieur, il déposa Lexa toujours inconsciente à côté de son propre siège, prenant soin de boucler la ceinture de la jeune femme avant d'enclencher le moteur et de le pousser à sa puissance maximale : mieux valait ne pas traîner dans le coin… Les soldats qui les avaient attaqués – les mêmes assurément que ceux qui s'en étaient pris à Sammy en Cornouailles – n'étaient pas des amateurs et Jesse ne donnait pas cher de leurs peaux si jamais ils parvenaient à neutraliser l'Hélix avant qu'il ne soit hors de leur portée. Gardant une hauteur élevée qui lui assurait la protection des nuages, Jesse amena bientôt l'Hélix à sa vitesse de croisière. Puis, se souvenant des derniers mots de l'homme au catogan, il examina attentivement le radar et les divers capteurs thermiques, mais rien n'indiquait qu'ils soient suivis. Alors, enfin, il se permit de souffler un peu …

Au bout de quelques minutes, Jesse distingua du coin de l'œil des mouvements indiquant que Lexa revenait lentement à elle.

- Lexa ? Lexa, regarde-moi. Comment est-ce que tu te sens , appela Jesse qui ne pouvait faire mieux sans lâcher les commandes de l'appareil – ce qui était proprement impossible au vue de la purée de pois qu'ils traversaient pour le moment –.

Lorsque la jeune femme se tourna vers lui, Jesse remarqua avec plaisir que son regard était redevenu lucide et que ses joues reprenaient rapidement des couleurs. Elle grogna un vague :

- ça va…

- Tu as été touchée au bras, mais je crois que tu n'as pas perdu trop de sang. Ça ne devrait pas être trop grave. Reste simplement tranquille jusqu'à ce que l'on arrive et

Mais il se rendit vite compte que Lexa ne l'écoutait pas.

Le visage boudeur, elle semblait apparemment peu disposée à suivre ses recommandations. Doucement, elle fit d'abord glisser son grand manteau sale de sur ses épaules puis, avec milles précautions et milles contorsions, elle entreprit d'ôter son pull-over sans raviver la douleur de son bras. Mâchoires serrées, elle ne pu cependant étouffer un long gémissement lorsque la laine se détacha du sang séché. Avec irritation, elle balança vivement le pull loin d'elle. Sur le siège d'à côté, Jesse du se concentrer sur le tableau de bord devant lui pour empêcher ses yeux de s'égarer dans le décolleté de la jeune femme. Sous le léger débardeur qu'elle portait en dessous de son pull, il était difficile de ne pas remarquer la naissance de ses seins à la si délicate carnation et leur jolie courbure si pleine de fécondes promesses. Il eut soudain très chaud…

Un second gémissement ramena Jesse à la réalité. Un instant, il eut honte d'avoir ainsi profité de la faiblesse de son amie pour la reluquer… Ses joues se tintèrent de rouge, mais Lexa avait à nouveau les yeux clos. La tête abandonnée contre le dos de son siège, une fine pellicule de sueur collait ses cheveux sur son front. Sur son bras découvert, la blessure laissait à nouveau suinter du sang. Un large hématome mauve se dessinait tout autour. Elle semblait beaucoup souffrir. C'était peut-être plus grave qu'il ne l'avait imaginé. Probablement que la balle n'était-elle pas ressortie comme il l'avait d'abord cru. Dans ce cas, il ne fallait surtout pas que la jeune femme reperde connaissance…

- Lexa ! Lexa ! Ouh ouh Lexa ! Ne t'endors pas ! S'il te plait, ouvre les yeux ! Parle-moi !

- Stop ! Cesse de me hurler dans les oreilles, Jesse ! Je t'entends très bien, crois-moi , répliqua vertement la jeune femme en entrouvrant les yeux sur lui d'un air assassin.

Sans relever la pointe d'humeur qu'il percevait dans sa voix, Jesse continua :

- Désolé ! Ne t'inquiète pas : dès qu'on sera au Sanctuaire, je te donnerais un antalgique pour calmer la douleur et ensuite, je m'occuperais moi-même de ta blessure…

- Ah oui ? Et tu feras ça comment ? En versant un peu de sel dans la plaie peut-être ?

Cette fois-ci, sans qu'elle cherche à la retenir plus longtemps, son beau regard outremer étincelant et sa voix rauque chargée de fiel, la colère de Lexa s'exprima ouvertement.

- Pardon , demanda Jesse avec l'air d'avoir reçu une gifle en pleine figure.

- Et bien oui ! C'était bien ça le but : que je souffre, non ? Laisse-moi te rafraîchir la mémoire Jesse : on se met à nous tirer dessus et toi, au lieu de te solidifier comme tu le fais d'habitude, tu te jettes courageusement dans le fossé ! C'était grandiose, bravo, vraiment bravo ! Mais bon sang, tu aurais pu prévenir au moins ! Je… Je te faisais confiance et j'ai manqué me faire tuer par ta faute !

Ce fut comme si l'estomac de Jesse se retrouvait broyé par une gigantesque main de fer : sans voix, il ne pu affronter la fureur de Lexa.

Certes, il se sentait coupable de ce qui était arrivé – à savoir qu'au moment d'utiliser sa capacité de transformer la matière, il en avait été incapable, exactement comme il avait accidentellement dématérialisé le sucrier lors de sa discussion avec Brennan : il avait perdu le contrôle de sa mutation –. Mais, il ne s'attendait pas à ce que Lexa lui renvoie ainsi sa faute en pleine face, avec une telle violence, une telle condamnation, un rejet si définitif. Elle ne semblait lui laisser aucune chance de s'excuser… Pourtant, il aurait du s'y attendre : elle avait failli mourir à cause de lui et elle ne savait même pas pourquoi…

Alors, subitement tous les événements de la folle nuit qu'ils venaient de vivre se télescopèrent dans sa tête. D'épuisement, physique et moral aussi, à cause du stress accumulé depuis des jours entiers – en somme, depuis qu'il était au courant de sa prochaine mort –, Jesse éclata de rire. Un grand rire sonore qui claquait dans le silence comme les jappements deséséprés d'un chien abandonné… Hilare, il contempla Lexa : elle avait un aspect tellement inhabituel, presque fou, à moitié en petite tenue, son maquillage abîmé, ses cheveux décoiffés et son sang séché sur les mains… Et malgré tout, il la trouvait toujours belle à damner un saint. Et lui aussi – maintenant qu'il y pensait –, il avait l'air complètement grotesque avec ses vêtements noirs d'agent secret couverts de boue. Son allégresse redoubla. Lexa le regarda bizarrement, et dans ses yeux limpides, l'indécision succéda à la colère.

Jesse réalisa alors qu'à l'heure qu'il était, qu'elle aurait pu être morte. Il l'imagina enfermée dans un cercueil de bois, comme la mère de Shalimar, et sa vie à lui sans elle à ses côtés… Ses hoquets redoublèrent encore d'intensité. Il ne savait plus très bien s'il riait toujours ou si à présent, il pleurait. En tout cas, il semblait ne plus jamais pouvoir s'arrêter. Ce fut Lexa, de plus en plus inquiète, qui posa le Double Hélix dans le garage du Sanctuaire.

Une fois à l'arrêt, elle s'avança doucement vers lui. Pour le moment du moins, elle paraissait avoir oublié sa colère à son égard et semblait croire qu'il avait lui aussi été victime d'un coup, d'un choc quelconque, au cimetière qui expliquerait son état de crise…

- Jesse, est-ce que ça va ? Tu veux que j'aille chercher Brennan… ou peut-être Shalimar ?

- Non ! Lexa… Il faut que je te dise quelque chose… à propos de moi et de ma mutation…

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Au même moment, dans la salle de contrôle principale du siège du Dominion, deux jeunes hommes – à peine sortis de l'adolescence, à en juger par les marques acnéiques qui criblaient encore leurs deux visages lunaires –, cravates négligemment rabattues et chemises sortant des pantalons, pieds nonchalamment calés sur la table de commandes devant eux, se restauraient.

Pourtant, au lieu d'accorder une quelconque importance aux boîtes rouges provenant du traiteur asiatique du coin desquelles s'échappaient une appétissante odeur de choux bouilli, ils gardaient les yeux avidement fixés sur les écrans devant eux…

Il s'agissait d'un grand panneau composé d'une vingtaine d'autres petits écrans de surveillance couvrant une vingtaine d'endroits différents – et dont, la partie supérieure indiquait en lettres blanches « Sanctuaire ». Or présentement, tous les écrans étaient braqués sur le même objectif et montraient la même chose : une chambre à coucher plongée dans le noir, deux corps nus, enlacés dans une étreinte voluptueuse… Seuls flamboyaient dans la nuit, la chevelure claire de la femme et les petits éclairs d'électricité qui jaillissaient par intermittence des doigts de l'homme.

- Alleeeerrrr…….

Le premier garçon chantait des encouragements grivois à gorge déployée : ils assuraient le service de nuit et de toute manière, rares étaient les occasions où ils étaient honorés d'une visite quelconque avant la relève. Le second garçon, plus réservé, se contentait de sourire lubriquement en suivant chaque ondulation hypnotique du corps de la femme.

- Alleeeerrrr……..

Entonna à nouveau le premier garçon tandis que la femme se cambrait dans un ultime spasme de jouissance, ses seins gonflés de désir tendus vers le torse musclé de l'homme qu'elle surmontait. Soudain inconfortable, le second garçon changea de position, tentant de dégager son entrejambe turgescent de l'emprise de son pantalon devenu trop étroit alors que, sur l'écran, l'homme électrique agrippait les draps en se libérant dans un grand éclair blanc.

- Buuuuuuuutttttttttttttt ! Ouais, j'ai gagné , beugla le premier tout sourire. Puis se tournant vers son ami, la main tendue : - Allonge les billets, frère ! J'ai gagné…

Le second marmonna un vague juron, essayant tant bien que bel de cacher son état d'excitation. Décidément, ce nouveau travail au sein du bureau des surveillances s'avérait nettement plus intéressant que son ancien poste de secrétariat à la gestion des dépenses…

- Non non pas de ça avec moi , continua le premier. – Quand on est arrivé, j'té dis : « j'te parie 5 billets qu'ils vont prendre leur pied au moins 3 fois rien c'te nuit ». Et toi, rappelle-moi c'que t'as répondu ?

- …

- Du flanc ouais ! T'as répondu « ok, je tiens le pari ! Mais je suis sûr que la fille tiendra pas le coup plus de 2 fois », rapporta charitablement le premier. – Et tu sais, comme on dit 'les bons comptes font les bons amis'…

- Ok , capitula le second, sortant son portefeuille de sa poche d'où il est retenu par une chaîne. Il en tendit le contenu à l'autre : - Tient, les voilà tes billets ! T'es content ?

- Aller ! Fait pas la tête, John ! Ça s'voyait qu'on t'avait jamais chargé de surveiller une féline ! Ces filles là, c'est des vraies bêtes de sexe, elles ont ça dans l'ADN !

- N'empêche, j'voudrais bien qu'elle me chevauche comme ça, la tigresse…, saliva ledit John, oubliant déjà sa déconvenue. – Nan mais regarde moi c'te paire de nichons…

- C'est clair ! Tope-là mon frère , proposa le premier, en signe de réconciliation.

- MESSIEURS , tonna une voix féminine particulièrement tranchante dans leur dos. Elle provenait d'une femme imposante, vêtue d'un austère costume militaire : – Je vous rappelle que chaque employé de l'Organisation se doit de faire preuve d'un minimum de décence.

Dans un sursaut, les deux jeunes parieurs descendirent leurs jambes de la table et, le premier esquissa une rapide manœuvre pour rétablir l'ensemble des vues du tableau de surveillance.

- Veuillez nous excuser Madame, balbutia-t-il. – Nous ne vous avions pas entendu arriver…

- Donnez-moi vos noms, je veillerais personnellement à ce que vous soyez sanctionnés pour votre inconséquence ! Et maintenant, sortez , ajouta-t-elle, tandis qu'ils s'exectuaient.

Devant les écrans de contrôle, la femme – qui n'était autre que Miss Myers, membre du Dominion particulièrement en vue depuis qu'elle dirigeait les opérations militaires visant à récupérer le projet Clo-001 (autrement dit Samantha Fox) – resta seule à seul avec l'homme qui l'accompagnait. Il s'agissait d'un autre membre important du Dominion, Barbe Rousse, lui-même chargé de la surveillance – audiovisuelle et physique – des Mutants X.

- Ma chère… Vous faîtes admirablement bien mon travail…, susurra-t-il à sa collègue.

Mais rien n'indiquait dans sa voix qu'il s'agissait d'un compliment.

- Pourquoi vouliez-vous me voir , demanda l'autre, de marbre. – J'imagine que vous ne m'avez pas fait descendre en pleine nuit jusqu'à… (Donnant un regard dédaigneux autour d'elle) : - Jusqu'à cette cave parce que vous avez des problèmes de personnel ?

- Non, en effet. Regardez par vous-même : il semble que vos hommes aient encore une fois échoué , déclara l'autre d'un air sardonique en lui désignant successivement trois écrans : - Ici, la gamine pour laquelle nous nous donnons tant de mal. Là, le Moléculaire et Mademoiselle Pierce et enfin, la féline et le matérial électrique… Tous sains et saufs et en sécurité au Sanctuaire.

- Peut-être…, répliqua Miss Myers, inébranlable sous la critique. – Cependant grâce à l'attaque de cette nuit, nous avons appris que le Moléculaire rencontre des problèmes avec sa mutation : la fille a été blessée, nous avons retrouvé son sang sur place. Deux données, qui le temps venu, pourraient s'avérer plus qu'utiles… Et puis, notre ancien ami a été exécuté, conformément aux ordres. Alors, non, je ne considère pas cette mission comme un échec…

- Vraiment ? Probablement ne savez-vous pas que 'notre ancien ami' comme vous l'appelez a réussi à aborder les Mutants X, avant votre intervention ? Ils sont au courant de tout…

- C'était un risque à courir…, concéda Miss Myers, les lèvres serrées. Malgré le camouflet qu'elle venait de subir – parce qu'effectivement, elle l'ignorait – elle resta admirablement maîtresse d'elle-même. – Et vous ? Que faîtes-vous de mieux, caché dans cette cave ?

- Oh… Vous ne pensez pas si bien dire… Mon travail est souterrain… Et les découvertes inestimables !

- Vraiment , interrogea la femme, remettant à son tour la parole de son compagnon en doute.

- Oui, vraiment ! Regardez-les…

À nouveau, Barbe Rousse désigna les écrans. Seule dans sa chambre, Sammy dormait d'un sommeil très agité. Dans la chambre d'à côté, Lexa était assise en tailleur sur le lit, son dos appuyé contre le torse de Jesse lequel soignait sa blessure avec des gestes mesurés en lui narrant quelque chose qui semblait douloureusement affecter la jeune femme. Enfin, dans la dernière pièce occupée, Shalimar et Brennan reposaient, leurs membres encore tout emmêlés de leur dernière étreinte.

- Oui…, reprit Barbe Rousse, l'air étrangement rêveur, qui lui conférait un aspect encore plus inquiétant que de coutume. – Regardez-les : si proches les uns des autres… Si dépendants les uns des autres… Le Dominion saura se servir de ce point faible pour venir à bout de l'équipe des Mutants X, ne croyez-vous pas ?

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TBC...

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