Les Liseuses.

Chapitre sept: " Souffrir pour aimer".

-Mes salutations les plus distinguées, fit Kiseki, un grand sourire plaqué sur les lèvres. J'aurai aimé me présenter plus tôt, mais les circonstances…ne l'ont pas permis. Vous m'en voyez par ailleurs sincèrement navrée. Je vais même vous avouer quelque chose, et c'est très rare, mais je me sens un peu attristée pour vous. C'est vrai, vous n'avez pas eu le temps de dire adieu à votre amie…. Définitivement adieu.

Tigre rouge balança lentement sa tête de gauche à droite, refusant de faire face à la dure réalité. Yuya était toujours là, n'est-ce pas? Comme pour Kyo et Kyoshiro, son âme était dans un coin de son corps…non…. ? Elle ne pouvait pas…il ne fallait pas qu'elle soit…morte?

-Arrêtes de délirer! s'écria Akira qui ne voulait pas non plus croire à la disparition de son amie.

Arashi devint menaçant. Il s'apprêtait à recommander à Akira de calmer sa joie lorsqu'un Kyo particulièrement déchaîné lui fonça dessus, sabre au clair. Il para son coup sans faillir et le repoussa violemment. Kiseki haussa un sourcil circonspect et soupira en constatant que les amis de son hôte se préparaient aussi à se battre.

-Allons, allons, pourquoi se bagarrer comme des enfants? Vous pourriez tout aussi simplement repartir d'où vous êtes venus.

-C'est hors de question, affirma Akari, fermement campé sur ses jambes.

-Ouaip! On s'en ira pas avant d'avoir récupérer les filles et de vous avoir tous rétamé la gueule, renchérit Bontenmaru en faisant craquer ses doigts.

-Et Kyo serait triste si on partait sans elles, fit Hotaru.

-On ne les abandonnera pas! S'exclama Tigre avec un air farouche.

-J'aime bien Tokito et Yuya, admit Shinrei en créant un dragon d'eau prêt à bondir sur Arashi.

-Je n'aurais pas mieux dit, Shinrei chéri, dit joyeusement Yukimura en lui collant une tape vigoureuse dans le dos.

-Erps!

-Vous ne vous débarrasserez pas de nous aussi facilement, prévint Sasuke en dissimulant du mieux qu'il put ses tremblements.

-Yuya est notre amie et je ne laisserais pas Tokito entre vos mains! Conclu Akira.

-Ouais ouais, tout ça, ajouta furtivement Mugen.

Kiseki fit la moue et grimaça en constatant qu'Arashi combattait toujours Kyo. Elle se gratta la joue en examinant les visages déterminés du groupe. Elle sortit négligemment, de sa manche, un éventail en fer. Il était grand et semblait très lourd, pourtant, elle le manipulait comme s'il s'agissait d'un bout de bois.

-C'est vous qui voyez, fit-elle avec un mouvement d'épaule. J'ai toujours pensé que les ningen étaient un peu tordu quelque part. Vous, vous atteignez des sommets. Mais je respecte mes adversaires du mieux que je peux. Et je voudrais d'abord que vous soyez sûr que j'ai pour vous le plus grand des respects.

Fermant les yeux, elle opina théâtralement du chef pour donner du poids à sa diatribe.

-Puis que j'essaierais, dans la mesure du possible, de vous tuer sans trop vous faire de mal.

Son éventail se déploya avec un chuintement métallique. L'extrémité des pales était visiblement aiguisée et promettait une torture raffinée à chaque coup porté.

-Pour finir, que vous aurez un enterrement digne de ce nom ainsi qu'une sépulture décente, termina t-elle avec un grand sourire guilleret.

L'instant d'après, elle était sur Yukimura. L'héritier des Sanada eut juste l'opportunité de lever son sabre pour éviter de voir sa tête tranchée que la frappe l'envoya direct tester la solidité des murs. Un geste flou et son genou alla embrasser le torse de Bontenmaru, le projetant cinq mètres plus loin.

-Et m…mouise, jura le colosse en se massant machinalement la zone meurtrie, impressionné malgré lui par la force développée par la Liseuse.

Ou peut-être était-ce Yuya?

-Dis pas de bêtises, mon p'tit Bonten, se morigéna t-il. Shinrei, Akira, immobilisez-la! Reprit-il plus fort en se remettant sur ses pieds.

-Plus facile à dire qu'à faire! objecta le premier avec vigueur.

Aucun des guerriers ne se battait sérieusement, craignant de blesser Yuya. Quoique même s'ils s'y mettaient sérieusement, ils doutaient de pouvoir se battre à armes égales avec l'esprit qui avait pris possession de leur amie. Kiseki riait, n'usant même pas de son pouvoir de prédiction, papillonnait aux quatre coins du champ de bataille, esquivant lames, vagues de feu, épines de glaces, fils d'acier et figures d'eau. Akira et Shinrei se concertèrent du regard avant de se mettre mutuellement d'accord. Un dragon aquatique fila s'entremêler entre les jambes de Kiseki. Elle sourit et lança sa jambe, en faisant un écart, pour briser l'attaque du Mibu. N'attendant que ce moment, Akira entendit son pouvoir autour de lui et fit geler la créature factice. La Liseuse fronça les sourcils, tentant de se dégager en secouant la jambe comme s'il s'agissait une bestiole particulièrement répugnante qui s'y était accrochée. Mais s'ils croyaient pouvoir souffler, ils rêvaient debout. Avec un petit "nnttsss" désapprobateur, elle fit courir les épines de son éventail de métal sur la glace, semblant dessiner un motif. Une lumière blanche comme de la lave coula dans les sillons ainsi formés dès qu'elle en eut retiré son arme. La prison de glace s'étiola en une kyrielle d'infimes morceaux reflétant la lumière dans toutes les directions. Elle épousseta sa manche sous le regard médusé de l'assistance.

-Vous allez finir par vous faire mal si vous vous entêtez à vous limiter contre moi.

Mugen, à droite d'Akari, se mordilla les lèvres. Il eut une soudaine exclamation et tira par à-coups le kimono du shaman pour capter son attention.

-Z'êtes un shaman, m'sieur?

-UNE shaman, jeune impudent, s'outra le travesti.

Il crut percevoir un ricanement venant d'Okuni mais lorsqu'il pivota pour lui faire face, l'informatrice lui dédia un regard vibrant d'innocence.

-Ouais, bien sûr, et le kappa y met le miso dans du papier de soie. Blague à part, vous savez faire des fuda? Nan, pas'ke, là, j'viens d'avoir un éclair de génie.

-Ben tiens!

0o0

-Laissez vous faire, la vue de notre cimetière est très agréable les jours de printemps, rigola Kiseki en envoyant Hotaru dans le décor.

Sasuke n'arrivait pas à expliquer la peur panique qui le saisissait à chaque fois qu'il croisait le regard vert de la Liseuse. A l'instar de celui de Kyo en mode Red Full Eyes™, Kyoshiro ou même l'Ex-Roi Rouge, il avait la violente envie de s'éloigner le plus possible, de s'enfuir se cacher dans le trou le plus profond qu'il trouverait et y rester aussi longtemps que nécessaire. Et un peu plus que nécessaire.

-C'est là qu'on aurait besoin du genbu, grogna Sasuke, le bras en sang.

Mais Kyo n'était pas actuellement disponible pour exécuter le coup paralysant. En nage, les deux sabreurs se toisaient méchamment du regard, cherchant une faille dans la garde de son adversaire. En apparence, ni l'un ni l'autre n'avaient l'avantage, mais la vérité, Kyo le savait très bien à son grand désespoir, c'est qu'il était un peu plus faible qu'Arashi. Il avait beau être dans son vrai corps, il avait du mal. Il s'élancèrent de nouveau. Parades, attaque, contre-attaques, feintes. Ils donnaient tout. La sensation d'être là. De se sentir vivant au-delà de son existence. Voilà ce qu'ils recherchaient, à travers leur danse mortelle.

Ce combat était à lui seul le reflet du génie de deux combattants prêts à tout pour gagner l'ascendant sur le second.

La virtuosité des deux hommes y trouvait son paroxysme, alimentée par leur sang et leur sueur.

Une bataille où l'excitation, l'adrénaline, surpassait la raison et la pensée. Où la volonté de se relever encore et toujours, l'emportait sur l'appréhension de la mort et de la souffrance. Deux adversaires s'affrontant pour leurs idéaux. Oubliant leur environnement. Vivant pour et par leur sabre. Pour un seul but. Une seule fin. Une seule conclusion.

Conscient plus que jamais de cet état de fait, Kyo fit ce qu'il s'interdisait en temps normal. Il regarda du coin de l'œil ce qui se passait autour de lui.

A part Tigre, qui était allongé un peu plus loin mais ne semblait pas être trop mal en point, les serviteurs essayaient d'approcher Kiseki sans se prendre un coup d'éventail qui leur serait fatal. Akari, agenouillé avec Mugen et Okuni, traçait des caractères calligraphiés sur un bout de tissu. Il se demandait bien ce qu'ils pouvaient faire, mais ce qui l'intriguait surtout, c'est que Kiseki maniait son arme avec une adresse surprenante. Comment est-ce que Yuya, pourtant pas un foudre de guerre, pouvait-elle soulever cet éventail? A vue de nez, et des dégâts qu'il causait, il pesait au moins dans les dix kilos. Un esprit dans un corps ne faisait pas tout, et il était bien placé pour le savoir.

-On ne quitte pas son adversaire des yeux, Onime!

Il évita de justesse un coup en traître de la part d'Arashi. Kyo rendit le coup et le força petit à petit à battre en retraite, gravissant les escaliers pour se retrouver sur le balcon.

-J'adore ce corps, souffla Kiseki, lumineuse. Souple, pratique, de la bonne taille, une belle gueule, de jolies fesses et de splendides nibards, que demander de plus?

Elle assena le plat de son arme contre les omoplates d'Akira et effectua un saut périlleux arrière pour esquiver une nouvelle attaque de Shinrei.

-Bon, s'exclama brusquement Akari en se relevant, chopez-la, nous on s'occupe du reste.

-Tu veux sûrement dire "JE m'occupe de reste", fit Mugen, les sourcils froncés.

-Hohoho, ricana Akari, une main devant sa bouche, TU es l'instigateur de ce projet, tu dois donc par conséquent y jouer un rôle approprié. Viens là.

De nouveau, Shinrei et Akira gelèrent les jambes de Kiseki, qui se laissa faire, sans opposer de résistance particulière. En fait, elle s'en fichait totalement puisqu'elle pouvait s'en défaire en cinq secondes. Immobile et perplexe, elle observait le travesti agripper le yohko par le fond du kimono, passant outre ses protestations indignées et ses jurons fleuris et inventifs.

-Mais tu vas me lâcher, le travelo!

-Normalement j'utiliserais Bontenmaru, mais il n'est pas libre, alors…dis-toi que c'est pour la bonne cause!

-J'enmerde ta cause à la coooo-

Il ne put terminer sa phrase, pour l'excellente raison qu'Akari l'avait catapulté de toutes ses forces en direction de la Liseuse, définitivement amusée de leur mise en scène.

-Nnaaaaaaaaaaaannnn! brailla le nibi. J'suis trop jeune pour mouuuuuuuuriiiiiiir!

-On t'avait prévenu, sale gosse, ne remet jamais les pattes ici, ou….sourit Kiseki en faisant étinceler les lames de son éventail.

Le projectile bakemonien arrivait à l'extrémité de son champ d'action et Kiseki allait se faire un véritable plaisir d'envoyer ce nuisible petit microbe rejoindre ses parents dans l'autre monde quand une violente lumière lui brûla les yeux et la força à détourner le regard de son adversaire. Akari, satisfait, avait lancé sa "lumière répulsive" pour l'aveugler momentanément.

-Je n'allais pas de tout l'intention de sacrifier ce pauvre gosse, vous me prenez pour une insensible? Se justifia t-il devant les faces fatiguées de ses camarades.

-Haaaaaaaaaa, hurla Kiseki, en se tenant la poitrine à deux mains.

Mugen se carapatait, revenant vers eux, le "V" de la victoire en signe d'accomplissement de sa mission. Fier comme un paon, il leva le menton en l'air.

-Et c'est qu'elle y a cru, la greluche! Tiens ton gant, fit-il en rendant le gant qui cachait en temps normal le "medusa eye" d'Akari, qui s'empressa de le réajuster sur son bras.

Juste sous les clavicules de la Liseuse, un morceau de tissu blanc, provenant du kimono d'Okuni, était accroché, tenant tout seul. Cela semblait être une grande source de souffrance pour la "jeune" femme qui tomba au sol en hurlant de douleur.

-Mais, qu'est-ce qui se passe? Demanda Sasuke, étonné au dernier degré. Qu'est-ce que vous avez fait?

-On a utilisé un fuda. Ca scelle ou empêche les bakemono de bouger.

-Un bakemono? De quoi…mais Yuya n'est pas un bakemono, fit Yukimura, dubitatif.

-Elle, non, sourit Mugen.

L'assistance s'entreregarda, sceptique, minus Akari, Mugen et Okuni

-Vous ne le saviez pas? questionna t-il avec une innocence feinte. Les trois Liseuses sont des bakemono…à l'origine.

Une bombe aurait été balancée au milieu de la cour, que ça n'aurait pas eu un impact plus grand chez les combattants. Akira fut le premier à retrouver ses esprits.

-Oui, après tout, ça se tient, dit-il à haute voix, glissant sa main sous son menton, comme il le faisait si souvent.

-Non, ça ne se tient pas! le contredit Shinrei, s'attirant un regard noir de l'aveugle. Si elles sont des bakemono, alors elles vivent très longtemps, comme Mugen et ses deux cent ans. Pourquoi prendre le corps d'une humaine, dans ce cas? C'est illogique!

-Yuya est peut-être juste maudite? Proposa Hotaru, sans se vexer du fait que personne n'ait relevé sa proposition hors du sujet..

-Non non, assura Mugen. Mais ça, c'est la légende des Liseuses. ET comme ça me saoule grave de tout vous raconter, sachez juste que tous les cent ans, elles, et le gardien céleste qui leur est rattaché, se réincarnent dans la personne la plus compatible. Bref, elles sont dans un corps d'humain, mais restent quand même des bakemono, capish'?

Les oreilles de Tigre rouge fumèrent.

-Je vois…..

-Arrête de mentir.

-Akiraaaaaa! menaça le lancier.

Trop occupés à se crêper le chignon, les deux guerriers ne s'aperçurent pas qu'autour d'eux le groupe commençait à reculer, pas à pas. Mais ce n'était pas la dispute dont ils avaient peur. Non, ça ils étaient habitués. C'était de ce qui se passait derrière Akira et Tigre rouge.

-Hé, lança Hotaru d'un ton plat et quasi inaudible, reculant lui aussi.

-Si tu crois me faire peur, monsieur J'ai-un-surnom-aussi-stupide-que-ma-petite-personne.

-Hé.

-Alors ça, c'est bas!

-Hé.

-Je me mets à ta hauteur, Hide-kun.

-Hé.

-QUOI ? Explosèrent finalement les deux jeunes hommes, excédés que le blond place une interjection entre chacune de leur phrase.

-Hé…..ha…, fit-il, prenant conscience qu'ils le regardaient enfin, et en désignant de l'index une direction derrière eux. Ben y a Kiseki, là et….

Exaspérés, Tigre et Akira se retournèrent brusquement. Les yeux de Tigre s'écarquillèrent lentement et Akira eut l'équivalent au niveau des sourcils. Ils atteignaient maintenant la racine de ses cheveux. Statufiés, ils observèrent Chokkan retirer d'un geste négligeant le fuda de la poitrine de Kiseki et de le déchirer en quatre. Cette dernière respirait par soubresauts mais ne semblait par être dans un état critique. Juste dans les vapes. A ses côtés, Tokito avait les poings sur les hanches, les toisant d'un air sarcastique. Ou plutôt Tsukiyo, la Liseuse des Cartes. Un peu plus loin, Sakuya/Geshi replaçait une mèche de cheveux derrière son oreille en souriant. La jeune femme entr'aperçue plus tôt par Yuya était agenouillée auprès de celle-ci, attendant des ordres.

-Mama, murmurèrent-ils en cœur.

-Regardez-moi ça!

Tsukiyo dévisagea chacun à leur tour ceux qui lui tenaient tête et se lança dans une longue énumération.

-Une montagne de muscle parricide, un bakemono raté, une marionnette livrée avec une partie du cerveau en moins, une autre qui s'amuse à jouer les paratonnerres ambulants, un paillasson humain, une bimbo aseptisée, deux fils reniés par leur famille, un travelo qui se prend pour un shaman et un paysan qui se figure pouvoir manier ses coupes-bambou comme un vrai samurai. Un parfait casting pour un mélodrame a succès! Comme c'est drôle….

-Horripilant, grinça Akira.

-Mais c'est qu'il mordrait le dragonneau…dommage, tellement mignon, rit Tsukiyo en penchant la tête à gauche.

En une seconde, elle était devant lui et lui soulevait le menton de l'index et l'observait sous toutes les coutures. Il s'apprêta à réagir violemment, réflexe conditionné, et à lui donner un coup de sabre, mais avant qu'il ait pu faire quoi que ce soit, ses deux armes lui avaient été arrachées. Tsukiyo eut un rire de gorge très sensuel qui envoya des frissons dans le ventre d'Akira. Ou un poil plus bas dans son cas. Pourquoi diable fallait-il qu'elle ait presque la même voix que Tokito!

-Oh oui, trèèèès mignon. Et puis, mordre peut être un jeu très agréable quand on sait bien s'y prendre, pouffa t-elle, une lueur sombre dans les yeux qu'Akira décida fermement de ne pas déchiffrer, pourpre.

-Juste comme ça, Mugen, c'est quoi comme bakemono, Tsukiyo? Demanda Yukimura.

-Un Yohko, répondit-il avec une mine espiègle.

-Ca ne m'étonne pas plus que ça, sourit-il. Allez, viendez mes gens, allons sauver la virginité d'Akira.

Ils s'élancèrent et Akari leva son bâton, se concentrant pour booster leur puissance. Tsukiyo fit la moue et soupira lourdement, quittant à regret la proximité de l'aveugle. Par ailleurs, il put remarquer à son aise que la Yohko n'avait pas bien fermé son hakama.

-On remettra ça plus tard, promit-elle avec un clin d'œil dragueur.

-Heu…..je…..

Elle donna une petite tape du bout du doigt contre le nez d'Akira pour mettre fin à ses balbutiements et, pivotant, lui claqua une main aux fesses sonore.

-C'est Akira qui vient de pousser ce cri de pucelle outragée? s'interrogea Tigre, ravi d'avoir un sujet de plus pour enquiquiner son ami.

La gardienne céleste de Geshi, telle une ninja, sortit de son long manteau noir un naginata qui, selon les lois de la physique universelle, n'aurait jamais pu y rentrer. Chokkan se prépara pour l'affrontement. Akira le constata très rapidement, Tsukiyo était très talentueuse pour se battre à main nue. Et aussi pour attarder ses mêmes mains un peu trop longtemps à un endroit. Sur lui de préférence. Un pied heurta l'arrière de ses genoux si bien qu'il tomba à terre sans ménagement. Chokkan était bien déterminé à l'empêcher de bouger et le maintenait au sol d'une solide poigne, se fichant bien de lui déboîter l'épaule. Tsukiyo le griffa violemment.

-J'aime les hommes avec des cicatrices. Ca fait tellement viril.

Mugen se gratta la joue, juste en dessous des trois petites marques faciales parallèles entres elles et qui lui donnaient l'impression d'avoir des vibrisses de chat. Il s'approcha des limites de la bataille, sauta, glissa entre les sabres, rampa pour éviter des langues de feu, sautilla comme un cabri quand une flammèche s'en prenait à ses vêtements et souffla dès qu'il fut arrivé près d'Hotaru.

-Dites, c'est qu'un conseil, notez bien, mais vous devriez plutôt vous battre contre Tsukiyo-dono.

-Ah?

-Ouais. Mine de rien, c'est une Kyubi. Donc moi si je fais mumuse avec des lianes, son truc à elle, c'est plus format peuplier ou baobab. Votre pouvoir de feu serait pit-être plus utile là-bas.

-Ho.

Et Hotaru s'en alla, ignorant volontairement les contestations virulentes de la gardienne céleste de Geshi.. Mugen ricana en l'observant hurler et jurer.

-Et d'abords qu'est-ce que tu fous ici, Mugen! reprit-elle, folle de rage. Qu'est-ce qui t'as pris de les suivre! Tu es suicidaire? Je te croyais censée et plus perspicace! Ils vont mourir, et toi aussi!

-C'est toujours moins chiant que de se faire cracher dessus tous les jours par les couillons de la tribu parce que t'es un paria. C'est toi qui n'es pas perspicace, Heiwa.

-Tsssss, tu rumineras ta stupidité au paradis des abrutis, grogna t-elle en levant son naginata pour l'abattre sur le nibi.

Mugen s'apprêta à invoquer des plantes pour se protéger, mais Heiwa n'était pas une gardienne pour rien et il avait sous-estimé sa rapidité d'exécution. Une plaie sanglante s'inscrivit bientôt sur son bras et colora cette partie de son beau kimono en rouge. La gardienne eut un rictus lorsqu'il tomba à terre à cause d'une balayette. Il commençait sérieusement à regretter d'avoir fanfaronné… Elle pointa son arme sur sa gorge.

-D'habitude, tuer des gosses n'est pas ma tasse de thé, mais là…adieu Mugen!

La lame de la lance se rapprocha du visage de Mugen à une vitesse trop grande au goût du Yohko. L'impact allait faire mal. Un bruyant crissement métallique le prévint que, non, il ne s'était pas mangé l'arme en pleine gueule et que, oui, par chance ou par hasard, quelqu'un s'était interposé.

-Kami-sama, merci, marmonna t-il en se relevant sur un coude.

Sasuke repoussa le naginata avec son Shibien au prix de beaucoup d'efforts. Il lança un sourire moqueur au bakemono qui, contre toute attente, papillonna des cils et joint ses mains.

-Sasuke, mon sauveur, minauda t-il en une parodie de demoiselle en détresse.

Lequel sauveur grimaça et d'un éclair bien placé mit K.O. Heiwa qui ne s'y attendait pas. Geshi poussa un hurlement strident et se précipita aux côtés de sa gardienne qu'elle secoua comme un prunier.

-J'espère que Kyo s'en sort, fit Bonten en se baissant pour ne pas recevoir une volée d'épines de ronce dans la figure.

-C'est un grand garçon, éluda Hotaru. Il sait se débrouiller seul.

C'est à cet instant précis que Kyo traversa un mur du premier et s'étala plus bas.

-….Ou pas, termina le blond en haussant les épaules.

Arashi sauta à travers le trou et se rattrapa avec adresse à quelques pas de son ennemi, sonné. Il partit pour dire quelque chose, mais sa diatribe s'étrangla dans sa gorge quand il vit sa belle et tendre affalée par terre en gémissant. Oubliant immédiatement Kyo qui ramassait la poussière, il courut pour la prendre délicatement dans ses bras. Il lui caressa la tête en l'appelant doucement par son nom ou tous les surnoms les plus niais qui lui passaient par l'esprit.

-Amour, Kiseki, mon petit sucre, tu m'entends? Ma chérie, mon canari des îles, ma…

La Liseuse ouvrit péniblement les yeux et grimaça quand un rayon de soleil l'éblouit.

-Oiych, Tsukiyo a encore laissé traîné son sake maison ou quoi? grogna t-elle en se bouinant contre le torse de son amant. Tigre, Shinrei, Akira et Bontenmaru sentirent très distinctement leur mâchoire se décrocher quand ces deux-là s'embrassèrent passionnément, et plus encore quand la main de Kiseki s'égara à un endroit que la décence m'interdit de mentionner ici.

-M'enfin, y a des enfants ici! protesta Tsukiyo, morte de rire.

-Si on peut même plus s'envoyer en l'air tranquillement, marmonna Kiseki en se relevant et en claquant des doigts de frustration. Bon, le jeu a assez duré. Tsukiyo. Geshi.

Evaluant du regard les combattants harassés, elle finit par frapper dans ses mains. Des hordes de soldats pénétrèrent dans la cour intérieure et se saisirent des blessés.

-Flanquez-moi tous ça au frais, ordonna Arashi qui boitait à cause des blessures infligées par Kyo.

-Arashi, voyons, qu'est-ce que j'essaye de t'expliquer depuis des années et des années! On respecte ses adversaires! le réprimanda sa douce moitié.

-Bon, bon, conduisez-les dans des appartements dignes d'eux et où….ils ne seront pas incommodés par la chaleur.

-Allez, au trou! brailla un homme d'arme en hissant Kyo qui nageait à trois kilomètres de ça.

-Décidément, c'est le plus beau jour de ma vie, rumina Mugen en se faisant soulever par deux gardes, chacun saisissant un bras si bien que ses pieds ne touchaient pas le sol.