John tenait Élisabeth alors qu'elle laissait s'échapper un peu de la tension émotionnelle qu'elle portait depuis si longtemps. Quant elle s'endormit finalement en pleurant contre sa poitrine, John la souleva et la coucha sur le lit, tirant les couvertures sur elle. Une fois qu'il fut sûr qu'Elisabeth n'ait pas froid, un John en colère passa la porte comme un ouragan et se dirigea vers l'infirmerie.

Il ne pouvait croire qu'ils avaient permis que cela arrive, qu'ils avaient permis que les choses deviennent si moches avec Élisabeth. Ils étaient supposés être ses amis, sa famille, ils auraient du l'aider. Comment était-ce possible qu'aucun d'entre eux n'ait pu voir ce qu'il se passait ? Il était clair qu'Élisabeth avait eu besoin d'aide, alors pourquoi n'avaient-ils pas été là pour la lui donner ?

Prenant l'assaut des couloirs, John lança un regard furibond à toute personne qu'il croisait, les frôlant sans leur accorder plus qu'un second regard ; il était un homme en mission et rien n'allait l'arrêter. John était au-delà de la réflexion, au-delà de s'inquiéter pour quoi que ce soit d'autre à part Élisabeth.

Pénétrant dans l'infirmerie, John trouva Carson et Rodney – en fait les deux personnes qu'il rendait le plus responsable – dans le bureau de Carson. Plus tard, John savait qu'il réaliserait qu'il avait été un imbécile de mettre tous les torts sur Rodney et Carson, mais à ce moment là il s'en moquait, les deux hommes étaient supposés être les deux plus proches amis d'Élisabeth après lui et ils n'avaient rien fait pour l'aider.

« Comment diable pouvez-vous rester juste assis là pendant que les choses deviennent si moches ? demanda John en faisant irruption dans le bureau, songeant à la porte fermée derrière lui et souhaitant en fait qu'il puisse claquer la porte. Choqués par la soudaine apparition de John et par la colère dans sa voix, une minute se passa avant que l'un d'entre eux ne réponde.

« De quoi parlez-vous ? » demanda Carson, surmontant sa surprise première.

« De quoi je parle ? Bordel, je parle du fait qu'Elisabeth est une totale épave et que ses supposés amis n'ont apparemment pas essayé ni ne se sont inquiétés assez pour l'aider ! »

« Hé bordel, et qu'est-ce qui vous donne le droit de faire irruption ici et de nous accuser de ne pas nous sentir concernés, de ne pas essayer quelque chose ? » Cette fois-ci ce fut Rodney qui répondit. Il savait que John était probablement choqué par l'état dans lequel se trouvait Élisabeth, mais cela ne lui donnait pas le droit de porter de telles accusations.

« Nous avons essayé, nous avons tous essayé, essayé de la faire parler, essayé de l'amener à montrer ne serait-ce que la plus petite note d'émotion, mais elle n'a pas voulu, pour aucun d'entre nous. » déclara Carson en fixant John droit dans les yeux.

« Et bien vous auriez du faire plus d'efforts. » Chaque molécule de colère que John avait ressenti depuis qu'il était entré et avait vu Élisabeth s'entailler avait atteint le point d'ébullition. « Vous n'avez aucune putain d'excuse pour avoir laissé Élisabeth devenir si mal ! »

« Allez vous faire foutre, John ! Vous n'avez aucune idée de l'enfer par lequel Élisabeth est passé parce-qu'elle pensait que vous étiez mort. » Rodney était vraiment en rogne maintenant. « Est-ce que vous pensez que certains d'entre nous aiment la voir comme ça, est-ce que vous pensez que J'aime la voir comme ça ? Je veux dire, merde John, j'ai été amoureux d'Elisabeth dès que je l'ai rencontré, mais pour certaines raisons insondables elle vous a choisi, elle a choisi de vous donner totalement son coeur. Et j'admets qu'au début je n'étais pas heureux de ça, mais je l'ai surmonté, je l'ai accepté, mais ça ne veut pas dire que j'ai cessé de l'aimer. »

« Nous avons fait de notre mieux pour l'aider à rassembler les morceaux mais vous devez réaliser que la seule personne qu'elle voulait voir faire çà était vous. Elle n'aurait pas accepté nos offres d'aide, même si nous voulions vraiment qu'elle le fasse. » Carson intervenait dans la conversation dans l'espoir d'empêcher que la colère de John et de Rodney ne s'embrasent jusqu'à devenir hors de contrôle.

« Si Élisabeth n'était pas tombée si éperdument amoureuse de vous, les choses ne seraient jamais devenues si horribles. » Rodney continuait comme si Carson n'avait pas parlé. « Alors si vous voulez blâmer quelqu'un, essayez de vous regarder dans un miroir ! »

Ce fut la goutte qui fit déborder le vase, avant que quiconque n'ait le temps de réagir, le poing de John entra en collision avec la joue de Rodney. Au lieu de chanceler en un tas sur le sol comme John l'avait prévu, Rodney recula simplement d'un pas en trébuchant, puis répondit avec son propre élan. Il atteignit la tête de John avec la force du coup de poing. Pendant un moment, aucun des hommes ne bougea, puis comme la soudaineté d'un éclair, Rodney se retrouva immobilisé violemment contre le mur, deux mains s'agrippant aux côtés de sa chemise. Du sang coulait du coin de la bouche des deux hommes mais passa inaperçu.

Passant le dos de sa main sur son visage, Rodney essuya le filet de sang et rompit le silence tendu. « Élisabeth vous aime plus que je n'ai jamais vu quelqu'un aimer une autre personne, elle ferait tout pour vous et vous n'avez vraiment aucune idée du pouvoir que vous avez sur elle, n'est-ce pas ? »

Pendant quelques secondes, l'empathie et la culpabilité contrôlèrent le visage de John ; oui il savait exactement quelle sorte de pouvoir il avait sur Élisabeth car elle avait exactement le même pouvoir sur lui, et ça l'effraya de penser à ce que l'un ou l'autre pouvait faire avec ce pouvoir. Bousculant l'homme, John enfouit sa main dans ses cheveux indisciplinés. Rodney n'osa pas bouger, son monde s'inclinant déjà d'un côté.

« Vous prétendez tous les deux vous préoccuper d'Élisabeth, alors dîtes-moi comment pouvez-vous rester assis sans rien faire pendant qu'elle devient autodestructrice ? » John, sentant sa colère diminuer légèrement, son énergie s'amoindrir et sa tête tourner, posa la question aux deux hommes d'un ton implorant. « Bon sang j'ai vu ses cicatrices, vous ne pouvez nier leur existence, vous ne pouvez nier que quelque chose de plus aurait du être fait ! »

« Quelles cicatrices ? » Carson ressentit un sentiment de frayeur en posant la question. La question de Carson provoqua une pause chez John et il se contenta de fixer le docteur, stupéfait. « John, quelles cicatrices ? » demanda à nouveau Carson avec plus de force.

« Celles qui recouvrent ses paumes et ses bras... » John s'interrompit en voyant les regards momentanément confus sur les visages de Carson et de Rodney. Soudainement un déclic se produisit dans la tête de John ; ils ne savaient pas, ils n'avaient aucune idée ce que Élisabeth avait fait. « Vous n'avez aucune idée de ce dont je suis en train de parler ? Comment pouviez-vous ne pas savoir ? Je veux dire merde, en fait ces cicatrices sont bien là si quelqu'un s'inquiète assez pour regarder. »

En regardant les émotions jouer sur les visages de Carson et de Rodney alors que la compréhension sur ce qu'il venait juste de dire s'installait, les restes de sa colère et de son énergie s'épuisèrent. Les épaules légèrement affaissées, John se dirigea vers le petit évier dans le coin le plus retiré du bureau de Carson, fit couler l'eau et passa doucement ses mains sous l'eau fraîche, aspergeant son visage.

Nettoyant les restes de sang sur son visage, John se retourna vers les autres, une expression douloureuse affichée sur son visage. « Je suis désolé, vous n'avez pas mérité de recevoir tout ça. Ca ne m'a jamais traversé l'esprit que vous pouviez ne pas savoir, si j'y avais pensé je n'aurais probablement pas été si en colère, mais sérieusement, comment avez-vous pu ne pas remarquer ce qu'Elisabeth faisait ? » John n'attendit pas la réponse et sortit du bureau et de l'infirmerie et rejoignit la chambre d'Élisabeth.