Chapitre 4. (c'est le dernier...)
Revenu dans les quartiers d'Élisabeth, John fut surpris de trouver la porte fermée à clé. Inquiet mais pas encore prêt à ôter le droit de vie privée d'Élisabeth, John prit une profonde inspiration et frappa à la porte, espérant qu'Élisabeth ouvrirait la porte pour lui.
« Élisabeth, s'il te plaît, laisse moi entrer. » John l'appela doucement lorsque ses coups à la porte restèrent sans réponse. Il savait qu'elle était là, il pouvait entendre des légers bruits de mouvement dans la pièce.
De l'autre côté de la porte, Élisabeth était assise par terre, appuyée contre le lit, les genoux levés de manière à ce qu'elle puisse reposer son front dessus. Elle avait su que c'était John à la porte avant même qu'il ne frappe, espérant qu'il comprenne le message et qu'il parte, la laissant seule. Élisabeth était restée immobile, même après qu'il ait commencé à la supplier d'ouvrir la porte et de le laisser entrer.
La chaleur apaisante dans la voix de John avait presque été suffisante pour qu'elle ouvre la porte, mais elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas lui faire face juste maintenant. Elle craignait que si elle ouvrait la porte, si elle éliminait la barrière entre eux, elle se briserait comme une brindille dans une pluie torrentielle. Elle savait que si John désirait vraiment entrer, il pouvait le faire, tout ce qu'il avait à faire était d'utiliser son gêne pour ouvrir la porte, mais elle espérait qu'il ne le ferait pas.
L'absence de réponse de la part d'Élisabeth commençait vraiment à inquiéter John, et même à le paniquer légèrement. Inspirant difficilement, son esprit commençant à imaginer toute sorte de choses qu'il pourrait trouver de l'autre côté de la porte, John utilisa son gêne pour ouvrir la porte et entra silencieusement à l'intérieur. Repérant Élisabeth dans la pièce sombre, John se laissa glisser à côté d'elle, s'asseyant dans la même position qu'elle.
« Hé... » murmura doucement John, effleurant d'une main réconfortante le dos d'Élisabeth, sans manquer la façon dons son corps tremblait légèrement. Lasse et épuisée, Élisabeth essaya d'arrêter les tremblements, totalement écoeurée par elle-même pour montrer tant de faiblesse.
Sans rien dire, John tendit la main et la passa dans les cheveux d'Élisabeth. Lorsque des larmes silencieuses commencèrent à ruisseler le long des joues d'Élisabeth, John attira doucement sa tête vers la sienne, déposant un baiser à la naissance de ses cheveux, pendant qu'il posait sa tête sur celle d'Élisabeth. Murmurant des mots d'excuses et de promesses apaisants à ses oreilles, John continua de passer sa main dans son dos, tout en donnant encore plus de baisers légers sur le sommet de sa tête.
Élisabeth ne pouvait croire combien le fait d'être dans les bras de John lui avait manqué. Fascinée par les sentiments incroyables que cela lui procurait, les larmes revinrent avec force. Son coeur se brisa, ses sanglots perdirent toute cohésion sur le tee-shirt noir qui recouvrait la poitrine de John. Elle avait eu terriblement besoin d'avoir ses bras autour d'elle depuis qu'il avait disparu, elle se sentait faible de désirer ça, n'ayant jamais cru qu'il reviendrait vers elle. Pourtant il était là, promenant sa main le long de son dos. Elle se délectait de son contact, laissant se réchauffer en elle tous ses sens, consumer tout son être, parce-qu'elle savait, elle savait que ce n'était pas 'pour toujours' mais 'pour l'instant', parce-qu'il y avait toujours une chance pour que la prochaine fois soit réellement celle où elle perdrait John.
Les émotions tentèrent de la faire pleurer encore plus, mais elle avait déjà atteint son quota. Il y avait tant de larmes à verser mais elle manquait d'énergie. Sa tête lancinait violemment à la suite de cette marée de larmes. La poitrine sur laquelle elle se reposait maintenant lourdement grondait alors que John murmurait quelque chose d'incompréhensible pour elle. Elle se sentit commencer à bouger d'avant en arrière dans un bercement doux et mélodieux qui l'apaisa pour le moment.
Se concentrant exclusivement sur sa respiration, Élisabeth ne remarqua pas quand John la souleva doucement du sol et se déplaça avec elle sur le lit, et elle se lova contre John, alors qu'il écartait ses cheveux de son visage. Alors qu'Élisabeth devenait plus calme, John était pratiquement sûr que tout était terminé, au moins pour l'instant.
L'entraînant plus près de lui, John nicha son menton dans la courbe de son cou et murmura paisiblement dans l'oreille d'Élisabeth. « Je suis là pour toi. »
La déclaration était suffisamment simple mais elle provoqua un déclic à l'intérieur d'Élisabeth car elle se raidit dans ses bras. S'appuyant sur son coude, John la regarda fixement dans les yeux. Bien qu'encore gonflés, ils étaient toujours étonnamment magnifiques.
« Quoi ? » La question sortit de la bouche de John comme si c'était un mot tendre et si elle nétait pas si épuisée, Élisabeth aurait été choquée par la douceur dont il débordait.
Demeurant silencieuse, elle secoua la tête et roula en arrière. Se blottissant profondément contre l'oreiller, elle lutta contre les larmes d'abandon qu'elle sentait lentement venir ; pour quelque raison, elle ne pouvait accepter ses mots comme étant la vérité. Se contentant du moment qu'elle s'était vu octroyer, elle réprima un gémissement lorsque son bras s'enroula autour d'elle. Elle s'enroula en lui, l'utilisant comme une couverture. Avec la tête de John reposant au-dessus de la sienne sur l'oreiller, elle se nicha contre son menton et s'assoupit rapidement.
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Remuant dans le lit, John, son corps toujours absorbé par un sommeil confus et embrouillé, se retourna pour attirer Élisabeth plus près de lui. Au lieu de tomber sur sa taille, son bras atteignit un endroit vide et plutôt froid sur le lit. Dans un bref moment de panique, les yeux de John s'ouvrirent brutalement pour observer la pièce autour de lui. Il laissa échapper un petit soupir de soulagement lorsqu'il l'aperçut debout devant la fenêtre en train de regarder le paysage.
« Élisabeth ? » John s'assit sur le bord du lit.
« Je pensais que j'agissais bien... Que finalement je commençais à contrôler les choses. Avant l'autre nuit, il s'était passé presque deux semaines depuis la dernière fois où je me suis coupée, bordel je n'avais même pas ressenti ce besoin impérieux pendant ces deux semaines. » Élisabeth commença à parler doucement, ne se détournant jamais de la fenêtre. « Mais après tu as traversé la porte et puis tout s'est écroulé. Je ne peux m'empêcher d'y penser, ça me prend tout ce que j'ai juste pour essayer de trouver un morceau de verre, ou un couteau, quelque chose, n'importe quoi, pourvu que je puisse m'entailler. Ca m'effraie parce-que maintenant tu es là, je ne devrais plus avoir le besoin ou le désir de faire encore ça, mais je l'ai, je veux tellement le faire que j'ai peur de me faire confiance... » Les larmes lui piquaient les yeux mais elle ne leur laissa pas une chance de couler.
John ne savait pas quoi dire, ni quoi faire. Ca le déchirait de voir Élisabeth comme ça. Se levant du lit, John s'avança pour prendre Élisabeth dans ses bras mais elle l'esquiva d'un pas de côté.
« Ne fais pas ça John... S'il te plaît, non. » Élisabeth recula, mettant de l'espace entre elle et John.
« Ne fais pas quoi ? Parle-moi, Élisabeth, s'il te plaît. » supplia John.
« Ne me regarde pas avec ce regard de peur dans tes yeux, comme si tu ne savais plus qui j'étais ou ce que j'étais. »
« J'ai peur, Élisabeth. J'étais terrifié de penser que j'allais te perdre l'autre nuit. Je n'ai pas passé les huit derniers mois dans un putain de camp d'esclaves, à me battre pour rester en vie, à me battre pour rentrer à la maison, je n'ai pas condamné à une mort certaine l'homme qui m'a aidé à m'échapper car j'ai du le convaincre de se présenter devant son peuple et de dire que ce qu'ils faisaient était une erreur, juste pour finalement rentrer à la maison et finir par te perdre. Alors crois-moi lorsque je dis que oui, bordel, je suis effrayé. Ca me fout les jetons de ne pas savoir quoi faire pour t'aider. »
« Ca m'effraie aussi. » murmura Élisabeth alors qu'elle se rapprocha de John, l'autorisant à la tenir dans ses bras.
« Je veux que tu parles à Heightmeyer. » John sentit Élisabeth se raidir alors qu'elle essayait de s'échapper de lui, mais il refusa de la laisser partir. « Élisabeth, s'il te plaît, tu as besoin d'aide, une aide que je ne peux te donner moi-même. Je te promets que tu nous surmonterons tout ça ensemble et nous le ferons, mais tu dois marcher avec moi. Tout ceci n'est pas dans mon habitude et ca fait vraiment mal d'admettre que je ne peux pas t'aider par moi-même, mais j'ai le courage d'admettre que je... que nous... avons besoin d'aide. »
« D'accord, je lui parlerai. »
Reculant légèrement, John prit gentiment mais fermement le visage d'Elisabeth entre ses deux mains, la forçant à le regarder. « Je suis sérieux, Élisabeth, ne me refuse pas ça, ne m'écarte pas de tout ça. Je te traînerai moi-même dans le bureau d'Heightmeyer s'il le faut. Promets moi que tu feras ça pour moi. »
« Je te le promets. » Élisabeth entoura John de ses bras, reposant sa tête contre sa poitrine lorsqu'il lâcha son visage. « Je te le promets. »
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Élisabeth se tenait devant la porte du bureau de Kate, et attendait. Elle n'était pas vraiment sûr de savoir ce qu'elle attendait. Peut-être qu'elle attendait que son estomac cesse d'être aussi noué, ou juste que ses pieds avancent, ou simplement qu'elle se sente prête à parler de tout ça. Élisabeth devait admettre qu'elle était effrayée, effrayée de venir ici et de découvrir à quel point elle avait tout foutu en l'air.
Élisabeth se détourna de la porte, entièrement résolue à retourner silencieusement dans sa chambre et à être tranquille pour le moment, mais la voix agaçante dans sa tête qui résonnait de la même frustration que John lui rappela sa promesse, et la fit s'arrêter un peu plus loin dans le couloir.
« Élisabeth ? »
Pendant une fraction de seconde, Élisabeth envisagea d'ignorer Kate, prétendant ne pas avoir entendu l'autre femme et continuant dans le couloir, mais cette voix agaçante se fit une nouvelle fois entendre, forçant Élisabeth à se retourner et à faire face à tout ce qui pouvait arriver.
« Vous êtes en retard, je commençais à penser que j'allais devoir appeler John pour vous retrouver. » Kate essaya de garder une voix gaie, sachant que parler avec elle dans son bureau était le dernier endroit où souhaitait se trouver Élisabeth.
John, la véritable raison pour laquelle elle se trouvait là. Laissant échapper un petit soupir, Élisabeth revint vers Kate. Elle pouvait faire ça, il suffisait juste de parler, rien d'autre. Enfilant ses mains dans ses poches pour cacher le fait qu'elles tremblaient, Élisabeth entra silencieusement dans le bureau de Kate, prenant un siège parmi les chaises des visiteurs. S'asseyant également, Kate prit un moment pour étudier Élisabeth. Élisabeth donnait l'impression de ne pas avoir dormi depuis des jours et avait peut-être même perdu du poids.
Voyant la façon dont Élisabeth s'assit distraitement, tripotant un fil tiré sur sa chemise et regardant n'importe où sauf vers elle, Kate avança la main et la plaça doucement sur l'une des mains d'Élisabeth, arrêtant le tripotage.
« Élisabeth, c'est normal d'être nerveuse, même effrayée. Vous avez traversé beaucoup de choses pendant ces quelques derniers mois. Admettre que vous avez besoin d'aide n'a rien de honteux. Vous n'êtes pas seule ici, plusieurs d'entre nous dans la cité veulent vous aider, si vous nous laissez faire. »
Regardant Kate et rencontrant son regard pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans la pièce, Élisabeth garda le silence un moment, cherchant quelque chose dans les yeux de l'autre femme. Trouvant ce qu'elle cherchait, un réel désir d'aider, Élisabeth hocha la tête. Elle pouvait faire ça, ça ne serait pas l'affaire d'une nuit, ça prendrait du temps, avec l'aide de Kate, de John et des autres, elle surmonterait ça.
Serrant légèrement la main de Kate pour lui montrer sa reconnaissance, Élisabeth commença à parler.
