Titre anglais: Malfoy, P.I.
Titre français: Malfoy, Détective Privé
Auteur: Nancy
Traductrice: Jess HDH
Catégories: Mystère, Action/Aventure, Romance, Suspense
Couple: Harry/Draco
Rating: R (maintenant M apparemment)
Spoilers: les cinq premiers livres de HP
Etat actuel de la fic: en cours d'écriture. 11 chapitres sont pour le moment disponibles.
Où trouver la fic anglaise: Schnoogle . com
Résumé: "Je suis Draco Malfoy, détective privé. J'ai vu beaucoup de choses...j'ai fait beaucoup de choses, et je ressemble beaucoup à un gentil garçon de dix-sept ans. Je croyais avoir tout vu, jusqu'à ce qu'une paire de yeux verts entre dans mon bureau". Un Univers Alternatif (AU) à la manière des romans policiers noirs situé à Los Angeles où la passion et la magie se rencontrent. Slashy et sexy.
Disclaimer: cette histoire est basée sur des personnages et des faits crées et appartenant à J.K. Rowling. Aucun argent n'en est retiré. L'histoire de cette fic appartient à son auteur, Nancy, et la traduction à sa traductrice, Jess HDH.
Note de la traductrice : croyez-le ou non, mais je suis de retour ! J'ai vu que Nancy avait enfin posté son chapitre 11, et comme je m'ennuie un peu en ce moment (4h de cours/semaine, mon mémoire de master qui avance tout seul et mon chéri en cours toute la journée), j'ai décidé de traduire les deux chapitres que j'ai de retard. Je tenais à remercier toutes les personnes qui m'ont réclamé la suite, c'est en grande partie pour elles que je continue cette fic que j'aime beaucoup. J'espère que la suite sera à la hauteur de vos attentes et que vous vous souviendrez de l'histoire lol. Le chapitre onze viendra d'ici une semaine ou deux. Evidemment, n'hésitez pas à me laisser vos commentaires ! Voilà, bonne lecture à tous et à toutes !
Note préliminaire : je rappelle qu'il y a beaucoup de références à la culture américaine, et anglophone en général, dans cette fic. Donc si vous voyez des noms inconnus, ou des expressions qui ne vous disent pas grand chose, ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas idiots, moi aussi j'ai été quelque peu perplexe des fois, mais ce n'est pas notre culture, donc prenez comme ça vient, ça n'entache pas la qualité de la fic de Nancy. Mes éventuelles notes sont entre parenthèses et en italique, vu que les crochets ne fonctionnent pas.
CHAPITRE DIX
"S'il te plaît, dis-moi que tu t'es servi d'un faux passeport"
Yeux Verts me fit un grand sourire. « Oui ». Il le leva en l'air. Je le regardai.
« Raymond Hammett ? Tu n'as pas la tête d'un Raymond, je trouve »
« J'ai quelle tête alors ? »
Je décidai de ne pas répondre à cette question. « Entre ». Il s'exécuta, et posa son sac sur le lit. Il portait un pantalon kaki et une chemise vert pâle. Je m'approchai de lui par derrière et, quand il se retourna, je l'embrassai. Il me répondit avec chaleur.
« J'ai manqué à quelqu'un » dis-je en souriant.
Il acquiesça. « Je ne pouvais pas rester à L.A. en sachant que tu étais ici et pas moi. Je déteste me sentir inutile, tu sais ? »
« Donc tu as décidé de passer outre la liberté sous caution. C'est pas très malin, Potter »
« Je sais. C'est juste que...je voulais te voir ». Ces quatre derniers mots jaillirent de sa bouche comme une eau fraîche et claire dans une oasis en plein désert. Il leva les yeux vers moi, et je pus voir le garçon qu'il avait été avant que la vie ne détruise ses illusions. Je soupirai.
« Faim ? »
Il hocha la tête et me sourit, de ce sourire que peu ont eu l'occasion de voir, ou ne verront jamais, et m'attira sur le lit de façon à ce que je me retrouve sur lui. Il m'embrassa.
Un rayon de soleil brilla à travers les fenêtres et les yeux de Harry captèrent la lumière, verts brillants, et il gémit doucement contre mon oreille, ses bras autour de moi, tandis que je me perdais en lui.
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« Alors, tu vas où aujourd'hui ? » me demanda Harry tandis que nous prenions le thé sur le balcon de notre chambre.
« A vrai dire, je ne sais pas trop par où commencer. Je pense au pays de Galles. J'ai lu ça, et c'est arrivé près de Cardiff, donc je pourrais peut-être poser quelques questions ». Je lui tendis l'article de journal que j'avais compulsé durant mon vol. Il le lut attentivement puis leva les yeux vers moi.
« Ca parle de la nuit où mes parents sont morts, non ? »
Je hochai la tête, tout en sirotant mon thé et en mangeant un crumpet (spécialité culinaire britannique, genre de petite crêpe épaisse). Je me sentais tellement British ! « Peut-être que quelqu'un se souviendra de quelque chose. Ca remonte à loin, mais ça vaut le coup »
« Tu as besoin d'une voiture »
J'acquiesçai. J'avais besoin de beaucoup de choses. « Ca aiderait. J'ai l'impression que je vais devoir vadrouiller pas mal dans le coin »
Il hocha la tête. « Prends tout ce dont tu as besoin. Fais tout ce que tu as à faire. Il faut que je sache, c'est tout »
« Comme Monsieur Raymond voudra ». Je lui souris et appelai le concierge qui prit les dispositions nécessaires concernant les billets de train en direction de Cardiff pour le lendemain et un hôtel pour la nuit pour Harry et moi. Je n'avais réussi à trouver Godric's Hollow sur aucune carte, mais l'article de journal avait été rédigé à Caerphilly, près de Cardiff, donc c'était un début.
Il s'assit sur le lit et alluma la télévision. Ses épaules tremblaient et il semblait vaincu, comme une chanteuse complètement lessivée qui sait qu'elle est complètement lessivée mais qui monte sur scène chaque soir juste parce que c'est ce qu'on attend d'elle. Je m'assis à côté de lui. « Ca va aller. »
« C'est juste que je déteste me sentir inutile »
« Tu n'es pas inutile. Tu es beaucoup de choses, mais tu n'es pas inutile. Je travaille seul, mais sur cette affaire, je pense que je vais avoir besoin de ton aide. Ok ? ». J'entendis le tonnerre au loin.
Il leva la tête vers moi, avec une lueur de prudence dans ses yeux verts. Ses cheveux étaient rejetés en arrière et dévoilaient son front, et cette étrange cicatrice ressortait très nettement. « J'ai l'impression...qu'une partie de moi est en train de s'en aller, ou quelque chose dans le genre. Je n'arrive pas à l'expliquer. Je déteste ça »
Il n'y avait rien que je pouvais répondre à ça.
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Cette nuit-là, nous sortîmes nous balader dans Londres. Je m'arrêtai à Harrod's pour acheter deux colliers en argent sertis de lapis-lazulis pour Molly et Jennifer. Je choisis un médaillon en argent pour Jessica.
« Pour toutes tes petites amies ? » demanda Harry tout en essayant des chapeaux. Il portait à présent un chapeau melon, ce qui lui allait pas mal. Il le troqua contre un rose avec des plumes d'autruche.
« Un pour Jennifer, un pour Molly, et un pour Jessica. Tu ressembles à la Reine Mère »
Il rit. « On a tous les deux une tête à chapeaux, je crois. Jessica est ta fille, c'est ça ? »
« Oui. »
« A quoi ressemble-t-elle ? »
Je sortis mon portefeuille et lui montrai la dernière photo de classe de Jessica. Il leva la tête vers moi.
« Elle est magnifique. Qu'est-ce que ça fait ? »
« Quoi, qu'est-ce que ça fait ? ». J'essayai une paire de lunettes de soleil, mais les repoussai vite. On aurait dit un Village People.
« D'être père. »
Je payai les bijoux et nous quittâmes le magasin, descendant la rue sans nous presser. « C'est...étrange. Quand elle est née, tout ce que je pouvais faire, c'était de regarder cette...cette personne que j'avais créée. Elle était à moi. A moi et à Molly. Et j'ai su alors que je ferais n'importe quoi pour la protéger. Je veux qu'elle soit heureuse ». Je voulais beaucoup de choses, mais j'avais du mal à transformer ces envies en mots.
Harry me jeta un coup d'œil. « Tu la vois souvent ? »
« Pas très ». Je regardai de l'autre côté de la rue. « Je pensais que la Californie avait le monopole sur les débiles mentaux, mais je me suis trompé. »
« Quoi ? »
Je montrai du doigt un petit pub appelé Le Chaudron Baveur. Plusieurs personnes vêtues de robes et de grands chapeaux pointus entraient dans l'établissement. Je me demandai si ce n'était pas une sorte de secte religieuse ou un truc dans le genre. Harry était silencieux derrière moi. Il jeta un coup d'œil à la circulation et commença à traverser la rue, mais stoppa net, évitant de justesse de se faire renverser. Le conducteur cria quelque chose et je tendis instinctivement le bras pour le ramener sur le trottoir.
« Ca va ? » Je posai la main sur l'épaule de Harry. Il était pâle et tremblant.
« Oh. Ouais. J'ai failli me pisser dessus là »
« Ils conduisent du mauvais côté de la route ici. Tu as regardé dans la mauvaise direction. Viens. Je te paie un verre ». Heureusement, le sujet concernant ma fille fut abandonné tandis que nous descendions les rues en direction d'un bar que le concierge nous avait conseillé, loin de l'étrange petit pub.
Nous marchâmes le long de la Tamise plus tard cette nuit-là. Le son de la rivière contre la berge me rappela la première fois où je tombai amoureux, marchant le long du Charles avec Molly, alors que nous étions jeunes et que le monde était plein de promesses.
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L'hôtel à Cardiff était confortable. Contrairement à la plupart des chaînes hôtelières, je n'avais pas l'impression que le personnel se forçait à être aimable. Ils s'arrangèrent pour qu'une voiture soit mise à notre disposition dans l'après-midi et Harry et moi nous 'divertîmes' ensembles en attendant. Je ne me lassais pas de lui.
Malgré mon agitation, le voyage se passa relativement bien. Il ne me fallut pas trop longtemps pour m'habituer au sens de conduite des Anglais, bien que je me fisse surprendre par un satané rond-point, et je me demandai à cette occasion si ces fichus machins seraient présents en enfer, où je serais envoyé tôt ou tard. Je trouvai aisément Caerphilly et tombai amoureux du pays de Galles en cours de route. Une fois arrivé, je m'arrêtai chez un fleuriste. Je supposais que la ville avait un office de tourisme ou un centre historique.
La boutique était petite, et une débauche de couleurs m'accueillit tandis que je m'approchais du comptoir. Un gros chat orange, perché sur le comptoir, miaula dans ma direction, et je le caressai d'un air absent, alors qu'une femme minuscule s'avançait vers moi, courbée sous le poids des années qui n'avaient pas dû être faciles. Elle s'essuya les mains sur son tablier et se mit à arranger des glaïeuls dans un grand vase.
« Oui, monsieur ? ». Je souris à son accent.
« J'aurais voulu savoir s'il y avait un office de tourisme ou un centre historique local dans cette ville. »
Elle me rendit mon sourire. « Américain ? »
J'acquiesçai et sortis l'article de ma poche, suivant mon intuition. Au bout d'un certain moment, on sent qui va parler à un détective privé et qui ne va pas le faire. On fait ce qu'on a à faire pour faire notre boulot. « J'écris un livre et j'ai quelques questions à propos des événements du 31 octobre 1981. Vous viviez ici à cette époque ? »
Elle me prit l'article des mains alors que le chat se levait et me donnait un coup de tête amical sur la main. Les animaux et les bébés m'ont toujours bien aimé. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être qu'ils voient au-delà de la façade. « C'était il y a longtemps. Je n'arrive même pas à me souvenir ce que j'ai mangé à midi aujourd'hui, alors quelque chose qui s'est produit il y a si longtemps… »
« Je comprends. Savez-vous, par hasard, où se trouve Godric's Hollow ? »
Elle battit des paupières, ses yeux bleus devenant soudainement prudents. Chaque ville à ses secrets et je me demandai si je n'en étais pas tombé sur un. « Je ne crois pas avoir déjà entendu parler d'un tel endroit. »
« Oh. Bien, merci quand même pour votre aide. Désolé du dérangement ». Je me tournai pour partir mais elle m'arrêta.
« Le pasteur pourrait peut-être vous aider. Il vit ici depuis longtemps. »
Je souris de façon à faire ressortir mes fossettes, et elle rosit. « Et où pourrais-je le trouver ? »
« Juste au coin en bas de la rue, monsieur. Cherchez la flèche de l'église. »
Je tendis la main et elle me la serra. Sa paume était légèrement moite. « Merci encore ». Elle rougit à nouveau et je sortis, me souriant à moi-même. Tout ça grâce à la diplomatie internationale.
Je restai immobile dans la rue un instant, et je vis la flèche de l'église. Ce n'était pas loin du tout – à trois rues d'où j'étais – si bien que je décidai d'y aller à pied. Mes nerfs avaient besoin d'une pause vis-à-vis conducteurs anglais. La ville était animée, et je pris plaisir à ma petite marche.
L'église en elle-même était quelconque, en brique rouge. Je rentrai dans le sanctuaire et la porte se referma derrière moi, condamnant les bruits de la rue. Il faisait sombre à l'intérieur, et je restai un moment sans bouger, le temps que mes yeux s'habituent à la lumière. Je descendis l'allée centrale, et cela me rappela mon mariage avec Molly, tant d'années auparavant. Je secouai la tête. J'étais ici pour enquêter sur le passé de Potter, pas le mien.
Près de l'autel surélevé, un homme était en train d'arroser les plantes. Il se retourna quand j'approchai. Son visage était ouvert et amical. Il était petit et gros, mais il respirait la bonne volonté et la bienveillance. La lumière provenant des hautes fenêtres brilla sur son crâne chauve.
« Révérend Barnard. En quoi puis-je vous aider ? »
Je pensai tout d'abord à masquer la véritable raison de ma venue ici, comme je l'avais fait chez la fleuriste, mais je ne pouvais mentir à un membre du clergé. Je sortis une carte de visite. « Draco Malfoy. J'aimerais savoir si je pouvais vous poser quelques questions à propos de quelque chose qui s'est passé en 1981. Viviez-vous ici à l'époque ? »
Il la prit et l'étudia un moment. « Oui. Venez, allons dans mon bureau. C'est bien moins étouffant ». Je le suivis, heureux de sortir du sanctuaire. Il y a quelque chose dans les églises qui me dérange, mais je ne sais pas ce que c'est. Je ne suis jamais allé beaucoup à l'église, même si maman était catholique et me traînait à la messe à Pâques et à Noël. Je lui étais reconnaissant de ne pas m'avoir mis dans une école catholique. Je n'arrivais pas à m'imaginer portant une tenue d'écolier, bien que j'aie passé un moment ou deux à me représenter Harry en écolier portant l'uniforme. Je me frappai mentalement et décidai que j'étais vraiment bon pour l'enfer. Si un tel endroit existait.
Nous entrâmes dans un petit bureau. Trois des murs étaient occupés par des étagères, et tout était rempli de livres et de papiers. Il y avait un certain ordre dans tout ça, et j'eus le sentiment qu'il pouvait localiser immédiatement tout ce dont il avait besoin. Il débarrassa une chaise pour moi puis s'assit derrière son bureau.
« J'enquête sur les événements du 31 octobre 1981. J'ai cru comprendre qu'il y a eu une explosion de feux d'artifice près d'ici. »
Il s'enfonça dans son siège, pensif. « Ca remonte à loin. Mais oui, je m'en souviens. »
« De quoi vous rappelez-vous de cette nuit-là ? »
« Ah...C'était tard, et j'étais ici en train de régler quelques tâches administratives. Je sais que ça fait longtemps que ça s'est produit car j'avais des cheveux à l'époque ». Il se passa une main sur la tête, puis continua. « Bref. Une des femmes qui travaillait ici est arrivée en courant et m'a dit quelque chose à propos d'une aurore boréale. Je suis allé en Alaska, et j'en ai vu. Mais on ne les voit pas par ici, alors j'étais curieux. On a regardé le ciel vers le sud, et c'était vert. »
Vert. Je me demandai si un feu vert était reflété par les nuages. Il continua. « C'était une lumière verte, qui vacillait entre les nuages. Elle se reflétait. Personne n'a entendu quoi que ce soit, et nous n'avons jamais entendu une explosion. Une sorte de grondement, peut-être, mais rien qu'on pourrait appeler une explosion. La lumière est restée pendant un moment, et puis il y a eu ce...Je ne sais pas vraiment ce que c'était... ». Il s'arrêta.
« Qu'avez-vous vu, mon révérend ? »
« Vous avez déjà vu des feux d'artifices, n'est-ce pas ? »
Je hochai la tête.
« Eh bien, vous savez comment, après avoir explosé, ils laissent une sorte de fumée ? Je suppose que c'est les cendres. Eh bien, je pense que c'est ce que j'ai vu mais...sa forme... ». Il frissonna comme un homme qui venait de traverser la vallée de l'ombre de la mort.
« Monsieur ? »
« Ca ressemblait à un crâne. Un crâne avec un serpent qui sort de la bouche. J'ai vu beaucoup de choses étranges dans ma vie. Mais ça, c'était...ce que j'ai vu, c'était le mal à l'état pur. »
Mon avant-bras gauche palpita, et j'eus froid tout à coup.
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Je retournai à ma voiture, toujours glacé de l'intérieur. Le pasteur n'avait pas entendu, lui non plus, parler de Godric's Hollow, mais il avait estimé que les lumières provenaient du sud, à quelques miles de là. Je jetai un coup d'œil au ciel, et pris la direction du sud.
Il y avait quelques petites maisons au bord de la route, mais en dehors de ça, on était en pleine campagne. Après environ trois miles, je vis une église et me garai sur le bas-côté. L'église paraissait vide, et personne ne répondit quand je frappai. J'essayai d'ouvrir la porte mais elle était fermée. Bonjour le sanctuaire ! Il faut se débrouiller par soi-même pour y rentrer...c'est à y perdre la foi !
Je sursautai en entendant un 'wouf' derrière moi. Je me retournai et vis un grand chien noir, au poil assez long et hirsute. Il remuait la queue.
« Salut le chien ». Je tendis une main, qu'il lécha. Je cherchai son collier mais n'en vis aucun. « Tu es perdu ? Tu m'as l'air sacrément mal nourri ». Le chien aboya à nouveau et roula sur le dos. Un mâle. Je lui grattai le ventre un moment. Le chien se leva, aboya encore, et marcha vers l'église. Il s'arrêta et me regarda.
« Tu veux que je te suive ? Quoi, tu veux m'emmener à ta planque d'os secrète ? Oh, je sais. Timmy est coincé dans le puits. »
Il aboya à nouveau ; je soupirai et le suivis. Je suivais un chien. Chapeau bas à mes talents extraordinaires de détective. Je pouvais voir dès maintenant les gros titres : « Un détective américain retrouvé déchiqueté par des chiens sauvages ». Et pourtant, je suivis le chien, en rêvant soudainement d'un verre.
Je le suivis derrière l'église, et à l'intérieur d'un espace boisé. C'était vert et luxuriant, mais il y avait un sentier bien défini. De temps en temps, il s'arrêtait et s'assurait que je le suivais bien. Je décidai de l'appeler Peter. Je notai mentalement de ne pas mettre ce détail sur la facture de Harry.
Nous traversâmes le bois, qui baignait dans le soleil. C'était vraiment joli, et je crus entendre un rossignol chanter dans les arbres. Curieux d'en entendre un en plein jour. Nous marchâmes peut-être pendant un mile et demi, jusqu'à ce que Pete s'arrête au milieu du sentier et se tourne vers moi.
« Laisse-moi deviner. C'est le moment où tes copains viennent me mettre en pièces ? ». Il aboya et se dirigea sur la droite. Je soupirai. « Je n'arrive pas à croire que j'en suis réduit à suivre un chien ». Nous arrivâmes dans un espace dégagé où il y avait des décombres.
« C'était ça que tu voulais me montrer, Peter ? ». Il émit un grondement sourd.
« Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu n'aimes pas ton nom ? Peter ? ». Il grogna à nouveau. « D'accord, je ne t'appellerai plus Peter, ok ? »
Il aboya et j'avançai vers les décombres. Je voyais des tuiles, des briques, et je me rendis compte que je regardais les ruines d'une maison. De l'herbe et des fleurs avaient poussé au milieu des ruines. Je frissonnai, soudain glacé. Quelque chose de mauvais s'était produit ici. Peter marchait avec moi. Il n'y avait pas un souffle de vent, et aucun oiseau ne chantait. J'avais l'impression d'être dans un cimetière. Peter avança et revint avec quelque chose dans la gueule, qu'il laissa tomber à mes pieds. Je me penchai pour le ramasser.
C'était en métal, bosselé en quelques endroits, et terni, mais je pouvais voir que c'était un hochet de bébé en argent, comme ceux qu'on trouvait chez Tiffany. Il y avait une petite flaque à quelques pas de là et j'allai y nettoyer le hochet. J'aperçus une gravure et je l'orientai vers la lumière.
Harry James Potter
31 juillet 1980
Je restai assis parmi les décombres pendant un long moment, Peter à côté de moi, tandis que les bois chantaient vêpres autour de nous et que le soleil de fin d'après-midi déclinait à travers les arbres.
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Harry était à l'hôtel quand je rentrai. Je me garai et pénétrai dans le vestibule, le hochet dans ma poche pesant bien plus lourd selon moi qu'il n'aurait dû. J'entrai dans la chambre et le visage de Harry s'illumina.
C'était bien de rentrer à la maison pour quelqu'un. La bouteille ne remplace pas la solitude.
« Salut » fit-il en m'embrassant. Je fondis.
« Salut. Passé une bonne après-midi ? »
Il sourit. « Géniale. Je suis allé au Château de Cardiff. Et toi, tu as fait quoi ? »
« Je crois que j'ai trouvé Godric's Hollow » dis-je en me servant un verre.
J'entendis Harry s'asseoir sur le lit. « Godric's Hollow ? »
Je soupirai puis sortis le hochet de ma poche et le lui tendis. Il le prit avec appréhension, comme un homme qui a reçu une citation à comparaître au tribunal. « Qu'est-ce que c'est ? »
« Lis l'inscription ». J'ôtai ma cravate.
Harry se dirigea vers la lampe et s'exécuta. « C-C'était...c'était à moi... »
Je le rassis sur le lit. « Oui. J'ai vu les ruines d'une maison. C'était tout détruit. »
« Qu'as-tu trouvé d'autre ? »
« Pas grand-chose. Des assiettes brisées, du bois, quelques couverts. »
Ses yeux étaient presque noirs dans la pénombre qui s'installait dans la chambre. « Je veux aller voir. »
« Harry, il va bientôt faire nuit. »
Il leva le menton. « Je veux aller voir. »
« Tu verrais mieux en plein jour ». Il me lança un regard noir et je levai une main. « Ok, ok. Je peux juste manger un bout avant ? »
Il hocha la tête. « C'est juste que...tu sais...c'est là qu'ils...c'est là qu'ils sont morts. »
« C'est très tranquille là bas. »
Harry s'assit, tournant le hochet dans ses mains. « Je n'arrive pas à me rappeler d'eux. »
« Bien sûr que non. Tu étais encore bébé ». En le regardant à présent, je n'arrivais pas à l'imaginer comme il avait dû être un jour, innocent et plein d'espoir. Et je ne pouvais vraiment pas me le représenter bébé. L'écolier en uniforme relevait d'un tout autre domaine.
« Comment tu l'as trouvé ? »
« Godric's Hollow ? »
Il acquiesça.
« Je suis détective. Trouver des choses, c'est mon gagne-pain ». J'espérais que ça suffirait parce que je ne voulais pas vraiment lui raconter la vraie histoire. Je fais un boulot prestigieux et mystérieux ! Toutefois, il sembla accepter ma version et nous dînâmes en silence.
Harry ne dit pas un mot tandis que nous montions dans la voiture et nous dirigions à nouveau vers Caerphilly. Je me sentais plus à l'aise pour conduire à gauche et je décidai que seulement 80 des conducteurs anglais étaient du papier cul en barre. Moi, évidemment, j'étais un conducteur émérite. Je finis par allumer la radio et nous écoutâmes la musique tandis que la nuit tombait autour de nous. Je retrouvai l'église et me garai. Il faisait presque nuit noire désormais, et l'air était un peu frais. Je lui tendis une lampe torche.
« Ca va ? »
Il hocha la tête. « Ouais. Je veux juste... ». Il ne continua pas. Je ne vis aucun signe de Pete, que j'avais laissé à l'église plus tôt ce jour-là. J'espérai presque le revoir, mais nous fûmes seulement deux à suivre le sentier dans les bois. Au dessus de nous, j'entendis des hiboux hululer faiblement, et le rossignol. Une douce brise soufflait à travers les branches ; le bois semblait vivant. Malgré ça, tout ce qui se trouvait autour de moi était plat, comme si tout avait été recouvert par une couche de peinture révélant une autre réalité. Fatigue due au décalage horaire, peut-être. Je songeai brièvement à l'histoire du jeune Goodman Brown et de sa rencontre dans les bois, et puis nous arrivâmes dans la clairière de Godric's Hollow. Harry resta immobile, en silence. Je lui pris la main et le conduisis jusqu'aux ruines où vivaient jadis ses parents.
« C'est...ça ? ». Il me regarda et, à ce moment-là, j'aurais donné ma vie pour enlever cet air sur son visage.
« Oui ». Je reculai, le laissant traverser les décombres. Il prit son temps, regardant sous chaque pierre et ramassant des débris.
Je lui rapportai le compte-rendu du révérend sur l'Halloween de 1981 tandis qu'il fouillait. Je laissai de côté le passage du crâne flottant dans les airs, pour des raisons qui m'échappaient. Il hochait mécaniquement la tête et s'assit vers le milieu de mon récit, mais si mes mots l'atteignirent, il ne le montra pas.
Sur ma droite, quelque chose bougea dans les arbres. Je me tendis, puis me détendis quand je vis Peter. Ses yeux étaient rivés sur Harry. Je tapotai ma jambe, mais il ne vint pas vers moi. Rien d'autre ne semblait exister pour lui à part Harry. Il s'approcha plus près, finit par se diriger vers l'endroit où Harry était assis, et posa sa tête sur les genoux de Harry. Harry sourit et baissa les yeux vers Peter.
« Salut, Sniffle. »
« Sniffle ? ». J'avais entendu beaucoup de noms de chien, mais pas celui-là.
« Il a l'air fait pour lui ». Peter gémit et Harry caressa sa fourrure.
J'étais parfaitement immobile, à les regarder tous les deux. Il se passait quelque chose, et je ne pouvais dire quoi, mais je savais que c'était un moment à eux. Pour ces deux-là, j'avais momentanément cessé d'exister.
Nous restâmes assis tous les trois au milieu des ruines de la vie de James et Lily Potter jusqu'à tard dans la nuit. La lune se leva et recouvrit tout d'une lueur argentée, rendant le monde en noir et blanc, comme un vieux film policier. Néanmoins, je suis quasi sûr que Sam Spade n'est jamais resté assis au milieu des ruines d'une maison dans le clair de lune jusqu'aux premières heures du matin, à regarder un garçon et son chien dans la nuit noire et sacrée.
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Deux jours plus tard, je me retrouvai en train de conduire en direction du sud-ouest du Surrey. Harry et moi étions retournés à Londres la veille, où j'avais dîné avec Edward, qui m'avait aidé pour le vrai certificat de naissance de Harry plus tôt dans cette affaire. Cette fois-ci, je reçus le dossier scolaire de Harry des années qu'il avait passées à l'école primaire du comté à Little Whinging. Ca aide d'avoir un pote à la Chambre des Lords. Edward avait essayé de m'expliquer le système scolaire britannique, mais c'était plus compliqué que le régime d'une drag queen. Il s'était aussi procuré le certificat de naissance de Tom Jedusor, mais ça devait être celui du grand-père de Tom, car il prétendait que Tom était né en 1926. Si Tom était aussi vieux, je voulais savoir qui était son chirurgien esthétique.
Je passai devant Big Ben en quittant la ville, et la voir ramena un vieux souvenir. Je n'avais pas plus de quatre ans et des poussières, et je tenais la main de ma mère en riant. Elle avait les yeux baissés vers moi, riant elle aussi. Puis mon père était arrivé, les yeux froids, et ma mère et moi nous étions arrêtés tous les deux de rire. Quelque part, sa présence assombrissait le souvenir. Un autre souvenir me vint alors. J'avais renversé quelque chose sur la table et ses yeux étaient gris et menaçants quand il s'était avancé vers moi...
J'allumai la radio. De la musique classique emplit la voiture. L'Apprenti Sorcier,de Dukas. Le soleil luttait pour se faire voir à travers les nuages alors qu'une autre chanson commençait, et celle-ci m'avait toujours donné froid dans le dos. Rachmaninov. L'Ile des Morts.
Je me demandai soudainement où était Tom et s'il savait que j'avais quitté Los Angeles. Au fond de mon esprit, deux yeux bleus me raillaient.
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Le 4, Privet Drive était une petite maison trop proprette à mon goût, identique à toutes les autres maisons de la rue. Les haies étaient toutes taillées parfaitement à la même hauteur, pas une mauvaise herbe sur la pelouse ou une pierre mal placée. Bref, la maison n'avait aucun caractère et seule la voiture garée devant la différenciait des autres maisons. Ceux qui habitaient ici se souciaient beaucoup des apparences. Je descendis de la voiture de location et remontai la rue. La voiture dans l'allée était encore chaude, donc ceux qui habitaient ici n'étaient pas rentrés depuis longtemps. Autour de moi, la rue sommeillait dans la brume de cette fin d'après-midi.
Je toquai à la porte, et ce fut un homme corpulent, dépourvu de cou et à la moustache impressionnante qui me répondit. Durant un moment, je pensai à Richard Nixon, mais je repoussai cette idée et tendis la main.
« Draco Malfoy. Vous êtes Vernon Dursley ? »
Il me lorgna de ses petits yeux porcins. Il était habillé de façon décontractée, pantalon et maillot de foot, qui jurait horriblement. Le tissu était bon marché et les vêtements mal coupés. Son visage avait le teint rougeaud de l'alcoolique de base, et je sentais des vapeurs d'alcool émaner de lui. Il ressemblait à un arrêt cardiaque sur pattes. « Oui. Que voulez-vous ? »
« J'aimerais vous poser quelques questions sur Harry Potter, si c'est possible. »
« Harry est mort ». Il le dit d'un air impassible, sans un soupçon de chagrin ou de nostalgie. Je ne le contredis pas.
« Vous êtes le Vernon Dursley qui était inscrit en tant que tuteur de M. Potter quand il allait à l'école ? »
M. Haute Tension Artérielle recula d'un pas. « Quelle école ? »
« L'école primaire du Comté à Little Whinging. »
« Ah, d'accord. Vous êtes de la compagnie d'assurance ? Harry m'a laissé de l'argent ? »
Génial. La famille est un don du ciel, n'est ce pas ? Je savais exactement comment jouer ce rôle. « J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous le dire, monsieur. J'ai été envoyé par un avocat des Etats-Unis pour vérifier que vous êtes bien le plus proche parent de M. Potter. »
Et l'affaire fut dans le sac. Ses yeux étincelèrent et il devint nettement plus amical. C'est bien de savoir que les gens cupides sont un phénomène international. « Entrez, entrez ». Il me tint la porte ouverte, puis je le suivis dans un couloir étroit où se trouvait un escalier qui conduisait à l'étage. Il me désigna un salon sur la gauche. « Vous voulez boire quelque chose ? »
Est ce que Karen Carpenter buvait du coca light ? J'acquiesçai. « Ce que vous avez ira très bien. Je vous suis vraiment reconnaissant, M. Dursley. Je suis sûr que vous êtes un homme très occupé. »
« Oui, je suis assez occupé en effet ». Il me tendit un gin-tonic et seul un spectromètre de concours aurait pu déceler le tonic qu'il y avait dedans. Je le pris et nous nous asseyâmes.
« Que faites-vous dans la vie, M. Dursley ? »
« Oh, je suis retraité maintenant. De la Grunnings. J'ai dirigé la compagnie pendant des années ». Je ne pensais pas cela possible, mais il enfla encore plus qu'il ne l'était déjà, commençant à ressembler à une baleine. « Les Etats-Unis, vous dites ? »
« Oui. Los Angeles. »
« Vous avez été envoyé ici pour trouver le plus proche parent de Harry ? »
« Jusqu'à présent, vous êtes le seul que j'ai trouvé. »
« Evidemment que je suis le seul ! Ma femme – qu'elle repose en paix – et moi, on l'a pris chez nous quand il n'était qu'un bébé. On l'a élevé comme si c'était le nôtre, on s'est privés pour le nourrir, il n'a manqué de rien. Il est grand temps que ce petit morveux montre un peu de gratitude ». Il but une longue gorgée. Je me levai.
« Je vais me resservir un verre. Vous en voulez un autre, pendant que je suis debout ? ». Il cligna des yeux et acquiesça. Je lui servis un gin et le lui tendis. « Harry était assez fortuné. »
« C'est-à-dire ? ». Dursley but une gorgée.
Je le lui dis. Ses yeux s'agrandirent et il en avala presque le quartier de citron qui était dans son verre. Il jeta un regard rapide vers une porte sous l'escalier. Ca devait certainement être une sorte de débarras et je me demandai ce qu'il y avait de caché là-dedans. Les gestes des personnes révèlent souvent beaucoup plus de choses que leurs paroles. Dursley ici présent avait l'air crispé et je ne pouvais qu'espérer qu'il n'allait pas faire un infarctus avant que j'aie fini de lui parler.
« Donc vous avez recueilli Harry chez vous après la mort de ses parents ? »
« Oui. Quelqu'un l'avait laissé sur le pas de la porte avec une lettre. Il n'avait personne d'autre. Enfin, y'avait bien un parrain, on l'a découvert plus tard, mais il était en prison. Harry n'avait que nous. »
Je griffonnais sur un bloc-notes tandis que nous parlions et je notai l'allusion au parrain. « Vous savez son nom ? »
Il secoua la tête. « Je m'en souviens pas ». Il mentait, et n'était pas très doué pour ça. Pour que son mensonge eût été encore plus évident, il aurait fallu qu'il rajoute des conneries à propos d'un thon cornu. « Mais c'était un criminel, alors qu'est-ce que ça peut faire ? »
« Quel est votre lien de parenté avec Harry ? »
« Lily Potter était la sœur de ma femme. Elle s'est mariée avec ce James et on ne les a plus jamais revus après ça. Je suis navré qu'ils soient morts, mais avec une vie comme la leur, il faut être prêt à en assumer les conséquences. On a fait de notre mieux pour élever Harry de manière à ce qu'il devienne un bon citoyen. Pas de...choses anormales dans notre maison. »
Je n'aimais pas cet homme. « Quel genre de vie ils avaient, monsieur ? »
Il ne répondit pas, regardant fixement son verre à la place. J'essayai une autre question. « A quel genre de 'choses anormales' vous faites allusion ? »
Il marmonna quelque chose qui ressemblait à 'magie'. Je me souvins d'une conversation que j'avais eu avec ma mère, il y avait des années de cela. J'avais dit quelque chose du genre « La magie n'existe pas », et elle m'avait regardé fixement de ses yeux bleus, puis avait simplement dit « Tu en es sûr, Draco ? »
Je pris une inspiration et me ramenai vers l'instant présent. « Comment James et Lily Potter sont-ils morts ? »
Il répondit machinalement, comme s'il l'avait répétée si souvent que la réponse s'était ancrée en lui. « Accident de voiture. »
Accident de voiture, vraiment ? Je griffonnai quelques mots sur mon bloc. « Harry a vécu combien de temps chez vous ? Son dossier scolaire dit qu'il est allé à l'école ici même à Little Whinging, mais après ça, plus rien. »
« C'est parce qu'il est allé dans cette école. Au nord. »
« Au nord ? Loin au nord ? En Ecosse ? »
Dursley secoua la tête. « Je ne sais pas où c'était. Quelque part au nord. Il prenait le train. »
« Quel était le nom de cette école ? »
Pour une raison inconnue, ma question le troubla. Il se leva, vacillant légèrement. « Non mais dites donc ! Je ne vois pas ce que tout ceci a à voir. Harry est mort, depuis des années. On l'a élevé ici dans notre maison, on lui a donné de l'amour, de l'affection et tout ce dont a besoin un garçon, malgré le fait qu'on avait déjà un garçon à élever, et il nous remercie en partant à Poud- dans cette école, et puis il revient ici tous les étés avec cette satanée chouette et tous ses amis bizarres et Pétunia et moi, on lui a dit qu'on n'accepterait pas ce genre de chose chez nous. On était une famille normale mais Harry ressemblait à sa mère. C'est une honte, vraiment ». Il lança à nouveau un rapide coup d'œil à la porte sous les escaliers.
Harry avait donc dû être l'affreux secret qu'il fallait cacher, puisque apparenté à une femme qui avait une araignée au plafond, apparemment. Je n'osais imaginer ce qu'avait dû être la vie de Harry dans cette petite maison étouffante.
« Je me contente de rassembler des informations, monsieur. Nous voulons régler cette affaire au plus vite afin d'exécuter la succession de Harry. Apparemment, vous méritez ce que vous allez recevoir, monsieur, pour avoir recueilli un orphelin chez vous alors que vous n'en vouliez pas à la base. Votre gentillesse sera récompensée, je peux vous l'assurer ». Je voulais être là quand ce serait le cas.
Il se rassit, calmé, et très éméché. Je réprimai un sourire. « Je vois que vous avez un fils ». Il y avait des photos de partout d'un garçon gras comme un porc, au sourire niais et avec plusieurs petits porcinets grouillant à ses pieds. Une femme qui devait être son épouse arborait un sourire affecté à ses côtés sur plusieurs photos, et je pensai brièvement aux hippopotames danseurs de Fantasia.
« C'est Duddy. Il vient pas beaucoup voir son vieux papa, mais il travaille pour la Grunnings. Il suit mes traces. »
Tu m'étonnes qu'il vienne pas voir son père ! « Il est allé à la même école que Harry ? »
« Jusqu'à ses onze ans, oui. Puis Harry est allé à Poudlard et Duddy à Smelting. Je suis moi-même diplômé de Smelting. »
Je parvins à avoir l'air assez impressionné. « Smelting ? Vous êtes allé à Smelting ? Mon colocataire à la fac était diplômé de Smelting. Il n'y a pas de meilleur homme. »
Il rayonna d'une joie porcine et je retins une grimace. Il était à fond dedans. Il quitta la pièce d'un pas mal assuré et revint avec un gros album photos, qu'il plaça sur mes genoux, à bout de souffle. Je fis mentalement un rapide point sur mes talents de réanimation. Il se pencha vers moi et tourna les pages jusqu'à ce qu'il trouve une photo de 'Duddy' en uniforme.
« Vous voyez ? Ca, c'est sa canne de Smelting. Oh, il essayait souvent d'attraper Harry ». Ses yeux pétillaient d'amusement et je le vis comme la brute qu'il était. Je n'aimais vraiment, mais vraiment pas cet homme et je voulus dire quelque chose, mais à la place, je récitai la classification périodique des éléments dans ma tête pour me faire taire. Antimoine, arsenic, aluminium, sélénium...
Je revins au début de l'album. 'Duddy', page après page : les immanquables photos de bébé nu ; jetant ses céréales en direction de l'appareil ; avec une grande femme qui devait être sa mère ; jetant un jouet en direction de l'appareil ; brandissant sa 'canne de Smelting' ; faisant un geste universellement obscène en direction de l'appareil ; tous les trois sur une plage.
« C'est votre album de famille ? »
« Oh oui. C'est l'histoire de la famille Dursley que vous avez entre les mains. »
Je feuilletai l'album, curieux de voir à quoi Harry ressemblait petit garçon, mais il n'y avait pas une seule photo de lui.
&&&&&&&&&&
Le jour suivant, je me levai tôt pour prendre le train de 8:30 pour Newcastle. Harry vint me voir partir à la gare de King's Cross. Contrairement aux gares que je connaissais, King's Cross ne sentait pas la pisse, et on avait environ 50 de chances de traverser les quais sans se faire bousculer ou accoster par des clochards. Je décidai que l'Angleterre n'était pas un si mauvais endroit pour vivre que ça, si seulement j'arrivais à m'habituer au sens de conduite. La circulation était pire qu'à Los Angeles, et ce n'est pas peu dire. Edward m'avait déconseillé de prendre la voiture pour aller à Newcastle.
Harry resta silencieux tandis que nous traversions la gare. Il semblait à mille lieux de là. Distant. Il était comme ça depuis que nous étions allés à Godric's Hollow. Je ne pouvais qu'imaginer ce qui se passait dans sa tête. Il n'en parlerait pas. Ses rêves étaient agités, et il marmonnait des choses à propos d'une voiture volante. Je détestais ne rien pouvoir faire pour lui, mais j'avais juste été embauché pour trouver ses démons. Je n'avais jamais dit que je l'aiderais à les combattre. Je n'avais jamais dit que j'en serais capable.
« Ton train part de quel quai? ». C'était la première phrase qu'il prononçait depuis presque une heure.
Je jetai un coup d'œil à mon ticket. « Quai n°8. On dirait que mon train part du bout du quai. »
« Je crois que c'est par là, il faut descendre ». Il me sourit, mais le cœur n'y était pas. C'était plus par réflexe. Il était plus nerveux qu'une prostituée devant son premier client.
Je lui rendis son sourire et le suivis. Nous descendîmes une volée de marches puis Harry s'arrêta, un pied en l'air, et regarda les quais plus bas.
« Harry ? »
Il ne répondit pas, mais il se remit tout de même en marche, en marmonnant dans sa barbe. Curieux, et un peu inquiet, je le suivis. Il arriva au quai n°8, regarda sur sa gauche, et continua d'avancer. Les quais n°9 à 11 se trouvaient un peu plus loin, et c'était vers eux qu'il semblait se diriger.
« Harry. »
Pas de réponse. Il alla jusqu'au quai n°9, et s'arrêta là. Il me regarda sans me voir puis se dirigea vers le mur en brique qui séparait les quais.
Mon ventre se noua mais je ne dis rien. Il fit courir sa main sur la brique et eus un sourire rêveur.
« Moldus » dit-il.
Je posai prudemment une main sur son épaule. « Harry ? »
Il répéta le mot. « Moldus. »
« Harry. Qu'est-ce que c'est ? ». Je déglutis et j'affichai mon air de détective. Il dut sentir mon inquiétude grandissante car il secoua la tête et se tourna vers moi, et c'était le Harry que je connaissais qui me regardait, pas le somnambule qu'il avait été quelques instants auparavant.
« Quoi ? »
Je pris une profonde inspiration, en rêvant de bourbon. « Ca va ? »
« Oui ça va. Pourquoi ? »
Il ne s'en souvenait pas, donc. Je songeai brièvement à Jennifer, et à ses réponses mécaniques dignes d'une marionnette, un certain matin.
« Simple question. Tu ne dors pas bien ces temps-ci. »
Il eut un sourire enfantin. « Tu n'as qu'à t'assurer que je suis complètement épuisé quand on va au lit, alors, d'accord ? »
Je lui rendis son sourire, mais le cœur n'y était pas. J'avais l'impression d'avoir traversé une membrane invisible et de pénétrer de l'autre côté du miroir.
&&&&&&&&&&
L'orphelinat St Jude à Newcastle sur Tyne ressemblait à l'ancien manoir d'un aristocrate. Le bâtiment imposant était en pierre, et était devenu gris avec l'âge. Il avait une allure sévère, comme un couvent. C'était le genre de construction qui recelait de nombreux secrets. J'entrai, et le bruit de mes pas se répercuta sur le carrelage. Un profond silence régnait à l'intérieur, et il faisait très sombre, malgré la présence de nombreuses fenêtres. Je frissonnai. N'importe quel gamin qui grandissait dans cette bicoque devait être content d'en sortir. Je descendis un long couloir jusqu'à ce que je trouve la porte que je cherchais. Je l'ouvris et pénétrai dans un grand bureau lumineux, rempli de plantes grimpantes et de tableaux bariolés. La femme assise derrière le bureau se leva.
« M. Malfoy ? ». J'acquiesçai. « Je suis Joséphine Burroughs. Je suis celle à qui vous avez parlé au téléphone. »
Je tendis la main et elle me la serra. Sa poigne était ferme, et en me rapprochant, je pus voir ses traits tirés par la fatigue. Ses cheveux grisonnaient, et elle avait dans les cinquante ans, facile. Elle sourit à nouveau, et les rides disparurent, la rendant beaucoup plus jeune qu'elle ne l'était.
« Je peux vous offrir une tasse de thé ? Ou est-ce que vous, les Américains, vous préférez le café ? »
« Rien du tout, merci. Je vous suis reconnaissant d'avoir bien voulu me rencontrer dans de si brefs délais. »
« Je vous en prie. Vous disiez avoir une question à propos de l'un de nos anciens pensionnaires ? Nous ne sommes plus un orphelinat, mais nous avons toujours les dossiers. Cependant, tout est confidentiel. »
« Je comprends ». Je lui tendis le certificat de naissance de Tom. « Tom Elvis Jedusor était pensionnaire ici il y a de nombreuses années. »
Elle regarda le document, puis leva les yeux vers moi. « C'était il y a très longtemps. Bien avant même que je sois née. »
« Avez-vous des dossiers remontant à aussi loin ? »
Elle soupira. « Il est mort maintenant, n'est-ce pas ? »
« Tom ? »
Joséphine hocha la tête. « Je me souviens que notre vieux concierge parlait souvent de lui. Il me disait tout. Je suppose que c'est parce que j'étais la seule à l'écouter. »
« Qu'a-t-il dit ? »
« Bon, il doit être mort à présent, alors je suppose que je ne fais de tort à personne...Juste après la naissance de Tom, sa mère mourut. Personne ne savait qui était son père, donc il fut envoyé à St Jude ». J'acquiesçai. J'avais toujours ressenti de l'affection pour le saint patron des causes désespérées. Je me demandai s'il allait m'aider à présent. « Tom était très intelligent. D'une intelligence peu commune. Silencieux, sombre, et sournois. »
« Il était orphelin. Parfois, des enfants laissés à leur propre charge deviennent ainsi par la force des choses. »
« Ce n'était pas Sa Majesté des Mouches ici, M. Malfoy. La plupart des pensionnaires étaient heureux. Mais Tom...il avait quelque chose de différent. Légèrement...enfin, la meilleure description que j'en ai entendu était 'd'un charme sinistre'. »
Ma nuque picota. Ca décrivait bien Tom, ça c'est sûr. Je me frottai le bras. « Il vécut combien de temps ici ? »
« Oh, il est parti à onze ans. J'ai entendu dire qu'il était parti dans une école plus au nord. Il revenait ici pour l'été et les autres vacances, mais tout le monde le laissait rigoureusement tranquille. Mais il avait changé. Il y avait...enfin, Alex – notre concierge -, appelait souvent ça une 'aura sombre', autour de lui. Tout le monde avait un peu peur de lui. Comme c'était un garçon, il a été un peu chahuté, mais dès le moment où il est allé dans cette école, ça s'est arrêté. »
« Qu'est-il advenu de lui par la suite ? »
« Il est parti à l'école, comme je disais, et puis il a disparu, tout simplement. C'est drôle, pourtant. Je ne pense pas qu'il était orphelin. »
« Pourquoi ça ? »
« Il y a une maison à Little Hangleton, pas très loin d'ici. La Maison Jedusor. On la dit hantée. »
« Jedusor ? »
« Oui. C'était la maison de Tom Jedusor. Senior. »
Je regardai à nouveau le certificat de naissance de Tom. Tom Elvis Jedusor Junior. Joséphine me regardait.
« Personne ne lui a demandé s'il était le père de Tom ? »
« Il était très riche. Personne n'a posé de question. »
« Pourquoi dit-on que la maison est hantée ? »
« Durant l'été 1944, en juillet, une domestique a trouvé Tom Jedusor Senior et ses deux parents morts dans la maison. Ils étaient aussi froids que la glace, alors qu'on était en juillet, et ils avaient l'air terrifiés, mais il n'y avait aucune blessure physique apparente. Ils ont été enterrés dans le cimetière de Little Hangleton. »
« C'est une histoire qui donne la chair de poule, en effet. »
« Leur garde-chasse, dont le nom m'échappe, a dit plus tard à la police que le jour de la mort des Jedusor, il avait vu un adolescent traîner près du manoir. Grand, brun, pâle et- »
« Aux yeux bleus » finis-je.
Joséphine acquiesça, l'air sombre.
« Avez-vous déjà entendu parler d'une école appelée Poudlard ? »
Elle secoua la tête. « Non. Où se trouve-t-elle ? »
« Plus au nord. Vous avez une photo de Tom quelque part ? »
Elle se leva. « La poussière vous dérange ? ». Je secouai la tête. On m'avait tiré dessus, presque noyé, forcé à me faire passer pour un gigolo, et à traîner avec des lesbiennes qui faisaient de la contrebande de chats dans des affaires précédentes. La poussière, c'était de la gnognotte pour moi.
Je la suivis dans un vieil escalier, puis dans les entrailles du manoir. De vieux meubles étaient entassés contre les murs d'un vieux sous-sol, éclairé par une seule ampoule. Je le jure, si je voyais une vieille dame aux cheveux gris apparaître, je me tirais d'ici, affaire ou pas. La pièce était remplie de lits superposés vides, de vieilles armoires, et de malles qui avaient dû être le surplus de la Royal Air Force. Je frissonnai. Il devait y avoir dix millions d'araignées dans ce sous-sol, facile. Toutes en train de me regarder. Joséphine se dirigea dans un coin de la pièce et se mit à fouiller dans un carton de vieilles photos. Je la rejoignis.
« On prenait chaque année une photo des pensionnaires. Ils devraient y en avoir quelques-unes pour les années 1940. Voyons voir...là, 1942 ». Je l'aidai à déplacer une pile de photos encadrées, et elle en sortit une du tas. Nous nous dirigeâmes vers une table, au-dessous de l'ampoule dénudée. La photographie était décolorée, mais les visages restaient très visibles. Je parcourus l'image du regard, et tout à coup je le vis.
Tom Jedusor me souriait, et le visage de 1942 que je voyais était juste légèrement plus jeune que celui que j'avais vu dernièrement à Los Angeles, il y avait une semaine tout au plus, et rigoureusement identique, jusqu'aux yeux vaguement amusés et au sourire légèrement en coin. Tom avait le sourire d'un homme sur le point de jeter sa carte maîtresse sur le tapis. Il semblait fier, comme s'il pouvait se permettre de faire n'importe quoi. Peut-être qu'il le pensait, mais si je pouvais changer ça, je le ferais. Pour Harry et pour Debbie. Ma pauvre Debbie, morte. Je sentis son ombre dans mon dos.
Le sous-sol me sembla soudain dépourvu d'air, et je crus entendre un léger rire moqueur en regardant les yeux de ce meurtrier.
&&&&&&&&&&
Je pris congé de Joséphine, l'esprit tournant à plein régime. Tom avait dit que Harry et lui étaient allés à la même école – celle qui se trouvait là-haut, au nord, et dont personne ne savait rien – et qu'ils avaient quelques années de différence. Plus que quelques années, oui. J'avais besoin d'un verre, mais je décidai plutôt de louer une voiture. Ce ne fut pas facile. Oui, j'étais en Angleterre et je parlais anglais (plus des gros mots dans huit autres langues), et théoriquement ils parlaient aussi anglais, mais apparemment, les braves gens de Newcastle n'étaient pas au courant. Selon la carte routière, Little Hangleton n'était pas trop loin, et je voulais voir la Maison Jedusor par moi-même. C'était une belle journée, et une légère brise caressait doucement mon visage.
Dans mon esprit, les yeux de Tom me raillaient tandis que ceux de Harry m'imploraient. Je les repoussai et me concentrai sur le boulot qui m'attendait. Le trafic était fluide et le soleil se cachait derrière les nuages gris, titillant et jouant comme une strip-teaseuse sur le tard qui ne voulait pas qu'on voit à quel point elle était vieille.
Little Hangleton était une petite ville, toute grise. Des maisons en pierre grise aux toits d'ardoise gris foncé. Joséphine m'avait dit que la Maison Jedusor était en haut d'une colline et surplombait la ville, donc elle fut facile à trouver. La maison, une grande demeure victorienne, se dressait de toute sa hauteur et semblait assombrir tout ce qui se trouvait aux alentours. Une sorte d'intemporalité l'entourait, comme Stonehenge. Je m'engageai sur l'allée menant à la maison, et le vent s'intensifia.
La maison de Jedusor était entourée par une grande clôture en fer. Une immense pelouse s'étendait en pente douce jusqu'à la maison, au loin. La maison était bien entretenue, mais on sentait qu'un délabrement naissant s'immisçait entre les murs. Un souvenir me revint alors, à propos d'une pêche qu'on ramassait avant de découvrir qu'elle était rongée de l'intérieur. Je me demandai qui possédait la maison. Ca vaudrait peut-être le coup d'enquêter de ce côté. Je griffonnai cette idée sur mon bloc-notes. Il n'y avait pas de voiture dans le garage, et aucun signe de vie. Tous les rideaux étaient tirés exactement à la même distance les uns des autres et il me semblait que même les oiseaux se taisaient. Aucun bruit provenant de la rue ne se frayait un chemin jusqu'en haut de cette colline, et je frissonnai lorsqu'un vent vif souffla du nord, apportant avec lui une vague odeur de lis. Je remontai mon col et regardai la maison, en me demandant les horreurs dont elle avait été témoin.
&&&&&&&&&&
Il était tard quand je rentrai à Londres. Personne à Little Hangleton n'avait voulu me parler de la maison de Jedusor, à part pour réaffirmer que c'était un endroit effrayant. J'étais plutôt content d'être hors de sa portée.
Harry m'attendait à la gare, le sourire aux lèvres, mais son sourire ne me réchauffa pas comme il le faisait habituellement. J'étais fatigué, et je n'avais pas réussi à trouver un seul truc concernant le propriétaire de la maison de Jedusor. J'ajoutai cette tâche à ma liste. Harry et moi, nous prîmes un taxi pour rentrer à l'hôtel et nous dînâmes en silence. Il me raconta sa journée de touriste et j'émis les sons appropriés, suivant les phrases.
« Tu as l'air vraiment lessivé. Tu vas bien ? » demanda-t-il.
« Ca va. Mais ouais, je suis totalement naze. »
« Tu as prévu quoi pour demain ? »
Je lui parlai de la maison de Jedusor. Il plissa les yeux.
« Tom a de la famille ici en Angleterre ? »
« Il avait. Ils sont morts maintenant, et je ne sais pas s'il a encore des proches en vie. »
« Il était orphelin. »
« Oui, mais il semble que son père était tout de même vivant. Pour une raison inconnue, cependant, Tom a été placé dans un orphelinat et personne n'a vraiment cherché à approfondir la question. Son père ne voulait pas de lui. »
Harry eut un rire amer. « Je ne vois vraiment pas pourquoi ». Il se leva et nous servit à tous les deux un autre verre.
« C'est bizarre, pourtant. J'ai vu une photo de Tom aujourd'hui. »
« Où ? A l'orphelinat ? »
« Oui. Et c'était lui. Jusqu'au petit sourire en coin. »
« Il a donc grandi dans cet orphelinat. »
« Oui. Il avait l'air d'avoir quatorze, quinze ans ». J'eus une hésitation et Harry leva la tête.
« Quoi ? »
J'allai droit au but. « La photo datait de 1942. »
Harry fronça les sourcils, et ses yeux s'agrandirent quand il eut digéré l'information.
« Tom est...il a notre âge. Il n'est pas...vieux. »
« Je n'ai pas dit que c'était logique. Mais c'était Tom. »
Harry me regarda. « Je vais me coucher. »
« Harry... »
Il leva le menton. « Je vais me coucher. Et demain matin nous irons au zoo et nous nous amuserons. »
Bordel de merde ! C'est lui qui payait les factures. Et je ne faisais pas autre chose que ce qu'il m'avait demandé. Je me demandai s'il serait capable de supporter ce que je découvrirais. C'était un chantier total, et plus je creusais, plus ça se compliquait, mais je ne pouvais pas laisser tomber maintenant. Tout comme Harry, il fallait que je sache.
Harry se mit au lit et tendit les bras vers moi. J'allai vers lui, et le réconfortai de la seule manière que je connaissais.
Cette nuit-là, je rêvai de mon père.
&&&&&&&&&&
Le matin suivant, Harry me sauta dessus alors que je dormais.
J'ouvris un œil peu amène. Je ne suis pas du matin. « T'as intérêt d'avoir apporté du café. »
Il sourit et me tendit une tasse.
« Ca ne marchera jamais, tu sais. Tu es un lève-tôt et c'est mon devoir de m'assurer que tu n'es pas enlevé ou tué avant qu'on ne te fasse disparaître de la surface de la terre comme la peste que tu es. »
« Ooh, 'peste'. C'est un grand mot. »
Je haussai un sourcil. « Quelqu'un est de bonne humeur aujourd'hui. »
Il sourit. « Va te laver les dents. »
« Pourquoi ? »
« Va te laver les dents. »
« Ok ». Je me dirigeai d'un pas traînant vers la salle de bains et m'exécutai. « Ca va mieux ? »
« Viens ici. »
Je m'approchai du lit. « Tu es porté sur la chose du matin, hein ? »
« On est en Angleterre. C'est donc 'excité' qu'il faut employer. » (Draco avait employé 'horny', mot américain pour 'excité'. 'Randy', employé par Harry, est l'équivalent anglais. Je me suis débrouillée comme j'ai pu...)
« Ok. Tu es excité. »
« Non, je suis Harry. »
Je grognai. « Elle était trop nulle, celle-là ». Il m'attira à lui et m'embrassa. Nous haletions tous les deux le temps qu'il finisse, et il fit glisser mon bas de pyjama par terre, puis me caressa d'une main fraîche.
« Bonjour, Draco ». Il s'assit sur le lit, m'attira à lui et plus rien ne compta à part le contact de sa bouche sur moi et ses yeux vert foncé rivés sur les miens. Je n'aurais pu émettre un son, ni trouver les mots pour lui dire ce que je ressentais, même si je l'avais voulu. Il sembla comprendre et, tandis que je me laissai aller, il me serra encore plus fort, d'une manière possessive, et fit courir ses mains sur tout ce qu'il pouvait atteindre. Il me déshabilla puis, se déplaçant plus vite que je ne l'aurais crû, m'allongea sur le lit et je ne pus rien faire d'autre que gémir, alors qu'il empoignait mes hanches et murmurait mon nom encore et encore.
&&&&&&&&&&
Le zoo était assez bondé, malgré le fait qu'on soit un jour de semaine, mais nous y passâmes la matinée, riant et nous amusant comme des fous. La tension de la nuit précédente s'était évaporée à la lumière du soleil, remplacée par une complicité naturelle. C'était bien mieux qu'une culbute rapide et désespérée dans un coin sombre, et un 'au revoir' à moitié marmonné. Je me demandai si je le reverrais un jour, une fois l'affaire terminée. Je ne savais pas ce que j'allais découvrir, mais jusque là, ça ne m'avait pas l'air d'être très réjouissant. Ca l'est rarement. C'est la base du métier. Je n'étais pas sûr qu'il veuille me revoir, car ma présence lui rappellerait les secrets que j'avais moi-même déterrés.
Harry me poussa en direction d'un bâtiment.
« Où est-ce que tu m'emmènes ? »
« Au vivarium. »
Je haussai un sourcil.
« Tu n'as pas peur des serpents, non ? »
« Bien sûr que non, Potter ». Toutefois, je ne lui parlai pas des araignées. Je ne lui dis pas non plus que, à chaque instant, nous n'étions jamais à plus d'un mètre d'une araignée, peu importe où nous étions. J'ai appris ça en cours de biologie à l'université.
Il n'eut pas vraiment l'air de me croire, mais nous entrâmes quand même. Tout autour de nous, derrière des vitres, des serpents ondulaient et crachaient. J'étais en train de regarder un splendide python de Birmanie lorsque j'entendis un son bizarre. C'était une sorte de sifflement, mais différent de tout ce que j'avais entendu jusque là. Je me tournai vers Harry, qui était en train d'observer un grand boa constrictor. Harry était la source du bruit. Il parlait au serpent dans un langage étrange, sifflant, qui me donnait la chair de poule. Le serpent était immobile, les yeux fixés sur Harry, et on aurait presque dit que son attitude était respectueuse. Harry continuait, inconscient de mon regard et des chuchotements des autres personnes dans la pièce.
J'agrippai la balustrade, ne sachant pas quoi faire. Plusieurs fois, le serpent darda sa langue, et il ouvrit une fois la gueule, comme s'il répondait à Harry.
Mais les serpents ne parlent pas. Ils n'ont pas de langage.
Pourtant, Harry semblait penser le contraire. Il s'arrêta et me regarda. Son sourire s'évanouit.
« Qu'est-ce qu'il y a, Draco ? »
« Je... ». Je n'arrivais pas à trouver mes mots.
« Quoi ? Je parlais juste au serpent. Tu n'as jamais entendu quelqu'un parler à un animal ? »
« En anglais, oui. »
« Mais je parlais anglais ! »
« Non, Harry. Tu ne parlais pas anglais. Je ne sais pas quelle langue tu parlais, mais je n'avais jamais rien entendu de pareil et ce n'était certainement pas de l'anglais ». Une main fantomatique me caressa la joue et je fermai les yeux. Tom.
« Mais comment j'aurais pu... »
« J'en sais rien, Harry. J'en sais rien ». Je pris une grande inspiration. « J'ai besoin d'air ». Les murs semblaient se refermer sur moi et je n'avais jamais eu davantage envie de sortir d'un endroit qu'à ce moment-là.
Harry tendit la main vers moi mais je l'évitai et sortis au soleil, clignant des yeux à cause de la lumière. Je mis des lunettes de soleil et Harry sortit.
« Draco... »
Je me tournai vers lui, et dit d'un ton catégorique « Rentrons à l'hôtel. Je ne veux pas parler de ça ici ». Harry hocha la tête et nous retournâmes à l'hôtel en silence. Harry ferma la porte de la chambre
et se dirigea vers moi, les bras tendus comme s'il voulait m'étreindre.
Je ne pus m'en empêcher. Je me raidis et il recula, les yeux agrandis par la douleur. J'allai vers le bar et me servis un verre pour m'éloigner de ces yeux verts.
« Draco. S'il te plait ». Je ne savais pas ce qu'il voulait. Et j'avais peur de le découvrir.
« Laisse tomber. »
Son ton devint accusateur « Tu crois que je suis fou ! »
Je vidai mon bourbon d'un trait, et le liquide remplit mon ventre de courage. « Je n'ai pas dit ça. »
« Je ne suis pas fou. »
« Ouais, enfin, les fous ne savent pas qu'ils sont fous, hein ? »
Il fut à mon côté en un instant. « Je ne suis pas fou ! »
« C'est ce que dit ton psy ? ». Je regrettai ma phrase au moment où je la dis, mais je ne pouvais revenir en arrière, pas plus que je pouvais rattraper une balle une fois tirée.
Il pâlit. « Comment as-tu découvert ça ? »
« Je t'ai dit que je découvrirai des choses. »
Il se passa la main dans les cheveux. « Ca aide d'avoir quelqu'un à qui parler ». Oui, ça aide. C'est pour ça que les call girls sont si occupées. Les gens paient beaucoup, simplement pour avoir quelqu'un qui les écoute.
Je me tournai vers lui. « Qu'est-ce qu'un Moldu ? »
« Quoi ? »
Je répétai la question. Il pencha la tête. « C'est un vieux mot pour désigner un joint, non ? »
Je me versai un autre verre. « Et qu'est-ce qui t'a fait penser à la marijuana à King's Cross ? »
« Quoi ? »
« Tu as dit ce mot à King's Cross. Tu as regardé la gare et tu l'as dit. »
« Je ne sais pas. Je ne me rappelle pas à quoi je pensais. »
« D'accord. Zappons cette question. Pourquoi cette fascination à propos du quai n°9 ? Où est-ce que tu es allé, au juste ? ». Je me retins de lui demander s'il attendait le ravitailleur.
« Je ne sais pas. »
« Tu ne sais pas. »
« Non, non, non ! Je ne sais pas. Je ne sais rien du tout ! Tu n'as pas encore compris ? C'est pour ça que tu es là. C'est pour ça que je te paie. Pour découvrir pourquoi je rêve de voitures volantes, de balais, et d'un placard – ». Il s'arrêta quand il vit ma tête. Je me sentis pâlir. Trop tard pour afficher mon air de détective désormais. J'avais laissé apparaître mes émotions et c'était cuit.
Je m'assis lentement. « Sous les escaliers. »
« Oui. Un placard sous les escaliers. »
A ce moment-là, je n'avais qu'une envie : me bourrer la gueule, puis tout oublier pendant une nuit, mais je levai les yeux vers lui et réalisai que j'avais une promesse à tenir, promesse que je ne me souvenais même pas d'avoir faite.
« Je suis allé voir ton oncle. Vernon Dursley. Tu vivais avec lui quand tu allais à l'école dans le Surrey. Il y avait une porte sous l'escalier et j'ai remarqué qu'il y jetait souvent des coups d'œil. Tu vivais avec ton oncle, ta tante, et ton cousin. Tu avais une chouette comme animal de compagnie et tu es parti dans une école appelée Poudlard là haut, dans le nord, quand tu as eu onze ans. »
Il s'assit à côté de moi. « Oh. »
« Pour une raison qui nous échappe, tu as perdu tes souvenirs d'enfance ». J'en avais très peu moi-même de ma vie en Angleterre. Mais il y avait quelque chose d'étrange à propos des serviteurs dans ma maison quand j'étais enfant. Je me concentrai pour me souvenir, mais ça m'échappait. Je fis en sorte que mon esprit revienne au moment présent et à tous les échecs et les réussites des moments sans importance qui constituaient l'histoire de Harry.
Harry me regarda avec prudence. « Je vois ». Mais il ne voyait rien. Aucun de nous ne voyait quoi que ce soit, pas à ce moment-là.
« Tu te souviens de la fois où j'étais dans ton bureau et qu'un vase a explosé ? »
Il hocha la tête, les yeux brillants - je réalisai ça plus tard - d'espoir. Il était mon amant. Il pouvait tout aussi bien devenir mon confesseur.
« Ca m'est arrivé, à moi aussi. »
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Le Manoir Malfoy ressemblait exactement à l'image que je me faisais de Pemberley (endroit inventé par Jane Austen). Il était absolument immense, en pierre, avec des corniches et des tourelles, et il y avait même un petit lac derrière le bâtiment. Le manoir appartenait à la famille Malfoy depuis longtemps, très longtemps. Je suppose qu'étant enfant, c'était une évidence. Le bâtiment principal était entouré d'une herbe grasse et épaisse, d'un vert irréel, et on voyait une forêt au loin. Je pouvais distinguer des écuries au sommet d'une colline, et plusieurs petits pavillons. Je me demandai à quoi avait ressemblé la vie de ma mère lorsqu'elle vivait ici et pourquoi elle était partie. Elle ne me l'avait jamais dit, et j'avais appris à ne pas poser de questions. De temps en temps, je la surprenais en train de regarder un album photos, mais elle le fermait toujours très vite et je n'avais jamais vu ce qu'il renfermait. Quand j'avais classé ses affaires après sa mort, j'avais trouvé très peu de souvenirs de sa vie en Angleterre, mais j'avais trouvé une carte du Manoir Malfoy et je l'avais gardée, pour une raison qui m'échappait. Je n'avais jamais retrouvé cet album photos. Elle mourut en gardant tous ses secrets intacts.
Mes mains se crispèrent sur le volant lorsque je m'engageai sur l'allée qui formait une boucle pour s'arrêter devant la maison. Je ne savais pas si mon père était encore vivant. Je ne savais même pas s'il vivait encore au Manoir. Je ne savais pas ce que je venais faire ici. Des nuages orageux arrivaient par l'ouest.
Je pris une profonde inspiration et plusieurs longues gorgées de bourbon. Mes mains étaient légèrement moites et je les essuyai sur mon pantalon. J'étais on ne peut plus conscient de tout ce qui m'entourait en tendant la main vers un énorme heurtoir en cuivre.
La porte s'ouvrit et je tombai sur deux yeux gris identiques aux miens.
Mon père me sourit. « Draco. J'espérais bien que tu allais t'arrêter en passant, vu que tu étais dans le coin. »
TBC...
