Un nouveau départ
Il n'y avait pas le moindre bruit dans le grand manoir Londonien. Pas un miaulement, pas un hululement, pas un souffle de vent. Il n'y avait que ce silence, insupportable dans la maison toute nouvellement occupée. Les lumières étaient encore éteintes, les rideaux encore tirés. Rien ne permettait de se repérer dans cette immensité noire. Rien ne laissait supposer qu'à l'extérieur le soleil brillait déjà. Et lui, il était là. Allongé sur le sol plutôt que dans son lit, il attendait l'heure où la voix glaciale de sa grand-mère l'appellerait pour le petit déjeuner. Le dernier avant de longs mois.
Rien ne lui manquerait dans cette maison qu'il connaissait si peu. Sauf peut-être cette chambre qu'il avait commencé à occuper récemment. Mais pour lui, elle ne faisait pas partie de la froide maison de ses grands-parents. Dans son cœur, c'était une partie de sa mère. Un endroit où elle avait vécu avant que ses parents ne la force à quitter l'Angleterre pour les Etats-Unis au moment où Lord Voldemort avait été le plus puissant… Là-bas, elle était tombée enceinte d'un homme qui l'avait abandonnée en apprenant la nouvelle. Puis elle était morte un an après avoir donné naissance à son fils, le laissant à regret aux mains de ses parents. Des parents à leur manière aimants, certes, mais qui ne donnaient pas l'amour que l'on attendait de un à dix ans… Après, les choses s'étaient légèrement arrangées. A onze ans, il avait été admis à Salem, l'institut de Sorcellerie le plus renommé de toute l'Amérique. Dans ces moments là, il restait absent de l'étau familial pendant de long mois ce qui lui donnait un minimum l'impression de vivre. Mais ce n'était pas la vraie vie. Il le savait. Personne ne rêverait de cette vie là. Les gens autour de lui, l'avaient toujours regardé avec un certain respect parce qu'il descendait d'une illustre famille de sorciers dont les membres s'étaient toujours battus avec acharnement contre la magie noire. Il était sang-pur, sorcier de bien, c'était tout ce que les autres voyaient en lui. Ils s'arrêtaient à son nom, le fameux nom Allbright, qui quelques générations plus tôt avait été la grande famille Nihm. Jamais personne n'avait réellement cherché à voir plus loin que son nom. Il n'avait jamais eu d'ami véritable à Salem. Jamais de personne qui serait venu lui parler sans connaître son nom, uniquement pour lui parler et peut-être devenir ami… Ceux qui venaient le voir étaient toujours intéressés et lui adressaient la parole uniquement pour récupérer les cours qu'ils n'avaient pas suivit. Lui était toujours là, plus attentif que personne pour devenir un sorcier de bien digne de sa famille, pour honorer sa mère, où qu'elle soit.
Les gens autour de lui le trouvaient étrange à cause de ses airs absent. Il était il est vrai fréquemment dans les nuages, imaginant un monde où sa mère ne serait pas morte, un monde où elle veillerait sur lui en permanence, l'éloignant de sa grand mère, lui permettant de vivre une vie comme il en rêvait… Et quand il revenait à lui, près à faire face à ceux qui l'observait, il adoptait un masque d'arrogance visant à le protéger des autres… Il n'avait jamais compris ce trait de son caractère, et l'unique fois où il en avait parlé à son grand père, celui-ci avait eu l'ombre d'un sourire avant de déclarer d'un ton étonnamment doux que sa mère avait toujours eu le même problème…
Il poussa un long soupir et se redressa sur son parquet en baillant longuement avant de se lever et de s'étirer. Il marcha droit devant lui puis saisissant le rideau qui se trouvait dans l'obscurité, il tira dessus, laissant entrer un magnifique soleil. Il se pencha à la fenêtre regardant les toits londoniens avec un grand intérêt. A la fin de l'année scolaire, son grand- père avait reçu une lettre lui ordonnant de revenir en Grande Bretagne au plus vite. La semaine suivantes, tous les bagages étaient faits et eux prêts à revenir dans le grand manoir familial. Résultat : il allait entrer à Poudlard pour sa rentrée en sixième année. Ce qui désormais aurait lieu dans quelques heures. Dumbledore l'avait reçu durant les vacances d'été pour procéder à son inscription. Il lui avait fait essayer le choixpeau magique et le garçon avait appris sans grand étonnement qu'il appartiendrait à la maison des lions. « Comme sa mère ! » avait fièrement murmurer son grand-père. Avant de repartir, Dumbledore et son grand-père s'étaient longuement entretenus seul à seul, faisant songer au garçon qui attendait à l'extérieur que c'était le vieux directeur qui avait demandé à ses grands parents de regagner la Grande-Bretagne.
La vision des toits commença à le lasser. Il poussa un soupir puis se tourna vers sa valise. Il marqua un temps d'arrêt, réfléchissant à toute allure à ce qu'il était sur le point d'oublier. Il se retourna brusquement vers son lit, et alla s'asseoir dessus en se penchant sur sa table de nuit. Il attrapa une petite boite qu'il ouvrit, apercevant avec un étau autour du cœur, la seule et unique photo de sa mère dont il disposait. Elle avait vingt-deux ans sur cette photo et gardait son fils serré contre elle. Elle semblait excessivement malheureuse, comme toute personne qui aurait été arrachée à son univers, puis quittée par celui qu'elle aimait… Doucement, une petite mélodie s'éleva de la boite ovale. Son cœur se serra encore plus. C'était elle qui avait fait tout ça. Elle avait pris l'unique photo où on les voyait ensemble, puis l'avait placée dans sa boite à musique qu'elle avait ensorcelée. Son air préféré avait disparu, laissant place à la berceuse qu'elle chantait chaque soir à son fils… C'était sa voix et son visage en même temps. Ce visage qui resterait encré dans sa mémoire à tout jamais. La personne qu'il aimait le plus au monde, et la seule personne à qui il ne pouvait dire ses mots si chers à son cœur…
« Pour l'amour d'un enfant,
arrêter le temps,
Et la ronde,
Vagabonde,
Des tourments… »
Il poussa un soupir en refermant la petite boite. Cachant le visage si souriant de sa mère. Eteignant sa voix si aimante… Elle avait fait ça tout en sachant qu'elle allait mourir. Pour qu'il ne l'oubli pas. Pour que chaque fois qu'il ouvre cette boite, le temps s'arrête pour lui, consacré à sa mère disparue et à l'amour qu'il lui portait encore… Pour que pendant quelques secondes, elle efface tous ses tourments comme elle l'aurait fait si, vivante, elle l'avait pris dans ses bras… Il déposa la petite boite dans sa valise puis se retourna vers le hibou petit duc qui somnolait dans sa cage.
Hey ! Murmure ! Souffla-t-il en ouvrant la cage. C'est l'heure ! Il faut que tu ailles m'attendre à Poudlard !
Le hibou poussa un hululement courroucé en sortant de sa cage pour voleter mollement vers la fenêtre ouverte. Le garçon le regarda disparaître puis lança un sort de réduction à la cage pour la ranger dans sa valise. Il tenait absolument à passer inaperçu lorsqu'il se rendrait à la gare…
CHRIS ! Appela une voix depuis l'étage inférieur. PETIT DEJEUNER !
C'était la douce voix de crécelle de son adorable et chaleureuse grand-mère. Il rangea sa baguette dans la poche de son pantalon et attrapa sa valise avant de descendre les escaliers d'un pas altier.
N'oublie pas de faire attention à qui tu fréquentes ! Railla Mrs Allbright pour la énième fois en aidant la femme de ménage à débarrasser la table de la cuisine. Je m'inquiète moins pour toi que ce que j'étais pour ta mère, tu n'es pas sociable… Mais il ne faut pas oublier que c'est ici qu'elle a connu toute sa racaille d'amis ! Ton grand-père ne partage pas mon avis, mais il n'a jamais su ce qui était bon ou ne l'était pas pour elle. Pense à m'envoyer les noms de tous ceux qui seront en sixième année à Gryffondor !
Oui, grand-mère, souffla le garçon en serrant les dents tout en jetant un bref coup d'œil à la grande horloge qui se trouvait dans le salon et que l'on apercevait aisément depuis la cuisine. Allez-vous m'accompagner à la gare ?
Sonia s'en chargera ! J'ai rendez-vous à Gringotts !
Cela n'avait rien d'étonnant pour lui, et la seule chose qui le surpris fut le regard triste que lui lança la femme de ménage. Il était habitué à tous ces sarcasmes et aux grandes preuves d'amour que lui donnait sa grand-mère. Ils échangèrent un long regard, elle cherchant à lui faire une critique sur la façon dont il était habillé, lui cherchant une quelconque similitude entre son austère grand-mère et sa mère. Oui. Elle avait du avoir la même beauté à une époque. Une beauté que l'amour qu'elle ne savait pas donner avait entaché, alors que l'amour que sa mère reversait généreusement à qui en voulait avait rendu la jeune femme plus belle encore… Sa grand-mère leva les yeux au ciel avant de déclarer :
N'oublie pas de nous écrire dès ce soir !
Je sais grand-mère, je crois qu'il est l'heure d'y aller.
Elle acquiesça d'un signe de tête, puis lui rajusta sa chemise avant de l'embrasser du bout des lèvres. Il attrapa sa valise et quitta la cuisine sans un regard en arrière. Il avait l'habitude de ce genre d'adieu débordant de sentiments… Il se dirigea alors vers le garage puis monta dans la vieille voiture de son grand-père qui servait uniquement aux déplacement dans les lieux moldus. Il attendit Sonia en défaisant sa chemise le plus possible puis se jeta un bref coup d'œil dans le rétroviseur. Il décoiffa volontairement ses cheveux bruns tout en encrant ses yeux bleus dans son propre reflet. Les autres garçon ne l'aimait pas à cause de ça. Il était trop beau pour eux. Tout ça il l'avait hérité de sa mère. Et il cultivait avec un sérieux hors du commun toute ces ressemblances…
Dès que la voiture aurait démarré. Dès qu'il aurait dépassé les grilles du manoir, il se considèrerait comme un « homme » nouveau. Parce qu'il allait intégrer un lieu nouveau qui lui permettrait d'entamer une vie nouvelle. Une vie dans laquelle il serait comme sa mère. Un Gryffondor de Poudlard. Et cette chance qu'on lui donnait, cette chance de commencer une toute nouvelle vie, il allait la saisir. Pour devenir l'adolescent que sa mère aurait voulu qu'il soit si elle n'était pas morte…
Sonia l'avait rejoint et démarra la voiture. Elle avança lentement dans l'allée qui se trouvait devant le manoir puis dépassa les grilles et tourna sur la droite. Il poussa un soupir de bonheur. Sonia lui jeta un bref regard et sourit. Elle servait ses grand parents depuis de nombreuses années, depuis l'époque où sa mère était elle même au collège Poudlard. Elle avait été pour le fils comme un lien avec la mère disparue et il se demandait souvent ce que sa vie aurait été si elle n'avait pas été là…
Ta grand-mère souhaiterait que tu n'aies aucun lien avec Harry Potter, déclara la femme en gardant les yeux rivés sur la route.
Pourquoi ça ? C'est un type bien, il a terrassé Tu-sais-qui et contrairement à ce que les autres disent, je suis certain qu'il a toute sa tête ! Rétorqua Chris en la dévisageant.
Je n'ai jamais dit le contraire et si tu avais lu un peu plus les journaux durant l'été tu saurais que la Gazette à retirer tout ce qu'ils ont pu dire sur lui durant l'année écoulée. D'ailleurs ils ont pas mal d'ennuis pour avoir été du côté de Fudges… Sans compter la mort de Sirius Black alors qu'il était innocent. Tout ça fait vraiment scandale…
Tu me parlais d'Harry Potter, coupa le garçon avec un léger éclat de rire.
Oui, c'est vrai… C'est ta grand-mère et ses foutus préjugés ! Quand ta mère était à Poudlard elle s'entendait à merveille avec James Potter, le père d'Harry et elle a eu pas mal d'ennuis à cause de lui… Ta grand-mère est persuadée que si toi tu es un sosie de ta mère pour tout ce qui est du caractère, tu risques de faire exactement les mêmes bêtises qu'elle si le fils Potter est comme son père au même âge. Alors même si tu le fréquentes, fais attention à ce que tu fais…
Il acquiesça d'un signe de tête avant de se tourner vers sa fenêtre pour laisser un abominable sourire de démon apparaître sur son visage. Elle ne voulait pas qu'il fasse copain-copain avec Potter ? Très bien elle avait tout gagner… Le trajet jusqu'à la gare dura environ dix minutes. Elle stationna la voiture sur le parking de la gare puis accompagna le garçon jusqu'à la voix 9 ¾ . Il y eut une étreinte, brève certes, mais bien plus chaleureuse que tous les mots gentils que sa grand-mère avait pu lui dire dans sa vie. Lorsqu'il eut tourné le dos, il ne se retourna plus, fixant intensément la barrière dont il se rapprochait sans attirer les regards des moldus. Et il passa.
