Titre : Un dieu cruel nous regarde

Auteur : Mokoshna

Manga : Hikaru no Go

Crédits : Le manga Hikaru no Go appartient à qui revient de droit, c'est-à-dire principalement ses auteurs, Yumi Hotta et Takeshi Obata. Pas à moi, donc (boude).

Avertissements : Totalement AU (Alternate Universe), Spoilers de la fin du manga (tout pleins en fait), personnages complètement OOC (Out Of Character), Yaoi à un moment, pas tout de suite mais ça va venir. Si ça vous déplaît, passez votre chemin, je ne me rabaisserais pas à répondre. Mais je lirais quand même pour me marrer un bon coup.

Et bien sûr, les autres critiques, sur l'incohérence de l'histoire, la grammaire pourrie, les fautes d'orthographe grosses comme un goban ou le style déplorable sont les bienvenues et je les prendrais avec toute l'attention... enfin, je les prendrais.

Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Bon, on va dire ce qui est : j'ai passé des heures à m'abîmer les yeux sur un écran pour lire des scanlations et rechercher des citations sur un manga sur des joueurs de go un peu fanatiques; suite de quoi, j'ai passé des heures à m'abîmer le cerveau pour écrire des trucs sur des joueurs de go. Et en plus c'est vraiment n'importe quoi. J'ai une vie parfaitement saine et équilibrée, merci.

Le titre est tiré d'un manga yaoi que je n'ai jamais lu mais dont j'ai entendu parler. J'ai aimé le titre, j'ai voulu le réutiliser un jour, et voilà. Fascinant, n'est-ce pas ? Les citations de début sont (souvent) des traductions-maison des scanlations, donc c'est pas toujours terrible et ça ne ressemble pas forcément à la version française, que je n'ai pas sous la main, désolée.

L'histoire en est à ses balbutiements. Je ne sais pas trop où je vais, et c'est déjà très bizarre... je pense qu'elle mettra un peu de temps à se mettre en place (et en plus c'est la rentrée... ;;)

XxXxXxXxX

Chapitre 2 : Lankee Houdin

" Le chemin des pros est long. Long et sans but. C'est l'étude de toute une vie. C'est Un monde où je passerais mon existence entière. "

Toshinori Honda, pensée,

(Volume 20, chap. 158)

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Ce n'est pas bon, se dit Akira en fixant le goban, même avec le komi je perds par un moku et demi.

- J'ai perdu, admit-il à contrecœur.

- Bien, bien, Touya, je crois que tu me dois un dîner...

Akira retint avec peine une grimace de dégoût. Hiroto Kazuki avait beau être le meilleur joueur de la Tour, il n'en restait pas moins un incorrigible pervers qui s'attaquait aussi bien à la population féminine que masculine. Bien sûr, il aurait dû s'attendre à ce que Kazuki fixe un enjeu lorsqu'il lui avait demandé une partie un peu plus tôt dans la salle de go, mais il pensait gagner...

Si seulement il n'avait pas perdu de temps avec le coin inférieur gauche ! Il le voyait maintenant, alors qu'il était plus au calme. Kazuki l'avait leurré là, et avait mis la pression en parallèle en lui envoyant des images obscènes d'eux deux dans un lit... il avait failli vomir ! Ca lui apprendra à vouloir jouer contre un télépathe...

- Ce soir, à 19 heures devant la fontaine, d'accord? Je connais une bonne adresse...

Une main gantée se posa sur l'épaule de Kazuki alors qu'il bavait sur le parquet, le faisant bel et bien sursauter. La main était reliée au bras du capitaine Harry Paterson, qui adressa un sourire crispé à Kazuki. Ce dernier se raidit.

- Jolie partie, soldat. Et jolies positions, je ne savais même pas que Akira en étais capable... pas avec quelqu'un comme vous, en tout cas...

- Euh... sûr... mais c'est qu'un fantasme, ça va pas... enfin... bégaya Kazuki, l'air paniqué.

Tous les spectateurs présents quelques instants auparavant avaient déjà fui à la vue du capitaine. Son protectionnisme envers Akira était légendaire.

- Si je comprends bien, soldat Kazuki, une espèce de pervers obsédé sur pattes tricheur et volage en passe de perdre sa place et sa virilité veut forcer mon frère adoré à faire xxx et xxx avec lui ? C'EST BIEN CA !

- Euh... oui, enfin non... rien ne l'oblige à...

Mauvaise réponse. Un souffle d'air glacé passa dans le cou de Kazuki, et il sentit son épaule se contracter douloureusement avec le froid. Il voulut s'enfuir, mais restait figé sur place, par la peur ou autre chose... et le fait que le capitaine lui balançait des images mentales de sa personne sur une table de torture n'aidait pas. Il poussa un petit cri lorsque les premiers pics virtuels s'enfoncèrent dans sa peau.

- Ca suffit, Harry, intervint Akira. Je crois qu'il a compris.

Harry lâcha immédiatement sa proie, qui s'affaissa d'un coup comme une masse, inconscient. Akira secoua la tête.

- Tu en fais trop. J'aurais très bien pu me défendre seul.

- Je sais, soupira Harry, mais je peux pas blairer les types comme lui. Surtout quand ils essaient de s'attaquer à mon petit frère chéri...

- Petit frère chéri qui t'écrase à chaque fois au go...

- Question de mentalité, frérot. J'étais pas motivé à chaque fois, mais tu verras à la prochaine partie...

- C'est ce que tu avais dit à la dernière partie. Et à celle d'avant. Et celle d'avant encore...

- Bon, d'accord, n'en jette plus. Je suis affreusement mauvais face à toi, t'es content ?

- Heureux de voir que nous partageons le même avis.

Harry parut bouder un instant, mais ses yeux pétillants ne trompaient personne. Il éclata d'un rire sonore.

- D'accord, j'admets, je suis nul. Tu joues avec moi ? Je dois être au top pour après-demain.

- Pourquoi après-demain ?

- Lili revient de mission.

- Oh, je vois. Tu veux impressionner ta belle en lui démontrant tes talents exceptionnels de joueur ?

- C'est ça, moque-toi. Mais moi au moins, j'ai une petite amie !

Akira se contenta de sourire et de lui montrer sa place.

- Tu fais nigiri ?

Sept parties plus tard (et autant de défaites pour Harry), Akira laissa son frère pour se rendre au bureau des missions, où il devait recevoir sa prochaine assignation avec Cutter. Sur le chemin, il croisa plusieurs des spectateurs de son match avec Kazuki, qui lui demandèrent si celui-ci avait survécu à Harry. Akira n'émit qu'un sourire énigmatique en guise de réponse.

Il devait passer par sa chambre, qui était sur le chemin, pour enfiler son uniforme de travail. Blanc avec une croix rouge pâtée qui lui couvrait le torse, des gants et un pantalon assortis, Akira aimait bien l'uniforme des Templiers. Il apportait un prestige supplémentaire à la position. Et il n'avait pas encore mis le manteau.

Il prit une minute pour s'admirer dans la glace. Il n'était pas trop imbu de lui-même (enfin il ne croyait pas), mais il savait que l'uniforme lui allait à ravir, avec son visage délicat et ses traits finement ciselés, rehaussés par les longs cheveux noirs qui lui retombaient dans le dos. Il avait toutefois pris l'habitude de les attacher en mission, même s'il laissait deux longues mèches lui encadrer le visage.

Une belle gueule, se dit-il avec un air pensif, c'est ce que disent tous ceux que je croise. Pas étonnant que Mlle Ichikawa et Ogata aient eu l'air si insistants à vouloir être avec moi. Etaient-ils attirés par ce visage, je me demande ?

Il se força à refouler les souvenirs qu'il avait de cette époque, quand Mlle Ichikawa prononçait son prénom avec tant d'enthousiasme et que Ogata le raccompagnait chez lui en discutant de la dernière partie qu'il avait disputée. Mais penser à Ogata le ramena au souvenir d'une autre personne.

Et lui, m'a-t-il jamais trouvé mignon ? Je me demande... Ce monde où je suis actuellement, tu n'y es pas, soupira-t-il, et je n'arrête pas de me demander si ma vie serait tellement différente avec toi. Sans doute, nous jouerions encore au go, et comme avant nous finirions nos parties en engueulades... peut-être même plus, qui sait ? J'ai bien assez appris à maîtriser ces nouveaux pouvoirs que j'ai reçu Dieu seul sait comment...

Et si tu étais là, m'admirerais-tu, à présent, dans mon uniforme ? Je suis prêt à parier que le tien t'irait bien, aussi. Tu étais assez mignon toi-même...

Il secoua la tête. Voilà qu'il recommençait à parler à Hikaru... à Shindou, se corrigea-t-il, dans sa tête, comme s'il s'adressait effectivement à lui ! Si ça continuait, on allait le prendre pour un fou. Mais ça aurait été une consolation, d'avoir Hikaru à ses côtés, même sous l'état de fantôme... ils auraient pu encore jouer au go si Akira avait pris la place des deux joueurs pour placer les pierres, et il n'aurait pas à s'inquiéter pour la vie de Hikaru, puisqu'il était déjà mort... puisque cette "lumière"(1) le suivait, sa lumière...

Pas pour la première fois, il se demanda si Hikaru avait eu le même problème avec Sai. Sûrement, Sai faisait partie de lui, une autre personnalité peut-être ? Un alter-ego monstrueusement fort au go, tandis que son "moi" normal le suivait à son rythme ? Que lui avait-il dit un jour, déjà ? " Si tu continue à chasser mon ombre, le vrai moi va finir par te rattraper un jour. " Cela aurait peut-être pu être vrai. Il ne le saura sans doute jamais.

Tu n'es pas là, soupira-t-il. Et chaque jour je me demande ce que je fais dans ce monde qui m'est si étranger... Ce monde où tu n'es pas...

Il attrapa son manteau et se dirigea d'un pas silencieux vers le bureau des missions.

Une effervescence routinière régnait dans la salle. De toutes parts, les groupes de soldats venaient chercher leur assignation et repartaient souvent aussi vite, jetant à peine un regard au fonctionnaire qui leur avait tendu le dossier leur revenant. Akira aperçut Cutter qui l'attendait à un coin et le rejoignit en quelques enjambées.

- En retard, c'est rare, sourit son compagnon. Un problème ?

- Non, j'ai juste eu à entraîner Harry au go. Lili revient après-demain, il paraît. Et je suis passé me changer après.

- Lili revient ? Je ne comprends pas Paterson. Cette fille est la plus forte de la Tour avec toi et peut-être Kazuki, et il veut toujours la battre ?

- Ce n'est pas pour la battre, le corrigea Akira, mais plutôt pour qu'il puisse partager une chose de plus avec elle... enfin, c'est ce qu'il m'a dit, mais je dois avouer que j'ai du mal à le comprendre moi aussi... il n'est vraiment pas bon, et il a beau se forcer je ne crois pas qu'il s'améliorera.

Cutter éclata de rire.

- Eh bien, grand bien lui fasse, à ce grand niais romantique ! Soyons sérieux, j'ai notre prochaine mission. On va au Sud cette fois-ci, mon pote. Ordre du Big Boss.

- Père ? Où nous envoie-t-il ?

- Chez les Soma. Il semblerait qu'on leur ait volé quelque chose, mais on n'a pas précisé quoi.

- Pour le savoir, nous devons y aller...

- Oki doki ! Cap au Sud !

- Heureux de voir à quel point tu es dévoué à ta mission... soupira Akira en se dirigeant vers la sortie, Cutter sur les talons.

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Le meilleur moyen de couvrir les longues distances était le pénissoire. Sous ce nom barbare se cachait une plante, en forme de... enfin l'image est dans le nom. La première fois qu'Akira eut affaire au pénissoire, il faillit avoir une crise cardiaque.

Imaginez une plante brunâtre énorme, de la taille d'un homme adulte, en forme de pénis humain pointé vers le ciel. Akira trouvait cela d'un mauvais goût incroyable, et il n'était pas le seul, mais rien jusque-là n'avait aussi bien rempli son office. Le pénissoire était en fait un télétransporteur qui reliait chaque plante à une autre, quelle que soit sa location dans le monde. Et des pénissoires, il y en avait partout, même dans les déserts arides et sur certaines petites îles inhabitées de l'Océan Noir. Certains en avaient vu à l'intérieur d'un volcan en activité ! La légende disait que le pénissoire avait été donné aux humains par le dieu des voyageurs (qui se trouvait aussi être le dieu des farces - c'était regrettable). Il suffisait de s'y introduire par une cavité qui s'ouvrait à l'approche d'une personne et d'énoncer clairement sa destination, et hop ! Vous y étiez en un instant. Tout était une question d'habitude.

Comme convenu, le pénissoire les transporta dans la ville de Kendappa, située juste en dessous du palais du clan Soma. Ceux-ci vivaient dans un immense palais flottant qui lévitait au-dessus de la capitale de leur territoire. Kendappa était une ville très gaie et animée, quoiqu'un peu dangereuse une fois la nuit tombée. Mais deux Templiers expérimentés ne risquaient rien.

Akira et Cutter longèrent la longue avenue qui séparait la ville en deux, jusqu'en haut d'une colline de laquelle les visiteurs rejoignaient le palais, grâce aux transporteurs du clan. Les rues étaient bondées à cette heure et ils durent quelquefois faire des coudes pour passer, mais leur uniforme accélérait les choses. Ceux qui le pouvaient se poussaient naturellement à la vue de la grande croix rouge sur fond blanc, signe des Templiers que les gens respectaient et quelquefois même craignaient. Ils parvinrent à la Porte de la colline, et un passeur, après avoir soigneusement vérifié le laisser-passer qu'ils avaient trouvé dans le dossier, les conduisit à dos de créature ailée (Akira trouvait qu'elle ressemblait à une grosse autruche bleu ciel) vers le palais. Le jeune Templier admira grandement la vue, et souhaita plus que jamais que Hikaru soit avec lui. Il se dit immédiatement que son obsession avec Hikaru prenait des proportions inquiétantes.

Une grande femme brune et élancée, habillée du costume traditionnel des Soma qu'Akira reconnaissait comme étant un sari indien richement brodé et décoré, était là pour les accueillir. Elle avait le teint mat des gens de la région, mais l'éclat doré de ses yeux et la longueur inhabituelle de ses bras et de ses doigts la firent reconnaître comme une membre de la famille royale. Elle se présenta comme étant Saya, cinquième princesse de sang et épouse de Hinis, le Maître-Horloger, dont les pièces, de véritables oeuvres d'art esthétiques et techniques, étaient connues dans le monde entier. Elle était aussi une amie proche de James Paterson, même si Akira ne lui avait encore jamais parlé.

Elle les amena dans une vaste chambre ouverte qui donnait sur un jardin luxuriant. Ils y trouvèrent deux lits de taille conséquente, des coussins moelleux posés de-ci de-là, des plantes de partout, divers objets de décoration et des accessoires de toilette au goût exquis.

- Veuillez me pardonner pour cet accueil quelque peu précipité, s'excusa-t-elle en s'adressant à Akira, mais personne ici à part moi ne connaît la véritable raison de votre visite. Mon clan n'est pas... comment dire... très fou de vos Templiers.

- Ne vous excusez pas, madame, les Templiers sont toujours prêts à aider une si illustre personne que vous, et une amie de mon père de surcroît. Mais dites-moi, quel motif leur avez-vous donné pour notre visite ? Notre costume n'est pas des plus discrets. Vous auriez dû nous prévenir de la nécessité d'un déguisement.

- Non non, cela n'est pas nécessaire. Je préfère que vous soyez en tenue de travail. Et quant à mon excuse, je crois savoir que vous jouez au go, jeune Akira ? Votre père m'a vanté votre talent, et cela fait un moment que je lui propose de vous affronter... et cette proposition tient toujours, si vous avez le temps après cette affaire.

- Ce serait un plaisir, et un honneur, madame, s'inclina Akira. J'ai moi aussi entendu parler de votre habileté au jeu. Mais trêve de politesses, je vous prie. Mon partenaire, Monsieur Alexandre Cutter ici présent, s'impatiente (il montra de la tête le demi-elfe qui les observait anxieusement).

Saya s'assit sur un lit, tandis que les deux hommes s'installaient avec plus ou moins de grâce dans les coussins.

- Vous savez sans doute la réputation de mon mari, commença la jeune femme, réputation toute méritée d'ailleurs. Hinis est un homme honnête et doué dans son travail, bon, doux, le meilleur des maris. Mais son travail l'oblige à s'absenter de longs mois de ce palais, et je dois avouer que son absence me pèse lourdement à chaque fois.

Je vois à vos regards que vous avez deviné la suite. Certes, un beau jour durant l'un de ses voyages un jeune homme est arrivé dans ce palais et a demandé l'hospitalité, que lui a accordé pour je ne sais quelle obscure raison notre roi. Il se trouve qu'il était un excellent joueur de go, et très beau de surcroît. Nous avons commencé par nous lier à travers le go; nos parties ne connurent pas d'égales dans ce palais. La famille se réunissait pour nous voir jouer, et je dois avouer que j'en éprouvais un secret orgueil.

Puis mon regard s'est porté au-delà du goban, et à ma grande honte je me suis retrouvée à le désirer autrement qu'un adversaire. Il avait remarqué cela et sans doute y travaillait-il depuis le début; bref sans délai aucun nous devînmes amants. Cela continua un moment, jusqu'à ce matin funeste où je me réveillais seule. Lankee était parti durant la nuit, et avec lui les plus belles pièces de mon mari, dont j'avais révélé la cachette dans ma folie amoureuse.

Voilà ma faute et mon péché, et je suis prête à en subir les conséquences, mais pas que mon mari innocent paie pour moi. Ces oeuvres, il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Je vous supplie donc de tout faire pour les récupérer.

Elle se leva et s'inclina le plus bas possible.

- Je comprends, fit Cutter pensif, vous nous avez engagés pour que le bruit ne se répande pas. Ca aurait été impossible avec les autorités locales.

- En effet. Je ne veux pas que ma honte rejaillisse trop tôt sur mon mari, je préfère lui présenter mon erreur moi-même, en face et sans rien lui dissimuler. Libre à lui de décider de mon sort après cela...

- Eh ben, elle a du cran, la dame, siffla Cutter lorsque Saya se fut retirée. Elle risque quoi là-dedans ?

- La mort et la diffamation, jeta Akira en se mordant la lèvre, et seulement pour le crime d'adultère. Le vol de ses oeuvres dépend du mari, je crois.

- Ca rigole pas, dis donc.

- La justice est assez sévère dans ce pays...

- Bon, tu peux me rappeler ce qu'elle a dit sur ce Lankee Houdin ?

- Grand, type occidental, brun, yeux verts, très doué au go, une tache de naissance en forme de tête d'oiseau sur la hanche droite. Il a obtenu facilement une invitation à rester au palais alors que les Soma sont bien connus pour se méfier de ceux de l'extérieur. On commence où ?

- Hum, questionner les gens du palais. Et ceux de la ville aussi, ils ont peut-être vu quelque chose. Elle a dit de quelle espèce était ce type ?

- Humain, pure souche.

- Mais à quoi pensent ces princesses ?

- Elle a le droit de tomber amoureuse...

- Je suis bien placé pour savoir que les unions entre humains et créatures finissent souvent mal. Mes parents étaient comme ça, aussi.

Akira se tut, gêné. C'était la première fois que Cutter lui parlait de ses origines.

- Et si elle était tombée enceinte, elle aurait eu l'air de quoi ? Une princesse de sang, épouse d'une sommité artistique, donner naissance à un bâtard mi-humain... ça aurait fait jaser, pas de doutes.

Akira soupira.

- Sans aucun doute... mais que cela ne nous empêche pas de faire de notre mieux.

- D'ac doc !

- Quelquefois je me demande pourquoi ils m'ont mis avec toi...

- Sans doute pour te décoincer, ô illustre fils adoptif du Commandeur, sublimissime génie du go ?

- Quelqu'un là-haut doit me haïr...

- Ou t'aimer plus que de mesure, belle gueule. Allez, on y va !

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Recueillir des indices ne fut pas une chose aisée, car ils devaient se montrer discrets. Les habitants du palais furent très réticents pour ne serait-ce que rester en leur présence plus de deux minutes. Ils avaient tendance à trouver diverses excuses toutes plus créatives les unes que les autres pour s'éloigner et éviter de leur parler.

Néanmoins, Cutter arriva à trouver en fin de journée une jeune servante à qui il fit tant de charme qu'elle lui révéla ce qu'elle savait. Elle avait vu Lankee, disait-elle, le matin même du jour où il était parti. Très tôt alors qu'elle apportait des linges propres à la cuisine, elle l'avait aperçu sortant en catimini des appartements de la princesse Saya (et elle gloussa en disant cela), l'air préoccupé et un gros sac sur l'épaule. Curieuse, elle l'avait suivie (elle ne voulait surtout pas manquer ça ! (Une occasion de ragot !) jusqu'aux écuries où il avait emprunté un sansini (la grosse autruche bleue, se souvint Akira) l'amenant Dieu savait où. Ces bêtes-là étaient capables de parcourir des distances phénoménales, même si elles étaient un peu lentes par rapport à un pénissoire, par exemple.

- C'est râpé, soupira Cutter. Comment savoir où il est maintenant ?

- Il y a toujours un moyen, le corrigea Akira. On peut lancer un avis de recherche sous secret à l'ordre. Et les oeuvres réapparaîtront bien un jour ou l'autre, sois-en certain.

- Oui, si c'était l'argent qui l'intéressait, mais si ce n'était pas le cas ? Saya a-t-elle dit ce qui a été volé ?

- Une montre portative en forme de collier d'une valeur inestimable, un bijou d'orfèvrerie, et qui peut donner l'heure exacte quel que soit l'endroit où tu te trouves. Un sablier à l'apparence quelconque, mais qui d'après dame Saya comptait plus pour son mari que toutes ses autres pièces réunies. Elle ne sait pas pourquoi Lankee l'aurait volé.

- Super, grogna Cutter, soit ce Lankee est un crétin, soit ce sablier est un objet magique. Nous voilà bien avancés. Quand rentre Hinis ?

- Pas avant un moment, si j'en crois les dires de dame Saya. On a donc le temps...

- Oui, le temps, l'interrompit son partenaire, on dirait que tout tourne autour de ça...

Ils se trouvaient dans leur chambre soigneusement verrouillée pour éviter les oreilles indiscrètes. Akira avait même poussé l'obligeance jusqu'à créer un champ de protection autour d'eux, mais il le brisa en se dirigeant vers la terrasse.

Le temps était splendide, comme toujours dans le palais. Akira alla jusqu'à la mare rieuse qui se trouvait à quelques pas de leur chambre, et qui était recouverte de nénuphars splendides aux pétales gorgés de rosée du soir.

- Le temps, murmura-t-il, mon pire ennemi...

Un air de flûte infiniment doux se fit entendre, qui fit légèrement sursauter Akira. Il semblait l'entourer de toutes parts, flotter dans le jardin comme s'il en faisait partie, aussi sûrement que l'air ambiant. Le Templier accosta un serviteur qui passait, transportant un plateau chargé de fruits.

- Excusez-moi, mais cet air... qu'est-ce que cet air ?

- Ce n'est rien, monsieur, s'inclina le porteur de fruits, c'est maître Sai qui joue de la flûte, comme chaque jour à cette heure.

- Maître... Sai ? Vous avez bien dit Sai ?

- Ou... oui, bégaya le serviteur troublé par l'air dangereux d'Akira, un maître de go... il loge dans ce palais depuis un certain temps... il était avec maître Houdin, avant qu'il ne parte...

- OU EST-IL !

- Vous ne pouvez pas, monsieur... il se trouve avec le roi...

- CUTTER !

Akira se précipita vers sa chambre, excité comme une puce. Il surprit Cutter qui somnolait sur les coussins.

- Gneuh... ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Il nous faut voir dame Saya, tout de suite !

La dame accoura aussi vite qu'elle le pouvait, un peu inquiète et très troublée par l'urgence de la requête d'Akira. Celui-ci l'aborda sans détour avant même qu'elle ait franchi la porte.

- Qui est Sai ?

- Comment ?

- Sai. Le voyageur qui est arrivé avec Houdin. Le maître de go. Celui qui joue de la flûte pour le roi tous les après-midi. Ce Sai.

- Désolée, je ne vois pas... Lankee est arrivé seul...

- Pourtant, il y a quelques minutes, un serviteur m'a dit tout ce que je viens de vous répéter sur Sai. M'aurait-il menti ?

- Impossible, se récria Saya, la loi du palais ne le permet pas. On peut esquiver une question ou ne pas y répondre, mais il est formellement interdit de mentir.

- Ne me dites rien, sourit Cutter, les gens du palais ont fait de cette loi une forme artistique reconnue...

- Alors qui ? Qui est-ce ?

- Je ne comprends pas... je n'ai jamais entendu parler de ce Sai...

- Je peux peut-être vous répondre, fit une voix derrière eux, qui fit frissonner Saya.

- Lankee !

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C'était bien lui, tel que Saya l'avait décrit, et Akira pouvait voir pourquoi elle était tombée sous son charme. Il était très beau, et si son jeu valait sa beauté...

- Monsieur, fit-il, je crois que vous détenez certaines choses qui appartiennent au mari de cette dame...

- Oui, et j'aimerais m'en excuser. Les voici; ils sont tels que je les ai pris.

Il leur tendit un sac, que Saya saisit non sans trouble. Elle examina le contenu, le tâta, et fit un signe de tête positif aux deux Templiers qui attendaient son diagnostic en gardant un oeil sur Lankee.

- Et pourrais-je vous demander la raison de cette... plaisanterie ?

- Cela doit vous paraître étrange, je le conçois, murmura gravement Lankee. En vérité, j'avais une chose à vérifier, et seul le sablier de Hinis le Grand pouvait me le permettre.

- Et le collier ?

- Juste une couverture. J'y ai à peine jeté un coup d'oeil avant de le prendre, et encore moins après. Mais puis-je m'asseoir ?

Akira lui montra un coussin, que Lankee s'appropria avec un plaisir mêlé de reconnaissance. Il avait l'air un peu pâle, maintenant qu'Akira le voyait de plus près. Saya esquissa un tremblement des lèvres, et prit un siège comme les autres. Cutter alla fermer la porte, et Akira réinstalla son champ protégé. Le premier sortit ses couteaux pour faire bonne mesure.

- Tout d'abord, je dois m'excuser de la manière cavalière dont je m'y suis pris, chère Saya, mais je devais savoir, et j'avais si peu de temps... tout devait être fini avant la fin de la matinée, et nous étions si loin... mais je m'éloigne du sujet. Permettez-moi de remonter au début de mon histoire.

Vous le savez sans doute, je suis d'origine humaine et fier de l'être. Je ne suis pas de ces humains de race mais non de nom, qui ont si honte de leur naissance et essaient à tout prix de l'effacer en se liant avec d'obscures créatures pour que leurs enfants bénéficient des capacités qu'ils n'ont pas eues de leur vivant ; je n'ai pas de pouvoir, pas de talent propre si ce n'est celui du go; et ma vie est comme celle de mes pairs limitée à cent ans, cent-vingt ans tout au plus s'il ne m'arrive rien d'ici-là. Je connaîtrais la vieillesse et la maladie. Je crains la mort, mais pas plus qu'un autre, et je ne regrette pas la vie que j'ai vécue, même si elle n'était pas toujours... honnête (il lança un coup d'oeil à Saya, qui écoutait en tremblant). Peu importe que vous me croyez ou non.

Il y a environ quinze ans de cela, je n'étais encore qu'un enfant malingre, huitième rejeton d'une famille de douze enfants. Mes parents étaient de pauvres fermiers, mais moi j'avais dix ans et la vie devant moi, du moins c'était ce que je disais à qui voulait l'entendre. Mais au fond je savais bien que j'étais destiné à devenir un pauvre fermier qui aurait à peine de quoi nourrir sa large famille, comme l'avait été mon père et les pères de ses pères avant moi.

Et puis mon maître est arrivé . Il s'appelait Yanshee Houdin et était un grand joueur de go, un humain. Vous rendez-vous compte, un humain, jouer au go ? Et la rumeur disait qu'il avait joué contre de puissants Demis, et qu'il avait gagné. Moi qui savais à peine ce qu'était le go, je n'ai pas pu m'empêcher pourtant d'éprouver une admiration sans bornes pour cet homme. Il aimait le go de toute son âme et voyageait à travers le pays pour l'enseigner aux humains que tous les demis disaient incapables de jouer. Yanshee m'apprit les bases, et là ce fut comme si le monde s'illuminait devant moi; je fus si passionné par le jeu que je le suppliais de me prendre comme élève, et je ne sais s'il s'agit d'un de ces bizarres caprices de génie, mais il accepta. Je devins son disciple et l'accompagnait dans sa quête. Je pris alors le nom de Lankee Houdin.

Cela dura longtemps; Yanshee, mon maître, mon père de coeur, m'apprit tout son art; puis l'âge aidant, il s'éteignit il y a de cela deux ans, me laissant dans une douleur et un désarroi sans bornes. J'étais si bouleversé par sa mort, que je songeais à le rejoindre. Et Sai est arrivé.

Il m'aborda au moment où je voulais sauter dans une rivière en furie, m'appelant par mon nom, Lankee Houdin, disciple chéri de Yanshee Houdin. Il me dit qu'il était un vieil ami de mon maître, me révélant des faits que je me croyais seul avec mon maître à connaître. Je fus si ravi de retrouver une part de lui en ce Sai que j'oubliais mes projets de mort et le suivit; nous voyageâmes côte à côte comme je le fis avec mon maître. Mais je remarquais des faits curieux.

Tout d'abord, Sai ne semblait ne jamais dormir ou manger. Je suis injuste; cela lui arrivait lorsque nous étions invités à la table de quelqu'un, mais en dehors de cela il ne le faisait guère. Il était... je sais qu'il est d'une beauté sans nom, même si je serais bien incapable de vous le décrire. C'est le deuxième fait troublant que j'avais remarqué.

Nous avions passé quelques jours dans un village où l'on avait fait grand cas de nous; alors que nous étions à une certaine distance, je remarquais que j'avais oublié un éventail que m'avait légué mon maître, auquel je tenais beaucoup. Je profitais donc d'une halte de Sai dont c'était le tour d'aller chercher de l'eau pour y retourner. Ils me le rendirent, mais fait qui me laissa perplexe des jours durant ils n'avaient plus aucun souvenir de Sai, pas le moindre ! C'était comme si j'étais arrivé seul dans ce village ! Je décidais de garder ma langue mais de laisser traîner mes yeux et mes oreilles.

Le fait se retrouva. Dans tous les endroits où nous allions, je le vérifiais, les gens oubliaient l'existence même de mon ami dès son départ des lieux; mais son enseignement restait et se fructifiait auprès de ses élèves. Ils s'adonnaient au go comme jamais auparavant.

J'en viens au troisième fait. Vous savez qu'il est extrêmement dangereux de croiser des créatures magiques de nuit, en particulier dans leur territoire; on ne sait jamais quel sort ils vous réservent à cette issue. Sai et moi avions été surpris un soir par un orage particulièrement violent, qui nous obligeât à nous abriter sous une grotte plutôt que de continuer tout droit vers le village suivant; le vent était si fort que des arbres étaient arrachés, ou étaient foudroyés. Continuer nous aurait mené à notre mort.

Le plus grand danger vint pourtant de cette grotte. Au plus fort de la nuit, alors que la tempête grondait encore, un feu fut allumé au plus profond de la grotte, et nous entendîmes malgré le bruit de l'orage des cris et des chants qui semblaient venir de là-bas. J'avais peur, mais j'étais si frigorifié que je n'ai pu m'empêcher d'aller voir. Sai me suivait en silence. Nous nous enfoncèrent de plus en plus, et la flamme devenait plus ardente, jusqu'à éclairer comme en plein jour. Mais il ne faisait pas chaud, loin de là ! L'air était glacial ! Mais fou que j'étais, je pensais que tout irait mieux dès que je serais près du feu. Je voulais voir, et n'entendais pas les avertissements de Sai, ou je n'y prenais pas garde.

Et je le vis. Le conduit étroit qui nous avait amené là s'ouvrait sur une caverne gigantesque, au centre duquel se trouvait un brasier si immense que ce palais ne suffirait pas à le contenir. Il n'y avait personne, du moins pas comme nous l'envisageons vous et moi, de chair et de matière. Au lieu de cela, à mon grand effroi, des centaines, des milliers d'ombres mouvantes, aux formes certaines humaines, d'autres pas, se découpaient sur le sol et sur les murs, le plafond, jusque dans les flammes même. Elles sautillaient, dansaient, et chantaient, hurlaient ! C'était un flot sans nombre, un vacarme sans voix, mille et une créatures qui s'étaient réunies là pour je ne sais quelle obscure raison, ou peut-être ne leur en fallait-il pas. Le fait est que je restais cloué sur place, jusqu'à ce que Sai me secoua.

Jeune fou, me dit-il alors, qui se précipite dans une réunion de petits dieux de la nuit au lieu de fuir ! Mais je suis ton ami. Cache-toi derrière moi, ils ne te verront pas, mais ne fais pas un bruit, ferme les yeux et ne les ouvre pas, quel que soit les choses que tu entendras. Il en va de ta vie.

Bien sûr, je fis comme il avait dit. Je ne dis rien, ne vis rien, mais j'entendis ! Je ne comprenais pas leur langage, mais il me semblait qu'ils parlaient de Sai, dont j'entendais souvent le nom. Ils discutaient avec lui ! J'étais paniqué, mais toutes ces émotions m'avaient épuisé. Je m'endormis.

Lorsque je me réveillais au matin, nous étions retournés à la sortie de la grotte. Sai ne confirma aucun des souvenirs que j'avais de la veille; j'avais rêvé, soit-disant, et la tempête m'avait fait imaginer de drôles de choses. Je ne le croyais pas, mais ne dis rien.

Et puis nous arrivâmes ici, au palais. Sai avait ses entrées, qu'il utilisa. Il me sembla être un bon ami du roi; je bénéficiais par son intermédiaire de la protection du souverain. Puis j'ai rencontré Saya, et elle me parla du trésor de son mari. J'en avais moi-même entendu parler lors de mes voyages, en pensant à une légende : le sablier magique qui montre ce qui a été, si on l'utilise de la bonne manière. Et j'ai, à ma grande honte, conçu le projet de l'emprunter pour parvenir à mes fins.

Ce qui m'amène au crime que j'ai commis. Je l'admets, j'ai séduit Saya pour lui subtiliser ce sablier; je l'ai trompé et rien ne pourrait excuser cette faute. Mais il me le fallait absolument ! Je devais savoir ! Je l'emportais donc, avec un autre objet auquel j'ai à peine jeté un regard, et l'emmenais à cette grotte. Je l'actionnais. Et je vis.

Je nous vis, Sai et moi, arriver tous trempés à cette grotte, même si Sai me parut aussi sec qu'un jour d'été. La lumière, les ombres, mon moi du passé captivé par ces événements, tout était là. Et quelques temps plus tard, je me vis endormi retournant à l'entrée, porté par des êtres invisibles; je flottais en l'air, et sous moi des ombres, les mêmes que celles du feu, semblaient peiner à porter un lourd fardeau. Puis Sai apparut, habillé comme je ne l'avais jamais vu auparavant. Il portait un costume plus riche et plus beau que tous ceux que j'ai jamais vu dans tous les palais que j'ai visité; et il rayonnait, littéralement. Et - disons enfin ce qu'il est - c'était un dieu.

Lankee se tut après le long récit qu'il venait de raconter quasiment d'une traite. Saya le fixait, le regard empreint de dégoût et de pitié; sans doute le croyait-elle fou et se torturait-elle de s'être liée à un tel homme. Cutter et Akira ne disaient rien; le premier se décida à formuler sa pensée.

- C'est une blague ? Un dieu ? Ici, à notre époque ? Qu'est-ce qu'il ferait là ? Tout le monde sait qu'ils sont partis, si on admet qu'ils aient jamais existé !

- Pourquoi pas ? Puisque je vous dis que je l'ai vu !

- Foutaises ! C'était une simple créature de la nuit qui vous a berné depuis le départ ! Un kitsune, peut-être, ou...

- C'ETAIT UN DIEU ! hurla Lankee. JE L'AI VU !

- Avez-vous raconté cette histoire à quelqu'un d'autre que nous ? demanda d'un air grave Akira, en se levant.

Lankee le regarda sans comprendre.

- Non, bien sûr, personne ne m'aurait cru. Mais puisque vous êtes des Templiers...

- Bien. Lankee Houdin, vous êtes en état d'arrestation pour escroquerie aggravée sur la personne de Saya Soma et de vol d'un objet appartenant à un Demi; veuillez vous rendre sans discuter ou nous prendrons mon coéquipier et moi les mesures appropriées. Cutter !

Celui-ci se saisit promptement des mains de Lankee, qu'il lia dans son dos avec des menottes qu'il avait sorties de sa poche. Il lança un regard interrogateur à son coéquipier.

- Dame Saya, fit Akira en prenant une mine sévère, les objets qui ont été subtilisés vous ont été rendus ; êtes-vous satisfaite ?

- Oui, mais... Lankee...

- Nous allons nous occuper personnellement de ce criminel. Ne vous inquiétez pas pour cela et songez seulement à replacer ses effets et à accueillir comme il se doit votre mari à son retour. Je ne pense même pas qu'il soit nécessaire de lui avouer votre... aventure avec cet humain. Ce ne serait que lui donner du souci pour un événement mineur qui n'aura pas de suite.

- Mais mon mari...

- Sera très heureux de retrouver son épouse aimante et ses biens en état, sans nul doute. La rumeur de votre relation avec Lankee Houdin, si rumeur il y avait, sera vite oubliée. Et vous pourrez continuer sans souci à jouer au go au palais auprès de vos proches et de vos invités. N'êtes-vous pas heureuse ?

- Je suppose...

- Bien. Nous devons ramener cet homme à notre base et le faire arraisonner au plus vite. Nous prendrons donc congé de vous, madame, en vous souhaitant toutes les bénédictions que d'insignes Templiers tels que nous pourrions vous adresser. Je vous demanderais donc de nous préparer un sansini sans tarder.

Saya fronça des sourcils et passa une bonne minute à regarder dans les yeux d'Akira, sans rien y trouver apparemment puisqu'elle finit par pousser un énorme soupir.

- Comme il vous plaira, Akira Paterson. J'espérais vraiment disputer une partie avec vous, mais puisque je ne peux faire autrement, je vais de ce pas vous faire préparer notre meilleur sansini. Etes-vous sûr de ne pas vouloir emprunter le pénissoire de la ville ?

- Certain. Je vous remercie de votre coopération, madame.

- Ce n'est rien. Ma réputation vaut bien cela, je suppose, mais elle paraissait amère en disant ces dernières paroles. Je vous dis au revoir, messieurs, en espérant vous revoir un jour dans de meilleures conditions.

Elle partit sans se retourner, sous l'oeil attentif d'Akira.

- Mais enfin, je ne suis pas... intervint Lankee, l'air scandalisé.

- Cela suffit.

- Touya, voulut demander Cutter, mais son partenaire le gratifia d'un grognement sourd qui le fit taire.

- Nous allons rentrer, conclut ce dernier, et pas un mot jusqu'à ce qu'on soit arrivé ou je fais taire le responsable à ma manière. C'est bien compris ?

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Le retour se passa dans un silence de mort. Saya avait tenu parole, et ils étaient à dos de sansini, l'un des plus rapides que Cutter ait jamais chevauché (et c'était beaucoup dire). Mais Akira ne disait rien, n'admettait pas que l'on dise quoi que ce soit, bien qu'avant de partir il envoya un messager personnel (un oiseau-ombre qu'il avait créé lui-même) apporter un message il ne savait où. Cutter se posait de plus en plus de questions, et il savait que Lankee devait se les poser aussi.

Ils arrivèrent en vue de la Tour au bout de presque onze heures de vol, onze heures éprouvantes. Mais au lieu de faire atterrir l'oiseau sur la plate-forme habituellement réservé à cet effet, Akira le fit virer vers un interstice minuscule dans un recoin de l'édifice, caché par une énorme statue de gargouille (certains disaient qu'il s'agissait de vraies gargouilles qui redevenaient de chair la nuit, mais Cutter n'avait jamais eu l'occasion de vérifier). Et quelle ne fut pas la surprise de ce dernier en voyant le Commandeur James Paterson en personne les attendre sur la piste ! Akira manœuvra en douceur leur sansini, qui se posa devant son père en poussant un cri strident.

- Bienvenue à la Tour de Babel, Akira, Monsieur Alexandre Cutter et Monsieur Lankee Houdin. J'espère que votre voyage s'est bien déroulé.

- Qu'est-ce que c'est que ce merdier ? ne put retenir Cutter. Akira, qu'est-ce que le Commandeur fout ici ?

- Je suppose que vous avez reçu mon message, fit Akira en direction du Commandeur, en ignorant Cutter. L'avez-vous trouvé là où je vous ai indiqué ?

- Hélas non. Le roi a refusé de nous le faire rencontrer, et nous avons appris plus tard qu'il était parti alors que nous demandions aux Apôtres leur appui. Etrangement, le roi et sa cour ont été incapable de le décrire, et bien des impressions recueillies sur lui étaient comment dire... contradictoires.

- Vous parlez de Sai ? intervint avec frénésie Lankee. C'est bien Sai, n'est-ce pas ?

- Quelle perspicacité, Monsieur Houdin. Oui, il s'agit bien de votre ancien compagnon de voyage.

- Holà holà, c'est quoi encore ces histoires ? Cutter prit un air contrit. Dans quoi je suis mêlé, exactement ? Et on est où ici ?

Il parcourut du bras l'immense hangar où ils se trouvaient, où des hommes portant une version qu'il n'avait jamais vue de l'uniforme des Templiers s'affairaient en silence. James Paterson lui adressa un immense sourire carnassier, qui fit frissonner tout le monde à part Akira.

- Félicitations, Monsieur Cutter, susurra-t-il d'une voix mielleuse, vous êtes à présent mêlé jusqu'au cou à la plus grande chasse aux sorcières, ou devrais-je dire chasse aux dieux ? de notre époque. Bienvenue à la Section Spéciale d'Investigation des Dieux.

A suivre...

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(1) Si je ne me trompe pas, Hikaru veut dire "lumière", ou pas loin... en tout cas dans la même famille de mot