Titre : Un dieu cruel nous regarde
Auteur : Mokoshna
Manga : Hikaru no Go
Crédits : Le manga Hikaru no Go appartient à qui revient de droit, c'est-à-dire principalement ses auteurs, Yumi Hotta et Takeshi Obata. Pas à moi, donc (boude).
Avertissements : Totalement AU (Alternate Universe), Spoilers de la fin du manga (tout pleins en fait), personnages complètement OOC (Out Of Character), Yaoi à un moment, pas tout de suite mais ça va venir. Merci de me faire part de vos impressions si le cœur vous en dit (sauf si c'est pour vous plaindre que c'est du yaoi, ça non).
Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Bon, on va dire ce qui est : j'ai passé des heures à m'abîmer les yeux sur un écran pour lire des scanlations et rechercher des citations sur un manga sur des joueurs de go un peu fanatiques; suite de quoi, j'ai passé des heures à m'abîmer le cerveau pour écrire des trucs sur des joueurs de go. Et en plus c'est vraiment n'importe quoi. J'ai une vie parfaitement saine et équilibrée, merci.
Le titre est tiré d'un manga yaoi que je n'ai jamais lu mais dont j'ai entendu parler. J'ai aimé le titre, j'ai voulu le réutiliser un jour, et voilà. Fascinant, n'est-ce pas ? Les citations de début sont (souvent) des traductions-maison des scanlations, donc c'est pas toujours terrible et ça ne ressemble pas forcément à la version française, que je n'ai pas sous la main, désolée.
L'histoire en est à ses balbutiements. Je ne sais pas trop où je vais, et c'est déjà très bizarre... je pense qu'elle mettra un peu de temps à se mettre en place.
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Chapitre 5 : Hikaru Shindou
Sai : Maintenant, je suis aux côtés de Hikaru, mais il y a 140 ans, j'étais avec Torajiro. Et avant cela, à l'époque Heian, je jouais au palais impérial. Depuis, mille ans se sont écoulés et je suis toujours devant un goban. Jusqu'à quand les dieux me pardonneront-ils cet égoïsme ?
Pensées de Sai, alors que Hikaru jouait contre son grand-père
(Volume 5, chap. 38)
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Akira contempla l'immensité blanche dans laquelle il se trouvait, sans comprendre. Il se souvenait d'être revenu de mission avec Cutter de chez les Soma, en ramenant comme témoin Lankee Houdin, le joueur de go. Il avait fait son rapport à James Paterson, puis il était allé se coucher dans la chambre qu'on lui avait prêtée...
Une secousse traversa le paysage, comme une onde de lumière vive. Il redressa les yeux qu'il avait caché derrière sa main par réflexe. Autour de lui, plus de décor blanc, mais le bruit et l'agitation d'une ville ! Une grande avenue, il lui semblait la reconnaître... Tokyo ! Il était à Tokyo, devant la Nihon Ki-In !
- Touya ? fit une voix qu'il reconnut instantanément malgré les années de séparation.
- Hikaru !
C'était lui, tel qu'il avait toujours été dans ses souvenirs. En état de choc, il fixa son ancien rival d'un air horrifié. Celui-ci parut très mécontent.
- Non seulement tu me poursuis jusque dans la rue, mais en plus tu me fais rater mon bus. Qu'est-ce qui t'arrive ? Et puis, tu ne m'as jamais encore appelé par mon prénom !(1)
- Tu... es en vie ?
Hikaru parut se fâcher pour de bon et fit mine de partir. Akira se précipita à sa suite et le prit brusquement dans ses bras, et ce malgré les regards plus qu'étonnés des passants (et un peu horrifiés des mères de famille qui tentaient tant bien que mal de dissimuler un tel spectacle dépravé à leur progéniture). Mais Akira s'en fichait bien. Il avait enfin remarqué sa propre apparence ; il avait le même corps qu'autrefois, avant qu'il ne se réveille dans un monde étranger. Il ne savait pas ce que cela voulait dire, s'il s'agissait d'un rêve ou d'une chance qu'on lui accordait. Plus rien n'importait que la chaleur qu'il tenait contre lui, si chaude et réelle... Pour un peu, il aurait pu entendre battre son coeur.
- Ne t'en va pas, murmura-t-il à l'oreille de Hikaru d'une voix chevrotante, ne me quitte plus jamais.
- Touya ?
Des cris paniqués furent poussés autour d'eux, qui attirèrent l'attention des deux garçons. Une jeune femme désignait de la main quelque chose dans le ciel, et tous les regards semblaient être levés plus haut, oubliant les deux garçons qui s'accrochaient l'un à l'autre. Akira voulut lever les yeux, mais il sentit la main de Hikaru qui attirait son visage vers lui. Son rival lui fit un sourire triste, tandis qu'Akira voyait loin derrière lui, comme une ultime vision de cauchemar, une comète enflammée gigantesque s'écraser sur la voie et la réduire en cendres. L'onde choc ne tarderait pas à les toucher, et déjà les gens fuyaient dans toutes les directions en hurlant.
- Je t'attendrais, fit doucement Hikaru. Viens me rejoindre.
Il se souvenait de ces mots-là. C'était ce qu'il avait lui-même dit à son rival après que celui-ci soit sorti de sa torpeur qui l'avait fait renoncer à jouer au go. Puis Akira sentit une main fine se poser sur son épaule, une main dont il lui sembla reconnaître le toucher... et l'univers explosa en une gerbe aveuglante.
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Akira se réveilla en sursaut, le corps en sueur et le visage baigné de larmes. Hikaru ! Il l'avait vu, l'avait touché, avait entendu ses derniers mots ! Sa Lumière lui avait demandé de le rejoindre ! Il s'habilla en hâte, remarquant à peine qu'il n'était que six heures du matin. Il manoeuvra à toute vitesse à travers les couloirs de la section spéciale, jusque devant les quartiers de son père qui dormait à poings fermés. Le jeune Templier tambourina vigoureusement contre la lourde porte de bois qui le séparait du couloir qui menait vers le Commandeur, faisant fi des regards surpris et un peu inquiets que lui lançaient les soldats qui passaient en contrebas.
- Oui, oui, ronchonna le vieux gardien de la porte, un nain grincheux qui avait juré fidélité au Commandeur depuis bien avant son assignation à la Tour. Tu es bien matinal, petit. Un problème ?
- Il faut que je parle à Père, vite !
- Ok, mais il dort. Je vais voir.
Il se dirigea d'un pas nonchalant vers une porte. Akira était bien incapable de trouver seul laquelle correspondait aux appartements du Commandeur : comme tous les officiers, il habitait dans le couloir des Illusions, au-delà d'une porte infranchissable qui ne pouvait être ouverte que par le gardien officiel, en l'occurrence le vieux nain Guern. Et lui seul pouvait distinguer une porte d'une autre dans le vaste labyrinthe qui s'offrait à perte de vue à tous ceux qui ne logeaient pas là. Des centaines d'escaliers, de chemins, de portes étaient mis en présence de ceux qui n'avaient pas le droit d'y pénétrer. Guern trouvait régulièrement des carcasses affaiblies de Templiers un peu trop curieux ou de créatures qui avaient franchi le système de sécurité de la Tour, tout ça pour mourir d'épuisement et d'inanition dans le labyrinthe. Le nain tapota une vieille clé qu'il avait sorti de sa poche et l'enfonça dans une petite porte brune insignifiante, qui s'ouvrit en grand en poussant une complainte rouillée.
- Vas-y, mon garçon, fit Guern en souriant, mais tu t'arrangeras avec lui pour son manque de sommeil. Tu sais qu'il déteste qu'on le réveille !
- J'en prendrais la responsabilité, fit gravement le Templier. Merci, Guern.
Le nain grommela quelques vagues mots d'adieu et se dirigea sans hâte vers son poste. Akira pénétra à travers l'entrée.
Il faisait noir comme dans un four. Le jeune homme chercha à tâtons la lumière, mais une voix caverneuse l'en empêcha.
- Pas encore, Akira. Laisse-moi le temps.
- Désolé. J'attends.
Il savait que James refusait avec la dernière énergie qu'on le voie sous sa véritable apparence ; même Harry, son fils légitime, ne l'avait aperçu qu'une ou deux fois par accident. Akira entendit un bruit horrible de liquide mêlé à un son persistant de succion ; il se força à ne pas laisser vagabonder son imagination et se focalisa sur son rêve (en était-ce un ?). Puis la pièce fut finalement éclairée et il vit son père, James Paterson, impeccable dans son uniforme particulier de Commandeur, au milieu d'une chambre proprette et bien rangée. Akira remarqua qu'il n'y avait pas la moindre trace de lit.
- Quel réveil, mon enfant ! Quelque chose ne va pas ?
- J'ai eu une vision, ou un rêve, je ne sais pas trop. Mais j'ai vu Hikaru, et aussi ce que je pense être les derniers instants de mon monde. J'ai essayé... je voulais lui parler, mais tout s'est passé si vite... et il m'a dit de le rejoindre.
James lui prit la main et le força à s'asseoir dans le fauteuil confortable qui se trouvait contre un mur. Akira ne s'en était pas aperçu dans son trouble, mais il tremblait et son regard se fixait dans le vide. James lui passa une main fraîche sur le front, qui parut l'apaiser d'un coup. Il ferma les yeux.
- Je veux savoir, fit-il d'un air suppliant. Je t'en prie... montre-le moi. Le souvenir est encore assez vif, tu devrais pouvoir...
- Calme-toi d'abord, fit gentiment le Commandeur, ou je ne pourrais rien faire pour toi. Pense à lui, à ces derniers instants...
Akira sentit une douce chaleur irréelle l'envahir, paralysant son corps mais il ne paniqua pas. James avait déjà plusieurs fois usé de son pouvoir sur lui, et il commençait à s'y habituer. Le Liseur de Temps emmêla son esprit et celui de son fils adoptif, les emmenant loin, très loin, dans une symphonie accélérée de couleurs et de sons indistincts... Le coeur d'Akira s'arrêta un instant lorsqu'il vit enfin la silhouette familière de sa Lumière se découper sur un fond de ville en ruines. Ce qui fut jadis la mégalopole de Tokyo n'était plus qu'un paysage désertique ravagé par... par quoi exactement ? Un cratère béant recouvert d'eau de pluie, presque un lac, s'ouvrait devant eux, sans doute là où était tombée la comète qu'il avait aperçue avant de partir...
Hikaru était en train de prier, les yeux embués de larmes. Akira voulut le consoler, le prendre dans ses bras, n'importe quoi mais il voulait lui parler, le toucher ! Quelle agonie de le voir si près, et de savoir qu'il était à des années-lumière dans le temps et l'espace ! Sa main traversa l'endroit où se trouvait le flanc gauche de son bien-aimé. Hikaru se releva et essuya du revers de la manche ses dernières larmes.
- Un jour, murmura-t-il distinctement, même si c'est dans une autre vie, je te reverrais, Touya. Sois-en sûr. Je ne te laisserais pas partir aussi facilement que Sai.
Sai ! Alors Hikaru connaissait bien Sai, il lui était proche ! Il l'avait laissé partir... cela voudrait dire que Sai était mort ? Peut-être avait-il été son maître, ou quelqu'un de sa famille... Il s'en voulait d'avoir fait autant de peine au garçon qui comptait plus pour lui que n'importe qui.
Je suis là ! voulut-il hurler de toutes ses forces, mais il savait que cela aurait été inutile. Cette réalité ne rejoignait pas la sienne. Seul, le pouvoir du Liseur de Temps lui permettait d'en être un témoin extérieur pour un laps de temps limité.
Un craquement de pas fit se retourner les deux garçons. Une petite fille blonde et un adolescent aux cheveux roux en bataille semblaient attendre Hikaru. La petite fille lui adressa un large sourire en lui tendant un étrange appareil qu'Akira ne reconnut pas.
- C'est l'heure, Général Sai. On va bientôt commencer.
Akira se rendit brusquement compte de l'apparence insolite de son ami. Dire qu'il ne l'avait pas remarqué, tout ému qu'il était de le revoir sain et sauf ! Certainement, il ne l'avait jamais vu dans un tel attirail. Hikaru avait les cheveux légèrement plus longs, et, contrairement à son souvenir où sa frange blonde était bien connue de son entourage, ils étaient entièrement noirs. Il portait un costume un peu comparable à celui des Templiers, sauf que le sien n'avait pas de croix rouge et il mit sur ses épaules une longue cape, presque un manteau, qui traînait jusqu'à terre. Puis il enfila des gants et se saisit de l'objet que lui tendait son interlocutrice.
- Où en est l'ennemi ?
- Il a envahi les territoires ouest, fit le garçon roux en hochant la tête. Leitka et Kain ont beaucoup de mal à les contenir.
- Rien n'est perdu, fit pensivement Hikaru. Nous pouvons nous permettre de perdre le Canada, si c'est pour pouvoir récupérer l'Europe. Qu'en pensez-vous ?
- Fais ce qui te semble bon, lui dit la petite fille en soupirant. C'est ton monde, après tout. Nous n'avons pas le droit de protester après ce que nous avons fait...
Elle se mordit la lèvre jusqu'au sang, mais Hikaru l'arrêta d'un geste vif et lui fit un sourire triste.
- Ca suffit, Gaïa. Je ne t'en veux pas, tu le sais bien. Ni à toi, ni aux autres.
- Mais...
- Je ne sais pas pour le reste du monde, mais mon Akira va bien, je le sais. Il me suffira juste d'être patient et d'attendre son retour. Oui, je suis sûr qu'il reviendra. Mais d'ici-là, il faut que je lui présente un monde vivable...
- Tout ça pour ce mec, ricana le garçon à ses côtés. Il en vaut vraiment la peine ? Qu'est-ce qu'il te dit qu'il va revenir ?
- Oh oui, fit en riant Hikaru, c'est dans son caractère. Il n'abandonnera pas aussi facilement. Tu ne devrais pas douter de ma parole comme ça, Rezo.
- M'en fous ! Mais grouille-toi au lieu de nous rabâcher les oreilles avec ton joueur de go !
- Et tu ne devrais pas regarder le go de si haut, ajouta Hikaru en secouant la tête. S'il n'y avait pas eu le go...
Il ne finit pas sa phrase. Une ombre gigantesque en forme de main griffue venait d'apparaître dans le ciel en émettant un gémissement horrible qui fit frissonner Akira. Puis il vit des taches plus petites se détacher de la forme géante et descendre à toute vitesse vers eux.
- Un vaisseau-amiral, grogna Rezo en entraînant Gaïa avec lui, Hikaru sur leurs talons. Ca ne rigole plus. Ils nous ont trouvé.
Akira voulut se précipiter à leur suite, mais ce fut à ce moment que l'atmosphère autour de lui se mit à trembler. Il savait ce que cela signifiait.
- Encore un peu plus longtemps ! supplia-t-il au Liseur de Temps. Juste un peu !
Mais le décor se tordit et perdit de sa clarté. Akira cligna des yeux. Il se retrouva dans la chambre de James, affalé dans son fauteuil. Il avait les muscles tellement endoloris qu'il ne put les remuer immédiatement. Au lieu de cela, il se mit à pousser une plainte sourde qui lâcha le flot de ses larmes. James le contemplait d'un air solennel où perçait des accents de pitié.
- Hikaru... Hikaru...
Akira ne cessait de répéter son nom entre deux sanglots. Il ne se calma un peu qu'au bout de dix minutes, dix longues minutes où James dut contempler en silence son deuxième fils sombrer dans le désespoir. Mais il savait que cela ne durerait pas, fort heureusement. Akira était trop fort pour cela.
Lorsque les pleurs du jeune homme se transformèrent en hoquets irréguliers, il lui tendit un verre d'eau que le garçon but avec reconnaissance. Il était presque mort de soif et l'eau fraîche lui fit énormément de bien, balayant avec elle ses doutes et sa douleur. Il reposa le verre sur une table proche d'un air décidé.
- Tu les as vu ?
- Oui.
- C'était la Grande Guerre, n'est-ce pas ?
- Oui, sans aucun doute. Et cette petite fille, c'était Gaïa. Nous nous rapprochons du but, je le sens. Si seulement j'arrivais à savoir ce que les dieux ont à voir dans cette histoire...
- Hikaru, murmura pensivement Akira, ils l'ont appelé « Général Sai ». Je n'arrive pas à y croire...
- Sai... comme ce dieu qu'a croisé Houdin ? Alors, ce serait ta Lumière ?
Akira trembla si fort qu'il était sûr que s'il avait encore eu le verre entre ses mains, il l'aurait lâché avec fracas. James s'assit sur le rebord de la table.
- Mais ça ne nous dit toujours pas l'origine de tes drôles de pouvoirs... car tu n'es qu'un humain, non ? Et ce Sai-Hikaru aussi...
- Non, l'interrompit Akira d'une voix étonnement ferme. Il doit être mort, et moi aussi. Aucun être humain n'aurait pu survivre à une telle explosion. Tu as vu le cratère que ça a causé !
- En parlant de ça, il me semble l'avoir reconnu, ce cratère.
- Comment ça ?
- Je ne suis pas sûr, mais il ressemble au Lac de la Mort.
- Vraiment ? Mais alors... La Forêt des Morts... ce serait l'ancienne Tokyo ?
- Il y a des chances.
- Il faut aller voir !
- Holà, du calme, mon enfant. Je ne sais pas si tu as lu les rapports à son sujet, mais l'idée d'envoyer qui que ce soit là-bas est exclue jusqu'à nouvel ordre. Personne n'est jamais revenu de la Forêt des Morts. Elle ne porte pas ce titre pour rien, tu sais.
Akira poussa un long soupir frustré. Il recommençait à pouvoir bouger ses muscles endoloris, qu'il travaillait doucement dans son siège. Il fit craquer ses doigts d'un mouvement encore hésitant.
- Et Hikaru, Hikaru qui était si près de moi, à Kendappa ! s'écria-t-il amèrement. Il faut que je le retrouve, il le faut !
- Bien sûr, mais pour l'instant...
Il fut interrompu par un tambourinage sauvage à sa porte, et la voix paniquée de Guern qui l'appelait. James ouvrit sans tarder au nain qui se précipita dans la pièce en lançant un regard effaré vers son maître.
- Monsieur, fit-il tout essoufflé, venez vite ! C'est Lili... la petite est grièvement blessée !
Akira sauta de son fauteuil sans ménagement et saisit l'épaule du vieil homme.
- Lili ? Mais elle devait rentrer d'une mission de routine avec Mylène ! Où est Harry ?
- Déjà parti, mon garçon ! Il est avec elle, bien sûr. L'Amazone est rentrée avec elle, mais elle paraissait pas en meilleur état d'après le doc. Si c'est pas une pitié !
Akira et son père s'échangèrent un regard lourd de sens, avant de se précipiter aussi vite que leurs jambes engourdies le pouvaient vers l'infirmerie.
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- Comment va-t-elle ? demanda doucement le Commandeur en s'approchant du médecin-en-chef de la Tour, un humain qui avait l'air d'avoir vingt ans mais qui officiait depuis près de cent ans. Personne n'osait lui demander la raison de sa longévité exceptionnelle par peur de ses représailles à leur prochain passage à l'infirmerie.
- Pas brillant, fit le praticien en consultant son dossier. Fatigue généralisée, brûlures au troisième degré dans le dos, multiples fractures et des lésions plus ou moins profondes sur l'ensemble du corps. C'est un miracle qu'elle soit encore en vie, à vrai dire.
- Allons, ce ne sera pas le premier miracle que vous nous faites, Doc.
- Ouais, bof... je ne sais vraiment pas. Vous avez vu Harry ?
- Pas encore, j'étais avec Akira quand Guern est venu nous annoncer la nouvelle. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- L'Amazone est sous calmant, mais elle m'a fait un rapport succinct avant de sombrer. D'après elle, elles auraient été un peu plus loin dans leur patrouille de routine à Eterna à cause d'une tempête de neige qui les aurait égarées. Elle ont donc construit un igloo en hâte et s'y sont installé en attendant, mais elles ont été attaquées pendant la nuit par des Yuke.
- Des Yuke ! A Eterna !
- C'était ma réaction aussi. Et elles n'avaient rien fait pour les attirer. Ils les ont attaqués brusquement, comme ça.
- C'est impossible ! Pourquoi auraient-ils fait ça ? Ils n'attaquent que s'ils sont menacés directement !
- Eh ben pas là. Elles ont lutté, bien sûr, et la petite a reçu sa brûlure en cramant les derniers d'un seul coup, mais l'un d'entre eux la tenait bien solidement dans son dos.
- Aouch !
- Exactement. Madame Sapho a dû la porter sur son dos jusqu'à ce qu'elle trouve un pénissoire en chemin. Vous rendez-vous compte ! Il aura fallu l'état critique de sa partenaire pour que cette réfractaire du zizi se décide à en emprunter un !
James hocha gravement la tête. Ils avaient continué à se diriger vers la salle de soins tout en parlant, et il pouvait apercevoir Harry collé à la vitre de la pièce isolée où on avait installé Lili. Mylène se trouvait dans une chambre de repos. Elle était non seulement épuisée par le combat et le long trajet qu'elle avait dû faire en portant Lili, mais de plus le froid intense de la région lui avait donné d'horribles engelures qui lui couvraient parfois une large portion du corps. Le doc craignait qu'elle ne perde quelques membres, mais c'était sans compter sur la vigueur de la jeune Amazone.
- Harry, fit James en hésitant.
Son fils tourna vers lui un visage baigné de larmes. Décidément, c'était sa journée ! James ne supportait pas de voir ses enfants de cette manière. Il ne prit pas Harry dans ses bras, toutefois. Le contact tactile risquait de rompre son glamour(2), surtout dans l'état dans lequel était le jeune homme. Il ne sentait que trop bien les ondes instables qu'émettait son fils autour de lui. La température de la pièce avait dû baisser d'au moins deux degrés depuis qu'il y était entré.
- Ca va aller, fit-il sur un ton qu'il espérait rassurant, Lili n'est pas du genre à se laisser faire comme ça. C'est une Vestale, après tout.
- Mais... elle est si mal en point ! s'écria Harry en désignant la salle. Je sens son âme chanceler à chaque seconde !
James ne trouva rien à dire. Lui aussi sentait le combat acharné que menait la jeune fille contre la mort. Il s'aperçut qu'Akira s'était glissé derrière lui pendant sa courte discussion avec Harry et lui fit un sourire.
- Comment va Mylène ?
- Bien mieux que Lili, mais c'est quand même pas glorieux. Ca fait bizarre de voir cette excitée prostrée dans un lit sans rien dire. Ce n'est pas naturel.
- C'est une fille solide, admit le doc. N'eut été ses origines amazones, elle aurait déjà dû y passer. Dans l'état où sont les choses, je recevrais sans doute une baffe monumentale dès qu'elle saura que je l'ai vue toute nue.
- Sans aucun doute, sourit faiblement James, mais il n'avait d'yeux que pour son fils.
Harry s'était coupé du reste du monde et fixait sans un mot le forme incertaine de Lili. James jugea préférable de le laisser là, en précisant au doc de l'appeler dès qu'il y aurait du changement, peu importait le moment du jour ou de la nuit. Il savait qu'il n'avait pas à lui dire de s'occuper aussi de Harry. Le doc l'aurait fait même s'il avait été un ennemi. Conscience professionnelle oblige, qu'il disait. Il ne l'en estimait que davantage.
Il partit avec Akira s'enquérir de Cutter et de Houdin, qu'ils avaient laissés dans leur chambre commune. Malgré la situation, ils n'avaient pas oublié qu'ils avaient un travail en cours, mais le trajet se fit dans le plus grand silence. Lorsqu'ils arrivèrent enfin devant la porte de leur chambre, ils s'aperçurent avec amusement que les deux hommes avaient décidés, de manière un peu précipitée il était vrai, de dormir dans le même lit. Même Akira esquissa un faible sourire.
- Mmm, fit Cutter en s'étirant lorsque James lui secoua l'épaule, et ce faisant il butta contre Lankee qui tomba du lit, ce qui réveilla net le jeune humain.
- Pas encore ! fit-il en gémissant. C'est la deuxième fois que j'atterris sur le sol à cause de vous, Cutter !
Ce fut à ce moment qu'il remarqua enfin la présence des deux nouveaux venus. Il se mit sur pied en rougissant. Cutter se contenta de se frotter les yeux et il fit un signe de tête amical à Akira, mais il semblait préoccupé. Puis il se souvint de son rêve et poussa un couinement disgracieux.
- To... Touya !
- Oui ?
- Tu es en vie ! Tu...
- Bien sûr que je suis en vie ! s'exclama son ami en haussant un sourcil réprobateur. Pourquoi voudrais-tu que je ne le sois pas ?
- Je... (il jeta un coup d'oeil suspicieux à Lankee) j'ai fait un rêve, hier soir. Tu étais là.
Akira et James s'entre-regardèrent avec étonnement. Encore un rêve ! Et la même nuit, de surcroît !
- Quel genre de rêve ? demanda le Commandeur d'un air faussement nonchalant.
- Touya... il était dans une salle remplie de joueurs de go, qui parlaient bizarrement... il disputait une partie contre un garçon brun avec une espèce de mèche blonde devant, je crois...
Il ne continua pas, car Touya avait prestement frappé du plat de la main le mur derrière lui, le bloquant de son corps. Cutter n'avait jamais vu son partenaire avec un tel regard que celui qu'il lui lança à ce moment. Il jugea préférable de se ratatiner un peu plus dans son lit.
- Et il a gagné contre toi, je crois, continua-t-il néanmoins d'une toute petite voix, mais alors il m'a vu et il est parti... et toi, tu l'as suivi.
- Et ensuite ? articula doucement Akira, les yeux brillants.
- Euh... je ne suis pas sûr, mais je suis pas allé avec vous... mais il y avait cette comète géante, et...
Il fut de nouveau interrompu, cette fois par James qui le coupa d'un mouvement du bras.
- Pas ici, fit-il énergiquement, d'abord vous allez vous rendre présentables tous les deux et je veux vous voir dans mon bureau dès que possible. C'est bien compris ?
Lankee commençait à voir d'où Akira tirait son autorité. Il leva la main avec hésitation.
- Euh... moi aussi ?
- Il m'a bien semblé dire « tous les deux ». Et pas de tergiversation. Cutter, vous montrerez le vestiaire à notre nouvelle recrue. Il est temps qu'il enfile son nouveau costume et qu'il s'y habitue. Après tout, il le portera pour le restant de sa vie.
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Sai contempla avec bienveillance la petite fête impromptue que donnaient des petits dieux de la plaine en son honneur. Il avait décidé de passer la nuit au milieu d'eux et ne le regrettait pas ; les esprits accueillants et doux l'avaient acceptés avec joie. Il se dirigeait sans empressement vers la Tour de Babel, en prenant un large détour qui lui faisait voir du pays. Qu'il était agréable de voyager à son gré ! Bien qu'il regrettait presque la compagnie de Lankee. Mais bon ! Le jeune humain s'était montré un peu trop curieux ; rester plus longtemps avec lui n'aurait rien donné de bon. Il avait d'autres chats à fouetter que de ménager les questions légitimes de son ancien compagnon de voyage.
Un hurlement lugubre fit trembler d'un même ton les petites créatures timides. Sai se redressa, intrigué. Un pas feutré, inaudible pour un autre que lui, se fit entendre. Les petits dieux prirent peur et s'enfuirent précipitamment dans la nuit en hâte, laissant le joueur de go seul. Celui-ci ne leur en voulait pas. C'était dans leur nature, tout simplement. Il redressa son kimono et attendit calmement le propriétaire du hurlement.
Celui-ci ne se fit pas attendre. Un large Kyuubi au regard ensanglanté et aux babines retroussées se présenta de toute sa hauteur devant lui. Sai lui fit un large sourire un peu surpris.
- Maître Sakaki ! Vous me suiviez donc ?
- Vous ne croyez pas si bien dire, grogna le kitsune en reprenant une forme humaine. Vous et votre manie de dissimuler votre passage ! J'ai eu un mal fou à vous trouver, heureusement que ces satanés dieux de la plaine font un tel boucan !
- Mais ils sont partis maintenant, poursuivit Sai. Quel dommage, ils vous auraient apporté de quoi vous sustenter.
- Je suis tout à fait capable de m'occuper de ma personne seul, je vous remercie. Mais trêve de politesses. Cela fait des jours que je vous cherche.
- Pour quelle raison, je vous prie ?
- Assez de politesses, j'ai dit, et son ton se fit menaçant. J'ai ai marre de ces cachotteries. Vous allez me dire qui vous êtes, et fissa !
Il se gonfla brusquement et avant même d'avoir eu le temps de cligner les yeux, il avait repris sa forme de Kyuubi. Sai n'en parut nullement affecté.
- Quelle énergie ! fit-il en riant. Il est pourtant tard.
- CA SUFFIT ! rugit son vis-à-vis. Ma famille a été décimée par un groupe de Yuke et de Grouke il y a quelques jours, et la seule chose inhabituelle qui s'est passée juste avant a été votre visite ! Alors ou vous me révélez ce qui se passe, ou je vous mets en pièces !
- Une attaque ? Je n'y suis pour rien, dit doucement Sai. Des Yuke, vous dites ? Comme c'est étrange...
- Etrange ? Ce qu'il y a d'étrange, c'est qu'une créature inconnue telle que vous traverse ce monde sans le moindre souci, qu'elle sache des secrets que même les plus hauts placés ignorent, qu'elle ait autant de relations dans les différents milieux qui ne se supportent pas ! Ce qu'il y a d'étrange, c'est qu'un joueur de go dont personne n'arrive à se rappeler le visage se promène impunément dans ce monde comme s'il lui appartenait !
Sai fit un large sourire ironique qui enragea davantage le Kyuubi. Puis il s'assit calmement et désigna un siège en pierre près de lui.
- Venez vous asseoir, mon ami, vous devez être fatigués. Parlez-moi un peu de ces agresseurs mystérieux.
- Pas question ! Je ne vous fais pas confiance !
- Croyez-vous ?
Sakaki voulut bondir sur lui et le mordre, mais il fut stoppé net. Il s'aperçut avec horreur que ses pattes étaient clouées au sol et n'étaient pas décidées à en bouger.
- QU'EST-CE QUE VOUS M'AVEZ FAIT ?
- Du calme, rit Sai. Je ne vous veux aucun mal, mais vous comprenez que je ne peux pas me laisser happer par ces jolis crocs aiguisés que vous avez entre vos babines. Non, vraiment pas.
- ESPECE DE... ! RELACHEZ-MOI A CET INSTANT !
Sai soupira faiblement. Il aurait du mal à faire entendre raison au kitsune ; celui-ci avait une dette de sang à faire payer. La créature se débattit encore avec fureur et fit claquer ses crocs dans l'air d'une manière menaçante. Ses hurlements furieux firent fuir toutes les créatures à des lieues à la ronde.
- Bon, fit Sai malgré le vacarme, mais bizarrement Sakaki l'entendait aussi clairement que s'il y avait eu un grand silence autour d'eux. Par quoi vais-je commencer ?
Il se mit à parler, et au bout d'un moment Sakaki cessa de se débattre pour écouter avec effarement les explications de Sai. Puis, voyant qu'il s'était assagi, le joueur de go le libéra de ses liens, et le kitsune ne songea même pas à lui sauter à la gorge. Au lieu de cela, il fixa longuement d'un air rêveur le Joueur Blanc, puis, comme dans un rêve, il prit une résolution qui déciderait du reste de son existence. Il s'inclina bien bas et lécha les pieds de Sai.
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Lézard se dirigea en chancelant en direction de la salle du trône, où l'attendait son maître. Fichu Kyuubi ! Non seulement il n'avait pas réussi à le tuer, mais il avait en outre infligé une défaite cuisante au jeune garçon et à ses créatures. Le Honinbo serait sans nul doute furieux, et lui qui avait le bras en sang ! Il fit une grimace involontaire. Il avait frôlé le mur dans sa hâte et le bras qui pendouillait le long de son corps lui avait transmis une douleur vive qui lui donnait presque envie de pleurer. Mais l'heure n'était pas aux jérémiades. Il prit tout son courage à deux mains et pénétra du pas le plus égal qu'il pouvait se permettre dans la salle.
Son maître comprit d'un coup d'oeil. Il fixa des yeux rendus démesurément plus grands par la colère son serviteur, qui s'inclina en tremblant. Puis le Honinbo poussa un cri fabuleux qui parut faire trembler les murs de l'édifice de glace. Lézard avait peur que le palais ne se brise. Mais ce fut le trône qui reçut la fureur du maître des lieux. Il se fissura à plusieurs endroits avant d'exploser violemment en projetant des éclats acérés d'ivoire à travers toute la pièce. Lézard se protégea du mieux qu'il pouvait avec sa main encore vaillante.
- MISERABLE RENARD ! brailla son maître, qui effraya les Grouke et les Yuke présents.
Il contempla son serviteur qui avait beaucoup de mal à ne pas s'écrouler de douleur et de fatigue. Le Honinbo se rapprocha doucement et lui prit une mèche de cheveux d'un geste presque tendre. Lézard s'attendait au pire.
- Ma pauvre petite poupée, sussura-t-il d'une voix suave, il t'a tout abîmé... mon petit Lézard...
Il lui lécha la joue, là où un éclat avait ouvert une petite plaie bénigne. Lézard frissonna malgré lui.
- Je...
- Il va le payer, ce vermisseau... car bientôt... oui, bientôt !
Et son rire fou et cruel résonna dans le palais, pour la centième fois peut-être.
A suivre...
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Ouf ! J'étais tellement frustrées de ne pas avoir montré Akira et Hikaru que j'ai écrit ce chapitre presque d'une traite, le lendemain après avoir fini et publié le chapitre 4 ! Un record chez moi !
Enfin, j'espère que ça plaira. L'histoire se dévoile un peu, avec le passé d'Akira... et Hikaru pointe le bout de son nez (il était temps ! me direz-vous...).
Merci de votre fidélité et à la prochaine !
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(1) C'est vrai ! La version française a gardé les prénoms de Hikaru et d'Akira, mais en fait ils s'appellent par leur nom de famille, comme tous bons japonais polis !
(2) Illusion créée par des créatures pour faire croire qu'elles sont humaines. Je crois que c'est beaucoup utilisé en jeu de rôle.
