Titre : Un dieu cruel nous regarde
Auteur : Mokoshna
Manga : Hikaru no Go
Crédits : Le manga Hikaru no Go appartient à qui revient de droit, c'est-à-dire principalement ses auteurs, Yumi Hotta et Takeshi Obata. Pas à moi, donc (boude).
Avertissements : Totalement AU (Alternate Universe), Spoilers de la fin du manga (tout pleins en fait), personnages complètement OOC (Out Of Character), Yaoi à un moment, pas tout de suite mais ça va venir. Merci de me faire part de vos impressions si le cœur vous en dit (sauf si c'est pour vous plaindre que c'est du yaoi, ça non).
Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Bon, on va dire ce qui est : j'ai passé des heures à m'abîmer les yeux sur un écran pour lire des scanlations et rechercher des citations sur un manga sur des joueurs de go un peu fanatiques; suite de quoi, j'ai passé des heures à m'abîmer le cerveau pour écrire des trucs sur des joueurs de go. Et en plus c'est vraiment n'importe quoi. J'ai une vie parfaitement saine et équilibrée, merci.
Le titre est tiré d'un manga yaoi que je n'ai jamais lu mais dont j'ai entendu parler. J'ai aimé le titre, j'ai voulu le réutiliser un jour, et voilà. Fascinant, n'est-ce pas ? Les citations de début sont (souvent) des traductions-maison des scanlations, donc c'est pas toujours terrible et ça ne ressemble pas forcément à la version française, que je n'ai pas sous la main, désolée.
L'histoire en est à ses balbutiements. Je ne sais pas trop où je vais, et c'est déjà très bizarre... je pense qu'elle mettra un peu de temps à se mettre en place.
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Interlude 1 : Akari Fujisaki
- Akari ! On va être en retard !
- J'arrive !
La jeune fille saisit promptement son lecteur mp3 et se précipita au rez-de-chaussée, où l'attendaient ses amis du club de go. Elle leur fit un bref « bonjour » en passant et ils s'acheminèrent ensemble vers la Nihon-Ki-In, où devait se dérouler le quatorzième Tournoi des Jeunes Lions. Ils durent attendre un long moment à la station où ils devaient prendre leur train, à cause de travaux sur la ligne qui avait ralenti la circulation depuis une semaine.
- Tu es sûre qu'on peut y aller ? demanda anxieusement Akane Katsuragi, une jeune fille timide qu'elle avait rencontré lors de sa première année de lycée. Je croyais que c'était un événement privé.
- Ca va aller, fit-elle confiante, j'en ai déjà parlé à Hikaru qui a lui-même demandé aux organisateurs. Cette année, spécialement, on peut y aller, à condition qu'on ne dérange personne et qu'on reste pas trop longtemps. On peut juste assister aux deux premières rondes.
- Quelle chance tu as, de connaître un pro ! fit avec envie Yukito Hibiki, un première année qui venait juste de s'enrôler dans leur club scolaire. Il est assez connu dans le milieu, je crois...
- Toi, tu as encore lu le Go Weekly ! affirma en ricanant Satsuki Aizawa, la quatrième membre. Tu crois devenir meilleur en lisant les exploits des pros ?
- Oh toi, ça va, hein ! J'arrive à te battre une fois sur trois !
- Avec un handicap de trois pierres !
- Allons, allons, intervint Akari en les séparant, ce n'est rien... vous devriez profiter de la journée au lieu de vous disputer.
- Akari a raison, approuva Kumoko Tsuda, sa meilleure amie depuis le collège, songez plutôt à la chance que nous avons ! Nous allons voir jouer des pros ! Et Shindou !
- C'est vrai, fit Yukito en sifflant. Je suis un vrai fan de ce type ! Vous saviez qu'il est devenu pro à peine deux ans après avoir commencé le go ? C'est un vrai génie !
- Evidemment qu'ils le savent, banane, Fujisaki et Tsuda ont été dans le même club de go que lui ! Et Fujisaki a même failli sortir avec, n'est-ce pas sempai ?
- Euh, ce n'est pas... rougit l'intéressée.
- De quoi je me mêle, Miss Je-sais-tout ?
- Tu t'es pas vu, otaku du go ?
- T'as dit quoi ?
- Hibiki ! Aizawa !
Yukito se détourna du groupe avec une moue.
- Pourquoi je suis le seul mec ? Quelle plaie !
- Désolée, mais Mitani avait un rendez-vous avec Kaneko et Tsume avait son job.
- Ouais ben résultat, je me retrouve seul avec quatre filles !
- Y'a pas à dire, t'es vraiment bizarre, dit Satsuki. Beaucoup de garçons paieraient pour avoir la chance de passer toute une journée avec quatre filles superbes !
- J'espère que tu parles pas de toi, parce que dans ce cas-là c'est plutôt moi qui devrait être payé...
- COMENT ! REPETE CA SI TU L'OSES !
- Allons, allons... dut encore intervenir Akari.
Elle commençait à avoir l'habitude, vraiment. Le club de go du lycée Haze était encore plus explosif qu'au collège depuis que Yukito et Satsuki s'étaient joint à eux. Akari repensa avec nostalgie à ses années de collège, où le couple le plus remuant était Mitani et Kaneko. Et dire qu'ils sortaient maintenant ensemble ! Elle se mit à pousser un petit rire.
- Qu'est-ce qui te fait rire, Akari ? demanda Kumoko.
- C'est rien, je me disais juste que Hibiki et Aizawa ressemblaient beaucoup à Mitani et Kaneko il y a quelques années.
- Sempai m'en a parlé ! intervint Akane avec enthousiasme. Elle m'a dit qu'elle était tellement timide qu'elle arrêtait pas de chercher la petite bête à Mitani-sempai, alors qu'en fait elle avait eu le coup de foudre ! Et maintenant, ils sortent ensemble ! C'est tellement romantique !
- HE ! protestèrent ensemble Yukito et Satsuki.
Les trois autres filles rirent de bon coeur en voyant leur mine dégoûtée. Le train arrivait lentement en gare.
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- Akari ! C'est ta chance ! s'exclama Kumoko en lui prenant la main. Shindou a enfin gagné contre Touya !
- Je ne sais pas, Kumoko...
Akari vit comme à travers un voile Hikaru se lever et discuter avec ses amis de la partie qu'il venait de gagner contre son rival de toujours, Akira Touya. La jeune fille avait appris de la bouche de son ami d'enfance que celui-ci rencontrait Touya dès la seconde ronde. Tous attendaient avec impatience le résultat de cette confrontation. Quant à Akari, elle s'était jurée de révéler enfin ses sentiments à Hikaru si jamais celui-ci gagnait sa partie. Une sorte de célébration de la victoire, et Kumoko l'avait si bien encouragée (épaulée par Kaneko qui s'était désespérée de ne pas avoir pu venir, mais Mitani n'avait toujours pas pardonné à Hikaru son départ du club de go du collège et l'évitait comme la peste), qu'elle n'avait eu d'autre choix que d'accepter leurs conditions. Mais maintenant qu'elle était mise devant les faits, elle n'était plus si sûre d'elle...
- Je ne sais pas s'il éprouve la même chose...
- Bien sûr ! Crois-moi, Kaneko et moi nous vous observons à chaque fois que vous êtes ensemble. Il y a quelque chose !
- Evidemment qu'il y a quelque chose ! Kumoko, je connais Hikaru depuis que j'ai trois mois ! Nos mères ont changé nos couche-culottes ensemble !
- Raison de plus ! Vous étiez fait l'un pour l'autre depuis toujours !
- Tu crois ?
- Puisque je te le dis ? Et puis ce n'est pas toi qui a décidé de commencer le go pour le suivre ? Et regarde où on en est maintenant ! On arrive en finale contre Kaio !
Akari secoua la tête en soupirant. La file de personne autour de Hikaru s'était encore gonflée et elle n'arrivait même plus à distinguer ses mèches blondes parmi l'entassement de corps qui s'interposaient entre elle et lui. Elle avait l'impression de voir l'image grandeur nature de sa relation avec lui : ils avaient beau être proches physiquement (elle habitait quand même à côté de chez lui!) un gouffre irrémédiable, de gens, d'intérêts communs les séparait et rendait leur rencontre plus hasardeuse de jour en jour. Hikaru devenait un étranger pour elle. A la réflexion, il avait déjà commencé à se séparer d'elle depuis le collège, depuis qu'il était devenu Insei. Ils ne se voyaient plus guère, ne parlaient plus que de go, qui était devenu la passion, la vie même de son ami. Elle n'avait aucune chance de le rejoindre à ce niveau-là, quels que soient les efforts qu'elle puisse fournir ; elle avait pourtant essayé de toutes ses forces, prenant même des cours de go après l'école... mais cela ne suffisait plus. Hikaru n'était déjà plus à sa portée.
- C'est inutile, soupira-t-elle sur un ton amer. Je ne peux plus le rattraper.
- De quoi est-ce que tu parles ?
- Son go ! Il est déjà à tel un tel niveau que je pourrais jouer pendant mille ans que ça ne suffirait pas !
- Mais qui te parle de go ? fit Kumoko avec exaspération. Je te parle de sentiments ! D'amour ! Qu'est-ce que le go a à voir là-dedans ?
- Avec Hikaru, ça a tout à voir, justement !
Kumoko secoua la tête.
- Je ne peux pas croire qu'il soit obsédé à ce point. Et puis, même si c'était le cas, t'es une fille, et qui plus est la fille qu'il aime, même s'il ne le sait pas encore consciemment. Avec Kaneko, on a bien vu ça.
- Vous êtes sûres ?
- Il est super gentil avec toi, il y a une bonne atmosphère entre vous, et tu es une fille et lui un garçon ! Que demander de plus ?
Akari ne prit pas la peine de répondre. Elle venait d'apercevoir Akira Touya, l'adversaire de Hikaru, et celui-ci lançait des regards ardents à son rival, comme s'il voulait le tuer d'un seul coup d'oeil. Il avait les poings crispés et les dents serrées jusqu'au sang, par la rage semblait-il ; mais Akari n'en était pas si sûre... car qui mieux qu'elle pouvait ressentir ce que Touya pensait à l'instant ?
Il est en train de me dépasser, fit-elle en fixant le jeune homme qu'elle considérait comme son rival, bien qu'il n'en sache rien et ne le saura probablement jamais, si je ne fais rien il me laissera en arrière, sans un regard pour moi... Pas question ! Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu ne m'oublies jamais ! Je te poursuivrais tellement fort que tu seras obligé de te retourner en entendant mes pas ! C'est ce que tu te dis, n'est-ce pas, Touya ?
- Je rentre, fit-elle brusquement à son amie.
- Quoi ? Mais et Shindou ?
Hikaru venait de s'arrêter devant un gros bonhomme avec un éventail et s'inclinait à présent devant lui. Son vis-à-vis, bien que surpris, parut très satisfait mais déjà le joueur de go s'éloignait, sous les murmures étonnés des spectateurs. Akari vit Touya se précipiter à sa suite dans l'ascenseur, dont la porte se referma sur eux dans un tintement harmonieux. Elle leur fit un sourire d'encouragement.
- Bonne chance, vous deux. Et Hikaru, sois heureux.
Elle s'éloigna malgré les appels indécis de Kumoko. La journée était presque finie, et elle devait encore s'occuper de faire ses devoirs. Elle passerait peut-être au cours de go du quartier ; le professeur faisait partie du groupe de discussion de Hikaru et lui donnait régulièrement des nouvelles de ses progrès. Elle décida qu'elle ne lui demanderait plus rien à ce sujet ; après tout, Hikaru n'était maintenant plus pour elle et ce n'était pas son genre de courir après les garçons déjà pris (c'était d'ailleurs pour ça qu'elle avait renoncé à Mitani après qu'elle ait vu à quel point Kaneko tenait à lui).
Ce fut le cri d'horreur d'Akane, facilement reconnaissable à ses vrilles stridentes qui vous assourdissaient les tympans, qui la fit se retourner à cet instant, juste à temps pour voir une vague lumineuse intense engloutir le ciel et l'air.
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Akari se réveilla en gémissant. Tout son corps lui faisait mal. Sa gorge était un sol rocailleux, rempli de poussière et tout aussi sec. Sa tête était battue par les des coups assourdissants qui la faisaient presque sursauter par leur violence. Elle voulut mettre sa main sur son front, mais au bout d'une minute elle s'aperçut avec horreur que celle-ci n'avait pas bougé, qu'elle n'arrivait même plus à la sentir ! Et pourquoi n'arrivait-elle pas à ouvrir les yeux ? Elle n'entendait rien !
- Ca va aller, fit une voix apaisante qu'elle ressentit sans vraiment l'entendre, il ne peut plus rien vous arriver de mal.
- Qui... ? Où suis-je ? Maman ! Hikaru !
- Je suis désolé, continua la voix, ils ne peuvent pas vous répondre. Mais je suis là. Je ne vous laisserai pas.
- Qui êtes-vous ? fit-elle désespérément, et elle ne remarqua même pas qu'elle n'avait pas émis un son depuis que cette mystérieuse voix s'était adressée à elle. Où sont ma famille et mes amis ? Pourquoi est-ce que je ne sens plus mes membres ? Et j'ai mal...
- Je vous ai trouvé dans les ruines, lui répondit la voix. Je ne sais pas où sont ceux que vous cherchez, mais vous vous êtes en vie, et cela est une bénédiction en soit.
- En vie ? Que voulez-vous dire ? Qu'est-il arrivé ?
- Reposez-vous, je reviendrai vous voir d'ici quelques heures.
- Attendez !
Mais elle sombrait déjà dans un sommeil sans rêves.
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- Tu aurais dû voir ça, Akari, fit-il en riant, cet imbécile de parasite qui me suppliait de lui laisser la vie sauve ! Comme s'ils avaient éprouvé la moindre pitié envers Maya et Heiwij !
Akari fit un vague sourire sans joie à son interlocuteur. Lewan, c'était sous ce nom que s'était présenté son hôte et la voix qui l'avait accueilli à son réveil. Elle ne savait pas exactement depuis combien de temps elle vivait ainsi ; lorsqu'elle s'était réveillée, elle était si mal en point qu'elle avait cru mourir plus d'une fois. A présent, elle avait retrouvé le fonctionnement de son oreille droite et d'une partie de sa voix, mais son oreille gauche avait été arrachée et le tympan crevé sans espoir de salut, ses yeux n'étaient plus que deux orbites vides qu'elle s'était empressée de recouvrir d'un bandeau et elle avait encore beaucoup de mal à articuler correctement. Lewan discutait avec elle par télépathie ; il l'avait installée de telle sorte qu'elle ne se blesse pas en bougeant (elle avait eu la jambe droite écrasée par un pilier et une partie de ses doigts et de ses orteils manquaient). Elle en aurait pleuré, si elle avait encore pu. Le désespoir qui l'avait assailli après qu'elle ait appris l'état pitoyable dans lequel elle était avait été si grand qu'elle avait bien failli tout abandonner pour se laisser mourir. Mais Lewan l'avait soutenu ; il s'était montré extrêmement patient et l'avait aidé, petit à petit et sans se plaindre, à guérir.
- Ca ne va pas ? demanda son ami en la voyant esquisser un soupir. Tu as mal quelque part ?
- Non, ce n'est pas ça, lui répondit-elle par la pensée, comme il lui avait appris à le faire, je suis juste un peu fatiguée... Dis-moi, et tes recherches ?
- Rien du tout, dit-il d'une voix tremblotante. Je suis désolé...
- Tu n'y es pour rien, fit-elle rassurante, si je suis la seule à avoir survécu... la seule.
Lewan lui avait vaguement raconté ce qui s'était passé, lorsqu'il avait vu qu'elle était prête à l'entendre. Mais même après tout ce temps, elle avait encore beaucoup de mal à l'admettre...
Il lui avait d'abord dit que la Terre, sa planète, avait été dévastée par une pluie de météorites qui avait presque annihilé toute vie, et qu'elle avait miraculeusement survécu... Ca, elle voulait bien le croire, mais alors qui était Lewan et ceux qu'il connaissait et qu'il disait être les siens ? Puis il lui avait peu à peu présenté une version plus complète des choses : ces météorites, c'était en fait des vaisseaux extra-terrestres qui s'étaient écrasé sur Terre par accident, à cause d'une erreur de manipulation de l'ordinateur de bord. Lui et les siens faisaient partie des serviteurs des véritables occupants des vaisseaux, ses maîtres qui se battaient là-haut... Là-haut ?
Ce fut ainsi qu'Akari, à force de patience et de questions pressantes, arracha toute l'histoire. Lewan se montrait on ne peut plus réticent à la lui divulguer : et comment lui en vouloir, quand on savait quel rôle il avait joué dans ce désastre ?
- Des immigrants, se rappelait-elle à elle-même pour se distraire à chaque fois que Lewan la laissait seule, toute une flotte d'enfants immigrants, venant d'une lointaine planète envahie par une race cruelle de conquérants... bien sûr, leurs parents ont voulu au moins sauver les enfants, alors ils les ont envoyé ailleurs, n'est-ce pas ? Sur une planète hospitalière qui aurait pu les accueillir, s'occuper d'eux là où ils ne le pouvaient plus... alors qu'ils restaient, pour mourir sous les coups de leurs agresseurs... alors que leurs enfants s'écrasaient sur ma planète... On dirait un mauvais scénario de science-fiction !
- C'était de notre faute, ne cessait de répéter Lewan, nous n'avions pas compté avec l'état instable de votre soleil... tout avait été calculé ! Nous voulions juste contacter vos dirigeants, et quel meilleur moyen que dans vos concentrations démographiques ? Les villes étaient parfaites. Tout avait été prévu. Nous devions atterrir en douceur, mais il a suffit d'une explosion... une seule explosion solaire, et voilà nos ordinateurs de bord qui s'affolent et qui précipitent les vaisseaux à toute vitesse sur la surface de votre planète ! Nous avons dû actionner nos barrières de défense à toute vitesse, et malgré cela il y a eu beaucoup de pertes parmi nous... mais comment pouvions-nous savoir que vous n'aviez pas encore la technologie nécessaire pour vous défendre ?
- ASSASSINS !hurlait-elle parfois devant lui, lorsqu'elle se sentait particulièrement seule et désespérée.Tu as tué ma planète. Tu as tué les miens. Rends-moi ma famille. Rends-moi ma vie !
- Je ne peux pas, répondait-il alors, et même si je le pouvais je ne le ferais pas. Il n'y a pas que ta vie en jeu, Akari.
- Je ne comprends pas, faisait-elle en pleurant intérieurement, pourquoi ?
- C'est Sai qui décide, et s'il ne le fait pas...
- Sai ?
- Notre chef militaire. Nous suivons ses ordres. Il nous mènera à la victoire.
- Je ne comprends rien, Lewan...
- Dors, Akari, et ne t'en fais plus... Je veillerai sur toi, toujours.
Et elle sombrait à chaque fois dans un sommeil sans rêves.
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Elle arrivait à marcher un petit peu. Lewan lui avait installé une prothèse qui fonctionnait étonnamment bien, grâce à la technologie de son peuple. Mais elle avait quand même eu un peu de mal les premiers temps. Lewan la gardait dans son antre, bien en-dessous de la surface terrestre qui avait été ravagée par les explosions et qui de plus était le lieu d'affrontements entre les enfants survivants et leurs ennemis. Akari ne comprenait pas grand-chose à ce qui se passait au-dessus de sa tête et bien franchement, elle préférait ne rien savoir. Rester en vie était déjà bien assez douloureux pour elle ; en outre, elle se rendait compte des efforts embarrassés de Lewan à son encontre. Le pauvre garçon (et l'avait cataloguée du sexe masculin par défaut, bien qu'elle ne sache pas vraiment ce qu'il était) s'efforçait de lui plaire et de satisfaire ses moindres désirs, sans doute par honte et culpabilité. Akari avait appris que le peuple de Lewan était une race asservie depuis la nuit des temps à ceux des enfants que transportaient les vaisseaux ; ils le faisaient de leur plein gré, parce qu'ils aimaient sincèrement les enfants et avaient tenus à les accompagner pour veiller sur eux. C'était une race de télépathes et de scientifiques : les vaisseaux qui avaient emmenés leurs maîtres étaient leur création et ils en étaient les pilotes attitrés. C'est pourquoi il arrivait très souvent à Lewan de s'absenter un long moment en surface pour aller se battre. Akari craignait à chacun de ses raids que ce ne soit son dernier ; et que ferait-elle, toute seule, s'il ne revenait pas ? Qui la nourrirrai, la laverai, lui tiendrai compagnie ? Qui l'empêcherai de sombrer dans sa douleur et sa solitude ?
- Aujourd'hui, nous avons récupéré la France, dit-il avec enthousiasme. Il lui racontait souvent les avancées de son camp. Le général Sai est un très grand stratège. Nous récupérerons ta planète sans tarder, grâce à ses instructions.
Généralement, elle se contentait de hocher la tête sans l'écouter, ce qu'elle fit comme d'habitude. Cela ne décourageait pas Lewan qui continuait à déblatérer.
- La petite Gaïa n'arrête pas de parler de lui. Je crois qu'elle en est un peu amoureuse. C'est mignon.
Grognement sourd d'Akari, qui avait particulièrement de mal à remuer les doigts artificiels de sa main droite. Elle réussit néanmoins à lever le petit doigt au prix d'un effort prolongé qui lui arracha un cri de douleur.
- Rezo est un peu jaloux... mais je n'arrive pas à savoir de qui, de Sai ou de Gaïa... peut-être même des deux, qui sait ? Mais alors Sai lui parle de son Touya, et...
Akari lâcha la brindille qu'elle avait enfin réussi à saisir au bout de quinze essais infructueux et tourna vivement sa tête en direction de l'endroit où elle devinait qu'était Lewan. Celui-ci émit une onde de confusion dans les pensées qu'il envoyait à la jeune fille.
- Touya ?
- Oui, fit-il perplexe, c'est un nom qui revient souvent dans la bouche de Sai. Mais il ne m'a jamais rien dit à ce sujet. Je suppose qu'il s'agit de son aimé.
- C'est impossible...
- Akari ?
Elle secoua énergiquement la tête, chassant les souvenirs doux-amers qui venaient de l'assaillir sans crier gare. Elle leva les yeux vers son ami et lui fit un énorme sourire un peu forcé.
- Ce n'est rien, insista-t-elle. Tu as vu ? J'arrive enfin à saisir quelque chose avec ces doigts !
- C'est très bien, lui répondit Lewan en hésitant, mais tu étais en train de...
- Lewan, tu ne me quitteras jamais, n'est-ce pas ?
- Si cela est en mon pouvoir, non. J'ai juré de veiller sur toi.
- Oui. Tu as juré...
- Je sais ce que tu penses, répliqua-t-il sur un ton qui n'acceptait pas le doute, mais ce n'est pas seulement par devoir que je fais cela. Je tiens vraiment à toi, Akari.
- Menteur...
- C'est faux. Je saurais bien te prouver le contraire.
- Menteur.
- Je ne suis pas ce Hikaru.
- Tu... tu as fouillé dans mes pensées ! s'indigna la jeune fille.
- Je t'ai promis que je ne ferais jamais cela. Mais il t'arrive très souvent de dire son nom dans tes pensées de surface. Elles sont toujours très intenses, alors...
- Peu importe. Il est mort.
- Pourtant...
- Et puis, ce n'est pas comme si j'avais jamais eu la moindre chance, fit-elle en riant tristement. Il en aimait un autre.
- Oh.
- Je regrette seulement qu'ils soient morts si tôt... ils n'ont jamais eu l'occasion de s'avouer leurs sentiments, à vrai dire. Ou s'ils ont eu le temps, juste après qu'ils soient partis du tournoi... ils n'auraient pas pu en profiter...
- Akari, tu pleures...
- Bien sûr que non, idiot, je ne peux plus verser de larmes...
- Je ne parlais pas de tes yeux...
Il la prit dans ses bras, longtemps, longtemps. Elle n'avait jamais été aussi bien depuis qu'elle était toute petite et que sa mère venait la consoler après un cauchemar. Lewan lui embrassa tendrement le front et elle sentit ses problèmes s'évaporer comme par magie. Elle s'endormit.
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- C'est mon tour de monter sur ses genoux !
- Non ! C'est à moi !
- Hikaru ! Akira ! Arrêtez de vous battre, vous fatiguez votre mère !
Akari ne put s'empêcher de rire en entendant ses enfants se chamailler pour savoir qui des deux monterait sur ses genoux pour leur traditionnelle histoire du soir. Dieux, comme elle aimait sa famille ! Elle sourit à Lewan qui avait l'air débordé.
- Laisse, je peux bien les prendre tous les deux pour une fois.
- Mais...
- Ne t'en fais pas, je ne suis pas en verre. En tout cas, plus maintenant.
Et c'était vrai. La jeune fille s'était admirablement remise grâce aux soins et à l'affection de Lewan et arrivait à accomplir des tâches ordinaires sans problème. Elle avait épousé Lewan et avait eu deux beaux enfants, une fille et un garçon, qu'elle avait appelé Hikaru et Akira. Ils étaient encore petits, et pourtant cela faisait presque une vingtaine d'années qu'ils étaient nés... Lewan lui avait dit que c'était parce qu'ils avaient hérités de sa longévité et donc du rythme de croissance de son peuple. Pour sa part, Akari atteignait presque la quarantaine ; son mari avait voulu allonger artificiellement sa vie mais elle avait refusé avec la dernière énergie.
- Je suis humaine, avait-elle dit simplement, et je tiens à le rester jusqu'au bout. Même si je ne dois jamais voir mes enfants grandir...
Lewan avait respecté sa volonté, bien que cela le remplissait d'une tristesse sourde. Ni Hikaru ni Akira ne connaissaient le problème de leur mère, même si l'aînée avait fait remarquer récemment les rides profondes qui commençaient à barrer le front de sa mère... Akari avait contourné le sujet en lui proposant une partie de go, que la petite fille avait accepté avec joie. Elle adorait le go et y jouait le plus souvent possible ; avec un peu de chance, et vu son talent naturel, elle serait peut-être choisie dans l'école de go qu'avait ouverte Sai après la guerre. Akari était très fière de sa fille.
Ils n'avaient jamais révélé les origines humaines de leur mère aux enfants, ni à qui que ce soit d'ailleurs. L'humanité était une race presque éteinte et les dirigeants avaient beaucoup de mal à la faire renaître ; qui savait ce qu'ils auraient décidé de faire d'Akari et de ses enfants s'ils avaient su... mais ils étaient relativement en sécurité, dans leur demeure à l'écart du monde. Rezo, qui était l'ami et le protecteur de Lewan ainsi que l'un des dieux les plus influents, avait personnellement veillé à ce qu'ils soient tranquilles. Hikaru et Akira avaient été présentés comme les créations artificielles de Lewan, ce qui n'était pas si rare en cette période de reconstruction et de repeuplement.
- Au fait, nous avons fini de recréer les animaux, dit-il à sa femme qui jouait paisiblement avec Akira. D'ici quelques mois le continent principal devrait les voir courir sur son sol.
- C'est merveilleux, fit Akari en joignant les mains, comme ça les humains pourront de nouveau habiter ce monde...
- Je ne sais pas, fit pensivement Lewan, ça prendra sans doute plus de temps... ce n'est qu'un test, la végétation n'est pas encore très stable.
- Mais vous y arriverez, n'est-ce pas ? J'ai confiance.
- Je l'espère. Mais Rezo m'a parlé d'un drôle de projet... des créatures.
- Des créatures ? Quel genre de créatures ?
- Va savoir. C'est lui qui a fait toutes ces recherches sur la faune terrienne. Moi, je ne fais que travailler sous ses ordres.
Akari secoua la tête.
- Je ne pense pas que ça soit dangereux. Rezo est quelqu'un de bien.
- Tu as sans doute raison...
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- Grande soeur ? Tu es là ?
Hikaru leva les yeux du rapport sur lequel elle travaillait depuis presque cinq lunes. Son frère se tenait dans l'encadrement de la porte de son bureau, l'air content de lui.
- Akira ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Ca y est ! Je suis en classe 1 !
Elle sourit doucement. Contrairement à elle qui avait dû prendre la place de son père et travailler auprès de Rezo pour survivre, Akira ne s'était jamais résolu à abandonner le go bien qu'il soit moins doué que sa soeur aînée. Durant des années, il avait peiné en classe 2 dans le cours de Maître Sai, parmi les plus minables de sa classe. Sa soeur enviait secrètement sa volonté et faisait tout pour l'aider à progresser, quitte à passer de longues heures à jouer avec lui après une journée harassante de travail.
- Tu te rends compte ! En classe 1 !
- Papa serait fou de joie, sourit-elle fièrement. S'il n'avait pas eu cet accident, il serait déjà là à te féliciter...
- Et maman ? Tu crois qu'elle serait fière aussi ?
- Bien sûr ! Papa n'arrêtait pas de nous répéter à quel point elle aimait le go.
Son frère s'assit à ses côtés, l'air songeur. Sa fièvre de tantôt avait l'air d'être retombée.
- Tu te souviens d'elle ? Papa n'arrêtait pas de dire qu'elle était la plus belle femme qu'il ait jamais rencontré.
- Papa disait ça de moi aussi, tu sais.
- Oui, mais... je ne sais pas, j'aurais tellement voulu me souvenir d'elle. Elle est morte si vite...
- Au moins, elle est morte heureuse, dit-elle avec compassion, et puis ce n'était peut-être pas plus mal, après sa longue souffrance... la maladie avait complètement ridé la surface de sa peau et avait blanchi ses cheveux...
Akira soupira tristement. Contrairement à sa soeur, il n'avait aucun souvenir de sa mère qui était morte alors qu'il était encore très jeune. Il passa ses longs doigts griffus dans ses cheveux noirs, manie qu'il avait acquise lorsqu'il était troublé.
- Et toi, ça avance dans ton travail ? fit-il en changeant de sujet de conversation.
- Couci-couça, et elle s'affala dans son fauteuil en disant cela, comme d'habitude. On soumet un compromis, les partisans humanistes râlent, on soumet un autre compromis, les créatures râlent, et à la fin on en est au même point que lorsqu'on avait commencé, sauf que depuis des jours ont passé. C'est désespérant.
- Et que dis Rezo ?
- Pas grand-chose, vu sa position. Mais bon, ne va pas le répéter, mais il est plutôt du côté des créatures, à vrai dire.
- Tu m'étonnes ! C'est lui qui les a créées ! C'est normal qu'il les favorise !
Hikaru lui fit un sourire carnassier qui montra ses longues dents pointues. Son frère remarqua que le bout de ses oreilles effilées tremblaient un peu, signe qu'elle était excitée.
- Tu sais quoi ? Je suis d'accord avec lui. Après tout, c'est grâce à nous que les humains peuvent encore vivre, et en plus il faudrait leur céder cette planète que nous avons eu tant de mal à reconstruire ? Je veux dire, nous avons recréé la faune et la flore, nous avons reconstruit des villes et réappris à ces stupides humains à cultiver la terre et se servir de leur minable main à cinq doigts (et ce faisant elle scruta avec orgueil sa propre main gauche, qui se finissait en sept longs doigts griffus). Pourquoi tout leur donner, alors que nous sommes bien plus puissants et méritants ?
- Tu n'es pas sérieuse, protesta son frère. Papa disait...
- Papa n'avait plus toute sa tête depuis la mort de maman, cracha-t-elle d'un air cruel. Heureusement, le seigneur Rezo n'est pas comme ça.
Akira détourna son regard. Contrairement à sa soeur qui avait un caractère très fort, il était plutôt du genre tranquille et détestait se battre pour autre chose que le go. Il n'arrivait pas à comprendre l'animosité qu'éprouvait Rezo envers les humains, animosité qu'il avait passé à Hikaru depuis que le frère et la soeur avaient été adoptés par lui. Pourtant, leur père, Lewan, était un partisan acharné de la condition humaine, leur répétant sans cesse que la Terre leur appartenait de droit. Akira savait que Hikaru lui en avait voulu pour cela. Elle qui était si fière de servir les dieux, ne pourrait jamais se résoudre à respecter cette race inférieure. Akira ne savait pas trop pourquoi, mais cela lui faisait énormément de peine, bien qu'il n'en dise rien.
- Laissons cela, fit sa soeur, maintenant que tu es en classe 1, il faut fêter ça ! Et qui sait ? Tu pourras peut-être enfin me présenter Maître Sai ? Il paraît qu'il est d'une beauté à couper le souffle !
- Grande soeur !
- Quoi ? Tu ne peux pas en vouloir à ta grande soeur célibataire qui a passé le plus clair de son temps à élever son petit frère de chercher à se créer des opportunités ! Crois-moi, quand tu auras mon âge...
- Arrête. Tu n'es pas vieille. A peine quoi ? Sept cent, huit cent ans ?
- C'est ça. Moque-toi. Je comptais t'inviter à dîner, mais puisque je suis trop vieille...
- Ah ! Une jolie jeune fille toute fraîche !
- Gna, gna...
Hikaru repoussa du bras son frère qui cherchait à lui faire une prise. Ils avaient toujours eu l'habitude de régler leurs conflits en se chamaillant comme deux jeunes chiots. Et comme d'habitude, l'aîné remporta la bataille. Ils sortirent du bureau en riant et en discutant vivement, ayant déjà oublié leur différend. Akira souriait de toutes ses dents.
Classe 1 !
A suivre...
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Bonjour à tous et merci d'avoir lu ce chapitre 7 qui n'en est pas un (de chapitre, vous suivez ? Enfin si, mais pas vraiment, enfin pas comme avant...) !
Pas de chapitre 7 donc, mais un plongeon dans le passé (très lointain) ! Les choses devraient être plus claires maintenant...
Encore merci à ceux qui m'ont laissé des reviews, ça fait toujours plaisir. J'espère que ce que je fais va continuer à vous plaire (s'incline bien bas).
Mokoshna.
