Titre : Un dieu cruel nous regarde
Auteur : Mokoshna
Manga : Hikaru no Go
Crédits : Le manga Hikaru no Go appartient à qui revient de droit, c'est-à-dire principalement ses auteurs, Yumi Hotta et Takeshi Obata. Pas à moi, donc (boude).
Avertissements : Totalement AU (Alternate Universe), Spoilers de la fin du manga (tout pleins en fait), personnages complètement OOC (Out Of Character), Yaoi à un moment, pas tout de suite mais ça va venir. Merci de me faire part de vos impressions si le cœur vous en dit (sauf si c'est pour vous plaindre que c'est du yaoi, ça non).
Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Bon, on va dire ce qui est : j'ai passé des heures à m'abîmer les yeux sur un écran pour lire des scanlations et rechercher des citations sur un manga sur des joueurs de go un peu fanatiques; suite de quoi, j'ai passé des heures à m'abîmer le cerveau pour écrire des trucs sur des joueurs de go. Et en plus c'est vraiment n'importe quoi. J'ai une vie parfaitement saine et équilibrée, merci.
Le titre est tiré d'un manga yaoi que je n'ai jamais lu mais dont j'ai entendu parler. J'ai aimé le titre, j'ai voulu le réutiliser un jour, et voilà. Fascinant, n'est-ce pas ? Les citations de début sont (souvent) des traductions-maison des scanlations, donc c'est pas toujours terrible et ça ne ressemble pas forcément à la version française, que je n'ai pas sous la main, désolée.
L'histoire en est à ses balbutiements. Je ne sais pas trop où je vais, et c'est déjà très bizarre... je pense qu'elle mettra un peu de temps à se mettre en place.
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Chapitre 7
Harry Paterson
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Akira : A l'intérieur de Hikaru, j'ai cru entrevoir l'ombre de Sai. Parfois, en toi, je crois voir l'ombre d'un autre, celui que je cherche depuis toujours.
Propos tenus par Akira Touya lors d'une partie contre Hikaru Shindou,
(Volume 17, chap.145)
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- Bon, on va faire simple, fit la créature noire qui était brusquement apparue à la porte du réfectoire en bousculant deux gardes et en ricanant d'horrible manière, lequel d'entre vous est Akira Touya ?
Cutter se rapprocha du nouveau venu et le toisa avec hostilité. Il était tout de noir vêtu, et cette peau dorée, ces oreilles pointues, sans parler de la longueur inhabituelle de ses membres tout en pointes et en piques...
- Un Austrien ? demanda-t-il à moitié pour lui, à moitié à la créature. Si loin dans le Nord ?
- Oh, un fin connaisseur, à ce que je vois. Un elfe noir... mais pas seulement, je me trompe ?
Et ce disant, son interlocuteur lui fit un clin d'oeil rempli de malice (du moins aux yeux de Cutter qui frémit d'énervement). Il attrapa une chaise à proximité et s'y cala bien confortablement en s'y balançant, les pieds sur une table qui n'avait pas valsé. Mylène se tenait prête à lui envoyer la sienne à la figure.
- Je suis Akira Touya, fit ce dernier en gardant quand même sa boule de feu allumée, qui me demande ?
- Ah ! Mais c'est que tu es joli garçon ! Et ce crétin de Yanshee qui me prédisait que tu serais moche comme un poux !
- Vous connaissiez mon maître ? intervint Lankee qui était resté à l'écart jusque-là.
- Ton maître... Yanshee ? Ca c'est la meilleure !
Il quitta son siège si rapidement qu'aucune des personnes présentes ne purent le suivre avant qu'il n'arrive à hauteur du jeune humain. Il prit le menton d'un Lankee tremblant et l'examina avec un sourire pervers, mais c'est à cet instant qu'il sentit une lame effilée lui effleurer le cou.
- Pas touche, Austrien, grogna Cutter à son encontre.
Il se contenta d'élargir davantage son sourire, avant de lâcher Lankee qui alla se réfugier derrière Cutter sans demander son reste. Mylène se mit de l'autre côté de l'étrange personnage tandis qu'Akira lui fit face, la plus formidable moue colérique qu'il possédait bien ancrée sur le visage. L'Austrien leva les bras en l'air en continuant de sourire béatement.
- Qui êtes-vous ?
- Comme tu as grandi, petit poussin ! Quelle autorité !
- Je répète, qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
- Mon poussin, rit doucement son interlocuteur, tu ne te souviens pas de moi ? Non, bien sûr, il n'y a pas de raison puisque tu n'étais pas né... Mais tu pourrais quand même être plus chaleureux.
Il haussa les épaules en soupirant exagérément. Le claquement de dents qui suivit fut nettement moins accueillant. Mylène et Cutter étaient sur le point de l'attaquer.
- Je veux dire, est-ce une façon d'accueillir celui qui t'a donné la vie ?
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- Alors, toujours rien de neuf ?
Harry leva les yeux vers le doc qui venait d'arriver doucement derrière lui. Son regard se voila et il essuya d'un revers de manche le coin de ses yeux.
- Non, rien, fit-il d'un air misérable. Elle reste là, sans bouger, c'est à peine si je l'entends respirer...
Le doc hocha la tête et mit sa main sur l'épaule tremblante du jeune homme.
- C'est assez délicat, murmura-t-il sans conviction, tu devrais peut-être aller te reposer un peu... je pense qu'elle est stabilisée pour le moment.
- La laisser toute seule ? Et si elle avait besoin de moi ?
- Ce ne sera pas le cas, j'y veillerais. Mais si tu restes ici sans bouger, tu t'effondreras avant elle, je te le garantis. Je parie que tu n'as rien mangé depuis hier soir, je me trompe ?
- Non, mais...
- Vas manger un morceau. Tu pourras toujours revenir tout de suite après. Je reste là.
Harry contempla de nouveau sa fiancée, prostrée dans son lit avec des lianes qui lui couvraient le corps. Bien sûr, il ne pouvait rien faire, bien sûr, le doc avait raison...
- Je serais de retour dans une demi-heure, finit-il par dire d'une voix lasse.
- Pas de problème. Bon appétit.
- Merci, doc.
- Je suis là pour ça, voyons.
La traversée des couloirs fut extrêmement pénible. Tous les regards étaient braqués sur lui ; le bruit s'était répandu comme une traînée de poudre que la fiancée du capitaine Paterson, qui était aussi la meilleure joueuse de go de la Tour, était entre la vie et la mort. Harry comprenait la raison de leur curiosité, mais cela ne les excusait en rien. Il ne répondit à aucune sollicitation timide de ses camarades et se dirigea d'un pas ferme vers le réfectoire. Il espérait qu'un plat chaud lui remonterait un peu le moral, ou tout du moins ferait partir ce goût pâteux de résine qu'il avait dans la bouche depuis son réveil... et depuis l'annonce du retour mouvementé de Lili, en fait. Aussi fut-il désagréablement surpris de trouver deux soldats à moitié assommés devant la cantine, et il entendit des cliquetis d'armes ainsi qu'un brouhaha de pensées confuses et furieuses lui envahir la tête. Il se précipita vers la voix la plus véhémente.
- AKIRA ! EST-CE QUE CA VA ? tonna-t-il à l'intention de son frère.
Celui-ci commençait à craquer sous l'assaut des multiples images mentales que lui assénait un télépathe d'un niveau ridiculement haut. Harry cambra son esprit et se joignit aux deux volontés qui s'affrontaient. Comme s'il avait besoin de ça en ce moment !
Il vit la scène de loin, comme si son esprit s'était détaché de son corps (ce qui était un peu le cas). Akira se tenait au centre de la large pièce, complètement recroquevillé sur lui-même. Il semblait souffrir horriblement, et le coeur de Harry se remplit d'une colère sourde à cette vue. Personne ne s'attaquait à un membre de sa famille sans en subir les conséquences !
Autour d'Akira, un vide immense se faisait, mais plus loin était empilé tout un amoncellement de meubles et de couverts, comme si l'espace autour du jeune Templier avait été débarrassé d'un coup de tornade ou quelque chose du genre. Connaissant Akira, c'est ce qui avait dû se passer (il était là à la naissance de celui-ci et avait bien vu ce qu'il était capable de faire lorsqu'il était particulièrement troublé, comme maintenant). D'ailleurs, un vent chancelant se levait par intermittence des pieds du jeune homme, s'enflait progressivement, retombait pour repartir de nouveau... Harry se concentra sur les autres personnes présentes.
La nouvelle recrue (Lan-quelque chose) se trouvait affalée misérablement dans un coin, un filet de sang perlant de son crâne. Il avait dû être assommé par la tempête qu'avait provoquée Akira... encore heureux qu'il ait juste déclenché ce vent et n'ait pas fait exploser la salle ! Par précaution, Harry mit précipitamment une barrière de glace par-dessus le dormeur, pour éviter qu'il ne se blesse davantage. C'était déjà une bonne chose de faite.
Mylène et Cutter se trouvaient en piteux état. L'Amazone venait de sortir d'une blessure grave et tentait tant bien que mal de rester debout ; elle avait tout un pan de son uniforme déchiré par la violence du combat qu'elle avait dû livrer avant son arrivée. Sa respiration se faisait laborieuse et une brève lecture de surface révéla au Templier qu'elle souffrait au moins à une dizaine d'endroits de son corps, sans parler qu'une côte avait sans doute transpercé un organe (il espérait que ce n'était pas un organe vital). Cutter avait le bras droit qui pendillait misérablement et une énorme entaille au torse qui virait au rouge brunâtre. Ca ne l'empêchait pas de se démener d'une main contre un étrange personnage noir grimaçant qui semblait tout droit sorti d'un cauchemar. Un Austrien !
Harry renforça encore plus ses barrières mentales. Si seulement il arrivait à trouver Akira dans l'embrouillamini de pensées qui s'agitaient dans la pièce ! Il croyait le saisir à chaque fois, et à chaque fois il lui échappait avec horreur, comme s'il avait peur d'être touché par lui... mais c'était absurde ! Il était son propre frère, il voulait seulement le protéger ! Et sa projection mentale n'arrêtait pas de se déplacer fébrilement dans le réfectoire, qui semblait fermé de l'intérieur par une force immense... l'Austrien ! Il le voyait, dans le tournoiement mouvant de couleurs qui englobaient la pièce, cette aura noire qui bloquait systématiquement tous les passages, poursuivait l'aura dorée chancelante de son frère, l'acculait progressivement vers un point précis, comme une cage de verre polie qui se refermerait sans pitié sur lui... jamais ! Il ne le laisserait pas faire !
Il se concentra de toutes ses forces sur les murs noirs qui bloquaient les sorties. Avant toute chose, il fallait se débarrasser des barrières, et peut-être de la cage... son esprit toucha le sol, aussi bien physique qu'astral, et un souffle glacé parcourut l'atmosphère, qui s'intensifia, gonfla démesurément... bientôt, un craquellement brutal sous lui révéla qu'une vague de glace venait de se former et prenait de l'ampleur. Le sol, les murs, le plafond même, tout se couvrit de glace brillante ; les pans noirs du mur furent entièrement recouverts et parurent perdre de leur teinte.
Mylène se mordit la lèvre et la langue jusqu'au sang ; toute cette glace, c'était sa mauvaise expérience de la veille qui revenait en force... elle eut un geste rageur et se mit à marteler de coups désespérés les murs, à l'endroit où se trouvait la porte avant l'intervention de Harry. Sa force colossale aidant, elle finit par briser la couche épaisse de glace, mais non sans ouvrir ses mains qui déversaient à présent à grosses gouttes du sang sur la surface blanche. Harry grimaça de douleur pour elle, mais son intervention brouillonne l'avait bien aidée, puisque sur le plan astral l'Amazone avait brisé en même temps que la glace la partie noire qui empêchait Akira de sortir. Celui-ci se précipita en sifflant vers l'extérieur.
Harry voulut le rattraper, mais ce fut alors que la masse noire reprit vie et se mit à l'attaquer. Il vit sur le plan physique que Cutter venait de se faire violemment projeter sur le mur et gisait par terre ; son bras blessé formait un angle inquiétant. L'Austrien se jetait sur lui ; Harry se prépara aussi bien physiquement que mentalement.
Le choc lui coupa le souffle. Il était d'une puissance incroyable ! Peut-être même du niveau de son père ! Il sentait son esprit craquer, et la pression qui était sur son corps était telle qu'il entendait ses os céder petit à petit, ses muscles n'arrivaient plus à supporter la pression qui s'exerçaient sur eux... Son adversaire lui planta un coup de genou dans le ventre, qui lui fit cracher une gorgée de sang noir. Il voyait ses dents aiguisées briller à travers la brume qui lui barrait les yeux. Les poings de l'Austrien étaient serrés autour des siens ; ses griffes s'enfoncèrent profondément dans la chair du Templier, malgré la présence de gants en cuir épais qui crissaient sans discontinuer... Harry sentit le liquide chaud couler le long de ses manches. Encore un peu, juste le temps que...
Les griffes s'extirpèrent d'un coup, et Harry fut libéré de la pression de son adversaire. Celui-ci voltigea en l'air jusqu'au mur suivant.
Le Commandeur venait d'arriver par l'ouverture qu'avait faite Mylène, et il avait l'air hors de lui.
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Un hurlement saisissant fit bondir le joueur de go et lever la tête du Kyuubi. Les petits dieux de la plaine, fidèles à eux-mêmes, disparurent sans demander leur reste, laissant leurs festivités en plan. Sai regarda autour de lui d'un air inquiet ; quelle créature pouvait bien produire un tel son ?
Puis il la vit, l'aura dorée qui semblait se rapprocher à toute vitesse, paniquée, affolée... Elle avait dû voyager de cette manière depuis des jours, hurlant à la mort et effrayant les créatures qui croisaient son passage. Elle semblait se diriger vers l'endroit que lui avaient indiqué les dieux de la plaine, cette forêt où se concentrait une forte aura de mort et de tristesse. Sai ne prit pas le temps de réfléchir et se jeta en avant, arrêtant net l'avancée de l'aura dorée qu'il attrapa prestement dans les mains, non sans se brûler un peu au passage. L'aura tressaillait entre ses doigts, rendue encore plus instable par la présence de cet obstacle d'un genre nouveau... Sai tint bon, et bientôt l'âme épuisée se calma et ne bougea presque plus. Sai ne la lâcha pas pour autant. Sakaki la renifla d'un air suspicieux.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en plissant les yeux. Une âme perdue ?
- Ca y ressemble, mais celle-ci est étrange... tu en as vu beaucoup, des âmes perdues qui poussent un tel hurlement et voyagent de cette manière ?
- Ca... elle peut provenir d'un être très puissant... mais si c'est le cas, je me demande ce qui a bien pu lui arriver. Et puis...
Il renifla plus fort, ses neuf queues troublées s'agitant au vent dans le désordre le plus total. Il eut un sursaut vif qui le fit inconsciemment reculer de quelques pas.
- Ca par exemple ! Mais je le connais !
- C'est vrai ?
- Mais oui ! C'est l'âme d'Akira Paterson !
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Harry se prit la tête entre les mains, l'air profondément malheureux. Il se trouvait de nouveau à l'infirmerie, mais cette fois il n'avait plus seulement une personne à veiller... Comment cela avait-il bien pu arriver ?
Cela faisait des semaines que Lili était rentrée plus morte que vive. Quelques jours après que son état se soit stabilisé, le doc lui avait annoncé qu'elle était tombée dans un profond coma qui pouvait durer indéfiniment... et à présent, elle était rejointe par Akira qui dormait paisiblement à côté d'elle. Ils avaient l'air tellement calmes, comme si rien de mal ne pouvait leur arriver. Harry aurait voulu en être aussi sûr.
La peste soit de cet Austrien ! Ils avaient recueilli les témoignages des trois autres personnes qui avaient assisté à son arrivée, de manière un peu confuse et retardée pour certains. Lankee avait été le premier à être disponible, malgré le mal de tête que lui avait donné le coup qu'il avait reçu, mais franchement il ne s'en sortait pas si mal. Le jeune humain avait relaté les faits du mieux qu'il pouvait : ils discutaient plus ou moins tranquillement entre eux des révélations que leur avaient faites les Paterson, quand l'Austrien, qui s'était présenté de manière peu conventionnelle en assommant les deux gardes qui l'avaient emmené avec eux (Harry avait découvert par la suite qu'ils avaient été plus ou moins envoûtés), avait surgi en demandant Akira. Il semblait connaître le jeune homme, et, chose étrange (Harry haussa un sourcil troublé à cette nouvelle), le maître de Lankee, Yanshee Houdin. Mais ils n'avaient pas eu le temps d'en savoir plus ; à peine le démon avait-il eu le temps de leur révéler de manière énigmatique qu'il avait donné la vie à Akira (?) qu'il avait approché ce dernier à une vitesse inhumaine pour lui prendre les tempes entres ses mains pointues. Akira s'était mis à pousser des hurlements stridents qui avaient fait agir Mylène et Cutter. Ceux-ci avaient voulu arrêter l'Austrien, mais celui-ci s'était défendu tant et si bien qu'il avait réussi à réduire les deux Templiers dans l'état où les avait trouvé Harry. La suite, il la connaissait. Le capitaine avait pu libérer l'âme d'Akira, mais il avait si bien fait que celle-ci s'était échappée ils ne savaient où et à présent, ils ne disposaient plus que de l'enveloppe vide de son frère, prostrée dans un lit de l'infirmerie dans un cocon transparent dans lequel l'avait mis le doc pour lui permettre de rester en vie malgré l'absence de conscience en son sein. Ce n'était pas engageant, et les autres n'allaient guère mieux.
Mylène était tombée dans un état catatonique que n'arrangeaient pas ses blessures, blessures qui s'étaient rajoutées à celles qu'elle avait reçues lors de sa patrouille à Eterna. Elle était en soins intensifs, même si de jour en jour elle allait sensiblement mieux, et elle se remettait même à insulter un peu le doc, preuve irréfutable de sa santé.
Cutter avait le bras complètement immobilisé ainsi que des lésions graves à la colonne vertébrale du fait du choc qu'il avait reçu au dos lorsqu'il avait été projeté contre le mur de glace ; le doc se démenait pour lui rendre le contrôle de ses membres inférieurs, mais il avait peu d'espoir... cela avait tellement déprimé l'elfe (ça et tout le reste) qu'il s'était enfoncé dans un état morose frôlant la dépression morbide. Lankee lui rendait visite tous les jours et faisait de son mieux pour lui remonter le moral, mais la nouvelle de l'état d'Akira ne l'avait pas arrangé.
Si seulement ils avaient réussi à capturer leur ennemi, ils auraient au moins pu savoir dans quelle direction aller ! Mais celui-ci s'était enfui sans demander son reste quand le Commandeur avait fait irruption dans la salle pour les aider, par un étrange portail qui s'était ouvert dans le vide et s'était refermé aussi sec dès qu'il l'eût franchi. Après avoir conduit les blessés à l'infirmerie, le Commandeur avait passé l'après-midi à rager dans sa chambre. Harry qui avait voulu lui rendre visite avait trouvé le pauvre vieux Guern planté misérablement devant la porte, l'air effrayé. Des bruits formidables s'échappaient à travers la porte fermée, bruits qui étaient amplifiés par l'écho lugubre des couloirs du labyrinthe ; ivre de rage et d'impuissance, James avait tempêté de telle sorte que les murs de la Tour s'étaient mis à trembler de temps à autre de manière incontrôlable, mettant les autres Templiers dans une semi-panique qui dura plusieurs jours. A présent, l'organisation entière était quasiment immobilisée dans une attente sourde et triste. Harry s'était plusieurs fois surpris à pleurer silencieusement, lorsqu'il croyait que personne ne le regardait.
- Il faut faire quelque chose ! disait Lankee à chaque fois qu'il passait à l'infirmerie, plus souvent que ne l'aurait cru Harry. On ne peut pas les laisser dans cet état !
Il semblait s'être vraiment attaché à ses camarades improvisés, même s'il ne les avait connu que depuis peu. Harry avait un peu sondé son esprit et avait découvert avec soulagement que le jeune homme était vraiment inquiet au sujet de ceux qu'il considérait comme une nouvelle famille, aussi étrange et branlante qu'elle fusse. Il était particulièrement concerné par Cutter, qui était son premier ami à la Tour et l'avait guidé à son arrivée.
- Vous n'avez vraiment aucun moyen de retrouver l'âme d'Akira ? fit-il plaintivement pour la centième fois.
- Pas le moindre, soupira Harry. Elle n'est même plus dans les environs de Babylone. Ce n'est pas faute d'avoir cherché. Et vu la puissance d'Akira (Lankee fronçait les sourcils sans comprendre quand il disait cela), elle peut être n'importe où dans le monde. On n'a plus qu'à espérer qu'elle se calme et revienne d'elle-même.
- Et... c'est déjà arrivé ? demanda timidement Lankee. Qu'une âme perdue rejoigne son corps, je veux dire ?
- Pas à ma connaissance, lâcha Harry en serrant les poings, après tout ce n'est pas pour rien qu'on les appelle des âmes perdues.
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Sai serra contre son coeur la petite lueur dorée qui s'agita un peu avant de se poser pour la nuit. Il l'aimait bien, cette âme. Et si c'était bien celle de celui qu'il cherchait depuis si longtemps... il la berça doucement, tendrement. Sakaki s'était endormi avant eux, épuisé par le voyage. Il avait insisté pour les porter sur plusieurs kilomètres et même si pour lui une petite âme et Sai ne pesaient rien, il avait eu au fur et à mesure du trajet les pattes engourdies par un phénomène particulier dont il n'avait pu déceler la source. Il savait juste qu'une aura malfaisante régnait sur le chemin, qui s'amplifiait en se rapprochant de Babylone et de la Tour de Babel. Le Kyuubi piaffait d'énervement en pensant que cela était peut-être lié aux mystérieux agresseurs de sa famille... et il accélérait le pas malgré son embarras, ce qui faisait qu'à la fin de la journée il s'écroulait éreinté. Sai le laissait dormir tout son saoul et se concentrait sur l'âme qu'il gardait précieusement sur lui. Il n'avait pour l'instant pas réussi à lui parler, mais il ne désespérait pas, d'autant plus qu'ils approchaient chaque jour de leur but. Là-bas, ils apprendraient ce qui était arrivé à Akira Touya-Paterson.
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Bâal Reyjik sourit ostensiblement en faisant son rapport à son maître du moment. Il disait maître à défaut d'autre chose, mais en fait il ne devait rien à cet être et surtout pas son asservissement. Il courbait la tête, sans la baisser entièrement ; il pliait le genou, mais sans toucher le sol, et son sourire soit-disant soumis était plus une grimace de mépris. Mais cela, il était le seul à le savoir.
- Ainsi donc Touya est hors d'état de nuire, fit le Honinbo en souriant doucement à Lézard, qui était affalé au pied de son nouveau trône. J'espérais l'attraper, mais je suppose que ce n'est pas si mal. Au moins, il ne nous nuira plus.
Il caressa les cheveux de Lézard qui frissonna sans le vouloir. Ses doigts s'arrêtaient à chaque mèche et il semblait hésiter entre les tirer violemment et les lever pour les embrasser. Bâal eut presque pitié de ce pauvre gamin.
- En tout cas, ils ont en pris un coup, ces Templiers, ricana l'Austrien. Ils pensaient sans doute être invincibles dans leur tour, ils ont été bien déçu.
- Pff, railla son interlocuteur. Stupides pions sans valeur. Je n'ai que faire de ces fourmis insignifiantes.
Bâal se releva agilement et se lécha les lèvres d'un air avide. Même le Honinbo ne put retenir un frisson dégoûté en voyant la lueur malsaine et perverse qui brillait dans ses yeux.
- En tout cas j'y ai trouvé mon compte, dit-il en faisant crisser ses dents.
- Vraiment ?
- Si vous me le permettez, je tuerais bien moi-même cet homme, comment l'appelez-vous déjà ? Le Commandant ?
- Le Commandeur ? Tiens donc. Avez-vous une raison personnelle de lui en vouloir ?
- Pas plus que vous avec votre Sai, je suppose. Ceci ne regarde que moi.
Le Honinbo partit d'un rire nerveux. Cet Austrien lui plaisait, mais qu'il était secret ! Il fallait qu'il garde les yeux sur lui, on ne savait jamais... les Austriens étaient réputés pour leur fidélité au camp qu'ils avaient choisi, quel qu'il soit, mais il valait mieux être prudent, n'est-ce pas ? Une trahison n'était pas si invraisemblable...
Il saisit brutalement le bras de Lézard et le tira à lui. La garçon émit un gémissement de douleur horrifié, mais se laissa faire. Son maître le prit sur ses genoux et l'embrassa avidement pendant plusieurs secondes. Au bout d'un moment, excédé par le manque de réaction du garçon, il lui mordit la lèvre inférieure jusqu'au sang. Lézard gémit, mais ne bougea pas. Le Honinbo le lâcha et il chut sans ménagement sur le sol.
- Bon, je vais vous laisser, fit un Bâal amusé. J'ai encore à faire.
Le Honinbo lui avait à peine adressé un regard pour lui signifier qu'il l'avait entendu. Il fixait en tremblant légèrement la masse humaine à ses pieds. Bâal referma doucement la porte de la pièce derrière lui.
Ils se traversa le couloir désert. Il n'y avait personne dans cette partie du palais ; Bâal se demanda si c'était à cause d'eux. Avait-on donné des instructions à leur sujet, ou bien les gens les évitaient-ils d'eux-mêmes ? Il rit en y pensant. Stupides courtisans conservateurs et peureux ! Il haïssait ce palais et ses habitants, et ça ne datait pas d'hier. Eux le lui rendaient bien, à vrai dire. L'Oza, surtout. Ce croûton d'elfe borné et arrogant ! Mais il devait se montrer un minimum courtois.
Dieux, qu'il haïssait sa vie !
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- Princesse ! Princesse Zelda !
- Mais tais-toi donc ! lui intima la jolie jeune fille blonde qui tentait de disparaître derrière la colonne de marbre blanc. Tu vas nous faire repérer !
La petite fille qui l'avait interpellée plaqua vivement ses deux mains devant sa bouche. Sa maîtresse retourna à son observation, pour découvrir avec consternation que l'objet de sa filature avait disparu pendant le bref instant où elle discutait avec sa suivante.
- Bien joué, Letty ! Je l'ai perdu !
Elle s'assit sur le sol en soupirant. L'enfant qui la suivait la regarda d'un air fâché.
- Princesse ! Votre robe !
- Oh, lâche-moi un peu, tu veux ?
- Mais votre père...
- Si Père se souciait vraiment de moi, c'est lui qui serait à ta place en ce moment.
La jeune elfe n'eut rien à dire à cela, même si elle se désolait de l'attitude déplacée de sa maîtresse. Elle était princesse héritière, fille unique de l'Oza (ou du moins, officiellement unique, se dit-elle comme elle se rappelait la raison de sa présence), pourquoi ne se comportait-elle pas comme telle ? Elle était pourtant si belle, le spécimen féminin le plus parfait qui soit parmi les elfes noirs, des cheveux d'un blond doré merveilleux qui balayaient le sol avec grâce, des yeux bleus si intenses qu'ils vous clouaient sur place, une peau noire à souhait, elle était belle entre les belles. Sa robe de soie vert pâle, rehaussée de fils d'or et de bijoux exquis, agissait comme un écrin précieux qui enveloppait sa beauté troublante. Mais elle s'ingéniait à se comporter comme un garçon manqué, pire, comme un humain !
- Au fait, comment ça se fait que tu aies pris autant de temps pour me retrouver ? lui demanda Zelda. D'habitude, j'ai beau ruser de mon mieux, tu es toujours à moins de dix minutes de moi !
Letty fixa ses chaussures à boucles roses avec gêne. Elle craignait de révéler la nouvelle à sa maîtresse. Elle était déjà bien assez agitée depuis que son père avait accueilli ces drôles de visiteurs au palais...
- C'est à propos de votre frère, et elle fit la moue en voyant l'effet de ces mots sur la princesse. Je viens de l'apprendre, mais il semblerait que Monsieur Alexandre soit blessé. Normalement je ne m'embarrasserais même pas de vous le signaler, mais cette fois-ci on dirait que c'est plus grave. On m'a dit qu'il ne pourrait peut-être plus jamais marcher.
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Harry se réveilla en sursaut, le corps recouvert de sueur, le souffle haletant comme s'il avait couru sur des kilomètres. Il venait d'avoir un rêve troublant, un rêve où il n'était qu'un enfant et se trouvait dans les bras d'un démon noir... il alluma sa lampe de chevet. La lumière blafarde qu'elle émit suffit à calmer un peu les battements intempestifs de son coeur.
Il ne se sentait pas à l'aise, vraiment. Il fredonna doucement un air dont il avait oublié les paroles, mais qu'il connaissait depuis toujours. Une sorte de berceuse qui le calmait à chaque fois qu'il avait des cauchemars. Il se souvenait à peine de l'avoir apprise un jour ; son père ne la connaissait pas, mais lui s'en souvenait... l'avait-elle apprise de sa mère ?
Cela le rendit encore plus malheureux. Harry n'avait jamais connu sa mère, ou du moins il n'en avait pas le souvenir. Son père, James, lui avait dit que celle-ci était partie un jour il ne savait où, et qu'elle n'était jamais revenue. Il avait refusé d'en dire plus, et un peu par pudeur, beaucoup par crainte, Harry ne lui avait jamais demandé plus. Seulement, il n'avait jamais eu de mère. Sa famille se réduisait à lui et à son père, et pendant longtemps il en avait été ainsi.
Toute son enfance, il l'avait passée seul dans les Montagnes Célestes, au milieu de créatures qui l'évitaient à cause de son père et murmuraient sur son passage à chaque fois qu'il allait se promener. Elles pensaient être à l'abri, mais à cause de sa télépathie qu'il n'avait appris à contrôler que récemment, Harry entendait tout et cela l'attristait de jour en jour. Son père était le Liseur de Temps, certes, mais cela ne faisait pas de lui un pestiféré ! Et même s'il était un jour destiné à le devenir aussi (il frissonnait à chaque fois qu'il y pensait), cela ne le rendait pas pire que les autres !
Il se remémora avec douleur les deux fois où il avait aperçu, même brièvement, la forme véritable de son père. La première fois, il était encore petit ; son père avait oublié de fermer la porte de sa chambre un matin et l'enfant l'avait surpris avant qu'il ne mette son enveloppe humaine... Harry en avait fait des cauchemars pendant des mois, et il avait eu beaucoup de mal par la suite à regarder son père en face. Quant à la deuxième fois...
Trois petits coups secs furent frappés à la porte de sa chambre. Harry se leva sans hâte et mit une chemise. Puis il alluma la grande lumière en se frottant les yeux.
- Entrez, fit-il.
Il espérait que ce n'était pas encore une mauvaise nouvelle. Il avait eu son compte ces derniers temps !
Ce fut le vieux Guern qui se présenta d'un air timide, ce qui était assez surprenant chez le nain qui était d'un bourru au possible. Il se racla la gorge avant d'entrer.
- Désolé de te déranger, gamin, mais c'est ton père qui m'envoie.
- Père ? Il s'est passé quelque chose ?
- Ben... on dirait qu'on a un visiteur. Ton père est là-bas et tout ça, mais il a insisté pour que tu viennes vite. Y'a un drôle de gars, avec un renard avec neuf queues, tu le croirais pas, au bas de la Tour... il dit s'appeler Sai, je crois. Et il a l'âme d'Akira.
A suivre...
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Et voilà un autre chapitre ! Bon, je sais ça devient de plus en plus compliqué, et s'il y a des incohérences je m'en excuse (si c'est le cas, je serais infiniment reconnaissante à qui voudrais bien me le signaler).
L'histoire avance, avance, et moi je devrais plutôt me mettre à bosser vraiment en cours au lieu d'écrire sur deux joueurs de go paumés, mais le fait est que cette histoire en est déjà au septième chapitre, et elle est pas prête d'être finie si je fais déjà tout ce que j'ai décidé de faire depuis le début. Mais comme je rajoute encore des choses au fur et à mesure, ça enfle encore, et bien sûr il faut que je développe tout ça sinon ça va me pourrir la vie et j'aurais l'impression de laisser un truc à moitié fini... déjà que je me foule pas trop à l'écriture ! Sérieusement, il m'arrive de publier un chapitre alors que je l'ai à peine relu (tout simplement parce que ça me gave). Donc désolé si l'écriture a parfois l'air d'être précipitée, c'est tout simplement parce qu'elle l'est ! Et il y a des fois où j'ai tout simplement pas le temps de me relire...
Autre chose qui me rend quand même sacrément heureuse, c'est que je me suis rendue compte qu'il y avait des gens qui lisaient mon histoire ! Non, vraiment. Moi qui croyais qu'avec un sujet pareil y'en aurait peut-être 2 ou 3 au plus, et encore... Alors merci à vous !
Mokoshna.
