Prologue
L'effet papillon
Théorie selon laquelle l'infime déplacement d'air créé par le battement d'ailes d'un papillon
dans une partie du monde peut provoquer un ouragan de l'autre côté de la planète.
Cela avait assez duré. Deux mois qu'il lui chantait le même refrain. Deux mois qu'il lui promettait de ne plus jamais refaire les mêmes erreurs. Deux mois qu'elle le retrouvait ébréché, les vêtements défaits et des marques de rouge à lèvres sur ses cols de chemises. Deux longs mois qu'elle se laissait convaincre. Elle en avait assez, plus qu'assez. Plus question de se laisser marcher sur les pieds. Elle avait décidé de prendre son courage à deux mains et d'en finir une fois pour toute. Rompre le lien. Couper le cordon. Oh oui, cela avait assez duré.
Padma Patil fronça des sourcils et un air déterminé remplaça son air perpétuellement indécis. Elle saisit la boîte de carton déposée à ses pieds et sortit de la salle commune déserte à grandes enjambées. Plus question de se laisser embobiner. Elle irait jusqu'au bout. Cette boîte remplie de souvenirs et d'objets lui appartenant irait directement au fond du lac. Cela avait assez duré. Il fallait qu'elle se débarrasse de toutes ces vieilleries. Tourner la page, oui, voilà ce qu'il fallait qu'elle fasse.
Elle se rendit dans le parc de l'école sous le ciel couvert de nuages grisâtres. Et tant pis si le vent soufflait et si la nuit était déjà bien avancée, elle irait jusqu'au bout. Padma se dirigea vers une énorme roche plate où elle s'assit en tailleur. Elle souffla les mèches de cheveux qui lui barraient le front, remonta ses manches, s'humecta les lèvres puis ouvrit la boîte.
La première chose qu'elle vit fût une photo de lui qu'elle déchira sans pitié avant de lancer les débris au vent. La deuxième, une lettre d'amour enflammée qui se retrouva piétinée et maudite. La troisième chose, un billet pour le concert des Coco Head, eut plus de chance que ses compatriotes. Padma chiffonna le nez en voyant le bout de parchemin coloré. Elle n'allait tout de même pas jeter un tel souvenir! Son groupe préféré, c'était impensable!
D'un geste lent, presque hésitant, elle remit le billet à sa place et s'attaqua au côté gauche du carton. Manque de chance, elle tomba sur une petite boîte noire en ivoire poli avec son nom gravé en lettres d'or au centre. Elle sentit sa gorge se nouer. Pourquoi fallait-il qu'elle soit tombée sur ça? Elle ne voulait pas l'ouvrir, ni même la voir. Padma la déposa à côté d'elle et prit une grande inspiration pour se donner du courage. Il commençait à faire froid et l'air était devenu lourd, signe qu'un orage allait bientôt éclater. Les yeux fixés sur le reflet de la lune sur le lac noir, la boîte de carton sur les genoux, la Serdaigle eut un hoquet de stupeur.
Et si elle avait tort?
Un grondement de tonnerre se fit entendre au loin mais elle ne l'entendit pas, bien trop perdue dans ses pensées. Et si elle s'apprêtait à commettre la pire erreur de toute sa vie? Comment savoir si elle n'allait pas passer devant une chance inouïe? Peut-être qu'ils étaient destinés à vivre ensemble. Peut-être qu'il n'avait pas réellement commis toutes ces choses. Peut-être qu'elle se trompait sur toute la ligne. Peut-être qu'il y avait une explication logique à toute cette histoire. Peut-être que...
De fines gouttes de pluie se mirent à tomber sur Poudlard et les environs. Padma sursauta et prit sa boîte en carton avant de se mettre à courir jusqu'au château pour se protéger du déluge.
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oOo La PeTiTe SiRèNe oOo
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La petite boîte d'ivoire mit une heure avant de tomber dans le lac, poussée par le vent et la pluie. Lorsqu'elle tomba dans l'eau, il y eut un petit « flop » puis, plus rien. Elle se mit à descendre dans les profondeurs du lac et y serait arrivée si une énorme tentacule violacée ne s'en était pas emparée.
Cela faisait maintenant vingt ans que le calmar géant, Caléo de son prénom, vivait dans le lac de Poudlard. Sa principale occupation, tout comme son père et son grand-père l'avait fait, était de sillonner les eaux du lac et dès qu'un élève lançait un quelconque objet –il appréciait particulièrement la nourriture humaine- il l'attrapait et l'amenait dans sa grotte. Au fil des années, celle-ci s'était bien vite remplie de toutes sortes d'objets magiques ou moldus. En fait, la caverne de Caléo était bien plus bondée que les tiroirs de Rusard, le concierge de l'école, ce qui constituait un exploit. Des montres, des souliers, des lunettes, des paquets de Dragées surprises de Bertie Crochue, des rapeltouts, des parapluies... Caléo possédait tout cela et il n'en était pas peu fier. Il lui arrivait souvent de faire du troc avec les êtres de l'eau...
Aujourd'hui le calmar géant était littéralement épuisé. Il avait passé la journée, et même une bonne partie de la nuit, à faire le ménage du lac. Sa rencontre avec une nouvelle espèce de poisson (une sorte d'espadon avec des crochets sur le bout de la queue) n'avait pas contribué à améliorer sa tournée quotidienne. Caléo avait hâte de rentrer chez lui pour se glisser à l'intérieur de sa source d'eau chaude et y piquer un petit roupillon bien mérité.
Il s'apprêtait à enlever les algues qui cachaient l'entrée de sa grotte lorsque son regard dévia vers un petit objet noir non-identifié qui venait de tomber à l'eau. À croire que les humains ne dormaient jamais! Avec un gargouillement de fureur, il s'en empara, l'examina rapidement et le jeta par-dessus le récif d'algues. Dumbledore allait recevoir de ses nouvelles très bientôt si ça continuait comme ça. Non mais!...
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oOo La PeTiTe SiRèNe oOo
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Il avait été chassé partout où il avait mis les nageoires. Pas de colporteur, lui avait-on crié. Et puis quoi encore! Il n'allait tout de même pas aller se livrer lui-même aux êtres de l'eau pour être domestiqué et traité comme un vulgaire poisson de bocal! D'accord, il était un strangulot errant, et alors? Ce n'était pas sa faute s'il n'avait jamais réussi à s'intégrer dans une bande de démons des eaux. Ce n'était pas non plus sa faute s'il aimait bien se battre et semer la pagaille... Enfin bref, pour l'instant Klirash mourrait de faim. Il n'avait rien avalé depuis deux jours et sa corne était en piteux état après sa dernière bataille avec un Lobalug. Cette saloperie d'espèce animal magique lui avait craché un long jet de venin brûlant, manquant le réduire en algue de fond. Heureusement, il s'était penché à la dernière seconde mais sa corne gauche avait été rudement atteinte.
Klirash continua son chemin, montrant du poing à un jeune poisson qui déguerpit dans le temps de le dire. Il songea la seconde d'après que ce petit piscis aurait pu lui servir de repas. Décidément, sa journée commençait très mal.
Il s'apprêtait à rebrousser chemin pour supplier une famille d'êtres de l'eau qui habitaient juste à côté de lui donner à manger lorsqu'il reçut quelque chose de dur sur la tête. Sur le coup, sa vision se brouilla et il sentit que sa peau verdâtre devenait tachetée de plaques rouges. Klirash n'arrivait pas à y croire, on lui tirait dessus!
- Bande de lâches! Revenez ici, je vais vous donner la correction de votre vie que vous n'oublierez pas de si tôt! s'époumona-t-il en faisant un signe obscène du doigt et en montrant ses dents pointues.
Klirash se frotta la tête et regarda autour de lui. Personne. Peut-être qu'il était devenu maboul, comme le prédisait les gens du coin depuis son arrivée dans le quartier. Un reflet doré attira son regard vers le fond du lac où était posé un machin noir engloutit par la vase. Sans plus attendre, le strangulot se précipita vers l'objet, plein d'espoir. Peut-être était-ce de la nourriture?
Mais non, ce n'était pas de la nourriture. C'était un petit truc rectangulaire tellement poli qu'il se voyait dedans. Klirash le mordilla un peu, croqua d'un coup sec et se cassa une dent. Il hurla un juron et lança à bout de bras la chose qui tomba directement dans un jardin, faisant tomber du même coup une pile de lances qui tombèrent dans un fracas épouvantable. Klirash prit la fuite et décida de changer de quartier.
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Un peu plus loin, dans une grande maison qui surplombait la ville sous-marine, une jeune fille se réveilla en sursaut.
