Titre : La Petite Sirène

Auteur : Tinkerbell7

Adresse e-mail : feeclochette990yahoo.ca

Avertissement: Je mets PG pour l'instant. S'il y a des changements au cours des chapitres à venir, je vous avertirai!

Spoilers: Tome 1 à 5!

Disclaimer: Tout appartient à J.K. Rowling exceptées les créatures marines (à quelques exceptions près)!

Résumé général: Tout le monde connaît le célèbre conte de Andersen, La Petite Sirène, reprit par Disney racontant l'histoire d'une sirène amoureuse du monde humain. Et si c'était Harry qui rencontrait Daphnée la petite sirène, que se passerait-il?

Note de l'auteur : Cette histoire me trotte depuis longtemps dans la tête et je suis très heureuse de vous la présenter aujourd'hui. Ce que vous allez lire est le fruit de plusieurs heures de recherche sur les créatures marines et de beaucoup de temps passé sur chaque chapitres! J'aimerais remercier Misstick, ma grande amie qui me supporte dans tous les projets que je débute (même s'ils sont souvent assez... fous!), tous les sites sur la mythologie, ma bibliothèque de quartier ainsi que Mystea, ma beta-readeuse en chef! Merci beaucoup! -

Conseils : Lorsque j'écris, j'écoute toujours de la musique. Ça m'aide beaucoup à imaginer les actions et en plus, ça met de l'ambiance! Enfin, je vous conseille fortement d'écouter les chansons suivantes aux moments opportuns!

La promenade au marché: Le thème principal de la B.O. La Petite Sirène (on ne peut pas passer à côté!)

L'union de Bérénice et Perseus: A Raven In The Snow de Windham Hill Artist

La découverte du monde humain par Daphnée: Cymbeline de Loreena McKennitt

Réponse aux reviews

Miss-Poucie : Hellow fidèle revieuse! Contente de voir que tu t'intéresses un petit peu à ma fic! J'espère que ce premier chapitre te convaincra de la lire au complet!

Morwan : Wow! Quelle surprise! Je suis vraiment contente que tu m'ai laissé une review pour mon prologue (en passant, merci pour la remarque de « s'époumoner » en parlant d'un Strangulot loll)! Bref, que dire? Ah oui, ne sois pas surprise s'il y a des ressemblances avec La Petite Sirène (le film l'histoire), c'est voulu! Bonne lecture de ce premier chapitre!

Kellÿa : SALUUUUUT! Que de joie, que de joie!! Je savais que ton « coming-out » était pour bientôt mais je ne m'attendais vraiment pas à ce que tu me laisses une review pour mon prologue! Tu viens de faire une heureuse . Heu sinon... ben tu as déjà lu ce chap mais sait-on jamais, tu vas peut-être quand même l'apprécier!

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Chapitre 1 – Clotho

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Daphnée se réveilla en sursaut. Il lui semblait avoir entendu des chuchotements et des rires étouffés. Les yeux grands ouverts, elle tendit l'oreille. Au loin, elle saisit les bribes d'une conversation entre deux poissons matinaux, le doux bruit des bulles qu'ils créaient en se déplaçant et un léger murmure. Se redressant sur son lit, Daphnée plissa des yeux.

- Qu'est-ce que vous fabriquez? souffla-t-elle.

Le silence se fit. Une seconde passa, puis deux.

- Mira, Lyra? demanda-t-elle en regardant la rangée de coquillages géants en face.

- Recouche-toi Daphy, dit une voix.

- Ça vaudrait mieux, renchérit une autre.

- Qu'est-ce que vous faites?

- Si on te le dit, tu iras cafter, dit sa sœur Mira.

- Je ne suis pas comme ça! s'indigna-t-elle. Je ne suis pas comme Tauri!

Mira et Lyra éclatèrent de rire en concert. Daphnée croisa les bras. Pourquoi personne ne la prenait au sérieux? Elle avait peut-être moins de dix-neuf ans, mais elle n'était pas stupide pour autant! Pourquoi avait-il fallu qu'elle soit la cadette de huit enfants? Pourquoi, pourquoi?

- C'est bon, tu peux venir, dit Lyra dans la pénombre de la pièce.

Daphnée se redressa complètement dans son lit et nagea jusqu'à la coquille opposée, là où était couchée sa sœur Cassiopée.

- Oh non les filles. Elle va vous tuer! dit-elle en observant la sirène qui dormait paisiblement.

Les jumelles lui avaient appliqué d'immenses algues collantes dans ses beaux cheveux blonds boudinés qu'elle aimait tant.

- S'il n'y avait pas de risques, nous ne l'aurions pas fait! dit Mira en haussant des épaules.

- Qu'est-ce que vous faites? dit une autre voix dans l'obscurité.

Les trois sirènes se figèrent. Bientôt, la silhouette de leur sœur Méropée s'avança proche du lit.

- Pas encore! dit-elle, désespérée.

Daphnée ne put s'empêcher de glousser.

- Cette fois, je n'ai rien vu. Vous vous arrangerez avec Cassiopée lorsqu'elle se réveillera. Si elle ne vous met pas en pièces avant bien entendu, ajouta-t-elle avant de se diriger vers son propre lit.

- Qu'elle essaye pour voir, dit Lyra sur un ton de défi.

Au même moment, Cassiopée bougea dans son sommeil. Aussitôt, les trois sœurs filèrent se recoucher dans leur immense coquillage et firent semblant de dormir. Plus loin, Daphnée entendit Mira pouffer de rire.

Lentement, Cassiopée s'étira et bailla gracieusement. Elle agita sa queue de poisson d'une couleur rose foncé et se dirigea vers le fond de la pièce où était posée une pierre d'une taille imposante qui leur servait de miroir. Elle hurla.

- MIRA, LYRA!!! JE VAIS VOUS TUER! dit-elle en se mettant à leurs trousses.

Les jumelles éclatèrent de rire et tentèrent d'échapper à leur sœur en colère.

- Chhhhut! Vous allez réveiller Bérénice! dit Méropée en leur faisant signe de se taire.

- Elle est déjà réveillée, dit une voix chevrotante.

Aussitôt, les sirènes cessèrent leur jeu et s'approchèrent du lit au bord de la fenêtre.

- Oh Bérénice, comment te sens-tu? demanda Méropée d'une voix douce.

- Mal, répondit celle-ci en se précipitant vers la salle de bain.

Daphnée voulut la suivre mais au même moment, la porte s'ouvrit, laissant entrer un flot de lumière dans la chambre et du même coup, sa mère. Comme à chaque fois qu'elle la regardait, Daphnée sentit son cœur se gonfler de tendresse. Elle était d'une beauté fragile et naturelle qu'elle avait légué à ses filles. Ses longs cheveux d'un blond presque blanc lui arrivaient à la taille et étaient toujours parsemés de petites fleurs bleutées de la même couleur que sa queue de poisson aux écailles scintillantes. Sur sa poitrine généreuse était peinturés d'élégants motifs qui déterminaient son statut social.

Mais ce que Daphnée aimait le mieux chez sa mère, c'était ses yeux bleu azur qui semblaient briller à tout instant. S'il y avait une personne à qui se confier, c'était bien elle. Toujours là pour ses filles, Leucosia était d'une patience angélique et d'une sagesse étonnante pour ses quarante ans. Malgré le fait qu'elle avait eu huit enfants, aucune trace du temps ne se laissait voir sur son teint de nacre légèrement bleuté.

- Il est tant de se lever mes petites perles! dit-elle de sa voix mélodieuse, tout en allant embrasser chacune de ses filles.

- Bonjour maman! lancèrent joyeusement Mira et Lyra d'une même voix.

Leucosia leur sourit et se tourna vers Cassiopée qui tentait vainement de nettoyer ses cheveux abîmés par les algues.

- Regarde, regarde ce que ces petites pestes m'ont fait!

- Allons, il ne faut pas leur en vouloir, elles sont jeunes... dit calmement Leucosia.

Dans son dos, Mira fit une grimace à Cassiopée qui étouffa une exclamation indignée.

- En attendant, continua leur mère, elles se feront un plaisir de préparer le petit déjeuner. N'est-ce pas?

La mine réjouie qui flottait sur le visage des deux sirènes disparut, laissant place à l'ennui et la résignation.

- Oui maman, dirent-elles en chœurs.

- Et toi, tâche de leur pardonner, dit Leucosia à Cassiopée qui retourna sans rien dire vers son miroir. Où est Bérénice?

- Elle ne se sent pas très bien, expliqua Méropée.

Leucosia n'attendit pas une seconde de plus et nagea pour retrouver sa fille qui avait besoin que quelqu'un la réconforte. Méropée la regarda partir et se tourna vers Daphnée.

- Prête à prendre un bon petit déjeuner?

- N'importe quand, je meurs de faim!

Elles sortirent de leur chambre et se dirigèrent vers la salle à manger qui se trouvait à l'extrême droite de la maison. La villa était installée sur une côte et dominait toutes les autres habitations par sa taille imposante et la beauté de son architecture. Elle avait été construite par les premières sirènes qui étaient venues s'installer au lac de Poudlard. En fait, ce n'était pas réellement un lac puisque des créatures marines y avait construit un chemin qui permettait d'accéder directement à la mer du Nord.

Une fois installées dans leurs nouvelles habitations, les sirènes y avaient construit une maison qui leur servirait de lieu d'accueil durant bien des années. Par la suite, on donna cette habitation à la famille royale qui y vivait depuis maintenant quatre générations. Sachant que la durée de vie moyenne d'une sirène atteignait les 150 ans, cela faisait beaucoup d'années.

Méropée et Daphnée traversèrent les eaux calmes de la demeure aux murs polis par le temps qui miroitaient sous les quelques boules de lumières qui étaient installées un peu partout à travers la villa. Sur les murs étaient accrochées de nombreuses gravures et pièces de collection telles que des coquillages sculptés à la main et des œuvres d'arts faites avec des perles de nacre.

En entrant dans la cuisine, elles allèrent s'installer à côté de leurs sœurs sur les roches polies qui étaient installées au sol. Mira et Lyra étaient en train de parler à voix basse en se murmurant on ne sait quoi à l'oreille. Cassiopée, qui venait d'arriver, fronça des sourcils mais ne dit rien.

- Pauvre Bérénice, elle doit être morte de peur, dit Méropée en soupirant.

- Tu exagères toujours tout! dit Cassiopée, tout en démêlant, à l'aide d'une pierre fine, ses longs cheveux.

- À ta place, je ne parlerais pas Cassy... Je te rappelle que tu devrais envisager de t'unir à Cepheus, tu auras bientôt vingt ans! dit Lyra d'un ton de reproche.

- Ce n'est pas ma faute s'il est amoureux de moi. Je ne l'aime pas.

- Il a pourtant tout ce qu'une sirène rêve d'avoir chez son compagnon, insista Lyra.

- Si je te dis que je ne suis pas intéressée!

- Quand commencera la cérémonie? coupa Daphnée pour empêcher ses sœurs de s'entretuer.

- Cet après-midi à la Nascienta, répondit Méropée.

À ses dix-neuf ans, une sirène devenait en âge de s'unir à la personne de son choix. Cette alliance était célébrée en grand dans leurs familles et les nouveaux mariés allaient habiter dans une maison. Puis, lorsqu'il jugeait le moment opportun, le couple décidait d'avoir un enfant.

Sauf les signes physiques similaires en haut de leurs corps, les sirènes et les humains ne se ressemblent pas du tout. D'abord, les êtres humains ont le pouvoir de créer leur descendance par un moyen naturel : l'accouchement. Chez les sirènes, ce procédé est différent; il est magique. Les futurs parents se rendent dans un lieu où des centaines d'embryons de sirènes reposent en toute sécurité. Puis, ils effectueront ce que l'on appelle l'union.

L'union est une sorte d'accouplement magique. Souvent, la famille et les amis du couple se réunissent dans un endroit conçu pour ce genre d'événement nommé la Nascienta où des embryons de sirènes attendent d'être choisis. Le silence se fait, l'union commence et l'on assiste à un ballet fabuleux et envoûtant. De cette union naîtra un enfant dont le physique et la psychologie dépendra de la danse de ses parents.

Bérénice avait surpris tout le monde lorsqu'elle avait annoncé que Perseus, un jeune être de l'eau de vingt-six ans qui travaillait pour leur père, lui avait demandé de l'épouser. La sirène était de nature calme et réservée et jamais on aurait pu se douter qu'elle entretenait une relation secrète avec Perseus depuis plus d'un an. Bien que Bérénice soit plus jeune que son compagnon, ses parents avaient accepté avec joie et leur alliance avait été un vrai succès. Cassiopée, qui avait des vues sur Perseus, avait fait la tête durant tout un cycle lunaire.

- J'espère que ce sera une fille, dit Méropée en souriant.

- Pas moi! dit Mira. Il y a assez de filles comme ça dans la famille!

Elles éclatèrent de rire. La famille royale était bien connue pour le nombre quasi-spectaculaire de ses membres de sexe féminin. Leucosia avait fait parler bien des gens lorsqu'elle et Murcus avait conçu leur huitième fille; Daphnée.

- Vous n'avez toujours pas mangé? s'exclama Leucosia en entrant dans la cuisine, suivit de Bérénice qui s'installa à côté de Méropée, la tête baissée.

- Nous attendions Bérénice, expliqua Lyra en souriant à sa sœur.

Leucosia leva les yeux sans toutefois cacher le sourire qui flottait sur ses lèvres. Elle nagea jusqu'au fond de la pièce et revint avec un plat remplit de laitue de mer et de mollusques.

Tandis que Daphnée se servait une part généreuse, elle observa Méropée qui semblait réconforter Bérénice. Âgée de vingt-ans, celle-ci en paraissait vingt-trois. Ses cheveux mi-longs ondulés couleur grenat et ses yeux verts foncé faisaient l'envie de plusieurs. Sa taille fine et sa queue de poisson de la même couleur que ses yeux faisaient retourner les têtes. Elle avait une figure aux traits délicats et un petit nez retroussé. Bérénice avait toujours été très belle malgré tous ses efforts pour convaincre ses sœurs du contraire.

Méropée, qui avait eu dix-huit ans depuis peu, concurrençait assez bien la beauté de sa sœur. Elle avait une silhouette élancée et était de taille moyenne. Sa queue de poisson brillante était d'un jaune pâle teinté de bleu, tout comme ses yeux. Ses cheveux aux épaules étaient bleus et ondulaient aux courants marins. Son air sympathique et jovial ainsi que ses oreilles pointues qui lui donnaient une mine constamment réjouie charmaient les cœurs les plus durs. Méropée était une sirène attachante et déterminée que l'on voyait souvent traîner avec Bérénice.

Un cri rageur sortit Daphnée de sa rêverie; Cassiopée se faisait attaquer à coup de coquilles de mollusques par Mira et Lyra.

- J'en ai assez de cette maison! cria-t-elle avant de sortir de la pièce brusquement.

Leucosia regarda les jumelles qui se tapèrent dans la main en riant. Voyant que leur mère ne semblait pas partager leur hilarité, Mira et Lyra baissèrent la tête et se mirent à manger en silence. Daphnée soupira.

Mira et Lyra constituaient un véritable mystère pour le monde sous-marin. Personne n'avait pu expliquer ce qui avait incité l'embryon à se scinder en deux lors de la sixième union de Leucosia et Murcus. Quoi qu'il en soit, deux bébés identiques étaient nés cette journée-là. En grandissant, Mira et Lyra avaient découvert qu'un lien spécial les unissait et qu'elles étaient capable de penser à la place de l'autre. Très vite, elles avaient testé ce don sur leur sœur Cassiopée en lui jouant une multitude de tours. L'habitude était restée. Aujourd'hui, elles avaient dix-sept ans, des cheveux turquoise pâle, des yeux et une queue de poisson bleu ciel ainsi qu'un air espiègle identique en permanence.

À dix-neuf ans, Cassiopée refusait toujours les avances de Cepheus qui pourtant l'aimait à mourir. Vantarde et capricieuse, elle avait brisé de nombreux cœurs. Les jeunes êtres de l'eau étaient toujours attirés vers cette sirène aux cheveux blonds dorés comme le sable, aux lèvres pulpeuses et aux yeux rose bonbon. Il n'était pas rare que Cassiopée passât plus d'une heure devant son miroir à se peigner les cheveux ou encore à lustrer sa queue de poisson rose.

- Quand partons-nous pour le marché? demanda Daphnée à sa mère.

- Dès que vous aurez fini de manger. Nous devons acheter quelques fleurs pour Bérénice et pour toi aussi.

Daphnée n'eut pas le temps de demander pourquoi il lui fallait des fleurs, car la porte de la cuisine s'ouvrit révélant deux êtres de l'eau. Méropée poussa un grand cri et se précipita dans les bras de Maïa alors que Leucosia faisait de même avec Deneb. Daphnée ne put s'empêcher d'aller se blottir dans les bras de sa sœur aînée.

- Maïa! dit-elle en la serrant contre elle.

- Bonjour Daphy, répondit-elle en lui souriant.

La sirène leva la tête et ses yeux rencontrèrent les yeux bleu-mauve de sa sœur. Maïa, partit depuis deux ans du domaine familial, était l'aînée de la famille royale. À vingt-deux ans, elle était unie à Deneb, un être de l'eau que Daphnée adorait, et avait eu son premier enfant nommé Minos. La sirène était la sœur préférée de la cadette et celle-ci se désolait qu'elle soit parti vivre aussi loin de la villa. Maïa était le parfait mélange de ses parents, ressemblant énormément à son père Murcus avec ses cheveux bruns ondulés et à sa mère Leucosia pour son air doux et sage. Pour Daphnée, elle était comme une seconde mère.

- Je ne pensais pas que vous viendriez! dit Daphnée avec un grand sourire.

- Nous voulions faire une surprise à la future maman.

- Où est Minos? demanda Méropée.

- Il attache son hippocampe à l'extérieur, répondit Deneb en faisant un clin d'œil à Daphnée.

La cadette lui sourit et sortit à l'extérieur pour aller voir son neveu. Celui-ci était assis au beau milieu du jardin aquatique, la tête levée, son hippocampe apprivoisé entre les bras.

- Minos! dit Daphnée en s'approchant de lui. Tu as encore grandi. Comment vas-tu?

- Bien, et toi? répondit le petit garçon sans toutefois baisser la tête.

- Très bien merci. Qu'est-ce que tu fais?

- Papa m'a appris à compter les jours grâce à la lune. Je peux aussi savoir quelle heure il est!

- Ça c'est avec le soleil, rectifia la sirène en souriant.

- Oh c'est vrai, je me mélange toujours.

- Il est joli ton hippocampe.

- Il s'appelle Rapide et il a trois ans, comme moi!

Daphnée sourit en regardant la créature d'un poisson à tête de cheval qui s'agitait dans les bras de Minos.

- Lorsque je le mets contre moi, il arrête de vouloir s'enfuir. Maman dit que c'est mon cœur qui le calme. Si je mets ma main ici, je sens mon cœur qui bat.

- Tout le monde en a un, dit Daphnée en mettant sa main sur sa poitrine menue pour sentir le sien.

- Plus je nage vite, plus mon cœur fait des poumpoum vite. Quand je vais dormir, il fait des poumpoum très lentement. Parfois, Taygètè dit que je n'ai pas de cœur mais je sens qu'elle ment puisque quand je mets ma main ici, je sens mon cœur qui fait des poumpoum. Je n'aime pas Taygètè.

- Tu changeras d'idée un jour! dit Daphnée en le prenant par la main.

- Maman dit que nous allons voir le bébé de tante Bérénice aujourd'hui et que nous allons aller au marché. Est-ce que nous allons l'acheter là-bas?

Daphnée éclata de rire. Son neveu l'avait toujours étonné. À trois ans, il avait l'âge mental d'un être humain de sept ans. Ce phénomène était assez courant chez les sirènes qui naissent avec une partie du savoir de leurs parents mais jamais Daphnée n'avait parlé avec un enfant aussi intelligent que Minos. Ce n'était pas comme sa nièce Taygètè, la fille de sa soeur Tauri, qui se comportait comme une vraie petite peste vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Daphnée était très fière de son neveu qui, déjà, était terriblement mignon. Ses longs cils noirs et ses grands yeux bleu l'avaient ensorcelé dès qu'elle l'avait vu dans les bras de sa mère.

- Tu parles beaucoup Minos, dit-elle en riant.

- Maman dit la même chose.

Ils entrèrent par la porte de derrière pour retourner à la cuisine. Maïa était en pleine conversation avec Méropée et Bérénice tandis que Deneb parlait avec Leucosia et Murcus. En passant près de lui, Daphnée sourit à son père.

Murcus avait toujours été d'une sévérité implacable. Pourtant, Daphnée savait qu'il pouvait se montrer très affectueux quand il le voulait. Les êtres de l'eau le respectaient et personne ne se serait aventuré à l'insulter. Murcus avait un aspect assez sauvage. Des cheveux et une barbe d'un noir opaque, des yeux et une queue de poisson argentés, une ossature imposante qui lui donnait un air de chasseur... Bref, il imposait le respect.

Murcus aimait beaucoup ses filles et il faisait tout pour les protéger. Même si parfois cela allait en dehors des limites que Daphnée pouvait supporter...

- Où elles sont Mira et Lyra? demanda Minos en tirant sur le bras de Daphnée.

- Probablement en train de saccager les cheveux de Cassiopée! répondit Maïa en faisant rire tout le monde.

- Tu arrives trop tard pour ça Maïa! dit Lyra en arrivant dans la cuisine.

- Nous avons déjà opéré le patient, renchérit Mira avec un sourire fendu jusqu'aux oreilles.

- J'ai bien essayé de les en empêcher mais je suis arrivée trop tard, dit Daphnée avec un sourire malicieux.

Mira et Lyra lui tirèrent la langue dans un parfait synchronisme. À croire qu'elles n'avaient pas l'intention de vieillir.

- Bon ça suffit les filles, intervint Leucosia. Allez vous préparer, nous partons pour le marché.

Minos lâcha la main de Daphnée et alla voir son grand-père.

- Papa m'a appris à compter les jours! dit-il, fier comme un paon.

- Ah oui? Et quel jour sommes-nous? demanda Murcus en prenant le petit être de l'eau dans ses bras.

- Le premier jour de la neuvième nouvelle lune.

- Quelle précision! Tu me fais penser à ma petite Daphnée quand elle avait ton âge tu sais...

Mais Daphnée n'entendait plus. Les yeux étrangement vides, elle fixait la fenêtre de la cuisine. Le premier jour de la neuvième nouvelle lune... Cela signifiait qu'aujourd'hui, elle avait seize ans! La surprise laissa place à une joie intense, presque douloureuse. Daphnée se sentie émue jusqu'à en avoir mal au cœur. Elle allait pouvoir monter à la surface, dans le monde des humains pour la première fois. Enfin!

À ses seize ans, une sirène devenait légalement un adulte. Elle pouvait donc faire ce qui lui plaisait, et par conséquent, effectuer la tradition des seize ans pour monter à la surface. La majorité des jeunes adultes montaient tous les jours durant un cycle lunaire, puis finissaient par se fatiguer des paysages humains et retournaient vers les paysages sous-marin.

Daphnée ne faisait pas partie de cette majorité. Elle adorait et vénérait les êtres humains. Parfois, elle allait acheter des objets humains à Caléo, le calmar géant du lac. Sous le coquillage qui lui servait de lit, elle avait entreposé des dizaines d'objets, plus étranges les uns que les autres. Sa dernière trouvaille était une espèce de pierre brillante et dure un peu courbée avec trois dents pointues au bout. Quand elle lui avait demandé son utilité, Caléo lui avait répondu d'un ton de connaisseur que tous les humains s'en servaient pour se peigner les cheveux. Lorsqu'elle avait essayé le soir, Daphnée en avait conclu que c'était une merveilleuse invention qui démêlait bien les cheveux. Elle avait donc nommé cet objet un démêloir.

Un des objets cachés sous son lit, deux boules de verre reliées par le milieu contenant du sable, l'intriguait au plus haut point. Daphnée avait passé toute une nuit à observer cette invention humaine, contemplant les petits grains de sable qui tombaient un à un dans une des boules. C'était de cette manière que sa sœur Bérénice avait découvert la passion de la cadette.

- Daphnée, tu peux venir un instant? cria une voix.

La sirène sursauta et se dépêcha d'aller rejoindre sa mère dans sa chambre. Leucosia était en train d'ouvrir les rideaux en algues tressées pour laisser passer un peu de lumière. Lorsque Daphnée entra, elle lui sourit.

- J'ai quelque chose pour toi, lui dit-elle en lui faisant signe de s'asseoir sur une petite pierre en face d'un miroir décoré de coquillages multicolores.

Intriguée, elle obéit à sa mère. Celle-ci vint vers elle, tenant un bijou dans ses mains. Jamais Daphnée n'en avait vu d'aussi beau. Retenue par une mince chaîne en argent, un matériau humain, une sirène sans visage avait été sculptée à même une perle de nacre grosse comme une noix. Elle l'attacha autour du cou de Daphnée et se mit à lui peigner les cheveux.

- C'est si beau... dit celle-ci en touchant le bijou du bout des doigts.

- Il m'a été donné par ma mère le jour de mes seize ans. Lorsque tu partiras là où le savoir de nos ancêtres te sera transmis, tu penseras à ta maison et tu te sentiras moins seule.

Daphnée sentie sa gorge se nouer. Le lendemain, comme tous les êtres de l'eau âgés de seize ans, elle allait partir quatre mois à la mer du Nord pour faire son éducation. Malgré les bonnes expériences qu'en avait tiré ses sœurs, Daphnée avait peur de partir aussi loin et aussi longtemps. Bien sûr, elle était impatiente d'apprendre plus de choses sur son peuple, mais la pensée de devoir quitter sa famille la rendait malade. Quatre mois. Quatre longs mois à écouter durant dix heures par jour un sage raconter l'histoire des sirènes...

- Merci maman, murmura Daphnée.

Sa mère cessa de la coiffer et la regarda attentivement à travers le miroir. Elle sembla comprendre ce qui tourmentait sa fille et lui sourit.

- Tout ira bien, ne t'inquiète pas.

Daphnée lui fit un pâle sourire. Bien sûr, c'était facile à dire! Qui voudrait d'une fille de roi pour autre chose que son rang social? Les jeunes êtres de l'eau aimaient bien raconter des histoires à son sujet, toutes plus saugrenues les unes que les autres. La palme revenait à celle qui racontait qu'elle avait été élevée par un Kelpy et que la nuit, elle se faufilait dans les maisons pour dévorer les enfants. Ri-di-cule! Il ne fallait pas se demander pourquoi elle n'avait jamais eu beaucoup d'amis...

- Daphy... dit Leucosia d'une voix douce. Regarde-toi. Regarde comme tu es belle!

Elle regarda. Elle vit une jeune sirène de seize ans maigrichonne, aux longs cheveux châtains pâles, aux grands yeux bleu-mauve et à la queue de poisson de la même couleur. Ses traits fins n'étaient pas les plus beaux qu'elle ait vu. Bérénice était cent fois plus belle qu'elle, ça c'était certain. Niché contre sa poitrine quasi-inexistante, le collier de sa mère brillait de mille feux et Daphnée se sentit ridicule de porter un aussi beau bijou qui ne faisait que ressortir la différence entre elle et ses sœurs.

Ça avait toujours été comme ça. Toutes ses sœurs avaient un petit quelque chose de spécial. Par exemple, sa sœur Maïa était désignée comme douce et affectueuse, Tauri était brillante, Bérénice, une beauté incroyable et mystérieuse. Pour sa part, Cassiopée était séduisante et attirante, Méropée, sympathique, Mira et Lyra étaient drôles et Daphnée était mignonne. Simplement mignonne. La cadette, la petite sœur naïve et chaste. Elle soupira.

Au même moment, la porte de la chambre s'ouvrit brusquement et Cassiopée entra sans plus de cérémonie.

- Tout le monde est prêt. On part? demanda-t-elle en mâchouillant une feuille de laitue de mer.

- Bien sûr. Je vais simplement prendre ma bourse...

- Qu'est-ce que tu as autour du cou? demanda Cassiopée à Daphnée plutôt brutalement.

La benjamine fronça ses sourcils et mit sa main sur le bijou. Sa sœur avait souvent tendance à lui « emprunter » ses affaires sur de très longues périodes. Daphnée ne voulait surtout pas que la blonde fasse une crise de jalousie sur ce collier.

- C'est rien.

Sa sœur allait lui poser d'autres questions mais Leucosia la devança en annonçant qu'elle était prête. Elles sortirent donc de la chambre et allèrent rejoindre Maïa, Deneb, Minos, Myra, Lyra, Bérénice et Méropée (leur père avait encore du travail à faire) qui les attendaient à l'extérieur du domaine.

La journée était magnifique. La promenade pour se rendre au marché fut agréable, malgré les multiples lamentations de Cassiopée sur la durée du trajet. Ils arrivèrent bientôt à la place publique qui, comme à l'ordinaire, fourmillait de monde. Une allée de kiosques zigzaguait au milieu des rues, en face des grands magasins ou des restaurants qui formaient le centre de la ville. Partout où ils passaient, des êtres de l'eau s'inclinaient respectueusement et les saluaient chaleureusement.

Ils entrèrent dans une boutique où l'on vendait les fleurs aquatiques les plus rares. Une dame vint les accueillir le sourire aux lèvres en leur proposant de s'asseoir le temps qu'elle trouve ce qui conviendrait le mieux pour la future maman. Daphnée préféra rester debout, à regarder les vingtaines de fleurs alignées sur les murs. Elle en vit une qui lui plut particulièrement avec ses pétales d'un violet éclatant taché d'or. Voyant le regard d'envie que sa petite sœur jetait sans cesse à la fleur, Maïa proposa à sa mère de lui acheter. Daphnée reçut donc sa première fleur aquatique.

Dans le monde sous-marin, les fleurs sont des symboles très puissants dans une société. On ne peut pas en porter pour n'importe quelle raison. Seule les mères, les jeunes filles qui partaient faire leur éducation et celle qui allaient faire leur tradition de seize ans étaient permises d'en porter.

Folle de joie, elle l'a mit sur le bord de son oreille (c'était très en vogue ces temps-ci) et sortit de la boutique pour attendre sa famille à l'extérieur.

- Bonjour Daphnée.

Elle sursauta. Derrière elle se tenait Pyxis, un jeune être de l'eau âgé de seize ans. Nés à un jour d'intervalle, elle et Pyxis avaient presque été élevés ensemble. Les mauvais coups, ils les avaient fait ensemble. Les réprimandes, ils les avaient encaissé ensemble. Mais cette époque avait prit fin lorsque Daphnée avait commencé à grandir et devenir une femme. Leurs chemins s'étaient séparés il y avait de cela quelques années. Oh, ils étaient encore en bon terme, mais pas autant qu'auparavant.

Daphnée observa l'être de l'eau. Ses cheveux bruns foncés atteignaient maintenant ses épaules et ses yeux indigo étincelèrent lorsqu'il lui sourit. En voyant son corps musclé et son air charismatique, elle dut avouer qu'il avait bien grandit. Très bien même...

- Joyeux anniversaire! lui dit-il.

- Oh, merci.

- Des projets particuliers pour aujourd'hui?

- Bérénice va s'unir à Perseus. Ensuite il y aura probablement un banquet.

- Daphy, on s'en va! cria Mira en sortant de la boutique.

Daphnée lui fit signe qu'elle arrivait dans une seconde et se tourna vers Pysix qui l'observait. Qui quoi? L'observait? Cette fois, elle dut user de toute sa volonté pour empêcher ses joues de prendre une couleur furieusement rosée.

- Bon et bien...

- J'imagine qu'on se verra demain pour le voyage, dit le jeune être de l'eau.

- Oui...

- Passe une belle journée.

- Toi aussi, dit-elle en lui souriant.

Elle lui fit un petit signe de main et se détourna pour rejoindre sa famille. Alors qu'elle allait partir, Pysix l'interpella.

- Oui? demanda-t-elle en se retournant.

- Ça te va très bien cette fleur...

Elle rougit et fila vers Mira et Lyra qui l'avaient attendu. Les jumelles avaient un sourire espiègle sur le visage et ricanaient.

- Quoi? demanda Daphnée.

- Ça te va très bien cette fleur, dit Mira avec une voix grave.

- Oh Pysix mon amour, embrasse-moi! ajouta Lyra en joignant des mains et en papillonnant des cils.

Daphnée regarda derrière elle et vit Pysix qui riait de bon cœur. Elle sentit ses joues prendre une couleur rouge intense et se mit la main sur le visage tout en nageant à toute vitesse pour rattraper sa mère alors que Mira et Lyra faisaient semblant de s'embrasser derrière elle.

La Nascienta n'était pas très loin et ils arrivèrent en même temps que la famille de Perseus. Les jumelles allèrent directement voir la sœur de celui-ci, Adhara, qui avait le même âge qu'elles. Daphnée soupira et resta à côté de Maïa et Minos qui regardait autour de lui, émerveillé.

À l'entrée de la Nascienta se tenait une arche gigantesque où des plantes aquatiques se mêlaient avec des inscriptions en latin qui signifiaient : Le commencement de toute vie est apparu en ces lieux. L'endroit lui-même était féerique. Des milliers de fleurs poussaient un peu partout entre les centaines d'embryons de sirènes pas encore formés. L'atmosphère avait un petit quelque chose d'étrange; on sentait la joie qui vivait en ces lieux. La joie des centaines de parents qui avaient vu naître leurs enfants.

Des applaudissements firent sortir Daphnée de sa rêverie. Perseus et Bérénice avançaient au milieu d'une allée de gens et se dirigeaient vers l'arche géante. Bérénice était plus resplendissante que jamais avec ses cheveux coiffés ornés de fleurs mauve pâle et violette. Elle n'avait rien d'autre sur elle, ce qui faisait ressortir son charme naturel. À côté, Perseus était aussi très beau avec ses longs cheveux blancs qui ondulaient aux courants marins et ses yeux bleu ciel qui pétillaient de joie.

Lorsque le couple s'avança au milieu des embryons, le silence se fit. Il ne fallait surtout pas les troubler alors qu'ils choisissaient leur futur enfant! Ils déambulaient depuis quelques minutes lorsque Bérénice mit fin au suspense insoutenable en s'arrêtant net devant un enfant. Daphnée vit sa mère porter la main sur son cœur en souriant. Cela devait lui remémorer bien des souvenirs.

Bérénice sourit à Perseus qui s'approcha à son tour. Il regarda sa femme et l'embrassa. Puis, ensemble, ils touchèrent l'embryon du bout des doigts. L'enfant eut un mouvement brusque au niveau de la nageoire et sembla se rendormir. La cérémonie allait pouvoir commencer.

Plus rien ne bougeait autour. Des curieux s'étaient même arrêtés pour voir l'union. Bérénice ferma les yeux et prit une grande inspiration. Puis, elle se mit à danser. Lentement, elle déploya les bras et tournoya tranquillement sur elle-même. Elle avait gardé ses yeux fermés et semblait effectuer les mouvements par impulsion. La sirène fit des gestes gracieux et pointa la terre, puis le ciel. Elle tournoya une nouvelle fois et monta un peu plus haut. Daphnée était fascinée par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Sa sœur paraissait si calme, si sereine! Un peu plus bas, Perseus la regardait faire avec une admiration non retenue. Tout à coup, elle ouvrit les yeux et se mit à chanter. Il n'y avait pas de parole, mais simplement une mélodie joyeuse et envoûtante. Bérénice souriait et englobait le paysage de ses bras.

Puis, vint le tour de Perseus qui s'avança à son tour. Il virevolta et fit une vrille qui arracha une exclamation de fascination à Minos. Ses mouvements étaient nettement plus rapides et plus grandioses que ceux de sa femme. Lui aussi dansait sa jeunesse avec une passion non feinte. Il n'y avait pas de censure, pas de retenue. Ce qu'il dansait, c'était vrai, c'était la vie. Il dansa encore et encore avec de plus en plus de frénésie. Il pointa à son tour la terre et le ciel, comme s'il voulait dire qu'il cherchait quelqu'un qu'il n'avait pas encore trouvé.

Bérénice se remit à chanter. Sa voix claire et brillante correspondait parfaitement au moment présent. Elle tourbillonnait, dansait, faisait des mouvements gracieux et complexes qui gonflèrent Daphnée de fierté. Elle nagea à gauche, puis à droite et leva les bras au-dessus de sa tête. Au même moment, un courant marin vint balayer ses cheveux et une des fleurs mauve tomba sur l'épaule de Perseus qui leva la tête. Coïncidence? Daphnée n'y croyait pas. À cet instant précis, les deux êtres de l'eau se regardèrent comme si c'était pour la première fois. Perseus monta vers elle, Bérénice descendit vers lui. Leurs mains se joignirent et leur queue de poisson s'entremêlèrent. Ils ne bougèrent plus l'espace d'un moment.

Ce fut ensuite que tout éclata. Bérénice cessa de chanter tandis que l'être de l'eau la prenait dans ses bras vigoureux et la faisait tournoyer. Elle riait. Daphnée se sentie presque mal de regarder cette scène où le bonheur était présent à l'état pur. Perseus mit ses mains sur les hanches de Bérénice et celle-ci rejeta la tête vers l'arrière comme si elle atteignait l'extase. Dans un synchronisme ahurissant, ils firent un double salto arrière et descendirent vers l'embryon. À l'intérieur de celui-ci, le cœur de l'enfant battait à un rythme normal tandis qu'il grandissait à vue d'œil. Ses petites mains se développaient pendant que ses parents dansaient. Ceux-ci se mirent à chanter en chœur et nagèrent tout autour de l'enfant. C'était si féerique, si parfait! Alors qu'elle chantait, Perseus cueillit une fleur et vint la mettre dans les cheveux de Bérénice. Ils s'embrassèrent et commencèrent à monter de plus en plus haut tout en tourbillonnant. Les spectateurs étaient éblouis par cette union qui relevait du miracle.

Aussi brusquement que ça avait commencé, tout s'arrêta. Le couple baissa la tête et tous fixèrent l'embryon qui était secoué par les coups que donnait le bébé. Perseus et Bérénice descendirent et se prirent par la main tout en regardant la suite des évènements. Tout à coup, l'enfant cessa toute activité. Daphnée retint son souffle et pria pour que tout se passe bien. Puis, l'embryon éclata et une multitudes de fleurs tombèrent sur le sol. Le bébé ouvrit ses yeux turquoise, regarda autour de lui et se mit à crier.

Le reste se perdit dans les applaudissements frénétiques de la foule. Daphnée poussa un profond soupir et nagea à toute vitesse vers la nouvelle famille. Blotti au creux des bras de Bérénice, l'enfant criait toujours. Perseus avait l'air si heureux que la joie lui coupait la parole.

- C'est une fille, annonça Bérénice avec un grand sourire.

Leucosia et Murcus allèrent embrasser les nouveaux parents et furent suivis par la moitié des personnes qui avaient assisté à l'union.

- Comment allez-vous l'appeler? leur demanda Méropée en observant la petite fille.

- Shaula, répondirent-ils en chœur.

- Bonjour petite Shaula, murmura Daphnée en lui prenant ses minuscules mains.

La sirène cessa de crier et regarda Daphnée avant de gazouiller joyeusement. Étonnés, tout le monde se tourna vers la cadette qui rougit.

- C'était magistral! cria quelqu'un.

- Épatant!

- Un rappel! hurlèrent Mira et Lyra en concert ce qui fit rire la majorité des personnes présentes.

- La plus belle union que j'ai vu depuis des années, ajouta Leucosia.

- Bérénice! dit une voix que Daphnée reconnue aussitôt.

En se retournant, elle vit sa sœur Tauri en compagnie de son mari Hadar et de leur fille Taygètè qui se frayaient un chemin à travers la foule. Minos ronchonna mais se tut au regard que lui lança son père.

Tauri avait l'air encore plus pâle que la dernière fois que Daphnée l'avait vu. Ses longs cheveux blancs aux reflets rougeâtres encadraient son visage ovale et descendaient jusqu'au creux de ses hanches. Ses yeux rouge en amandes pétillaient et elle fit une chose que la cadette ne l'avait pas vu faire depuis longtemps : elle sourit.

- Tauri! Je suis si contente que tu ais pu venir! s'exclama Bérénice en la prenant dans ses bras.

- Je ne pouvais pas manquer l'union de ma petite sœur, répondit celle-ci avec un sourire timide.

- Félicitation, dit Hadar en serrant la main de Perseus.

Hadar était l'être de l'eau le plus coincé et le plus ennuyant que Daphnée connaissait. Toujours calme, il faisait enrager Mira et Lyra qui essayaient de le faire réagir, sans résultat. Il avait toujours les lèvres pincés et les cheveux bien peignés. Tout comme sa femme, il faisait des recherches dans le domaine scientifique et ne sortait pratiquement jamais de sa maison.

Bien que cela pouvait en étonner plus d'un, ils avaient une fille nommée Taygètè qui était une vraie petite chipie. La plupart du temps, elle se faisait garder par Maïa. Âgée de deux ans, presque trois, elle avait un air sec et supérieur et des cheveux noir de jais. Elle avait tendance à sur-estimer les capacités de sa petite queue de poisson orange en faisant sans cesse des courses contre Minos (qu'elle gagnait toujours par le plus grand des hasards).

- C'était pas mal, dit-elle de sa voix haut perché.

- Et si nous allions continuer la fête à la maison? proposa Leucosia.

L'idée fut accueillie avec des cris de joie. La famille de Perseus fut invitée au grand complet et tous se rendirent à la villa royale pour festoyer. En arrivant dans la salle à manger, Daphnée s'étrangla. Un véritable banquet les attendait posé sur une longue table où une trentaine d'invités aurait pu prendre place.

Des plats remplis de laitue de mer, de fucus, de laminaire et de varech géant étaient déposés au centre, entourés de mollusques que l'on retrouvait seulement dans la mer. Des assiettes en forme de coquillage, disposées à des endroits spécifiques, étaient décorées avec de petites fleurs bleutées. Des boules de la grosseur d'oursins flottaient au-dessus de la table et éclairaient les invités agréablement surpris.

- Bon appétit! dit Murcus.

Daphnée s'assit au bout de la table, entre le grand-père de Perseus et son vieil oncle qui la regarda d'une manière qui la mit mal à l'aise.

- Alors, c'est le grand jour aujourd'hui? lui demanda Deneb.

Celle-ci acquiesça d'un signe de tête et allait parler mais son père la devança.

- Ça arrive toujours trop vite. J'espère qu'elle sera plus prudente que ces deux-là, dit-il en regardant Mira et Lyra qui lui firent un grand sourire innocent.

- Les humains sont une bande de barbares, dangereux et sans scrupules! lança le grand-père de Perseus.

- Allons Syphel, ils ne sont pas tous pareils, dit Leucosia. Voyez, il y a deux ans, ce jeune humain qui est venu dans la tribu voisine pour délivrer...

- Mensonges! Ce ne sont que des barbares!

- J'ai vu un de leurs objets un jour, dit Adhara en repoussant ses longs cheveux blancs derrière son épaule. Il était très étrange...

- Vous avez entendu l'histoire de cette jeune sirène, Thalie, qui collectionnait les objets humains? demanda Ligéia, la mère de Perseus, en capturant l'attention général. Il paraît qu'elle a été enlevée et tuée loin de chez elle par leur race.

- Mais c'est horrible! s'exclama Cassiopée, la main sur la bouche.

- Et une bonne leçon pour ses parents! coupa Murcus en donnant un coup de poing sur la table. Quelle idée de laisser ses enfants jouer avec des choses humaines?

Bérénice se tourna vers Daphnée et la regarda fixement. La sirène baissa la tête et se plongea dans la contemplation de son plat. Depuis la nuit où elle l'avait surprise avec un de ses objets humains, Bérénice avait gardé le secret de sa sœur cadette. Pour combien de temps le ferait-elle? Daphnée n'en avait aucune idée.

- Il y a des mauvaises personnes partout! dit Leucosia en soupirant.

- Pour ma part, commença Maïa, je ne crois pas une seconde à toutes ces histoires.

- Vraiment? fit Ligéia, l'air sceptique.

- Absolument. Celui que j'ai rencontré ét...

- Un humain? l'interrompit Mira.

- Tu as rencontré un humain? finit sa jumelle, effarée.

- Il était très gentil. Son nom était Albus si je me souviens bien.

- Quel drôle de nom! ricana Adhara.

- Il m'a parlé du monde des humains, c'était très intéressant. Vous saviez qu'il était divisé en deux? Une partie des hommes a des pouvoirs magiques et l'autre non.

Daphnée releva brusquement la tête. Des pouvoirs magiques? Elle n'avait jamais entendu parler d'une telle chose. Pourquoi une partie d'humains ne pouvait pas faire de magie? Ils étaient peut-être malades... Le monde des humains lui réservait bien des surprises!

- Moi je le savais, dit Méropée à la surprise générale.

- Toi? fit Cassiopée avec une moue de dédain.

- Durant ma tradition, et je m'en souviens comme si c'était hier, j'avais nagé très loin pour arriver dans un crique au creux d'une forêt. J'y avais rencontré un centaure nommé Chiron.

- Qu'est-ce que c'est qu'un centaure? demanda Minos.

- C'est un croisement d'humain et de cheval.

- Qu'est-ce que c'est qu'un cheval? demanda Taygètè.

- Je ne sais pas. Je crois que c'est une sorte d'animal très grand à quatre pattes.

- Étrange... dit Hadar.

- Enfin. Lui aussi m'a parlé de leur monde. Nous nous voyons encore parfois, finit-elle en rougissant.

- Ça devait être merveilleux, soupira Daphnée.

- Tu penses! Je ne retournerai jamais là-haut! dit Cassiopée.

Daphnée vit Mira et Lyra réprimer un fou rire. Un peu plus loin, Maïa et Deneb avaient l'air de faire la même chose.

- Qu'est-ce qui s'est passé? demanda Adhara.

- Elle s'était prélassée au soleil toute la journée, expliqua Lyra.

- Sa peau avait prit une belle couleur dorée, continua Mira.

- Alors elle s'est dit, pourquoi ne pas y retourner tous les jours?

- Le lendemain, quand elle est revenue, sa peau était toute rouge!

Elles éclatèrent de rire en même temps que tous les invités. Cassiopée croisa les bras et tenta de sauver sa dignité en jouant les indifférentes.

- Au moins, je ne suis pas revenue complètement transie de froid MOI! dit-elle.

Le visage des jumelles s'assombrit. Daphnée avait passé une des pires nuits de sa vie lorsqu'elle avait trouvé ses sœurs à moitié mortes de froid dans la salle de bain. Mira et Lyra étaient montées en plein hiver et avaient cassé la glace pour accéder au grand air. Le froid hivernal les avait pris si violemment qu'elles avaient failli y laisser leur peau. Pour ne pas alerter leurs sœurs, elles s'étaient réfugiées dans la source d'eau chaude de la salle de bain, jusqu'à temps que Daphnée ne les trouve.

Leucosia, voyant que la conversation prenait une tournure plus ou moins souhaitable, proposa un « toast » pour les nouveaux parents. La soirée repartit donc sur une note plus joyeuse et on oublia l'incident du début de la soirée. La discussion s'orienta ensuite vers cette nouvelle sorte de poisson qui venait d'aménager à deux lieus de la ville.

Vers vingt-et-une heure trente, Maïa alla coucher Minos et Taygètè qui dormaient debout, dans la chambre de ses sœurs. Adhara, Mira et Lyra étaient parties faire une promenade et on n'avait plus vu Cassiopée depuis un très long moment. Assise à table, la tête allongée sur son bras, Daphnée écoutait d'une oreille la conversation des adultes.

- Nous étions assis sur un petit banc dans un parc quand il m'a prit la main en me regardant droit dans les yeux. Puis, il m'a dit : « Veux-tu danser avec moi? »

- C'est incroyablement romantique pour demander d'avoir un enfant, soupira Bérénice.

- Je sais, je suis un homme charmant! dit Deneb en riant.

Daphnée bailla. Son regard croisa celui de sa mère qui la regarda, immobile. Elles restèrent à se regarder dans les yeux durant de longues secondes. La sirène vit enfin sa mère hocher la tête lentement et détourner le regard. Elle sortit de table silencieusement.

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oOo La PeTiTe SiRèNe oOo

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Jamais elle n'avait vu la lune d'aussi près. À cinq mètres en dessous de la surface, la jeune fille tremblait. Elle avait peur, très peur même. Le moment qu'elle attendait depuis toute sa vie était enfin arrivé et elle était là, si près du but, à hésiter. Et si ce n'était pas comme dans son imagination? Et si ses sœurs lui avaient menti en lui racontant combien c'était beau? Et s'il lui arrivait quelque chose de grave, comme Mira et Lyra?

La lune rétrécit; elle était descendue un peu plus bas. Soudain, une image de sa collection d'objets humains s'insinua dans son esprit. Il fallait qu'elle sache. Il fallait qu'elle voit. Elle le voulait, plus que tout au monde. Lentement, elle agita sa nageoire et commença son ascension. Quatre mètres. Trois mètres. Deux. Un...

Ce fut sa main qui sortit à l'air libre la première. À l'extérieur, il y eut une brise froide et une sensation nouvelle l'envahit. Elle sortit son bras, puis sa tête. Daphnée avait fermé les yeux et les gardait obstinément clos. Elle entendit un souffle et le sentit sur sa peau. C'était merveilleusement doux et froid. Elle sourit puis, elle ouvrit les yeux.

La beauté des lieux lui coupa le souffle. Des arbres dont quelques branches plongeaient dans l'eau, formaient une barrière à la lisière d'une forêt. Leurs feuilles d'une couleur verte se balançaient au rythme du vent. Quelques fleurs tombaient des plantes et flottaient sur les eaux sombres jusqu'à elle. Au loin, elle vit des collines d'une grosseur époustouflante et une forme obscure qu'elle ne put identifier. Elle leva la tête et le spectacle lui arracha un cri. La lune était d'une blancheur immaculée et beaucoup plus grosse qu'on ne la voyait d'en bas. Sa forme sphérique quasi-parfaite laissa la sirène éblouie. Mais ce n'était pas tout. La voûte céleste qui s'étendait au-dessus d'elle était magnifique. Des milliers d'étoiles scintillaient, comme de petits points lumineux. Daphnée se laissa flotter sur le dos et eut l'impression que si elle levait le bras, elle pourrait les toucher du bout des doigts. C'était mille fois mieux que dans ses rêves. Si elle avait pu pleurer, elle l'aurait fait.

Elle commença à sourire. Son bonheur était si grand qu'elle se mit à rire.

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oOo La PeTiTe SiRèNe oOo

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Il avait besoin d'air frais. Il avait pensé que la rentrée à Poudlard lui aurait fait du bien, mais non. Il s'y était senti mal, pour la première fois. Tous ces regards, tous ces mots que l'on chuchotait sur son passage... Il se sentait comme un animal en cage. Hermione et Ron ne cessaient de lui demander s'il allait bien. Comme s'il pouvait répondre oui! Cet été-là avait été le pire de toute sa vie. Les Dursley avaient été plus méchants qu'à l'ordinaire et ne l'avaient pas laissé sortir une seule fois pour aller chez les Weasley. De toute manière, Dumbledore le lui avait interdit. Ses deux amis avaient donc dû se rendre au 12 square Grimmaurd sans lui.

Assis sur une immense roche plate qui avait été polie par les années, il soupira. La mort de Sirius lui pesait sur le cœur depuis trois mois. Il aurait pu le sauver! Il le savait. Il ne cessait de se le répéter. Comme il haïssait cette Bellatrix! Il s'était juré, qu'un jour, il se vengerait. Elle allait payer pour ce qu'elle avait fait et lui, il allait prendre plaisir à la voir souffrir.

- Autant qu'elle en a pris à me voir souffrir, murmura-t-il.

Soudain, il entendit un rire. Un rire d'enfant. Alarmé, il sortit sa baguette.

- Il y a quelqu'un?

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oOo La PeTiTe SiRèNe oOo

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Le sang de Daphnée ne fit qu'un tour. Elle se plaqua contre une grosse roche et écouta, les membres tremblants.

- Montrez-vous! dit la voix grave dans une langue qu'elle ne comprit pas.

Elle commença à avoir peur. Lorsqu'elle leva la tête, elle poussa un petit cri. Des yeux, cachés derrière un étrange appareil. Des yeux verts émeraudes qui brillaient. De joie? Non, de haine, de chagrin, d'amertume...

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oOo La PeTiTe SiRèNe oOo

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Harry sursauta. Il y avait quelqu'un dans l'eau. Il se pencha et sa main se crispa sur sa baguette. Des yeux. De grands yeux effrayés d'une couleur bleu-mauve comme il n'en avait jamais vu. Il se pencha encore plus mais la chose recula brusquement et disparut dans les eaux sombres du lac avec un petit plouf. Ça y est, il était devenu fou.

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-Fin du premier chapitre-