Cauchemars
Chapitre 4 : Une ancienne connaissance
"Kurama ? Je peux entrer ?"
Silence.
"Kurama ? C'est moi, Hiei"
Silence.
"Kurama, j'entre"
La porte de la salle de bain s'entrebâilla doucement. A l'intérieur, il faisait noir. La lumière était éteinte. Hiei leva la main vers le mur et commença à tâtonner à la recherche de l'interrupteur.
"Non ! N'allume pas ! S'il te plaît..."
La voix de Kurama venait de la direction de la baignoire. Le jaganshi referma donc le battant et s'y adossa le temps que ses yeux s'habituent à l'ombre, ce qui fut très rapide. En réalité, il ne faisait pas totalement noir puisque la lucarne, unique source de lumière, était légèrement cachée par ce qui ressemblait à une chemisette blanche. Il s'approcha doucement et s'assit sur le bord de la baignoire.
"Qu'est-ce qu'il s'est passé dans ce parc ?"
Le renard ouvrit la bouche mais aucun son ne voulut sortir; il soupira et ferma les yeux avant de faire une nouvelle tentative.
"Je... Il... Il m'a agressé..."
"Un peu qu'il t'a agressé ! Vu ton état et ce qu'il reste de tes fringues !"
Le silence qui suivit ses paroles était lourd, tendu. L'androgyne soupira à nouveau.
"C'est une... ancienne connaissance..." dit-il, la gorge serrée.
"Nani ?" s'écria le koorime, manquant de tomber dans la baignoire.
Le silence s'installa une nouvelle fois. On aurait dit que le voleur avait commis la plus grosse bourde de sa vie en lâchant cette petite phrase. Elle avait eu l'effet d'une bombe.
"Tu connais ce type !"
"Je... euh... oui..."
"Tu savais qu'il était en ville !" s'énerva le hérissé, les poings serrés.
"Pas vraiment..."
"Comment ça pas vraiment ! Mais t'es con ! Explique-toi !"
"Je... C'est un type... que j'ai connu... il y a cinq ans... J'avais pas encore... tous mes pouvoirs et... Il menaçait Kaasan alors..."
Sa voix mourut. Les yeux baissés et l'air penaud, Yohko attendait, nerveux, sa sentence. Au bout d'un moment qui lui parut infiniment long, un soupir lui permit de se détendre.
"Bon... Excuse-moi..."
Il releva la tête et fixa les iris rouges pour les sonder. Jamais il n'avait entendu le démon du feu demander pardon à qui que ce fut. Une première dont il bénéficiait.
"Allez, sors de là. On en reparlera plus tard"
Nom d'un chien mais quel crétin il était ! Il avait besoin qu'on l'aide un peu pas qu'on lui gueule dessus. Et bien sûr, il fallait s'y attendre, les deux baka étaient au bas de l'escalier. Le youkaï passa devant eux sans rien dire et s'installa dans le canapé du salon. Le réconfort c'était vraiment pas son truc. Mais c'était pas de sa faute si il ne savait pas exprimer son inquiétude autrement qu'en criant et s'énervant à tout bout de champ.
"Qu'est-ce qu'il t'a raconté ?" demanda Yusuke, l'air de rien, s'asseyant à côté de lui.
"Il m'a juste dit qu'il connaissait le type qui l'a attaqué..."
"Euh... J'ai dû mal entendre là..." fit Kuwabara en s'asseyant à son tour.
"T'as très bien entendu alors me fait pas chier d'accord" grogna Hiei en lui lançant un regard noir.
Le rouquin se contenta d'ajouter un simple "Ah..." puis tout devint calme dans la pièce. Le temps s'écoulait lentement et il leur parut qu'il s'était passé une éternité lorsque Kurama apparut enfin. Il avait enfilé un sweat noir et un pantalon jogging. Ses vêtements étaient suffisamment longs pour cacher les pansements et les bandages qu'il portait; ils étaient même si grands que ses doigts dépassaient à peine des manches et que ses pieds disparaissaient sous l'ourlet des jambes du pantalon. L'androgyne jeta un rapide coup d'œil à ses trois amis puis entra dans le salon, les épaules basses et le regard fixé sur le sol, un peu comme un condamné à mort. Il s'assit dans le fauteuil en face d'eux, les yeux contemplant toujours le sol.
"Qu'est-ce que c'est ?" s'enquit le mazoku qui tendit son doigt vers le cou de son camarade, la seule zone de son corps qui n'était pas couverte par du tissu.
Sur la gorge du renard, de longues marques violacées démontraient bien que le type avait fait usage de la force sur lui.
"R... Rien..." mentit-il. "C'est rien du tout !" ajouta-t-il en plaçant soigneusement des mèches de cheveux sur ses ecchymoses.
Le koorime inspira et expira intérieurement. Il ne devait pas le brusquer, sinon, il ne saurait jamais rien. Il se pencha en avant, les coudes sur les genoux et les mains comme reposoir pour sa tête, et fixa le kitsune dans les yeux.
"On va commencer par le début. Qui est ce type ?"
"Il s'appelle Kôsui. Je l'ai rencontré il y a cinq ans. Il voulait voler un sabre qui était en exposition au musée. Ce sabre avait une grande valeur mais il amplifiait aussi les pouvoirs de son détenteur. Kôsui n'aurait jamais réussi à s'emparer du sabre tout seul. Dans le Makaï, beaucoup savaient que je m'étais réfugié chez les humains, alors il a fait des recherches"
Suishi s'interrompit un instant. Cette histoire semblait faire remonter à la surface des souvenirs pas très agréables.
"Il m'a rapidement retrouvé. Un soir, il m'attendait à la sortie de l'école. Il m'a demandé de collaborer avec lui mais j'ai refusé. Il était déçu mais il est parti quand même. Quelques jours plus tard, en rentrant de l'école, j'ai trouvé la maison sans dessus dessous. Kaasan était légèrement blessée. J'ai appelé la police qui a réglé l'affaire vite fait en disant qu'un voleur a essayé de nous cambrioler et qu'il ne savait pas qu'elle était à la maison. Mais en remettant de l'ordre, je suis tombé sur un mot de Kôsui. Il menaçait de tuer Kaasan si je ne travaillais pas avec lui. J'ai cédé et je l'ai aidé à dérober le sabre"
Il fit une nouvelle pause. Ses épaules tremblaient imperceptiblement et ses poings se serraient dans ses manches. Il prit une grande inspiration et continua:
"Je pensais qu'après ça, il me laisserait tranquille. Mais je me suis trompé... Il trouvait que notre duo ne pouvait être vaincu par personne, et ce dans les trois mondes. Il croyait que personne ne pouvait nous arrêter. Kôsui voulait qu'on vole autre chose. Au départ, ça ne me dérangeait pas trop, puisque nos activités se déroulaient dans le Ningenkaï. Mais quand il a commencé à parler de voler dans le Reïkaï ou le Makaï, j'ai refusé. Je devais rester aux côtés de Kaasan. Encore une fois, il a menacé Kaasan et j'ai cédé. Il m'a entraîné de force plusieurs fois. Et puis j'ai commencé à en avoir vraiment marre. Alors après une de nos excursions dans le Makaï, je lui ai dit que notre collaboration prenait fin et je suis parti"
A présent, sa voix chevrotait et il respirait très fort. Il ferma les yeux avant de reprendre:
"Environ deux semaines après avoir quitté Kôsui, j'ai trouvé dans mon casier un petit mot disant que si je voulais revoir Kaasan en vie, je devais me rendre dans le Makaï. Je ne me doutais pas qu'il s'agissait d'un piège. Kôsui m'attendait avec quelques sbires. Ils m'ont pourchassé et ils ont réussi à m'avoir... Kôsui m'a... torturé et il a juré qu'il tuerait Kaasan si je ne revenais pas... Il avait certains pouvoirs et il m'a fait enrager... Je, j'ai, je l'ai battu et je suis retourné dans le Ningenkaï. Je pensais ne plus jamais le revoir..."
Sa voix se brisa, il renifla un peu et essuya les larmes qui risquaient de couler sur ses joues. Kuwabara avait la mâchoire qui pendait et Yusuke lui fila un bon coup de coude dans les côtes pour remédier à ce petit problème. Le jaganshi, lui, n'en croyait pas ses oreilles. Ce salaud avait osé faire du mal à Kurama ! Cet enfoiré avait profité de la situation pour lui faire faire tout ce qu'il voulait ! Et maintenant, il était revenu et apparemment il cherchait toujours autant à avoir le grand Yohko Kurama dans ses rangs. Le hérissé fit de gros efforts pour prendre sur lui et éviter d'exploser. Ce n'était vraiment pas le moment de devenir fou de rage, alors que Suishi avait besoin qu'on l'aide à surmonter le retour de Kôsui.
"Est-ce que tu sais pourquoi il est là ?" demanda Yusuke en enfilant un blouson. "Il faut que j'aille prévenir Koenma pour voir ce qu'on peut faire"
"Non..." répondit faiblement le renard. "Il m'a juste demandé de revenir avec lui..."
"Je pense que tu devrais aller te reposer" dit Kuwabara en suivant Yusuke. "Je l'accompagne" ajouta-t-il avec un signe de tête en direction du brun.
"Pour une fois que tu dis quelque chose d'intelligent" fit remarquer le koorime.
Après leur départ, le kitsune monta dans sa chambre et s'allongea sur ses draps. Il s'endormit aussitôt, les traits légèrement tirés. Le démon du feu poussa doucement la porte de la chambre et entra sans bruit. Il s'assit et passa une main dans la frange désordonnée de son ami.
"Pour une vieille connaissance, ce type est un véritable salaud..." dit-il avant de sortir, la rage au ventre.
Chapitre 4: Fin
