Cauchemars

Chapitre 6 : Visite surprise

Un cri strident. Dans la chambre. Hiei se propulsa hors de la cuisine cinq fois plus vite qu'un missile et gravit l'escalier en un seul bond qui aurait pu avoir sa place dans le Guinness et arracha presque la porte de ses gonds.

Recroquevillé sur son lit, le renard sanglotait si violemment qu'on aurait cru qu'il était agité de spasmes. Le jaganshi s'accroupit à côté de son ami et repoussa les mèches collées à son front par la sueur, caressa sa joue dans un geste apaisant mais évita de prolonger le contact par peur de réveiller le jeune homme.

Mais contrairement à ce qu'il pensait, l'androgyne ne dormait plus. Ce dernier leva vers lui un regard empli de larmes, un regard empli de douleur, de tristesse, d'appréhension et un immense besoin d'être rassuré. Il frissonna plus de peur que de froid à cause de la fenêtre ouverte.

« Tu as encore fait un cauchemar ? » demanda le koorime, même s'il connaissait déjà la réponse.

« C'était tellement horrible… » articula difficilement le kitsune d'une voix chevrotante. « C'était tellement… réel ! »

Le démon du feu ne savait pas quoi faire ni quoi dire. Il ne put que serrer les poings avec rage et grimacer d'énervement avant de se lever pour fermer la fenêtre. Ensuite, il alla dans la salle de bain et farfouilla un moment dans les médicaments qui étaient rangés par catégories. Par chance, le hérissé arrivait à déchiffrer ce qui était écrit sur les petites étiquettes avec des indications assez précises afin de ne pas se tromper.

« Sûrement le travail de Shiori… » pensa-t-il en sortant de la salle d'eau.

Dans la chambre, Kurama grelottait toujours et lançait des coups d'œil inquiets autour de lui comme si quelqu'un allait surgir de son armoire ou de sous son bureau alors que les seuls susceptibles de s'attaquer à lui étaient probablement les quelques peluches trônant sur le haut d'une étagère ou les figurines entreposées dans la vitrine.

Le youkaï tenait un verre à la main et une plaquette qu'il tendit sans un mot à son camarade qui hésita un instant.

« C'est bien pour dormir, non ? » questionna le garde-malade avec un sourcil imperceptiblement haussé.

Le regard de Yohko passa de la plaquette à Hiei puis de Hiei à la plaquette, puis il hocha la tête d'un air fatigué.

« Alors tu en prends, tu as besoin de te reposer. Et c'est pas en faisant des cauchemars que tu vas y arriver » trancha-t-il.

L'ordre était sans appel. Mais après tout, il avait raison. Pour se reposer, il devait avoir un sommeil sans rêve. Suishi prit le verre d'eau et mit un petit cachet dans sa bouche et avala une grande gorgée.

Le jaganshi posa le verre sur le chevet, remonta les couvertures jusqu'aux épaules de son ami, tira les rideaux pour plonger la pièce dans la pénombre et sortit en refermant doucement la porte.

Il descendit dans le salon et attendit. Yusuke et Kuwabara se faisaient désirer. Ce qui l'agaçait au plus haut point. Comment pouvaient-ils se permettre de laisser traîner en longueur une affaire aussi urgente que celle-là ? La vie de Minamino était en danger. Il ne s'agissait pas d'un cas habituel, avec un inconnu à sauver. Cette fois, il s'agissait de sauver leur ami.

Un ami… Mais pourquoi est-ce que cela l'inquiétait autant ? Le mazoku et le ningen no baka étaient ses amis aussi. Quoique le ningen no baka... D'accord, il l'avouait, il lui arrivait de s'inquiéter pour eux mais pas comme ça… Avec Kurama c'était différent…

Oui, mais différent comment ? Il n'avait pas vraiment les mots pour exprimer cette différence. Kurama était comme les autres. Non, pas du tout en fait. Il était bien plus gentil, plus compréhensif, plus… plus quoi… ? Quand il y regardait bien, il n'arrivait pas à définir le renard. Pas totalement en tout cas.

Physiquement déjà, il se démarquait très vite de tout le monde, qu'il soit sous sa forme ningen ou démone d'ailleurs. Avec ses yeux aussi verts que des émeraudes, ses traits fins, sa longue chevelure flamboyante et ses sourires enchanteurs, c'est vrai qu'il était différent. Mais pas en mal. C'était normal puisque le kitsune était quelqu'un de bien de toute façon… Enfin…

Ses paupières étaient lourdes. Lourdes comme du plomb. La chambre était grise. Grise comme du plomb. Normal, les rideaux étaient tirés. L'atmosphère était propice pour un bon somme. Pourtant il n'arrivait pas à dormir. Malgré le somnifère, il avait peur de dormir. Le simple fait de fermer les yeux faisait ressurgir les horribles images de son cauchemar.

Son cœur s'affolait dès que ses paupières bougeaient d'un millimètre. Mais il avait désespérément besoin de se reposer. Il ignorait pourquoi mais son instinct l'avertissait d'un danger. Mais il devait dormir. Et le cachet commençait à faire effet. Il n'arrivait plus à lutter. D'un seul coup, son champ de vision devint noir et puis plus rien.

Le koorime sursauta lorsqu'il entendit du verre se fracasser dans le salon. Il était retourné à la cuisine pour se verser une tasse de café. Il savait que cela l'énerverait plus qu'autre chose mais que faire d'autre pour passer le temps qui s'étirait beaucoup trop à son goût ? Il n'avait senti aucune présence. Il sortit précautionneusement de la cuisine et se glissa en silence dans la salle de séjour.

Rien. Pas âme qui vive. Il y avait quelque chose d'anormal. Logiquement, il avait été plus rapide que l'intrus donc il aurait dû se trouver dans le salon. Sauf si l'intrus en question n'était pas humain. La lumière se fit jour dans l'esprit du démon du feu qui réalisa son erreur. Il récupéra son katana posé près de la porte du salon et s'arrêta net dans le hall.

En haut de l'escalier se tenait le type qu'il avait vaguement aperçu dans le bosquet du parc. Il était plutôt grand, une chevelure blanche avec une mèche noire devant l'œil gauche, l'œil droit était jaune avec une pupille verticale comme celles des chats. Il portait un long manteau pourpre sous lequel dépassait un pantalon noir. Il fixait Hiei avec un sourire narquois, l'œil brillant d'une lueur mauvaise.

« Tu dois être Hiei, je suppose ? » dit-il plus par constatation que pour réellement avoir une réponse à sa question.

« Et toi tu es Kôsui, non ? » questionna-t-il en retour avec hargne.

« C'est exact. Je suis venu faire une petite visite de courtoisie. Et puis, je meurs d'envie de revoir ce cher Kurama » fit Kôsui en se dirigeant vers la porte de la chambre du lycéen.

« N'entre pas ! » hurla le hérissé, sa main droite s'enflammant aussitôt.

« Ou sinon quoi ? Tu comptes me brûler vif ? » se moqua l'autre.

« N'entre pas ou tu ne seras plus qu'un misérable tas de cendres dans la seconde qui suit ! »

« Oh ! Comme j'ai peur… Je crois que je vais m'évanouir… »

Kôsui ne lui prêta pas plus attention et posa sa main sur la poignée de la porte qu'il ouvrit. Il s'habitua vite à la pénombre qui régnait dans la pièce. Et il le vit. Etendu sur le lit, la respiration lente et régulière, à moitié recouvert d'un drap. Il devait sûrement avoir chaud puisque des mèches de feu s'accrochaient à sa peau si pâle. Même dans ce corps humain il était d'une telle beauté. Personne n'était aussi beau que lui.

Il revint à la réalité lorsqu'il sentit une douleur aiguë dans son épaule droite. L'odeur du sang éveilla ses sens et surtout son envie de faire souffrir. Il lança un regard avide vers son assaillant qu'il attrapa par la gorge et souleva sans aucune difficulté. Il l'envoya valser contre la porte de la salle de bain. Il retira le sabre de son épaule et lécha son propre sang sur la lame. Ensuite il se désintéressa du corps inanimé qui s'était encastré dans le battant en bois pour pénétrer dans la chambre de l'endormi.

Il s'assit doucement sur le bord du matelas et du plat de l'épée, il fit tourner le visage du jeune homme vers lui et le contempla un moment puis avec la pointe il écarta les mèches qui s'enroulaient en arabesques sur sa peau. Dieu qu'il était magnifique ! Selon lui, jamais plus belle créature n'avait vu le jour au sein des trois mondes. Il laissa tomber le katana au sol et s'allongea aux côtés de Yohko.

« Bonjour mon mignon. Ca faisait longtemps, n'est-ce pas ? » murmura Kôsui en caressant la joue de ce dernier du bout des doigts.

Il ne put profiter plus longtemps de sa compagnie car il fut tiré en arrière par le col de son manteau. Deux iris flamboyants le fixèrent avant qu'il ne reçoive un magistral coup de poing qui le sonna. Il se sentit traîné hors de la chambre. Une vive douleur déferla dans tout son bras lorsqu'il heurta le sol. Il se remit sur pieds aussi vite qu'il le put et constata que deux adversaires de plus s'étaient joints à la partie.

« Tiens donc ! Vous voulez vous amuser aussi ? »

« Tu n'as rien à faire ici, espèce de monstre ! » vociféra Kuwabara, son épée astrale brandie.

« Ouh ! Je tremble de peur ! » ricana l'intrus, un sourire fou étirant ses lèvres.

« Ta place est en Enfer ! » s'écria Yusuke, son reigun prêt à tirer.

« Je vous y attends ! » répondit-il, tandis qu'il passait par une ouverture et sautait par-dessus la rambarde pour s'enfuir par le salon.

« Et merde ! » hurla le jaganshi en balançant son poing dans le mur le plus proche.

Ensuite, il entra dans la chambre où Kurama dormait toujours paisiblement. Il remit les draps en place et ramassa son arme, sortit et referma la porte derrière lui. Il se passa une main sur la figure avec un soupir las :

« Kuwabara, veille sur lui pendant que Yusuke me raconte ce que Koenma vous a dit »

Les deux amis s'assirent dans le salon, le mazoku visiblement pas très heureux des informations qu'on lui avait communiquées.

« Alors, qu'est-ce qu'il t'a raconté l'autre taré ? »

« Kôsui est un type vraiment dangereux. Le pire c'est que celui qu'on vient de laisser partir n'est qu'un éclaireur. Le vrai Kôsui ne s'est pas montré. »

« Nani ! »

Le visage du koorime se décomposa aussitôt et il remonta comme une flèche jusqu'à la chambre. La porte était entrebâillée et dans son champ de vision se trouvait une jambe. Il poussa le battant, découvrant le corps inanimé de Kazuma, le lit vide de son occupant et la fenêtre ouverte à tous vents.

« C'est pas vrai ! »

« Oh, nom d'un chien… » fit Urameshi qui venait d'arriver.

« Préviens Koenma tout de suite que cet enfoiré a enlevé Kurama ! Moi je vais essayer de suivre sa trace » ordonna-t-il, un pied déjà sur le rebord de la fenêtre.

Yusuke n'eut pas le temps de protester car le youkaï disparut, les rideaux fouettant le vide à l'endroit où il se trouvait quelques secondes auparavant.

« On est vraiment dans la merde… » marmonna-t-il. « Vraiment… »

Chapitre 6 : Fin