Une pluie torrentielle s'abattait depuis plusieurs jours sur les toits de Hogwarts. On était début septembre et l'été n'avait pas l'air de vouloir partir sans être sûr qu'on le regretterait. Beaucoup d'élèves scrutaient le ciel dans l'espoir d'apercevoir autre chose qu'une nappe de gris foncé. C'est donc dans une ambiance morose qu'une nouvelle année avait débuté.

Seul dans son dortoir, Harry était couché sans énergie et sans envie. Les vacances n'avaient été qu'une succession de jours fades que la rentrée ne suffisait pas à égayer.

Il avait passé les trois quarts des vacances chez les Dursley. Les membres de l'Ordre étant manifestement très occupés, il n'y avait personne à Grimauld Place. Apeurés par l'avertissement qu'ils avaient reçu à la gare, les Dursley s'étaient tenus à carreaux. Pendant un moment...Harry lui, s'était barricadé dans sa chambre, ne parlant à personne et ne descendant jamais pour manger. Il attendait la nuit pour ça puis il sortait dans la rue déserte et marchait, marchait. Un observateur l'aurait vu, le nez levé vers les étoiles à la recherche de la plus brillante d'entre elle. Il rentrait au petit matin, quand le ciel devenait trop clair. Sa douleur s'accentuait de jour en jour. La mort de Sirius devenait obsessionnelle. S'ajoutait à cela, le fardeau écrasant de la Prophétie que lui avait révélé Dumbledore. Il avait envie de mourir. Il l'aurait sûrement fait sans cette malédiction qui le condamnait à vivre pour pouvoir un jour, vaincre Voldemort. S'il partait avant, tout était perdu.

L'oncle Vernon trouvait son attitude très étrange. Ce n'est pas qu'il se plaignait de ne plus voir Harry. Dieu merci, on aurait dit qu'il n'était pas là! Mais il soupçonnait un mauvais coup de la part de ce bon à rien et il ne voulait pas avoir à subir les commentaires des voisins qui le prenaient déjà pour un délinquant. Aussi, une nuit, il espionna son neveu et le vit qui sortait. A son retour, Harry le trouva sur le pas de la porte, la moustache frémissante de colère.

Viens ici toi ! gronda-t-il en le tirant par les cheveux.

Il le traîna jusqu'à la cuisine où Pétunia et Dudley prenaient le petit-déjeuner et le jeta sur une chaise.

Où as-tu passé la nuit ? cria Vernon debout devant Harry.

Ce dernier était resté comme il était tombé et ne broncha pas. Irrité par son silence, Vernon l'empoigna et le secoua brutalement:

Mais tu vas répondre oui ! Tu casses des voitures? Je suis sûr que tu te drogues aussi. Tu as vu ta tête?

Les yeux rouges et les cernes de Harry n'étaient rien d'autre que le résultat de nuits de larmes et d'insomnies. Vernon le relâcha et sa tête retomba sur sa poitrine. On aurait dit une poupée de chiffon. Rien n'indiquait qu'il ait entendu son oncle. Ce dernier, les poings sur les hanches, continua de vociférer:

A moins que tu ne mijotes quelque chose avec ta bande d'anormaux! Je te préviens, leurs menaces ne me font pas peur. Continue comme ça et je te flanque une correction qui me démange depuis longtemps!

Non, Vernon! s'écria Pétunia.

Tais -toi ! tonna son mari. Oui je sais, il y a son fichu parrain! S'il existe vraiment ce dont je commence à douter.

Il se retourna vers Harry avec une voix encore plus inquiétante car elle était calme:

Eh bien qu'il vienne ton Sirius Black! J'ai un fusil de chasse pour les chiens de son espèce. Et s'il débarque, il trouvera un bon fourgon de police venu exprès pour lui. Et on le renverra dans sa prison d'où il n'aurait jamais dû sortir !

A ce moment-là, l'oncle Vernon s'interrompit. Harry avait relevé la tête et le regardait droit dans les yeux. Les siens étincelaient de haine à l'état pur. Son corps inerte était à présent tendu à l'extrême. Il tremblait de tous ses membres comme une boule de nerfs prête à exploser. D'abord surpris, Vernon bondit devant ce regard:

Et d'abord, baisse les yeux petit insolent!

De sa large main, il lui administra une gifle retentissante mais qui n'eut pas d'autre effet que d'empourprer la joue de Harry. Il continua de fixer son oncle et il en devenait effrayant.

Je vous interdis...de parler...de Sirius, dit-il entre ses dents serrées.

Ah oui ?

L'oncle Vernon éclata de rire et prit appui sur ses genoux.

Tu crois vraiment que tu peux m'interdire quelque chose ? J'aurais tout entendu! Allez dégage! Vas écrire à ton parrain que je suis méchant avec toi et qu'il vienne te chercher ! Il verra ce qui l'attend s'il se ramène ici!

IL EST MORT !

En une seconde, tout ce qui était en verre dans la cuisine explosa dans un fracas épouvantable. Pétunia hurla et se jeta sur Dudley pour le protéger des éclats de verre. Harry s'était dressé bien droit sur ses pieds et ses yeux flamboyaient. Il pointait sa baguette droit sur son oncle qui avait cessé de sourire. La respiration bruyante, Harry ne bougea pas pendant quelques secondes puis soudain, il sortit de la cuisine et se précipita dehors.

Il courut jusqu'à perdre haleine et finit par s'effondrer sous un arbre qu'il roua de coups de poings. Il voulait se faire mal pour exorciser la colère et le chagrin qui le rongeaient. Il s'écorcha les mains sur le tronc rugueux et enfin, il se recroquevilla sur lui-même et éclata en sanglots.

Ce fut Miss Figg qui le trouva. Et le ramena chez elle et le soigna. Dumbledore l'avait chargée de veiller sur Harry et elle s'empressa de lui envoyer un message pour lui dire ce qui s'était passé. Une heure plus tard, la réponse de Dumbledore arriva: Harry devait se rendre immédiatement chez les Weasley par la Poudre de Cheminette.

Mme Weasley poussa un cri en voyant l'état piteux dans lequel il était arrivé. Il restait à peine une semaine avant la rentrée. M. Weasley s'occupa de récupérer les affaires de Harry chez les Dursley. Toute la famille fut aux petits soins pour lui mais le mal était trop profond et Harry s'enfonça inexorablement dans la déprime.