Sous la soutane du moine…


Acte Second

Ou

"Rituel hiémal…"

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À de rares endroits, le toit en ardoise de l'auberge était percé de larges rectangles en verre épais qui devaient tenir lieu de fenêtres.

Il y en avait trois ; deux petites d'un côté, et une autre, beaucoup plus grande, de presque un mètre sur deux, de l'autre.

Elles ne s'ouvraient pas, de sorte qu'elles n'étaient finalement rien de plus que des trous de ciel dans la continuité du mur pentu qui abritait les combles, des plaies béantes couleur de nuit, comme des blessures mal découpées sur le flanc d'un animal.

Les finitions grossières du verre mal fondu laissaient filtrer çà et là des lacets d'air glacé, des souffles courts et blancs qui s'insinuaient par les interstices mal isolés des encadrements irréguliers.

L'immense entrelacs d'édredons blanc qui avait été improvisé à la hâte la veille au soir s'étalait largement quoique que de manière précaire, juste sous la plus grande meurtrissure couleur d'encre du toit.

Sur le sol gelé, même la poussière avait fini par blanchir pour givrer et, des milliers de petites veines argentées se disputaient les jours entre les lattes du plancher, comme autant de micro reptiles cristallisés sur la tête d'une gorgone.

Les indénombrables toiles blanches et pailletées, travail minutieux des arachnides de la région, figées par le givre blanc qui appelle à la somnolence éternelle, semblaient se déplacer avec agilité, comme un océan de cheveux d'ange, pour gagner le cœur de la maison et la plonger dans le même coma froid et silencieux.

Les lèvres jointes, Sanzo souffla doucement pour créer une belle volute de fumée, longue et dodue, s'amusant de la blancheur condensée de sa respiration brûlante au contact de l'atmosphère glaciale.

Il ramena la dizaine d'édredon plus près sous son menton et soupira de bien être en se soûlant de l'arôme poivré des vieux oreillers. Il se régalait de cette lourde et chaude hauteur de plume qui pesait sur ses jambes et épousait chaque millimètre de son corps aigu, ne laissant aucune chance à l'hiver de l'atteindre. A tel point qu'il aurait aisément pu tomber amoureux de son lit contrairement à ce que lui disait le kappa.

Il savait aimer… Là n'était pas le problème, il était même parfaitement capable d'aimer. Il aimait… Il aimait ses clopes, son journal, il aimait avoir chaud, il aimait les yukatas, les fleurs de lotus, qu'on lui foute la paix, le matin, le silence ! Que Bouddha en soit témoin, il aimait tout un tas de choses diverses et variées !

Mais pas les êtres humains…

Pas les monstres, qu'ils soient de son côté ou non, pas plus que les dieux, ni les aberrations… Rien qui soit doté dune conscience ou capable de le rendre faible en le réduisant à la dépendance, rien de tout cela.

Il se glissa plus profondément dans les amoncellements de couvertures, mais quels que soient les mensonges qu'il se racontait, rien ne réchauffait jamais vraiment son âme de fossile surgelé…

Les gens… Les gens le faisaient chier pour parler franchement. Ils étaient tous bien trop précieux, tous à la recherche de serments sacrés et inviolables, de promesses intenables et de vœux de fidélité infinie.

Non pas qu'il lui suffise de se contenter de la chaleur d'un corps d'un soir comme l'autre obsédé, non loin de là… Au contraire, il n'avait pas peur de s'avouer qu'il cherchait lui même le genre de refuge stable et confortable dont le métier n'était pas, précisément, de servir de bouillotte corporelle le temps d'une nuit, et ce grâce aux services divins de la gold card de la trinité.

Sanzo n'était pas tant un monstre qu'on voulait bien le croire, il imaginait parfaitement le bonheur d'un autre qui serait le prolongement de soi même, il y aspirait comme tout un chacun mais ne pouvait se résoudre aux coutumes de mise en ménage de son époque de merde.

Ce qu'il voulait… Ce après quoi il pouvait éventuellement prétendre courir, c'était une étreinte sincère et terriblement douce, un putain de câlin qui le ferait mourir de satisfaction, qui l'emmènerait jusqu'au bord du précipice, au cœur d'un océan de tendresse tellement généreux, tellement grisant qu'il en perdrait conscience. Qu'on l'enlace sans rien lui demander en retour, une paire de bras qui saurait toujours exactement quand il a besoin de cette promiscuité indiscutablement sensuelle mais, par dessus tout, tendre à l'extrême. Ouais, le mot revenait souvent à son esprit, la tendresse, c'était ça la magie de l'amour, l'amour comme lui l'envisageait.

Il ne voulait décidément pas de serment, pas d'engagement factice, pas de liens matériels, pas de discussions pour établir une base de confiance, pas de règles ni même d'efforts pour rendre l'amour équitable, pas d'échanges, surtout pas de promesses et encore moins de projets… Non…

Juste de la chair contre de la chair, le silence et des cœurs qui s'écoutent battre. Ça, ça c'était largement à sa hauteur…


To be continued…