Chapitre 6 : Haine
Le soir venu, Oscar rouvrit ses yeux sur le monde. Elle observa ce qui l'entourait : la pièce était plongée dans l'obscurité, seule une faible partie était illuminée, c'était la porte qui était restée entrouverte. La jeune femme se tourna légèrement pour essayer d'apercevoir ce qu'il y avait à l'extérieur de la pièce. Penchée au-dessus d'un foyer, la veuve remuait une cuillère dans une marmite. Oscar se souvenait de son visage, du regard triste qu'elle avait croisé avant de sombrer dans le néant.
Elle essaya de se redresser mais son épaule lui faisait atrocement mal et ses muscles brisés criaient leur douleur. Elle baissa le regard sur son corps et remarqua stupéfaite qu'on l'avait entièrement dévêtue et qu'on l'avait habillé avec une sorte de kimono. La jeune femme en écarta les pans et put voir un large bandage recouvrir son épaule… mais le tissu qui protégeait ses seins avait disparu, ôté avec le reste de ses affaires. « Ainsi ils savent ! » ne put s'empêcher de penser Oscar.
En entendant du bruit dans la pièce, Taka se leva pour voir si sa patiente s'était réveillée. Elle la trouva à demi allongé, les traits tirés, les cheveux en bataille et vivante. La militaire leva les yeux vers elle en la voyant approcher. Après un premier regard triste, les yeux d'Oscar semblaient refléter la fureur de l'océan.
OSCAR sèchement : Où sont mes vêtements ?
Taka, frappée par le regard glacial de la jeune femme, se recula instinctivement. Elle ne comprenait pas ses paroles mais le ton de sa voix laissait deviner sa colère.
OSCAR ne voyant pas réagir la veuve : je veux mes vêtements !
« Silence ! »
Oscar se tut, médusée. Un jeune homme apparut aux côtés de la japonaise. Il portait un kimono sombre, une sorte de petit sabre ornait sa ceinture tandis qu'un autre, beaucoup plus long, résidait dans sa main droite. Ses cheveux bruns étaient remontés en une sorte de chignon, mais ce qui choqua le plus la jeune femme fut ses yeux… ses yeux couleur vert émeraude qui la fixaient avec mépris. Mais il n'avait rien d'un asiatique, ni même d'un métis, il avait tous les traits d'un occidental.
AN-SAN en la toisant de haut : « je t'interdis de parler ainsi à ma mère ! »
OSCAR ne comprenant pas un mot : je veux qu'on me donne mes vêtements !
TAKA à son fils : « qu'est ce qu'il y a ? »
AN-SAN : « il veut ses habits »
TAKA en jetant un œil à la jeune femme alitée : « je les ai lavé, ils sont mouillés »
OSCAR les maudissant de ne rien comprendre : y'a personne ici qui comprend ce que je dis ?
Sans plus d'attention, An-San lui tourna le dos et s'éloigna de la chambre, de son côté Oscar s'allongea dans son lit, ce n'était pas la peine d'insister apparemment. Mais qui était cet homme ? … Soudain elle se redressa violemment dans son lit… trop violemment d'ailleurs : un cri de douleur lui échappa. Alertée par le cri, Taka entra dans la chambre et referma aussitôt la porte. Elle s'agenouilla auprès d'Oscar qui s'était repliée sur elle-même en essayant de taire sa souffrance.
La veuve déposa sa main sur son épaule et l'obligea à s'allonger sur le dos, puis délicatement elle ouvrit les pans du kimono de la jeune femme. Instinctivement Oscar replia ses bras sur sa poitrine pour la cacher. Taka lui adressa un timide sourire et écarta doucement ces mains. Une tache de sang commençait à se répandre sur le bandage qui enserrait l'épaule de la militaire. Elle entreprit alors de défaire le tissu et mit à jour la plaie. En effet, la blessure s'était remise à saigner. Taka y appliqua un onguent et refit un pansement avec un tissu propre.
Oscar quand Taka eut fini : merci
Taka sourit à la jeune femme, même si elle ne la comprenait toujours pas, son regard laissait apparaître de la gratitude. Si cette femme blonde devait séjourner plus longtemps dans sa demeure, elle demanderait sans doute à An-San de lui apprendre quelques mots.
TAKA en posant sa main sur sa poitrine : « Taka »
OSCAR comprenant qu'elle cherchait à faire les présentations : Taka
La veuve lui répondit en hochant la tête.
OSCAR en posant à son tour sa main sur sa poitrine : Oscar
TAKA en répétant : Oar
OSCAR en secouant la tête : non ! …. Ossscccar
TAKA : Ossccar
OSCAR en esquissant un sourire : oui.. très bien
TAKA fière : Ossccar, Ossccar…Oscar !
OSCAR: oui… Oscar
Soudain, on entendit un gargouillis émaner du ventre d'Oscar. Elle n'avait pas mangé depuis l'aube et toutes ses « émotions » commençaient à lui peser sur l'estomac. Entendant cette faim, Taka sourit à la jeune femme et mima les gestes pour « manger ». Oscar lui rendit son sourire en signe d'accord et fit mine de se lever. Malheureusement, ses jambes, trop fragiles, cédèrent, si bien qu'elle retomba brusquement sur le futon. La japonaise lui proposa alors son bras pour l'aider à se relever, la militaire y posa sa main et put finalement se lever. Elles se dirigèrent ensuite vers une grande table basse autour de laquelle le jeune samouraï s'était déjà assis.
AN-SAN vexé : « que fait il ici ? »
TAKA : « il faut qu'il mange »
AN-SAN : « tu n'as qu'à lui donner à manger dans sa chambre »
Oscar regardait l'homme, les sourcils froncés, en train de crier… pas de doute il parlait d'elle ! Elle se tourna alors vers la femme, l'interrogeant du regard. En réponse Taka l'invita à s'asseoir près de la table, face à son fils.
AN-SAN qui ne décolérait pas : « je ne veux pas qu'il mange à notre table, il n'est pas des nôtres ! »
TAKA : « ce sont les ordres de Katsumoto ! »
Oscar releva le visage vers Taka en entendant « Katsumoto », puis glissa son regard vers celui du samouraï ; si des émeraudes pouvaient tuer, elle serait morte depuis longtemps. Ne supportant pas la haine qui lui faisait face, Oscar baissa les yeux… Quelque part, elle comprenait sa réaction, d'après ce qu'elle avait découvert : cet homme aux yeux clairs devait être de la famille du samouraï rouge qu'elle avait tué quelques heures auparavant.
