Chapitre 7 : Cauchemars
De retour dans sa chambre, Oscar se remit à penser à cette terrible journée : ils avaient campés avec Alain près du lieu de la bataille la nuit dernière attendant l'aube pour attaquer. La jeune femme s'effondra dans son lit en sanglotant sans bruit… Alain… son ami de toujours, son seul ami était mort à présent et maintenant elle était prisonnière de ces guerriers qui ne tarderaient sans doute pas à lui réserver le même sort. Pour couronner le tout, personne ne parlait sa langue et bien qu'elle parle anglais et suédois, Oscar doutait que cela puisse lui servir dans un lieu pareil ! La seule solution qui s'offrait à elle était d'apprendre tant bien que mal quelques rudiments de japonais.
Au cours du repas, qui s'était révélé désastreux d'un point de vue ambiance conviviale, elle avait découvert que Taka, la veuve du samouraï rouge, faisait son possible pour se montrer aimable envers elle, même si son regard ne cessait d'exprimer tristesse et interrogation. Quant au jeune homme, elle avait tout fait pour ne pas croiser son regard et se faire le plus discrète possible. Le samouraï avait posé son sabre en évidence à côté de lui. Oscar avait parfaitement compris le message : au moindre geste de travers, sa tête valserait en un éclair. Captant quelques éléments de la conversation, souvent animée, entre Taka et l'homme, la jeune femme parvint à identifier son nom et celui de Katsumoto, à part ça, rien : ça ressemblait vraiment à du japonais… donc incompréhensible !
Le sommeil s'empara petit à petit de son corps. Les heures passèrent mais les images de la bataille se mirent à ressurgir dans l'esprit d'Oscar : les chevaux, les cris, les chocs métalliques, les coups de feu… la mort d'Alain, la décapitation du général Hasegawa… Mais progressivement, sournoisement ces flashs laissèrent la place à ses souvenirs beaucoup plus anciens qu'elle avait tant de mal à enfouir dans les tréfonds de son inconscience… la France… le peuple … la révolution…
En plein milieu de la nuit, Taka entendit la jeune femme hurler, crier des mots, déchirer le silence nocturne de sanglots… jamais elle n'avait entendu telle détresse. Qu'avait on fait à cette femme soldat pour en arriver là ? La japonaise aurait voulu la rejoindre, la bercer dans ses bras, comme elle l'avait fait longtemps auparavant avec son fils, après que ses parents se soient faits tuer… mais elle ne devait pas… la militaire était une ennemie… une ennemie bien fragile cependant...
An-San … elle repensa à l'arrivée de son fils, juché sur le cheval de son époux, pleurant la perte de ses parents. Katsumoto avait accepté que le jeune garçon lui soit confié, elle n'avait pas eu d'enfant et l'adoption fut admise par tous. Au fil des années, de forts liens s'étaient tissés entre An-San et son père adoptif. Le garçonnet était devenu un homme et avait intégré les lois et coutumes des samouraïs, devenant l'un d'entre eux. Aujourd'hui, son père était « à nouveau » mort… il lui faudrait du temps pour l'accepter… en attendant il avait décidé de passer les soirs et les nuits auprès de Katsumoto… afin de s'éloigner du soldat français.
……………………
Au petit matin, Taka pénétra dans la chambre de la jeune femme. La literie était éparpillée dans tous les coins de la pièce et Oscar était recroquevillée contre un des murs.
TAKA en glissant doucement sa main sur son épaule : Ossccar…
Oscar se réveilla d'un bond, poings serrés ! Puis voyant apparaître à travers ses paupières le visage de son hôte, elle se détendit et abaissa ses mains.
OSCAR : bonjour, Taka
La japonaise baissa la tête pour la saluer et posa devant elle son uniforme nettoyé. Oscar s'inclina à son tour pour la remercier.
OSCAR : merci
Elle commença à ouvrir son kimono quand le mouvement pour dégager son épaule blessée la fit tressaillir. Sans attendre Taka s'approcha d'elle et l'aida à se dévêtir. La femme déplia alors les vêtements propres et dévoila un long tissu blanc. Oscar reconnut instantanément l'étoffe qu'elle utilisait pour cacher ses seins. Taka se glissa alors dans son dos et commença à enrouler délicatement le carcan autour de la menue poitrine. Prise de court, Oscar se laissa faire… « Pourquoi remettre ça si ils savent que je suis une femme » se demanda-t-elle… puis un doute effleura son esprit : tout le monde était il au courant ? Elle le verrait bien par la suite.
Oscar finit de s'habiller avec l'aide de Taka et put enfin faire quelques pas. Elle marcha jusqu'à l'entrée de la maison, elle s'assit sur les marches et commença à enfiler comme elle put ses bottes. Tous les regards extérieurs semblaient converger vers elle : tous les habitants paraissaient avoir suspendu leur geste, figés par son apparition ; puis après ce court instant, chacun reprit sa tâche là où il l'avait arrêtée. Après un moment d'étonnement, Oscar se releva et quitta la maison pour « visiter » les lieux… après quelques mêtres, elle entendit un bruit derrière elle… il était là, le sabre à la main…
