Chapitre 12 : Regard dans la nuit
Excédé par le comportement du militaire, An-San laissa choir le seau d'eau que lui avait donné Oscar. Mais pour qui se prenait cet homme ? Que croyait il : qu'il était à son service ?.
AN-SAN au bord de la rupture : « écoute moi bien, blondinet, si Katsumoto ne m'avait pas donné l'ordre de te laisser en vie, cela ferait bien longtemps que ton corps aurait rejoint les limaces et autres asticots ! Jamais je n'accepterai de recevoir d'ordre de ta part. Je te déteste au plus profond de mon cœur… je connais bien les gens comme toi … trop bien… vous êtes prêts à tuer quiconque se met sur votre chemin … jamais… je ne vous pardonnerais ce que vous avez fait à mes parents… jamais ! »
Oscar regardait le samouraï lui crier dessus. Elle sentait toujours cette haine dans sa voix… mais aussi une profonde tristesse … même si An-San faisait son possible pour rester froid, sa voix trahissait son cœur… son cœur saignait … Etrangement elle aurait voulu le rassurer, comme un enfant qui s'était fait mal, comme sa mère l'avait autrefois rassurée quand son père l'avait sévèrement réprimandée. Pour la première fois, elle voyait dans cet homme dur et froid une trace d'humanité.
OSCAR : « arrête ! » Bon j'ai compris… tu ne veux pas porter le seau, c'est cela ? Bien ce n'est pas digne du grand samouraï que tu es, très bien… dans ce cas, tu me laisses faire, je reviendrai chercher l'autre seau plus tard ! Tu ne vas pas piquer ta crise pour un malheureux seau d'eau !
Sur ce, la jeune femme saisit les anses du seau et repartit vers la maison de Taka. « Il est vraiment bizarre… il devient furieux pour une histoire de seau… vraiment j'ai du mal à comprendre ces samouraïs » pensait Oscar en rebroussant chemin. Contre tout attente, le dit samouraï replongea le dit seau dans la rivière et se chargea de le rapporter à sa mère. Après quelques pas, Oscar se retourna et servit un sourire triomphal à son gardien… surpris par le geste, An-San détourna le regard… « Encore cette sensation étrange » pensa-t-il.
De retour, Taka regarda éberluée la française et son fils rentrer, tous les deux un seau d'eau à la main. Que lui avait fait cette jeune fille pour qu'il soit ainsi ? Jamais elle n'avait vu son fils se comporter de la sorte…
TAKA : « tu vas bien mon fils ? »
AN-SAN : « oui mère »
TAKA : « tu m'as ramené de l'eau, c'est très aimable à toi »
AN-SAN : « il ne pouvait pas porter les deux seaux »
TAKA : « pourrais tu le remercier pour moi ? »
AN-SAN : « souris lui, il comprendra »
TAKA : « mais je suis sûre que ça lui ferait plaisir que quelqu'un parle français avec lui… »
AN-SAN : « pas maintenant… il est trop tôt »
TAKA : « très bien, mon fils… »
TAKA en s'inclinant vers Oscar : « merci »
OSCAR en lui rendant son salut : « honoré »
An-San aimait de moins en moins le lien qui se tissait entre ce soldat et sa mère : elle se laissait amadouer par le joli minois et la fausse gentillesse de l'étranger.
AN-SAN : « tu devrais te méfier de lui… »
TAKA : « pourquoi dis tu cela… il n'a fait aucun mal depuis qu'il est ici… »
AN-SAN : « je n'aime pas cet homme, il nous cache quelque chose »
TAKA : « arrête de te faire du soucis, mon fils, va te reposer ta journée a été éprouvante ».
Devant cette discussion en japonais, Oscar s'était discrètement retirée dans sa chambre et s'était allongée sur son futon… à peine quelques minutes plus tard, le sommeil réparateur la gagnait. Malheureusement, comme souvent, les rêves funèbres hantaient ses pensées et à nouveau ses cris vinrent déchirer le silence de la nuit. Depuis l'arrivée de la française, Taka s'était habituée à ces cauchemars, mais pour son fils, qui passait à nouveau ses nuits dans la maison, c'était la première fois.
'Nonnn… Ne tirez pas….. ils n'ont rien fait ! '
En entendant hurler, An-San se redressa brusquement dans sa couche. Ces cris lui glaçaient les os. Que se passait-il ? Qui criait ? Petit à petit, il réalisa que les paroles étaient en français… le soldat… le soldat hurlait… pourquoi ? Il se leva rapidement, prit son sabre pour contrer un éventuel ennemi. Il se dirigea vers la chambre de l'étranger et discrètement, ouvrit la porte, prêt à intervenir au moindre danger…. Une fois dans la pièce, le jeune homme ne put que constater les faits : le français était dans son futon,les yeux clos, le visage tiré, les poings serrés, la respiration haletante, balançant sa tête de gauche à droite comme pour effacer son agonie.
'Girodelle …. Non ! Ne les laissez pas faire…. Je vous en supplie…..' criait le dormeur
'Calme toi……c'est un cauchemar……'
Oscar ouvrit les yeux, une voix venait de la tirer de son tourment. 'Alain ? C'est toi Alain ?' Mais ces yeux verts … ce n'était pas ceux d'Alain. La réalité venait la frapper… Alain était mort, il ne reviendrait plus la réveiller pour échapper à ses visions. Des larmes de désespoir se mirent à couler de ses yeux sombres….
Le visage penché sur elle était celui de An-San… Elle se détourna de lui, enfouit son visage sous l'édredon… elle pleurait en silence dans ce cocon de solitude. Le samouraï quitta alors la pièce, sans un mot, sans un geste. Pourquoi son cœur se serrait-il ainsi ? Quels étaient ces rêves sinistres qui brisaient l'âme du soldat…. , comme la sienne ?
