Chapitre 15 : Bain de minuit

Il était tard à présent, Oscar s'était retirée dans sa chambre en attendant que les occupants de la maison s'endorment. Elle s'était finalement décidée à aller se détendre à la source chaude qu'elle avait découverte quelques heures auparavant. Estimant, au silence persistant, que Taka et An-San devaient être profondément endormis, la jeune femme sortit de son futon, enfila son uniforme et alluma une petite lampe à huile suspendue près de la porte. Elle se glissa hors de la maison en prenant soin de faire le moins de bruit possible et ne se chaussa qu'une fois à l'extérieur. Elle s'avança donc sur le chemin des sources à la lueur relative de la lampe, faisant son possible pour rester discrète tout au long de son trajet : si quelqu'un la surprenait, elle finirait la gorge tranchée, prise pour un intrus. Enfin à quelques minutes de là, la source tant convoitée apparaissait aux yeux d'Oscar, une grande partie de l'étendue était isolée des rayons lunaires par d'immenses arbres… peut être des cerisiers… Elle posa la lampe au sol et commença à se dévêtir.

…………..

Un bruit, puis un autre… Le jeune homme ouvrit les yeux et attrapa son sabre. Il remit rapidement les pans de son kimono et s'approcha en silence de la porte de sa chambre pour voir ce qu'il se passait. Oscar ! Le français s'enfuyait de la maison à pas feutrés. « Quel idiot » pensa An-San. Il lui avait fait confiance. Il avait obéi à la demande de Katsumoto d'entraîner le soldat… mais ce félon à la première occasion en profitait pour les trahir. Il ne le laisserait pas faire : il devait le suivre !

An-San prit le temps de se changer et de revêtir son kimono et son manteau, ses sandales et partit à la poursuite du soldat. Il n'eut pas de mal à le repérer dans le village : la lumière vacillante de sa lampe brillait comme une étoile. Il fit son possible pour se rapprocher du traître malgré la profonde pénombre. Mais le jeune homme était perplexe : où allait le soldat ? Cela faisait plusieurs semaines qu'il était ici et pourtant, au lieu de s'éloigner du village, il entrait encore plus profondément dans la montagne. Etait ce l'obscurité qui inhibait ses sens ?

Le samouraï pénétrait dans le petit bois où il avait souvent l'habitude de se rendre ; d'ailleurs la dernière fois, c'était ce matin même… ce bois délimitait les sources chaudes ! Il s'approcha encore … puis s'arrêta : Oscar se tenait debout devant l'étendue d'eau et commençait à ôter ses bottes. « Quel idiot je fais ! » se moqua An-San. « Il voulait juste prendre un bain » en voyant Oscar retirer sa veste militaire.

Ce qu'il avait pris pour une fuite, une couardise n'était rien de tout ça ! Mais pourquoi Oscar venait il se baigner à cette heure ? Pourquoi en cachette ? … Après tout il ne faisait aucun mal ! Il releva les yeux vers le capitaine et fut surpris par sa finesse, sans doute due à ses blessures et à son manque d'entraînement. Entraînement… le français s'était bien défendu pour une première fois : il manquait bien sur de pratique mais An-San pouvait deviner que le frêle soldat savait se battre. Il observa alors la veste recouverte d'insignes militaires choir sur un bloc de pierre, la pièce de tissu était élimée, plusieurs fois rapiécée par sa mère… il lui fallait un autre habit ! An-San quitta alors son poste d'observation pour rentrer à la maison… il reviendrait pus tard.

……………

Oscar se retourna, elle avait cru entendre un bruit : personne ! Elle se déshabilla alors entièrement et se glissa dans ce bain béni. La température de l'eau était au premier abord un peu chaude mais petit à petit, cette douce chaleur envahissait tout son corps endolori. Un délice… Elle se sentait pénétrer dans une sorte de quiétude totale, loin de tout, loin de la guerre, loin des samouraïs… loin de An-San…

……………

Des pas se faisaient entendre… les yeux bleus s'ouvrirent en un éclair : quelqu'un approchait ! Elle voulait se relever, sortir de ce délicieux bain mais trop tard : il était là, plus majestueux que jamais. Pour la seconde fois de la journée, Oscar se demanda si c'était son imagination ou la réalité.

AN-SAN : « je t'ai amené des vêtements »

OSCAR essayant de cacher discrètement ses rondeurs sous les remous de l'eau : « que fais tu là ? »

AN-SAN : « je te retourne la même question… quelle idée de venir prendre un bain à cette heure »

OSCAR exaspérée par sa présence : « je voulais être seul !»

Depuis quand était il ici ? L'avait il suivi depuis son départ de la maison ? L'avait il vu se déshabiller ? Tant de questions qu'Oscar se posait à présent. Katsumoto lui avait expliqué qu'en dehors de Taka et de lui-même personne n'avait été mis dans le secret de son sexe.

OSCAR voulant être fixée : « alors tu sais maintenant ! »

AN-SAN : « que tu sors de la maison en cachette pour venir ici… oui je sais… »

OSCAR : « depuis quand es tu là ? »

AN-SAN : « j'ai vu que tes vêtements étaient tachés alors je t'en ai apporté d'autres »

OSCAR qui perdait le peu de calme qui lui restait : « ce n'est pas ce que je t'ai demandé »

AN-SAN : « quelle importance cela fait-il ? »

OSCAR : « j'ai mes raisons »

AN-SAN s'approchant d'autant plus de la source : « peut on savoir lesquelles ? »

Oscar commençait à trembler : le jeune homme se faisait de plus en plus proche et s'il continuait à avancer ses moindres doutes seraient validés. Elle l'observa à son tour pour essayer de lire ses intentions. Il portait un kimono sombre très simple, ses cheveux descendaient dans son dos maintenus par une lanière, enfin il portait dans sa main gauche ce qui semblait être des vêtements.

OSCAR indiquant les étoffes du regard : « c'est pour moi ? »

AN-SAN : « je viens de te le dire »

OSCAR : « merci … tu peux rentrer te coucher… je ne vais pas tarder non plus… »

AN-SAN : « tu sais comment ces vêtements se portent ? As-tu besoin d'aide ? »

OSCAR devant le danger de la proposition : « non cela devrait aller… rentre, je te rejoins après »

OSCAR quelques instants plus tard : « tu sais… je ne comptais pas m'enfuir… »

AN-SAN en tournant les talons : « bonne nuit »

Après le départ du samouraï, Oscar resta encore quelques instants dans cette demi conscience, oscillant entre réalité et rêve. Elle avait eu peur en le voyant ainsi approcher : elle était dans une position plus qu'inconfortable… nue, à quelques mètres de lui, son cœur tambourinant dans sa poitrine. A présent il était parti… sa respiration se calma enfin, son corps se détendit à nouveau… Elle jeta un dernier coup d'œil aux alentours et sortit de son bain.

Elle se sécha puis ramassa les quelques vêtements que An-San lui avait amené. Elle n'avait jamais porté ce genre de vêtement mais elle se souvenait de ce matin… quand le jeune homme s'était habillé devant elle. Elle prit le kimono blanc et l'enfila, elle sentit le tissu étrangement soyeux glisser sur ses épaules. « Ses épaules… larges et musclées… » pensait elle. Elle serra ensuite son obi, une sorte de large ceinture de tissu qui maintenait les pans du kimono. Elle avait vu Ses mains frôler l'étoffe blanche, toucher sa peau nue… Elle devait arrêter de penser à lui ! Elle commençait à se perdre dans ce rêve stupide ! Elle enfilait à présent l'espèce de large pantalon, le hakama, sur ses courbes sveltes… elle aurait tant voulu caresser Ses courbes à la place de ce stupide bout de tissu ! Enfin Oscar noua l'ensemble sur sa taille mettant ainsi fin à ses viles pensées.

Pourquoi son esprit lui jouait il des tours ? Pourquoi son corps se tendait à la simple évocation de son nom, de son visage… Lui sourirait-il un jour ?